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Aziz Mirzoyev, second capitaine de l'Ocean Jasper.
Au delà du drame provoqué par le décès de M. Jobart, voici un autre aspect du naufrage tragique du Sokalique.
Le BEAmer a publié le 17/08/2007 un rapport sur cet accident.

 
Aziz Mirzoyev a été incarcéré à Brest le 3 mars 2016.

On peut lire sur Wikipedia, BEAmer et les journaux bretons Ouest-France et le Télégramme de Brest toute l'histoire du naufrage du Sokalique (dans la nuit du 16 au 17 août 2007), et bien sûr les différents évènements et jugements qui ont émaillé cette triste affaire.
M. JOBART patron du Sokalique (embarqué comme mécanicien pour des histoires de brevet était aussi co-armateur avec le mareyeur) a trouvé la mort lors du naufrage. Il y a eu manifestement fuite et non-assistance à personne en danger de la part de l'Ocean Jasper. Un livre, contesté par les survivants du Sokalique, est paru «Sokalique - Un capitaine courageux, une femme d'honneur» par René Monfort.
Mme Jobart épouse du patron, dans un juste courroux, a été très active pour obtenir un maximum de vérités sur les causes du naufrage. Les obsèques du patron à Plouescat le 22 août 2007 en présence de Nicolas Sarkozy et Maud Fontenoy ont donné à l'évènement un caractère particulièrement médiatique.
Nicolas Sarkozy a reçu Mme Jobart à l'Elysée et a obtenu que le procès et l'enquête restent en France et non au Kiribati (Tarawa port d'attache du navire) comme prévu par les accords de Montego Bay.
On ne peut dire que le procès et les comptes rendus dans la presse se soient passés dans le calme et la sérénité car le monde de la pêche comme celui des agriculteurs savent se servir des médias pour communiquer.
Dans la région, tout accident impliquant un pêcheur est très médiatisé, mais si on ajoute que le navire opposé est un navire sous pavillon de complaisance (où est le Kiribati ?) avec équipage azéri et turc, ajoutez un délit de fuite et …la messe est dite.
De plus l'armateur turc est venu en personne proposer à Madame Jobart une somme d'argent bien supérieure à la valeur du navire pour qu'elle retire sa plainte ! Il aurait voulu pouvoir récupérer son navire et régler le problème de la cargaison.

Rappel des circonstances de la collision
dD'après le BEAmer, Ocean Jasper – Sokalique et d'autres informations.

Dans la nuit du 16 au 17 août 2007, le caseyeur Sokalique (MX 317449) navigue à petite vitesse à environ 50 milles dans le Nord de l'île d'Ouessant, en attendant le lever du jour pour remonter les filières de casiers qu'il a mouillées la veille.
Le cargo Ocean Jasper, battant pavillon des îles Kiribati, a quitté Saint Petersbourg le 7 août à destination de la Turquie, fait route au Sud-Ouest vers le dispositif de séparation de trafic d'Ouessant.
Vers 03h00 le 17 août 2007, les deux navires entrent en collision. Le Sokalique coule rapidement. A l'exception du Patron /co-Armateur resté à bord pour donner l'alerte, les membres de l'équipage parviennent à prendre place dans un radeau de sauvetage et sont récupérés sains et saufs par un autre caseyeur.
Le corps du patron armateur sera retrouvé quelques heures plus tard par un navire de pêche.
Sur demande des autorités françaises transmise à son armateur, l'Ocean Jasper qui avait initialement poursuivi sa route, sans porter assistance au Sokalique, sera dirigé vers le port militaire de Brest, il y accoste le 18 août.

Le Sokalique (19.5 x 5.7 x 2.7 construction bois 1966) est un navire de pêche artisanale, armé à la pêche au large par un équipage de sept hommes.
Il pratique la pêche aux crustacés (crabes, tourteaux, homards…) à l'aide de casiers, sa zone de pêche habituelle va de l'entrée de la Manche aux îles anglo-normandes. Le port d'exploitation et de vente des captures est Roscoff.
Les caseyeurs de Roscoff travaillent en flottille de sept à huit navires, avec des marées de l'ordre de 10 jours. Lorsque les coefficients de marée dépassent 85, ils restent au port.
Les filières sont réparties au sein de deux quadrilatères de 6 à 7 milles de côté, distants de 8 milles qui sont surveillés la nuit par les caseyeurs, lesquels effectuent des allers et retours Est/Ouest de trois milles, pour éviter l'intrusion de chalutiers dans la zone. Ces mouvements durent de 40 à 50 minutes, suivant la direction et la vitesse du courant et se font à vitesse réduite, d'environ 6 nœuds. Bien que n'étant pas en pêche durant cette surveillance, les caseyeurs ont pour habitude de garder allumés leurs feux de pêche et un gyrophare orange censé les identifier (qui n'est pas autorisé), en plus de leurs feux de navigation réglementaires.
Le Sokalique ne possède pas d'AIS. Un projecteur halogène de 400 W éclaire l'arrière.
Le matelot de quart au moment de l'abordage est âgé de 31 ans et possède le certificat d'initiation nautique, obtenu le 09 novembre 2004.
Les quatre autres membres d'équipage sont des marins confirmés.

L'Ocean Jasper :

C'est un cargo (81 x 10 x 3.4 – constr.1978) qui appartenait à une société basée aux Îles Marshall et son armateur, Onurhan Denizcilik Ltd, est turc et a son siège à Istanbul. Il porte le pavillon de la République des îles Kiribati, port d'immatriculation Tarawa.

 
Le navire est utilisé pour le transport de marchandises diverses et fréquente surtout la Mer Noire et la Méditerranée, avec de temps à autre quelques voyages vers les ports de l'Europe du Nord.
Lors de l'accident, l'Ocean Jasper transportait une cargaison d'environ 2 000 tonnes de tôles d'acier, chargée à Saint-Pétersbourg à destination d'un port de Turquie.
Les enquêteurs du BEAmer ont constaté, lors de l'arrivée du navire à Brest que les marques de franc-bord étaient franchement noyées (alors qu'il avait déjà dix jours de mer et avait donc consommé du combustible) ; surcharge évaluée à plus de 200 tonnes. Il aurait même embarqué son eau douce sur rade de Saint-Pétersbourg pour ne pas s'enfoncer encore plus à quai.
Il est armé par un équipage de huit hommes. Le certificat fixant l'effectif minimal de sécurité a été émis par Kiribati (Kiribati Ship Registry) requiert un équipage de six personnes.
Le capitaine, âgé de 57 ans, possède un brevet de capitaine sans limitation, obtenu à Bakou en avril 2007, il exerce des commandements depuis 1992.
Le second capitaine, officiellement responsable du quart au moment de la collision, est âgé de 37 ans et possède le brevet de second capitaine «plus de 500».
Le quart en passerelle est organisé en bordées : capitaine 06h-12h et 18h-24h, second-capitaine 00h-06h et 12h-18h. Le matelot (en fait l'élève faisait le quart avec le second, est âgé de 27 ans). Il n'y a pas de matelot de quart pendant le quart du capitaine.
Compte tenu des diverses nationalités, la langue de travail à bord de l'Ocean Jasper est le turc.

EVENEMENT

Sokalique :
Entre 20h00 et 20h15, le patron règle les quarts pour la nuit sur l'ordinateur du bord et allume les feux : feux de route, de pêche, de pont, plus le gyrophare suivant la pratique locale. Selon la méthode habituelle de surveillance, le Sokalique navigue à vitesse réduite (entre 4 et 6 nœuds) en faisant des allers et retours de trois milles d'Est en Ouest.
Chaque homme effectue un quart d'une durée d'une heure et quinze minutes.
10 à 15 minutes après sa prise de quart, soit entre 02h40 et 02h50, le matelot entreprend de faire demi-tour sur la droite, ce qui lui prend 5 à 10 minutes. Il effectue sa manœuvre au tiller, car il a l'habitude de ne pas utiliser le pilote automatique.
Vers 03h00, les deux navires s'abordent (en fait, l'abordage a lieu entre 02h58 et 03h01. L'étrave du Sokalique heurte l'Ocean Jasper sur l'avant tribord. M. Jobart monté à la passerelle aussitôt après le choc, appelle un autre caseyeur, le Nymphéa, qui se trouve à proximité, pour lui signaler qu'il est en train de couler et demande assistance. Cet appel est fait en VHF sur la voie 8, voie navire. A 03h16, le Nymphéa appelle le CROSS Corsen pour signaler que le Sokalique est en train de couler et que l'équipage aurait évacué sur un radeau de sauvetage.
A 03h22, le CROSS Corsen est averti par le CROSS Gris-Nez de la réception de la radiobalise à 406 MHz, détectée et localisée par 49°15',2 N et 004°49',2 W.
A 04h30, l'équipage du Sokalique (sauf le patron) est recueilli sain et sauf par le Nymphea.

OCEAN JASPER :
(D'après l'enquête BEAmer ou expert judiciaire)

A 01h00, le second capitaine prend le quart assisté d'un matelot ; le navire est sur pilote automatique, les 2 radars sont en fonction, l'un sur l'échelle de 3 milles, l'autre sur 6 milles. La carte montre des points entre 21h05 et 02h30 suivant une route au 240.
A 03h10, selon les déclarations du second et du matelot aux enquêteurs un léger choc est ressenti sur l'avant tribord ; ces derniers indiquent n'avoir décelé aucun écho radar ni aperçu de feu de navire à proximité immédiate, dans les minutes qui ont précédé le choc.
Prévenu par le matelot, le commandant monte à la passerelle ; le second lui indique qu'ils ont dû heurter un navire non éclairé ; le commandant passe sur barre manuelle et vient à droite (sans réduire la vitesse) pour tenter de localiser l'autre navire à l'aide d'un projecteur.
N'ayant rien trouvé, il reprend sa route initiale. Les trajectographies du CROSS Corsen et les indications fournies par l'AIS font apparaître que l'Ocean Jasper a ensuite mis le cap au Sud-Sud-Est et réduit sa vitesse à 2,5 nœuds pendant quelques heures (en fait, il a été établi lors de l'enquête que ce changement de route a permis à l'équipage du cargo de procéder à une réparation provisoire du bordé à l'endroit de l'impact de l'étrave du Sokalique).

«Par conséquent, soit les deux hommes de quart de l'Ocean Jasper ne faisaient pas la veille (assoupissement, absence de la passerelle ou autre motif), soit ils n'ont pas dit la vérité (BEAmer)»

Conclusions du BEAmer :

Le défaut de veille à bord de l'Ocean Jasper constitue un facteur déterminant de l'abordage. Après la collision, l'Ocean Jasper ne s'arrête pas pour porter assistance. Ceci constitue un facteur aggravant des conséquences de l'accident.
Le défaut d'appréciation de la situation par le matelot du Sokalique est donc l'autre facteur déterminant.
Le CROSS Corsen n'a pu mettre en œuvre des moyens du fait du non-respect des procédures de détresse par l'armateur du Sokalique.

A Brest :

Le navire est retenu devant la base sous-marine. Les enquêtes : BEAmer, enquête par l'expert judiciaire le Cdt Smith commis par le tribunal de commerce de Brest, le procureur de Morlaix et la gendarmerie maritime, P&I …ont eu lieu.
L'équipage et le capitaine n'étant pas encore mis en examen ont le droit de sortir. Leur passeport et un passe leur donne la possibilité de sortir de l'arsenal pour se rendre en ville.
Quelques semaines plus tard (sept. 2007) on apprend que le capitaine (qui parait-il souffrait de dépression et de problèmes cardiaques), le second et le matelot (élève) ont rejoint leur pays.

Les procès :

Une enquête en Azerbaidjan a eu lieu…, le second capitaine a alors expliqué qu'il n'était pas à la passerelle, qu'il dormait au moment de l'accident, que l'élève assurait une partie du quart passerelle. D'ailleurs le capitaine lors de l'enquête disait bien ne pas dormir vraiment, qu'il veillait lui aussi…
Un mandat d'arrêt est émis en date du 17 mai 2011.
Le jugement suivant le procès du 22 janvier 2013 :
«Le tribunal correctionnel de Brest a condamné, le 22 janvier 2013, le commandant et le second de l'Ocean Jasper, Rafik Agaev et Aziz Mirzoyev, à respectivement 4 et 3 ans de prison ferme, pour avoir abordé et coulé le Sokalique, sans lui porter secours en 2007, à 60 milles au nord d'Ouessant.»
Un mandat d'arrêt international est émis le 22 janvier 2013
Les deux marins, azerbaïdjanais, étaient absents à l'audience. Ils ont été interdits à vie de commander un navire. L'armateur, Onurhan Denizcilik, a en revanche été relaxé.
La tenue de ce procès en France a été rendue possible par l'intervention du président de l'époque Nicolas Sarkozy auprès du Kiribati, état du pavillon de l'Ocean Jasper.
L'enquête nautique a été menée par la gendarmerie maritime et l'expert judiciaire, le commandant Smith.
La répartition des responsabilités fut 25% des torts au Sokalique et 75% à Ocean Jasper. Beaucoup d'entre nous connaissant le dossier imaginions 50/50.
L'Ocean Jasper pour causes de «pièce à conviction – non transfert de propriété» et surtout grâce aux indécisions maladives de notre administration a encombré les quais de la marine (dans la Penfeld puis à la base sous-marine) après le déchargement de sa cargaison qui a été transférée dans l'arsenal, bord à bord avec un navire gréé.
La Marine Nationale assurant un minimum de conservation en virant de temps à autre les moteurs et ventilant les aménagements, contrôlant les entrées d'eau.
Sous la pression de l'ENIM (qui espérait tirer une petite compensation), une mise en vente en 2017 ... ! a été un échec faute d'acheteur. Il a finalement été vendu aux recycleurs bretons pour (officiellement) la somme ridicule de 4 000 € - son poids lège : à peu près 700T - et devrait être «déconstruit» ces jours ci, à l'automne 2018.
 

Aziz Mirzoyev,le second capitaine (marié – 2 enfants) :

De 2007 à 2016 il navigue apparemment sans savoir qu'il est recherché. Mais en passant la frontière de Géorgie le 17 juillet 2016 pour embarquer, il est arrêté en raison du mandat d'arrêt international qu'il semblait ignorer et est emprisonné 7 mois et demi dans ce pays avant son transfert en France.
À son arrivée en France, le 3 mars 17, Aziz Mirzoyev s'est opposé, selon son droit, à sa condamnation prononcée en son absence.

Le deuxième procès :

Aziz Mirzoyev a comparu devant la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance (TGI) de Brest mardi 25 avril 2017. Il est donc rejugé pour homicide involontaire et omission de porter secours. Le délit de fuite n'a pas été retenu, le droit géorgien n'ayant pas d'équivalent. «Le marin azéri de 46 ans est rejugé à la suite de son extradition depuis la Géorgie en mars 2017. Condamné par défaut à trois ans de prison en 2013 pour délit de fuite, non-assistance à personne en danger et homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence, il a fait opposition à son premier jugement. Il est rejugé pour les mêmes chefs à l'exception du délit de fuite, en raison d'une réserve d'extradition. T.G.I.

«La justice française est méticuleuse et opiniâtre et ne lâche pas facilement prise. C'est une grande satisfaction pour la justice d'avoir intercepté Mirzoyev», s'est félicité Éric Mathais, procureur de la République de Brest à cette époque.
A.M. à son procès : « Je ne suis pas coupable, ce n'est pas moi qui prenais les décisions, je les exécutais. » Pour l'avocat de la défense, Ronan Appere, il s'agit de «sortir du registre de l'émotion», «s'en tenir aux faits», dictés par la dure réalité économique de la marine marchande internationale. «C'est le capitaine qui décide, et au-dessus de lui, l'armateur», tonne-t-il. Son client «n'était pas en capacité de décision». Il plaide la relaxe : «Il n'est pas un voyou !» Aziz Mirzoyev a toujours clamé son impuissance face à ses supérieurs. «Si j'avais été le capitaine, cela aurait été différent». Hier, il a présenté ses condoléances à la famille Jobard. «Je comprends votre douleur, mais je ne suis pas coupable, je suis un marin».

Contrairement à ses déclarations à Brest en 2007, le prévenu a nié mardi avoir été de quart au moment de l'accident. «J'ai alors parlé sous la pression du capitaine et de l'armateur, a-t-il affirmé. Je peux prêter serment sur le Coran, je n'étais pas sur la passerelle au moment de la collision».
«J'ai du mal à comprendre qu'il se dise marin. Chez nous il y a une solidarité entre les gens de mer, on porte secours», a martelé Yvette Jobard (assistée du célèbre Maître Collard et de son adjoint qui plaidait) avec émotion et «colère», sa vie «anéantie par le naufrage».


Le commandant de l'Ocean Jasper, Rafik Agaev, avait, lui, été condamné à quatre ans de prison en 2013. Il est toujours sous le coup d'un mandat d'arrêt. On n'a aucune nouvelle de lui. On le dit décédé ! Il avait bien eu une alerte cardiaque pendant son séjour à Brest.


Le jugement du 25 avril 2017 :

Mirzoyev est condamné à 3 ans de prison, sa peine ne peut être aménagée puisque n'ayant pas de résidence en France, et interdiction de commander un navire de commerce.
L'avocat est atterré par la dureté du jugement (un alcoolique récidiviste qui aurait écrasé un enfant n'aurait pas eu des peines supplémentaires). Il aurait espéré que A.M. fasse appel ce qui aurait pu permettre de revoir le jugement. A.M. ayant peur des délais de la justice et ne souhaitant qu'une chose : rentrer au plus vite chez lui, n'a pas fait appel et demandait sa libération conditionnelle. Il n'y a pas eu d'accord possible sur ce sujet avec l'Azerbaidjan. Son passeport ayant expiré en janvier 2018, A.M. s'est retrouvé sans papier, sans résidence et sans possibilité de travail, ce qui a rendu quasi impossible une libération conditionnelle.

Réflexions et questionnement sur le déroulé de l'enquête :

En fait, comme sur tous les navires qui manquent de personnel, Gazinov, l'élève payé comme matelot, était intégré dans le système de quart. C'était celui qui parlait le mieux l'anglais et qui connaissait le mieux les nouvelles règlementations (ISM) mais ce n'était bien sûr, pas officiel, et cela n'a pas été dit aux enquêteurs… l'accident est donc survenu pendant les heures règlementaires du quart du second capitaine rendu de ce fait responsable.

Dans cette affaire : au point de vue nautique, remarquons qu'à la barre du Sokalique il y avait un matelot pas très au courant de la manœuvre car il était incapable de répondre au procureur à la question : «saviez-vous débrayer ou stopper ?». Le Sokalique n'était pas en pêche bien qu'arborant des feux de pêche et même un gyrophare non règlementaire. Il a entamé un demi-tour sans s'assurer qu'il pouvait le faire.

Ocean Jasper : il y a un défaut de veille indiscutable : le capitaine ne s'est pas arrêté et n'a pas vraiment cherché à savoir. Pensant que si c'est un navire qui a ragué le long du bord, celui-ci en tort aurait fui !!!

Les appels de M. Jobart n'ont pas été émis sur canal 16 et n'ont donc pas été entendus par Ocean Jasper.
Etonnant qu'on ait procédé à l'autopsie du corps de M. Jobart (sans trouver aucune trace toxicologique) et qu'aucune analyse n'ait été faite sur les vivants impliqués sur les 2 navires, Pourquoi ?
Le second réveillé par le capitaine est monté à la passerelle, ce dernier lui a demandé d'aller inspecter la coque à tribord. Etant donné la stabilité du navire qui roulait bord sur bord, la visite était dangereuse d'autant que le franc-bord était très réduit. Finalement il a trouvé le trou dans le magasin avant et des bosses sur les batayoles. Cette ronde a duré un bon moment et pendant ce temps le capitaine a gouverné au sud puis a envoyé les mécaniciens boucher le trou.

Pourquoi le second n'a –t-il pas tout de suite dit qu'il n'était pas de quart ?
Son armateur, le commandant lui ont demandé car c'était officiellement ses heures. Il valait mieux que ce soit lui plutôt que le capitaine vis-à-vis des assurances ? Il avait une pression de la part de l'armateur qui voyait son navire bloqué parce que surchargé (des réparations et l'enfoncement de 20 cm. au-dessus des marques ! De plus on était passé en heure d'hiver, la surcharge avait augmenté). La décision d'effectif ne comportait que 2 officiers de quart (Cdt.et Scd. situation illégale et déjà interdite dans bon nombre de pays.

L'armateur n'a pas été condamné mais une caution du double de la valeur du navire pour les différentes parties civiles, ENIM, assureurs du Sokalique a été demandée.
Restaient tous les problèmes avec le propriétaire de la cargaison etc.
Ce qui est choquant c'est qu'habituellement, dans les jugements Brestois, le capitaine est toujours responsable (en particulier quand il y a pollution alors que bien souvent ce dernier n'est même pas au courant) et que dans le cas présent, c'est le second qui prend tout, alors que le capitaine est monté à la passerelle, n'a pas donné d'ordres pour manœuvrer, stopper, chercher la cause du choc et des avaries. Il a envoyé le second sur le pont et pendant ce temps n'a pas pris de mesures. Par la suite il a eu une attitude agressive envers les navires de la Marine nationale qui l'escortaient. Ce n'est quand même pas le second qui prend ces décisions. On reproche à A.M. de ne pas s'être opposé aux ordres illégaux du capitaine.

La maison d'arrêt :

Voilà Aziz en prison à Brest. Maison d'arrêt pour les courtes peines. Moins dure que la prison en Géorgie. En étant un prisonnier modèle il aura vu sa peine de 3 ans ramenée à 18 mois et les 7 mois de prison géorgienne, (soit 25 mois au total). Il pourra bénéficier du système «respecto» existant dans quelques prisons françaises qui consiste à donner la clef de la cellule au prisonnier lui permettant de vaquer dans une partie de la prison, bibliothèque, salle de gym, promenade, atelier.
Après 6 mois d'attente, il pourra travailler dans l'enceinte de la prison et gagner un peu d'argent pour téléphoner chez lui, acheter ses cigarettes et regarder la TV.

L'apprentissage du français est bien difficile quand on parle turc, russe, azéri, des langues si différentes du français, malgré les cours à la maison d'arrêt et les échanges avec quelques détenus. Il oubliera un peu son anglais.

Dans sa prison il aura la visite d'une visiteuse de prison qui sera émue par la peine de ce marin. Outre la recherche de livres en russe à la médiathèque (A.M. est un grand lecteur), elle lui rendra visite, le soutiendra moralement.

Moi-même, ému par cette injustice, avec un collègue de l'AFCAN, nous lui avons rendu plusieurs fois visites, j'ai découvert ce monde particulier de la prison : Il y a les gardiens, les parloirs, les clefs des portes qui s'ouvrent et se referment derrière vous, les familles qui viennent aux parloirs.

Le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) comprend des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP) … Certains sont extrêmement «humains» et dans la limite de leur temps et des possibilités, recherchent des solutions pour que l'incarcération ne soit pas destructrice. Le CPIP est en relation avec le JAP, juge d'application des peines, surchargé de travail qui semble ne pas disposer de beaucoup de temps.

Des bénévoles comme les visiteurs de prison qui donnent de leur temps pour que le condamné ait une petite fenêtre sur le monde extérieur et des bénévoles qui viennent pour instruire en informatique, dessiner et autres.

Car comme le dit si bien l'avocat Dupont Moretti lors du procès de Cahuzac : «A quoi sert la prison ? A la réinsertion et à la protection de la société».
Pour A.M, ce n'était pas nécessaire. D'autant que pendant son incarcération, sa famille subissait la double peine car elle était sans mari et sans père, sans ressource et sans soin.
En fin de peine, il a eu droit à quelques sorties chez sa visiteuse, il aura pu faire dans le cadre de la prison 2 fois de l'aviron !
Comme il est étranger et n'a pas de domicile en France et surtout n'a plus de papiers il est difficile de lui trouver un hébergement pendant sa période libérable conditionnelle. Nous avons recherché des solutions : Don Bosco, Emergence, la Halte, Emmaüs, ITF, Seamen's ClubB, la Touline pour un embarquement à la pêche, l'imam de la mosquée…
Finalement c'est Emmaüs seul qui pourra accueillir Aziz pour ses derniers jours sur le territoire français sur autorisation du JAP et ce avec beaucoup de gentillesse et d'efficacité, l'aidant aussi dans ses démarches. Il sera libéré le 4 juillet 2018 sur le sol français, étranger sans papier.
Son avocat contacté aura beau écrire une lettre au procureur, au préfet et à l'administration pénitentiaire pour demander de s'occuper du rapatriement et surtout de l'aide pour la mise à jour de son passeport périmé depuis mars 2018. Il n'aura pas de réponse.
Avec difficulté un rendez-vous est pris à l'ambassade d'Azrbaidjan à Paris et le 5 juillet après un voyage en bus vers PARIS il obtiendra le renouvellement de son passeport. Son beau-frère lui envoie un billet d'avion pour Bakou via Prague. Mais il se fait refouler à l'embarquement et perd son billet car sur son passeport : il n'est jamais entré dans l'espace Schengen !
Finalement la police aux frontières l'aidera à quitter la France avec un vol via Istambul, il y perdra ses maigres économies et arrivera à Bakou sans sa valise.

Cdt J. Loiseau,
membre de l'AFCAN
Août 2018

Ocean Jasper partant à la casse


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