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GARDE-COTE EUROPEENNE : COMMENTAIRE SUR L'EDITORIAL DE LA REVUE MARITIME
ET REPONSE DU PRESIDENT DE L'INSTITUT FRANCAIS DE LA MER
Le 27 juin 2005
Monsieur le Président,
Dans le numéro de juin 2005 de la Revue Maritime, j'ai pris connaissance de votre éditorial avec
beaucoup d'intérêt. Ceux qui pratiquent et aiment les métiers de la mer se reconnaissent
immédiatement.
J'ai toutefois différé la réponse à votre demande de commentaire exprimée lors du dîner débat de
l'IFM à Toulon le 21 avril dernier, en raison du référendum sur la constitution Européenne, point
d'appui indispensable à la création d'une Garde-Côte Européenne.
Le début de votre éditorial met en évidence un profond changement d'attitude de la part des instances
politiques au sujet de cette Garde-Côte. Nous sommes passés en peu de temps du « déraisonnable »
exprimé avec une certaine condescendance, à « comment se fait-il que l'étude ne soit pas déjà
faite ! ». Voilà une constatation réjouissante pour l'AFCAN, qui ne parlera plus dans le désert, même
s'il reste à l'évidence beaucoup de chemin à parcourir pour arriver à cette création qu'elle estime
urgente et indispensable à la sécurité en mer.
Au nom de mes collègues de l'AFCAN, je souhaite attirer votre attention sur les points suivants :
- Principe de la conception d'une garde-côte européenne :
Les aléas de la ratification de la constitution européenne montrent à l'évidence que la
construction d'une garde-côte Européenne sera une tâche ardue, en raison des transferts de
souveraineté que cela implique. Et encore faut-il en FRANCE davantage redouter les
blocages administratifs que les blocages populaires.
Reste la méthode du salami, chère aux révolutionnaires Russes des années 1900 : Par
touches progressives, construire des éléments harmonisés dans chaque pays de la
communauté, et les interconnecter de la même manière que pour l'espace Schengen, pour
s'apercevoir un beau jour, ô divine surprise, qu'il ne manque plus qu'une série de signatures
pour assembler légalement des éléments qui fonctionnent déjà parfaitement tous ensemble.
- Quel schéma utiliser ?
Comme vous l'avez écrit, l'appellation küstenwache en Allemagne, recouvre plusieurs
administrations différentes. Une harmonisation bien menée permettra de coordonner au
niveau européen un nombre important d'éléments constitutifs préexistants d'une garde-côte.
L'accord de Bonn est un bel exemple de voie à suivre.
Mais il est indispensable de commencer par définir non seulement la zone de compétence,
(zone des 200 milles, zones à risques), mais aussi le budget, point essentiel mais pomme de
discorde et source de blocages lourds de conséquences si l'on extrapole l'actualité
Européenne récente.
L'éventail des missions devra être précis, afin de minimiser les conflits avec les
gouvernements et leurs administrations. En plus des compétences telles que le sauvetage, le
contrôle de la sécurité des navires et l'intervention après pollution, il ne faudra pas oublier la
surveillance des pêches, le contrôle douanier en mer et le contrôle de l'immigration
clandestine.
- Moyens d'action
Sur le plan technique, la mise en commun des moyens nautiques et aériens existants suffirait
pour constituer le noyau de cette garde-côte européenne. Encore faut-il pouvoir la rendre
efficace. Cela passe, comme vous l'avez souligné, par l'harmonisation du droit. Il faudra être
particulièrement vigilant pour éviter les débordements légaux et juridiques que vous
connaissez : criminalisation des rejets accidentels, non-respect des critères de preuves,
amendes irréalistes. Mais il faut en plus prévoir un organisme de contrôle, afin d'éviter les
dérapages ou emballements que l'on constate hélas souvent avec les USCG dont le code
prévoit qu'en plus de toutes les règles écrites, une commission d'arraisonnement peut édicter
de son propre chef toute mesure supplémentaire qu'elle juge de nature à améliorer la sécurité.
- Précisions :
Je ne peux résister au plaisir de reprendre à titre personnel deux points mineurs de votre
éditorial, car il faut bien que la contradiction existe :
- L'autonomie des vecteurs aéronautiques de surveillance doit être définie en termes
de durée de patrouille sur zone et non de rayon d'action.
- La protection des points sensibles tels que ceux situés dans la rade de Brest relève
exclusivement du domaine des unités militaires concernées. La définition de cette
protection part de la connaissance d'éléments militaires dont la divulgation détruirait
une bonne partie de leur valeur.
Pour conclure, l'intérêt du référendum sur la constitution européenne en ce qui concerne la création
d'un corps de Garde-Côte européen, réside dans le fait maintenant avéré qu'une construction
européenne impliquant des transferts de souveraineté ne peut se faire que sur la base d'éléments
simples, ne permettant pas la confusion des genres. Un ancien président de l'assemblée nationale a
déclaré à ce sujet : je ne signe pas un contrat que je ne comprends pas… Alors, la promotion d'une
garde-côte européenne est indispensable sur une base commune à tous les pays membres, et avec le
minimum d'éléments. Il sera bien temps de revoir les détails une fois l'affaire faite.
Espérant avoir répondu à votre attente, veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma
parfaite considération.
Cdt F.X. PIZON
A L'ATTENTION DE MM J.LOISEAU ET F.X. PIZON :
Bonsoir messieurs,
Objet: Vos commentaires sur mon éditorial de la RM ( n°472) sur la garde-côte européenne
Merci beaucoup de vos lettres datées du 23 et du 27 juin.
Je reviens - dans un esprit ouvert et constructif - sur votre courrier du 27 concernant une éventuelle garde - côte européenne. Ceci
sans changer finalement, après réflexion et lecture de votre lettre, la substance et l'orientation de mon éditorial de la "Revue
Maritime" sur ce sujet, ou de ce que j'ai pu dire lors de notre réunion de Toulon. Je pense que vous le comprendrez !
- Je pense effectivement que l'étude demandée est une bonne chose, car elle permettra probablement à tous les hommes de bonne
foi de parler d'une même voix...en plus de faire la part des bons et mauvais arguments, des vrais et faux obstacles.
- Oui, en France nous pouvons compter sur l'opinion publique et - en matière de sécurité maritime - redouter plus les blocages
administratifs que les blocages populaires !
- Oui, les difficultés budgétaires seront un obstacle de toutes façons, et quelle(s) que soit/soient la ou les solutions
retenues. Sur ce plan on peut redouter la présidence britannique ( puis quelques attitudes négatives de différents pays) tout en
comptant - je l'espère - sur la fermeté française dont j'ai le devoir de témoigner qu'elle ne se dément plus depuis quelques
années en matière de contribution aux financements européens de la sécurité maritime.
- Tout à fait d'accord sur vos observations concernant les "moyens d'action", ainsi que sur le paragraphe "précisions".
- Je trouve que votre conclusion, quoique volontariste dans son esprit ( ce qui me plaît ! ), pêche par excès d'optimisme.
Peut-être est-ce là notre principale différence. En effet je suis convaincu que c'est en reconnaissant d'abord, puis en affrontant
les objections et difficultés, que l'on progressera, et non en "faisant l'impasse "... Il ne faut en effet pas laisser de
"boulevard" à ceux - politiques et professionnels - qui, quelles que soient leurs raisons, sont contre le concept et seront trop
heureux de saisir toutes opportunités de démontrer l'irréalisme de nos positions et de bloquer le processus .
Nous sommes à l'aube d'une longue marche !
Bien amicalement et sincèrement
Francis Vallat
Président de l'Institut Français de la Mer
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