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AUDITION DU 6 SEPTEMBRE 2007
sur le projet de loi relatif à la nationalité des équipages
devant la Commission des Affaires Économiques du Sénat



  1. Les conséquences prévisibles de ce projet de loi


    1. sur l’emploi et la formation

    2. La loi de 2005 instituant le RIF (registre international français) réservait le poste de capitaine et de son suppléant à des nationaux (article 5). L’article 6 était directement lié au précédent, en prévoyant la promotion d’une filière nationale de formation maritime, dont le but final était bel et bien la formation de capitaines français. Le sénateur De Richemont, promoteur de la loi, s’était engagé à préserver ces postes et cette filière. La disparition de cette obligation risque d’entraîner la disparition de toute la filière, et avec elle de toute une culture et tradition maritime chère à notre pays.

    3. sur la qualité du recrutement

    4. De plus en plus de jeunes se détournent du métier compte tenu du poids des responsabilités et de la « criminalisation » du capitaine, en particulier pour tout ce qui concerne les affaires de pollution. Ce projet de loi ne va pas dans le sens d’une revalorisation de ce métier à hauts risques.

    5. sur les conditions de l’exercice de la fonction de Capitaine

    6. Alors que les responsabilités du Capitaine de Navire sont de plus en plus lourdes, que ce soit en terme de préservation de l’environnement, de sécurité du travail, de sûreté, le chapitre II du projet de loi diminue ses prérogatives, allant ainsi à l’encontre de la philosophie du code international ISPS qui insiste quant à lui sur la nécessité de conforter voire de renforcer l’autorité du capitaine.
      L’obligation pour le capitaine d’exercer un certain nombre de prérogatives sous le contrôle du procureur de la république ne va pas être aisé à respecter. Qui appelle-t-on à 02H00 du matin lorsqu’il faut consigner un individu menaçant la sécurité du navire ou des autres passagers ? Que fait le capitaine d’un navire au milieu du Pacifique si le procureur de la république n’est pas d’accord sur les mesures à prendre ?
      De par son statut le capitaine rempli également un rôle essentiel dans la lutte contre la clandestinité et l’immigration illégale. Il est habilité à effectuer des contrôles d’identité. Cela sera-t-il toujours le cas ?


  2. Les arguments pour conserver la clause de nationalité du capitaine


    1. Elle n’est pas en contradiction avec les règles européennes.

    2. A la lecture de l’exposé des motifs, il apparaît que ce texte trouve son origine dans la volonté de répondre à la saisine de la Cour de Justice des Communautés Européennes par la Commission Européenne d’un recours en manquement contre la France, qui ne respecterait pas l’article 39 du traité CE.
      Or cette saisine est basée sur des jurisprudences dont les interprétations sont loin de faire l’unanimité des juristes.
      Le professeur BONASSIES en particulier estime que les arrêts ANAVE et ANKER du 30 septembre 2003 laissent une marge d’appréciation au juge éventuellement saisi. Par ces arrêts la cour n’a pas rejeté le principe de la clause de nationalité en soi, mais elle a seulement subordonné cette clause à la condition que l’exercice du pouvoir de puissance publique ne représente pas une part très réduite des activités du Capitaine.
      L’arrêt de la cour de cassation du 23 juin 2004 concerne quant à elle un navire de pêche pratiquant son activité sans quitter les eaux européennes.
      Or sur un navire à passagers ou un navire au long cours, le capitaine exerce effectivement de manière permanente son rôle de représentant de la puissance publique, avec notamment le maintien de l’ordre à bord, pendant toute la durée du voyage. A cela s’ajoutent désormais ses responsabilités en terme de sûreté. On peut dire sans aucun doute que sur ces navires, l’exercice du pouvoir de puissance publique représente une grande partie du travail du capitaine.

    3. Elle permet de respecter les conventions internationales

    4. Le capitaine est responsable à bord de l’application des diverses conventions internationales, en particulier celles qui concernent la sécurité du navire, la préservation de l’environnement, et enfin la sûreté (code ISPS).
      La convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer du 10 décembre 1982 (convention de Montego Bay) indique dans son article 91 qu’il doit « exister un lien substantiel entre l’État et le navire ».
      Chaque état est libre de définir ce que peut être ce lien. La France peut décider des qualités que doit remplir le capitaine, en particulier l’obligation d’être de nationalité française, afin de garantir le respect de sa législation nationale à bord de ses navires.


  3. Conclusion


  4. Pour éviter d’être poursuivie devant la cour de justice européenne, la France a entrepris de modifier sa juridiction, avec des conséquences qui risquent d’être très négatives. Il serait simple de modifier le seul code du travail maritime en rajoutant au critère de nationalité du capitaine la condition édictée par Bruxelles : « sous réserve que ses activités comprennent une part substantielle d’exercice des prérogatives de la puissance publique ».

    Nous espérons qu’il n’est pas trop tard pour cela.
Cdt Th. Caudal


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