Tel est du moins le souhait du Secrétaire Général de la Fédération
Internationale des Associations de Capitaines de Navires (IFSMA). C'est en ces
termes en effet que le commandant britannique Rodger Mc Donald s'est
exprimé le 17 Juin dernier à Mariehamn (Finlande), commentant le plaidoyer
présenté par le Commandant Michel Bougeard de l'AFCAN, lors de la 31
ème
assemblée générale annuelle de la fédération.
Pour lui il n'y a pas d'autres choix et c'est le bon sens le plus élémentaire qui le
commande. Surtout pas Bruxelles, insista-t-il ! On connaît le phénomène de
rejet voire la crise d'urticaire que provoque le nom de la capitale Belge chez les
sujets Britanniques !
Le parterre des 35 capitaines assistant à cette assemblée, représentant une
vingtaine de nationalités différentes étaient unanimement intéressés par ce
projet d'European Coast Guard, approuvant aussi lors de la discussion qui
suivit le choix de Brest comme QG de ce nouveau corps spécialisé.
Il est à déplorer que ce même bon sens n'ait pas prévalu lors du choix du port
abritant le siège de l'Agence Européenne de Sécurité Maritime (EMSA), ce fut
Lisbonne. Il eut été préférable qu'elle s'installât elle aussi à Brest. La Garde
Côte Européenne devenant le bras armé de l'Agence de Sécurité. Mais les
Marins ne furent pas consultés dans cette affaire, une fois de plus ! Ce fut un
choix politique.
Brest est un grand port moderne, offrant toutes facilités d'accès par air, terre
et mer. Brest est de plus, atout non négligeable, au coeur de la zone
Européenne la plus exposée aux dangers qui viennent de l'océan : un trafic
maritime intense doublant Ouessant, une côte inhospitalière en hiver quand les
trains de dépression se succèdent à grande vitesse sur le rail d'Ouessant.
Cette unanimité des Capitaines Européens et mondiaux pour une Garde Côtière
Européenne est de bon augure pour la décision que prendra en la matière la
Commission Européenne chargée par le Parlement de Strasbourg de faire une
étude de faisabilité formelle sur la création d'une Garde-Côtes Européenne.
Cette Commission rendra sa copie vers la fin 2006. Une lueur d'espoir enfin
après 20 années de demandes constantes et hélas vaines de la part des
Capitaines de l'Association Française des Capitaines de Navires. Seront-ils
entendus cette fois-ci ? C'est maintenant ou jamais !
Il y a urgence car tous les clignotants sont au rouge en matière de Sûreté et
Sécurité du Transport Maritime :
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Le plus préoccupant est le facteur fatigue, qui
prédomine chez des équipages en sous-nombre et trop souvent sous-qualifiés: 15
à 16 officiers et marins sur un navire de 340 mètres de long lancé à 25 noeuds, 5
à 6 seulement sur un caboteur ! Des escales nombreuses et fatigantes, de la
paperasse à n'en plus finir, des codes à gérer ISM, ISPS, une maintenance
minimum de l'appareil propulsif à assurer etc...
Et le plus dangereux, le quart
de nuit en solo à la passerelle, pourtant strictement interdit par les règlements
internationaux ! Conséquence du quart seul : l'officier s'endort et le navire
s'échoue ou entre en collision avec un autre navire ! Les exemples sont de plus
en plus nombreux :"Kini Kersten" sur une plage au pied du CROSS Jobourg,
"Melbridge Bilbao" traversant l'archipel de Molène pour s'échouer sur un
banc de sable, à quelques encablures du CROSS Corsen, sans oublier le cargo
turc "Kaptan Aslan Fatoglu" allant cogner la falaise au pied du phare de la
Pointe du Millier en baie de Douarnenez, pour ne parler que des récentes
fortunes de mer le long de notre littoral.
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C'est pire ailleurs semble-t-il ! On cite
souvent la mésaventure survenue à un pilote Britannique embarquant sur un
navire qui ne répondait pas de nuit à ses nombreux appels radio à l'approche de
Shoreham. Quelle fut sa stupéfaction en montant à bord, de découvrir le
Commandant endormi sur son siège, le pilote automatique enclenché !..
A la pêche c'est souvent la même chose, le marin pêcheur victime d'un travail
harassant peut s'assoupir à la barre. La Plaisance non plus n'est pas épargnée :
les courses en solitaire ne sont pas synonymes de repos et de veille
assidue !..Francis Joyon, Tour-du-Mondiste émérite, héros de l'Atlantique en
juillet dernier, ne s'est-il pas fracassé exténué sur les roches de la pointe de
Penmarch en pleine nuit au pied du Sémaphore ?..
Faut-il attendre qu'un super tanker vienne encore s'éventrer sur nos côtes pour
réagir ?
Les Sénateurs l'ont bien compris et ont publié en juin dernier un rapport
d'information sur l'action de l'État en Mer, faisant un état des lieux du dispositif
existant en France qui, on le savait, manque de moyens et qui mérite d'être
renforcé. Ce rapport conclut qu'une Garde Côtes Française, modèle Nord
Américain, serait hors de prix. L'AFCAN l'a toujours dit en préconisant une
Garde Côtes Européenne.
Ce nouveau corps spécialisé armé par du personnel expérimenté et doté de
matériels performants serait bien plus efficace et, cerise sur le gâteau,
reviendrait bien moins cher à nos finances puisque dans ce cas, les 25 États
membres de l'Union Européenne (et pourquoi pas la Suisse en plus) cotiseraient
pour une meilleure Sécurité et Sûreté du Transport Maritime de la Baltique à la
Mer Noire ! Rappelons que 95% des 150 navires qui doublent Ouessant en
moyenne journellement n'escalent pas dans un port Français ! Est-ce à la
France de payer à grands frais un dispositif de protection de ses côtes les plus
exposées ?
Hors de l'Europe point de salut. Ne laissons pas les lobbies corporatistes
anti-coast guard faire leur travail de sape. Ils n'ont rien compris une fois encore
à la menace qui pèse sur les océans. Faisons l'Europe, une meilleure Europe,
démontrant ainsi sa réelle unité dans les domaines si importants de la
sécurité et de la protection de notre environnement.
AFCAN, Septembre 2005