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Lettre à Monsieur André TRILLARD, Sénateur,
Palais du Luxembourg
15 Rue de Vaugirard
75291 PARIS Cedex 06
Sévérac, le 8 décembre 2003
Objet: Registre International Français RIF
Monsieur le Sénateur,
La Représentation Nationale s'apprête à voter un texte de Loi créant
un Registre International Français (RIF) afin de faciliter le retour sous Pavillon français des navires
de commerce qui, sous des prétextes divers, battent maintenant pavillons de libre immatriculation
communément appelés pavillons de complaisance ou encore pavillons économiques.
En tant qu'Officier de la Marine Marchande, maintenant en retraite,
j'aurais applaudi à une telle mesure si, avec ce nouveau registre sous pavillon national, il n'était pas
prévu l'embarquement obligatoire que de deux français à bord : le Commandant et son " suppléant "
réglementairement appelé le second Capitaine, avec quand même une obligation complémentaire pour les
Armateurs qui adopteraient le régime fiscal GIE, l'embarquement supplémentaires de trois français : un
Officier, un membre de la maistrance et un élève.
Quand, en 1981, a été créé le registre des Kerguelen, il s'agissait
d'une mesure destinée, d'une part, à aider les armateurs à lutter face aux pavillons économiques en
permettant l'embarquement à bord des navires français de marins étrangers provenant essentiellement de
pays en voie de développement, d'autre part à protéger l'emploi des marins en imposant à bord 35 % de
citoyens français. A l'époque, environ 750 navires battaient pavillon national. Cela a limité les dégâts
mais n'a pas empêché le déclin de la flotte marchande française sous pavillon national, non comme on le
prétend ici ou là, à cause du surcoût des marins français restants, mais surtout du à la crise mondiale
des transports maritimes. Déjà, Monsieur Jean-Claude GAYSSOT, le Ministre des Transports du gouvernement
précédent, envisageait de transformer le quota de 35 % de français par navire en 35 % par compagnie,
avec modulation selon les types de navires et de trafics, avec l'obligation entre autres d'un minimum
de deux français à bord : le Commandant et un Officier.
Les extraits du projet de Loi, parus dans un hebdomadaire, laissent
craindre le pire si le RIF est adopté. Véritable régression sociale, des salaires scandaleusement bas
(ceux du BIT), avec à terme la disparition quasi-programmée de 400 ans de savoir-faire maritime français,
avec en corollaire, la fermeture des Ecoles Nationales de la Marine Marchande, la disparition des
Affaires maritimes et du régime social des marins de commerce (le plus ancien en France si ce n'est dans
le Monde, créé par Colbert en 1681) et la perte de la maîtrise de nos transports maritimes et tout cela
soit disant au nom de "la sécurité, de "la lutte anti-pollution" et de "la protection du Pavillon
français". On croit rêver.
Mais ce qui me parait le plus grave, c'est qu'un sénateur vendéen,
soutenu par des parlementaires bretons, ait pu proposer ce genre de texte, portant préjudice aux
intérêts maritimes de la France et surtout consacrant l'élimination d'une catégorie de français en les
rendant tacitement responsables du déclin de la flotte marchande, mais en leur agitant sous le nez une
petite " carotte " fiscale compensatoire : la possibilité d'être exonéré d'impôts !!
Je ne tiens pas rigueur aux Armateurs de chercher à exploiter leurs
navires au moindre coût. Avec ce texte, s'il est adopté, ils vont voir se réaliser ce dont ils rêvent
depuis plus de cinquante ans : armer leurs navires sous pavillon français, en leur permettant de
s'affranchir des règles sociales, d'embarquer des équipages étrangers au moindre coût, de faire
construire sans contrainte leurs navires à l'étranger avec des règles fiscales les plus avantageuses
possibles. Et ce rêve va se réaliser avec l'aide de la Représentation Nationale. Je n'ai pas voté pour
la majorité actuelle, qui a suscité beaucoup d'espoir dans le Monde maritime, pour voir éliminer ce à
quoi j'ai consacré ma vie, un patrimoine que mes ancêtres m'ont légué et que j'ai servi. Où ira-t-on
chercher les Pilotes de port dont a besoin, les Inspecteurs compétents de la sécurité maritime, les
experts maritimes capables les cadres des compagnies de navigation au fait du transport maritime
international, sans parler des Officiers de réserve indispensables pour armer en temps de crise les
bâtiments de la Marine Nationale ? Il y avait d'autres moyens pour tenter de faire revenir sous pavillon
français les navires qui avaient émigré sous d'autres cieux plus "exotiques", à commencer par encourager
les Armateurs capables et en aidant ceux qui font preuve de dynamisme dans le passé, en leur permettant
de conserver des équipages français et non en éliminant pratiquement les marins français des navires
battant pavillon tricolore. Monsieur de Richemont et Monsieur de Rohan ont-ils bien mesuré la portée
du texte qu'ils ont proposé ? J'en doute fort.
Je vous prie de croire, Monsieur le Sénateur, en ma parfaite considération.
Jean P. LE COZ,
Capitaine au Long-Cours
Capitaine de Frégate (h)
Ker Paul
27, Le Fozo
44530 SEVERAC
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