Retour au menu
Retour au menu
Gestion des déchets huileux à bord des navires
Mise à jour de septembre 2006


Notre collègue, le commandant LE CALVEZ, a présenté un exposé aux élèves observateurs aériens en stage de formation au CEDRE, afin d'expliquer la création des effluents huileux à bord des navires, les moyens et les règles de traitement et de stockage de ces produits.
Cet exposé a aussi été présenté lors du séminaire sur la lutte contre les pollutions maritimes par les navires (AGIS) organisé à Brest par la Gendarmerie Maritime pour les juristes, policiers, douaniers, et gendarmes européens.



       L'une des principales sources de pollution opérationnelle de l'environnement maritime par les navires est attribuée à ce jour aux machines de propulsion, et s'applique à tous les types de navires, car tous utilisateurs de carburant fuel. Elle était occultée dans le passé par les rejets des navires de transport de produits pétroliers, et surtout les gros pétroliers, qui étaient amenés à manipuler dans les mêmes citernes, et par les mêmes tuyaux, alternativement eau de mer et pétrole, ceci pour permettre la gestion de ballast eau de mer dans l'espace cargaison durant les voyages navire lège, le bon état de navigabilité avec hélice de propulsion correctement immergée.

       Cette pratique n'est plus d'actualité, ces navires ont été mis au rebut depuis le début des années 2000, voire convertis en stockage flottant de champs pétroliers off-shore.


TRANCHE MACHINE : LE MOTEUR DE PROPULSION.

         Les moteurs de propulsion des navires utilisent comme carburant un produit de fin de distillation de pétrole brut, inutilisable directement. Ce combustible nécessite une purification par centrifugation, afin d'éliminer l'eau et les particules abrasives constituées de métaux lourds (vanadium, nickel), de sédiments et autres. Cette opération, à charge du navire, génère environ 1% de résidus qu'il faut, soit débarquer périodiquement, soit incinérer au fur et à mesure, mais surtout de ne pas déverser par dessus bord. L'alternative logique de rendre plus simple la vie du pauvre marin, serait d'effectuer cette opération industriellement à terre, dès la sortie de raffinage. Mais malheureusement, ce résidu généré a une valeur marchande dans certains pays d'Afrique sud-saharienne et en Chine. Il intéresse très peu nos pays développés, qui préfèrent déléguer aux navires la gestion de cette marchandise indésirables.

Quelques chiffres pour situer l'ordre de grandeur de la consommation des navires :

Type de navire Puissance moteur Vitesse Consommation journalière Résidus   générés  
 Cargo 20 000 t 7 500 ch  12 nds 20 tonnes/jour   0,25 m3/j 
 Gazier 35 000 m3 10 000 ch  17 nds 35 tonnes/jour   0,4 m3/j 
 Pétrolier 300 000 t 30 000 ch  15 nds 95 tonnes/jour   1 m3/j 
 Gros porte-conteneur 50 000 ch  25 nds 180 tonnes/jour   2m3/j 

       Voici le moteur B&W 7 cylindres en ligne d'un pétrolier de 300 000 tonnes, au banc de construction et d'essai dans un chantier naval au Japon, et dont les caractéristiques sont les suivantes :
Puissance nominale : 30 000 ch à 82 tours par minute.
Dimensions : Largeur 9.50 m, Longueur 14 m, Hauteur 17 m, poids 996 t
Charge d'huile de lubrification : 30m3.
La consommation moyenne d'exploitation est 90 à 100 tonnes par jour à 76 tours-minute, soit à environ 25 000 ch, et inclut la consommation des groupes électrogènes.

       Ce type de moteur plus économique a remplacé les installations à turbines de nos anciens pétroliers des années 70, moins exigeantes sur la qualité du combustible simplement brûlé pour fournir de la vapeur, mais à consommation de 120t-jour en conditions identiques

LE COMBUSTIBLE.

      Pour être utilisé, le carburant embarqué doit être conforme aux spécifications constructeur, de type 380 centistokes et de grade RMG35 comme spécifié dans le rapport ci-après.
      Durant l'opération de soutage, le fuel est échantillonné en continu, et un prélèvement expédié pour analyse pour principalement connaître les paramètres d'injection.

Voici un exemple concret de rapport d'analyse:

A noter 0,2 % d'eau, la densité 0,963, des métaux, du soufre,...et la température d'injection au moteur 131° C.

  Fuel Sample   Nom du navire 
  VLC Log No.   F040850119 
  Date   08/02/04 
  Bunk. Port and Date   SINGAPORE - 07/25/04 
  Place and Date Sent   SINGA - 07/29/04 
  Supplier   SINGAPORE PETROLEUM 
  Date Received at VLC   08/02/04 
  Sample Type per Customer   IFO 380 
  Grade   RMG35 
  Tamper Proof   0216963 : Sealed 
  Customer furnished data:   Density 963,5 kg/m3 
  Quantity 3000 M. Tons 
SPECIFIED PARAMETERS FOR RMG35
  Density @ 15 deg C   963,2 kg/m3    (991,0 Max) 
  API Grade   15,32  ( 11,20 Min) 
  Viscosity @ 50 deg C   298,50 cSt   (380,00 Max) 
  Viscosity @ 100 deg C    30,9 cSt  ( 35,0 Max) 
  Upper Pour Point   19 deg C  ( 30 Max) 
  Carbon Residue   8.89 % wt.  (18,00 Max) 
  Ash   0,013 % wt.  ( 0,150 Max) 
  Water   0,20 % vol. ( 1,00 Max) 
  Sulfur   3,57 % wt.  ( 5,00 Max) 
  Sediment   0,01 % wt.  ( 0,10 Max) 
  vanadium   27 wt. ppm  ( 300 Max) 
  Al + Si   3 ppm  ( 80 Max) 
  Flash Point   > 65 deg C  ( 60 Min) 
ADDITIONAL PARAMETERS
  Si 2 ppm 
  Al < 1 ppm 
  Na 15 ppm 
  Ca 11 ppm 
  Fe 2 ppm 
  Pb < 1 ppm 
  Ni 6 ppm 
  P < 1 ppm 
  Zn < 1 ppm 
  CCAI 827 
  Calorific value  40,43 MJ/kg 
  Minimum Transfer
  Temperature
39 deg C 
  Injection Temperature
  (For 13 cSt Viscosity)
131 deg C 
  Engine Friendliness N°
  (EFN: 1-100)
70 
GRADE CONFORMANCE
The fuel sample tested conforms to grade RMG35.
Temperature for injection viscosity 10 is 143° C.
Temperature for injection viscosity 15 is 125° C.

POUR POINT
Observation:
Heat and store this fuel at 10°C above the measured pour point temperature.

PERCENTAGE WATER
Observation: Presence of water noted.
Ensure water removal through settling and purification.

SULFUR
Observation: This fuel has high sulfur.
High Sulfur can cause low temperature corrosion in combustion gas passages.
Avoid temperature below dew point.
Achieve this by maintaining higher temperatures and preventing moisture accumulation in scavenge spaces by keeping drains open. Avoid running engine at low speed for prolonged time.

OVERALL QUALITY:
Engine Friendliness Number (EFN) is a unique bench-mark of fuel quality evaluated by VISWA LAB from the point of view of engine wear and tear resulting from the use of this fuel. Based on EFN, which is calculated from the analysis results listed in this report, the quality of this fuel is good.

NOTE:
The conformance of this fuel to the contracted specifications may have no relationship to the evaluation of this fuel based on EFN.


PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT.

schéma simplifié du principe de fonctionnement d'un moteur marin

Moteur 2 temps diesel à combustion interne:

       L'injection de fuel s'effectue à chaque passage du piston à la partie supérieure, et le renouvellement du gaz par de l'air suralimenté lors du passage au point bas, avec ouverture à cet instant de la soupape d'échappement. Les fumées produites par le moteur échappent vers la chaudière de récupération et la cheminée à travers la turbine de la turbo soufflante, dont la partie compresseur alimente en air la chambre de combustion après passage dans le réfrigérant d'air. Le fuel est décanté dans les caisses de soutes, centrifugé, et stocké dans une citerne tampon, avant d'être réchauffé pour injection au moteur à environ 130°c.


RESIDUS DE COMBUSTIBLE.

       Entre 0.8 et 1.5% de résidus sont générés par centrifugation du fuel, soit environ 1 tonne par jour (pour notre exemple).

       La lubrification du mouvement de frottement entre chemise et piston est assurée par une injection continue et perdue d'environ 800 litres par jour d'huile cylindre. L'égoutture de celle-ci, cumulée avec cendres et suies dans la chambres inférieures des pistons, (chapelles), ainsi que le filtrage et la centrifugation de l'huile mouvement génèrent une petite centaine de litres de résidus huileux par jour.

       Tous ces résidus sont stockés après passage dans des petites capacités intermédiaires dans la caisse à boues d'une capacité de 85m3 (pour notre exemple). Ce volume est calculé avant construction en fonction du type de voyage soit 2,5 mois de voyage.

       Cette partie inférieure de piston (nommée chapelles et collecteur de balayage) nécessite un nettoyage mensuel lors d'une période d'arrêt. Cette opération génère de 200 à 300 litres de résidus huileux solides.


TRAITEMENT DES BOUES.



       Plusieurs possibilités pour l'élimination de ces boues liquides de la caisse à boues. A noter qu'il ne doit pas exister de tuyauterie avec possibilité de rejet direct à la mer.

  • Le débarquement en escale, mais encore faut il trouver une installation ou barge capable de recevoir ces boues, moyennant contribution financière bien entendu.
  • L'incinération à bord.
  • Le transfert vers la citerne à résidus de cargaison est une option seulement applicable aux pétroliers, mais cependant avec des contraintes commerciales, et donc pas toujours possible.
Incinération des boues huileuses de machine.

       Une opération lente, qui mobilise dans notre exemple l'attention d'un officier mécanicien chaque jour :
  • pour brûler 1m3 en 12h à raison de 80 litres par heure de 7 heures à 19 heures .
  • pour le pompage et transfert journalier vers la citerne de l'incinérateur d'1m3 en fin de journée.
  • pour la mise en réchauffage durant la nuit, afin de faciliter la combustion du produit et la décantation de l'eau au matin vers la caisse de stockage des eaux de cale.
       L'incinération est laborieuse même lorsque l'appareil fonctionne normalement, et étale difficilement la production de déchets, surtout lorsque la qualité des soutes est médiocre ou difficile à traiter. La solution est parfois le compromis d'incinérer au possible, et de débarquer ces boues dans certains ports capables de réceptionner par barge, à Rotterdam, Gibraltar, Singapour, en Chine ou à Fujairah (Emirats Arabes) au débit horaire de la petite pompe de transfert (7 à 10m3 heure) après réchauffage à 80° C, voire à quai comme dans les ports de mer du nord, à l'exemple de Mongstad en Norvège, où le débarquement de résidus y est gratuit. Mais le problème est de les refouler à 150 mètres de la sortie machine, au milieu du navire, par le réseau cargaison, avant de commencer les opérations commerciales.

       Certaines compagnies de pétroliers ont actuellement des contrats forfaitaires d'enlèvement de boues à Fujairah, petit port de soutage situé à l'entrée du golfe Arabe, à condition que l'opération soit effectuée rapidement. Cela nécessite le transfert la veille à 8m3/heure des boues, après réchauffage, vers l'espace cargo, puis l'utilisation de la pompe alternative d'assèchement cargaison de 200m3/heure lors du pompage vers la barge durant une petite demi-heure. Le coût de l'opération est le temps de mobilisation de la barge de réception, le temps étant pour tous, de l'argent.


Déchets huileux solides

       Deux solutions pour traiter la production des déchets huileux solides des chapelles et du collecteur de balayage du moteur : Le débarquement périodique en fûts de 200 litres, ce qui représente un bon exercice administratif de correspondance et papiers divers, ou l'incinération, opération plus économique mais assez difficile, dangereuse, et pas très propre.


Gestion des eaux huileuses de cale machine :

Nota : ne sont pas prises en compte les eaux usées domestiques, objet d'un traitement spécifique réglementaire.



       Depuis la fin des navires en bois, malgré les garnitures mécaniques de pompes et autres systèmes d'étanchéité de lignes d'arbres de nos beaux navires en fer, nous pompons toujours les eaux de cale machine, stockées dans une capacité située comme la caisse à boues dans le double fond du compartiment machine, qui contient en principe à l'inverse de sa voisine, beaucoup d'eau avec un peu d'huile en surface.

       Sur un navire en bon état, cette production journalière d'eau provient principalement de condensation d'humidité atmosphérique des installations de climatisation, et surtout des réfrigérants d'air du moteur principal et groupes électrogènes, où l'air atmosphérique est comprimé dans les turbo-soufflantes, puis refroidi au passage dans les réfrigérants. Suivant l'hygrométrie de la zone géographique, cette production est de l'ordre de 20 à 30m3 par jour pour notre exemple. Nota : Pouvant contenir du lubrifiant de compresseurs, le déversement des condensations de climatisation dans la caisse de cale est réglementaire.

       Si cette production d'eau douce limpide de condensation ne génère aucune difficulté pour le rejet à la mer à travers le dispositif réglementaire de séparation d'eau huileuse à 15 cm3 par m3 (15ppm), les opérations épisodiques suivantes de maintenance et d'entretien vont compliquer cette tâche.

  • Le lessivage périodique mensuel de la partie aérienne des réfrigérants d'air effectué durant les arrêts d'escales du moteur principal, y déverse 1 à 2m3 d'eau contenant un produit chimique spécifique à ce type de nettoyage, qui donne à cette eau un aspect à émulsion blanchâtre.
  • Le lessivage périodique mensuel de la partie fumées de la chaudière de récupération, effectué durant ces mêmes arrêts, peut y faire tomber à chaque opération 2 à 3m3 d'eau sombre malgré le passage par la caisse de décantation des suies.
  • L'écoulement du lavabo atelier et le lavage des parquets machine y déverse une eau sale pas forcement huileuse.
  • Les opérations diverses d'entretien de nettoyage des condenseurs et réfrigérants à eau de mer effectuées à l'arrêt dans les ports embarquent une certaine quantité d'eau portuaire rarement limpide et presque toujours inacceptable à l'échantillonneur du séparateur 15ppm.
  • Les avaries aux garnitures mécaniques de pompes causées par les eaux vaseuses de certaines rivières peuvent embarquer durant escale de l'eau boueuse non huileuse et encore inacceptable à l'échantillonneur.


Séparateur à eaux de cale machine 15ppm.

 
photo P. Le Calvez
       Divers modèles d'équipement, dont le principe de fonctionnement est le suivant:
       Une pompe de cale de 5m3 heure transfère l'eau de la caisse à eaux de cale vers le ballon de tranquillisation. Après un parcours assez compliqué à l'intérieur de cet appareil, l'huile est piégée à la partie supérieure, où un dispositif de détection d'hydrocarbure capacitif associé à une vanne électrique purge l'huile vers la citerne à boues. L'eau sortant à la partie basse est filtrée des éventuelles particules solides, puis déversée à la mer après passage autorisé dans le dispositif d'échantillonnage du 15ppm qui commande un système à vanne 3 voies. D'expérience, ce dispositif est à performances modestes, limitées à la séparation d'huiles légères et de gasoil (les yeux du dessus du potage), et y introduire du fuel est devancer les ennuis par colmatage des divers organes.

       Sur les appareils récemment expérimentés: Le principe de fonctionnement du dispositif de détection homologué sur navire sorti du chantier naval en 2001 est par simple opacité de lumière et cellule photo électrique, et non un détecteur d'hydrocarbure par diffraction de lumière, voire autres principes techniques (chromatographie..) n'acceptant pas l'eau sale et blanchâtre de lessivage non huileuse, ainsi que l'eau pompée dans les ports, et amenant l'utilisateur à braver l'interdit en trompant le système de détection par une injection d'eau douce claire. Équipement incapable de différencier hydrocarbure et eau sale... ! Le nettoyage périodique des filtres du séparateur d'eau de cale dans le compartiment machine fait revenir les crasses collectées à la caisse de cale, qui sont recyclées pour un tour de plus... !

       Ci-après, le cycle type de gestion des déchets huileux machine en application à la réglementation Marpol :
  • Production 1m3 par jour de boues huileuses et 40m3 d'eau de cale.
  • Transfert quotidien en fin de journée d'1 m3 vers l'incinérateur & réchauffage
  • Décantation au matin de l'eau vers les eaux de cale
  • Incinération des boues de 12 à 14 heures par jour
  • Pompage de cale par le séparateur 15ppm durant 8 heures en zone autorisée.
       Devant les difficultés rencontrées par le manque de fiabilité de ce séparateur, à chacun sa méthode de gestion des eaux de cale!



       Mieux vaut donc éviter l'arrivée d'huile au séparateur d'eaux de cale, et par conséquence dans la caisse de stockage, que l'on maintiendra propre. Elle ne sera jamais complètement vidée de façon à maintenir, en sa surface, l'éventuelle pellicule huileuse.

       Suivant la configuration de structure particulière à chaque navire, un système de décantation additionnel peut être installé en amont de la caisse à eaux de cale. L'intérêt est d'avoir une bonne capacité de décantation peu influencée par les mouvements dynamiques du navire, par grande hauteur et faible section de longueur et largeur(gros et long tuyau vertical), ce qui n'est pas le cas des caisses de cale situées dans le double fond.

       L'évaporation avant incinération est une autre solution dont le cycle devient le suivant après l'installation d'une seconde caisse de stockage :

  • Production 1m3 par jour de boues huileuse et 40m3 d'eau de cale.
  • Transfert quotidien en début de journée d'1 m3 de la caisse d'évaporation vers la caisse d'incinérateur.
  • Incinération des boues en continu 24/24
  • Remplissage de la caisse d'évaporation 3m3 et chauffage.
  • Pompage de cale par le séparateur 15ppm durant 8 heures
       Avec inertie, quelques armements conscients de ce problème font installer, en série avec le séparateur à eaux huileuses, un nouvel équipement plus performant disponible sur le marché. D'autres demandent à leurs équipages de ne pas rejeter d'eaux de cale dans les « zones surveillées »... ! Quelques navires au cabotage ont instructions de leur armement de ne pas utiliser le séparateur à eau de cale et de débarquer ces eaux au port.

       Des équipements de séparateurs de cale machine de navires mis en service en 2005 peinent à rejeter des eaux à taux d'hydrocarbures inférieurs à 200ppm.

PPM : Part Par Million, chiffre sans dimension, qui utilise des nombres de même nature (poids ou volume). 1ppm = 1g par tonne ou 1cm3 par m3 et non pas des grammes par mètre cube ou des cm3 par tonne.


Réglementation et Enregistrements.

       Afin de pouvoir permettre aux administrations internationales diverses la vérification des bons usages en conformité aux règles de prévention de la pollution de l'environnement maritime, nous trouvons sur tous les navires les principaux documents et enregistrements suivants :
  • La publication à jour des règles MARPOL (convention marine pollution ).
  • Le certificat IOPP ( International Oil Pollution Prevention) de conformité aux règles Marpol des installations de traitement des boues machine et eaux de cale pour tous les navires. Y figurent les volumes des caisses et les caractéristiques de l'incinérateur.
  • Un volet supplémentaire au certificat (IOPP) de conformité aux règles Marpol des installations de lavage et de traitement des rejets d'hydrocarbures de la tranche cargaison pour les navires transportant pétrole, hydrocarbures, et produits chimiques.
  • Le Registre des hydrocarbures N°1 de la tranche machine pour tous navires, dans lequel sont consignées quotidiennement et de façon codifiée toutes les opérations principales de soutes et pompages écologiques, incinération et débarquement dans des installations de terre avec attestation écrite du réceptionnaire.
  • Le Registre des hydrocarbures N°2 de la tranche Cargaison pour les transporteurs de pétrole et autres produits polluants, dans lequel sont consignées de façon codifiée toutes ces opérations commerciales, de transfert, lavage, de déballastage, et rejets relatifs à la partie cargaison.
  • Un dispositif O.D.M.E. (Oil Discharge Monitor Equipment) d'analyse et d'enregistrement des rejets d'hydrocarbure de la partie cargaison pour les navires transportant des produits potentiellement polluants. Ces bandes d'enregistrements doivent être conservées à bord durant 5 ans. Les informations y figurant : dates, heures GMT, positions géographiques (sur certains modèles), vitesses, débits, et taux de rejets doivent être conforme aux écritures du registre N°2.
  • Un plan d'urgence SOPEP (Ship Oil Pollution Emergency Plan) de lutte contre la pollution accidentelle approuvé par autorités. Ce plan a une application mondiale exception aux USA, remplacé par l'OPA 90 (Oil Pollution Act de 1990).
On trouve dans ce plan, l'inventaire du matériel antipollution réglementaire, la liste téléphonique des contacts compagnies et autorités locales à l'échelle mondiale, le plan du navire, et un contrat vierge d'assistance et de remorquage.
  • Un registre de gestion des poubelles dans lequel sont consignés quotidiennement les rejets à la mer de cuisine et déchets biodégradables, l'incinération des déchets huileux solides (chiffons gras), le débarquement périodique des plastiques avec le certificat délivré par le receveur.
  • Divers certificats d'assurances pollution, Responsabilités civile (CLC), P&I, et autres...


REJETS HUILEUX PAR AVARIES D'ÉQUIPEMENTS.

  Garniture de ligne d'arbre

       Il arrive périodiquement à tous les navires d'avoir quelques soucis avec ce système d'étanchéité de la ligne d'arbre, suite à la capture de filets par exemple, faisant perdre en continu au navire une petite quantité d'huile.

       La réparation de cette avarie à flot nécessite le remplacement de la garniture, la sortie d'eau du moyeu de ligne d'arbre, et donc le déchargement du navire combiné avec un mouvement de ballast sur le nez.

Réfrigérants d'huile

       Des fuites causées par corrosion, ou mouvement de contrainte de structure du navire sur les réfrigérants d'huile à eau de mer peuvent être à l'origine de pertes continues ou épisodiques de lubrifiant par cet organe.


Contamination des ballasts par fuites hydrauliques

         La manoeuvre des vannes eau de mer des ballasts est généralement hydraulique. Sur certains navires ne disposant pas de tunnel de quille, tuyauterie et actuateurs de vannes sont situés à même les ballasts et peuvent transpirer voir fuir épisodiquement ou continuellement de huile de transmission de mouvement par corrosion, relâche de raccords, ou contraintes occasionnées par la déformation locale du travail normal de la structure du navire.

       Certains navires peuvent être équipés de système de pompage d'eau de ballast immergé à transmission motrice hydraulique (type FRAMO) avec mêmes inconvénients de possibilités de fuites. Avarie pouvant occasionner un rejet à la mer imprévisible, et incontrôlé de lubrifiant de transmission de mouvement, lors de la vidange complète du ballast, voir agglutiné aux boues de vase. Situation et évènement pouvant arriver à tous navires (et même aux gens biens).


OPERATIONS SPECIALES COLOREES NON POLLUANTES.

Vidange de la citerne à suies.

       Suite au lavage périodique de l'économiseur du moteur principal, le contenu de la citerne de stockage des suies sera vidangée en haute mer après l'escale, en utilisant un dispositif d'éjecteur à eau de mer motrice du collecteur incendie. Cette opération peut générer une traînée noire, éphémère, à aspect huileux dans le sillage du navire. Cette opération normale est applicable à tous les navires de commerce. Elle n'est pas considérée comme polluante car non mentionnée dans les protocoles Marpol.

Contamination du plan d'eau portuaire par la tour de lavage du générateur de gaz inerte.



       Rare, mais, identique aux effets de suies, les navires pétroliers traitant par lavage à l'eau de mer les fumées de chaudières avant injection dans l'espace cargaison, peuvent rencontrer cette mésaventure en cas de mauvaise combustion momentanée avec production importante de fumée, se traduisant par une contamination éphémère noire de la surface du plan d'eau portuaire très semblable à un effet de pollution de produit pétrolier lourd.

Gestion opérationnelle du Ballast.


photo P. Le Calvez


       La prise de ballast dans certains ports de rivière (Loire, Gironde, Mersey, Yang-tseu-kiang...) surcharge le navire en boue et vase parfois noires, qu'il faut évacuer rapidement avant décantation, ceci dès la sortie en mer. Cette opération peut laisser une traînée colorée dans le sillage. Exemple : La charge en boue de ballastage d'un VLCC de 300 000 t à Donges est de l'ordre de 200 tonnes.


photo AFCAN
 
photo AFCAN

       Ces boues et vases pompées dans les ports peuvent contenir et agglutiner des déchets huileux d'origines diverses et indéterminées (rejets d'autres navires, de sorties 15ppm de raffineries, terminaux, de fuites souterraines de canalisations, ou de triturations biologiques en décomposition dans les vases...) Expérience de manoeuvres dans certains ports, les mouvements d'hélice font parfois remonter en surface des irisations huileuses avec la vase.

Gestion réglementaire du ballast B.W.M: (Ballast Water Management)

       Afin d'éviter la contamination des écosystèmes de certains ports comme aux USA, par des particules vivantes véhiculées depuis d'autres ports de la planète, il est impératif de renouveler l'eau de ballast en haute mer avant l'escale dans ces ports.

Rejets divers de cargaison lors de nettoyage des cales cargaison :

       Certains navires minéraliers, pour des raisons commerciales de changement de produits, nettoient leurs ponts et espaces de cales cargaison après déchargement. Charbon, minerai de fer, bauxite et farines d'alimentation animale génèrent de belles traînées colorées.

       La découverte, médiatisée, l'an dernier de rejets noirâtres carbonés sur les plages du sud ouest, et donnée en premier temps comme pollution par hydrocarbure, m'avait fait penser à un voyage de Gijon en Espagne, à destination de la mer du nord sur un gazier, au cours duquel nous avions été amené à laver les ponts et superstructures après une assez longue escale dans ce port avec embarquement intempestif, vent aidant, d'une quantité remarquable de poussière de charbon du quai voisin. Cette opération généra une belle traînée noirâtre sur mer calme.



REJETS DES NAVIRES PÉTROLIERS ET CHIMIQUIERS.

       Pour raisons commerciales de changement de produits, de nettoyage avant réparations, de ballastage pour le gros temps, les navires transportant des pétroles bruts, hydrocarbures, et produits chimiques, peuvent être amenés, en faisant route, à déverser leurs eaux de décantation ou de déballastage (partie cargaison) en zone autorisée de mers ouvertes à plus de 50 milles de la terre, à un débit huileux n'excédant pas 30 litres par milles. La quantité totale déversée pour chaque voyage ne doit pas dépasser 1/30 000ème du volume chargé précédemment, soit 10 tonnes pour un ancien pétrolier VLCC de 300 000 mt. A noter que l'équipement d'échantillonnage des rejets est un détecteur d'hydrocarbure par chromatographie indépendamment de l'opacité de l'eau.

       Ces enregistrements et traces écrites peuvent être retrouvés dans le registre d'hydrocarbure N°2 et sur les bandes papier du détecteur de rejets.




Navire double-coque transport de brut des années 2000.


photo P. Le Calvez
         Pour avoir l'expérience du transport de pétrole brut durant les 35 dernières années, le navire gros porteur double-coque est, à ce jour, opérationnellement très écologique en comparaison des anciennes constructions à simple coque et à ballastage dans les citernes cargaison (C.B.T. Clean Ballast Tanks) et ballasts séparés (S.B.T. segregated ballast tanks). Les mouvements d'eau de mer dans les espaces cargaison des navires à double coque sont rares et exceptionnels, les possibilités de contamination de ballasts par avaries tuyauteries impossibles car il n'y a pas de passage de tuyau ballast dans la cargaison et inversement.

       De plus, les divers pétroles bruts sont des minerais liquides plus ou moins visqueux suivant l'origine, chargés à des températures entre 30 et 45°C. Ils sont transportés à travers la planète durant 2 à 5 semaines, et parfois déchargés dans des zones hivernales. L'échange thermique par contact de coque avec l'océan refroidit les produits qui deviennent plus pâteux, adhèrent aux parois et structures, se déposent sur les lisses, et sont parfois difficiles à pomper par température basse. Ce phénomène s'applique toujours aux S.B.T. à simple coque existants.


photo P. Le Calvez
         Les lisses et structures des navires à double coque sont principalement localisées dans les parties ballasts. Les surfaces planes des citernes à cargaison, cloisons et planchers, n'offrent plus de cachettes aux parties visqueuses, et un léger lavage au brut des fonds minimise incomparablement les résidus restant à bord en fin de déchargement. De plus la double-coque vide limite l'échange thermique avec la mer durant le voyage navire chargé. Pour exemple : Embarqué à 42°C en Arabie Saoudite, le produit est livré à plus de 30°C à St John au Canada au mois de février après 35 jours de mer par le cap de Bonne Espérance, contre 10 à 15°C en voyage simple coque .

       Le bémol de ces navires est l'entretien très difficile des peintures de ballasts à la mer, en raison de l'accès, du confinement, de l'humidité, de la chaleur, de l'accumulation de vase, et du temps de séchage des peintures, surtout si elles n'ont pas été parfaitement réussies à la construction. Ces peintures de ballasts sont faites au chantier naval à 98% en plein air avant montage des divers blocs. Après l'assemblage, il ne reste que les soudures à recouvrir, ceci dans de bonnes conditions. A noter : La périodicité d'arrêt pour le carénage de ces types de navires est seulement d'une dizaine de jours tous les 5 ans.
Ce type de navire n'est donc pas forcément le remède idéal des grosses pollutions accidentelles.


Surveillance aérienne des rejets de navires et répression:

Commentaires d'un marin en conclusion de cette présentation.

       Je perçois cette initiative très médiatisée de nos gouvernants comme une contribution unipolaire avec les autres autorités maritimes internationales, afin de responsabiliser les divers intervenants du transport maritime pour améliorer la propreté des océans.

       Cependant, à l'époque des preuves par ADN en criminologie, où la vue à quelques mètres d'une simple tache rouge (de peinture) ne conclut pas forcément à un meurtre, je pense fortement avec beaucoup de réserves que l'observation visuelle à quelques centaines de mètres, sans autres moyens techniques fiables, d'une traînée colorée d'un sillage de navire, ne signifie pas forcement la preuve effective d'un délit de pollution, avec risques de peines et amendes démesurées revues à la hausse après chaque catastrophe maritime.

       La délocalisation du suivi judiciaire de ces affaires de pollutions à tapage médiatique vers des pays à grande vocation maritime me semble bénéfique, elle permettra à moyen terme, je l'espère, de retrouver un traitement raisonnable et plus objectif de ces affaires. Le prélèvement systématique des rejets délictueux, afin de connaître la nature et donc l'origine du polluant me semble indispensable pour sortir de ce cadre actuel d'inculpation par présomption de culpabilité, et permettre de relativiser les rejets accidentels (de la faute à pas de chance) et de discriminer les illusions de pollutions. Ne pas s'en remettre au jugement de Dieu après condamnation de tous... ! Survolé par l'un de vos avions, lors du lavage de pont du transporteur de gaz liquéfié, pour enlever la poussière de charbon de mon anecdote précédemment citée, je pense rétrospectivement que j'aurai probablement été dérouté sur Brest, et inculpé de pollution pour le rejet d'hydrocarbure (faute de cadavre), et ceci au regard du délai d'analyse qui avait été nécessaire pour établir la vraie nature de ces résidus carbonés récoltés à même le sable lors de cette « fausse » pollution de plage de la côte Basque de l'an dernier.


       Je termine cette présentation par quelques nouvelles de l'un de ces intervenants du monde maritime et non des moindres qu'est l'O.M.I.

       L'Organisation Maritime Internationale a revu en 2003 les conditions d'homologation des équipements de séparation et rejets d'eaux de cale machines, pour les navires mis en construction après le 1er Janvier 2005. En établissant une nouvelle procédure de tests de séparation en atelier laboratoire, et en modifiant le dispositif d'analyse de rejets, qui devient similaire au dispositif de rejets cargaison des navires pétroliers à détection chromatographique, et avec bandes enregistreuses papier à conserver 18 mois pour contrôle éventuel par autorités, et impossibilité de tromper ou d'occulter les séquences de rinçage de la cellule de mesure.

       Mais, lors de la cession de printemps 2006 de l'OMI, les délégations Allemande et Indienne ont sollicité la révision de cette nouvelle résolution MEPC.107(49) du 18 juillet 2003, l'Allemagne proposant des avenants aux procédures de tests d'homologation pour approcher la réalité bord. Et l'Inde plus réaliste, déclarant à ce jour inadéquats les systèmes de traitement des huiles usées de machines, et demandant des améliorations en efficacité, débit, et qualité, argumentant que concepteurs de matériel et ceux qui établissent les règles ne semblent pas comprendre les conditions réelles d'utilisation de mouvements, de chaleur, d'humidité, de divers déchets émulsifiés générés à bord des navires, et qui expliquent pourquoi, même le nouveau matériel installé conformément aux règles 2003 est toujours inadapté à l'utilisation recherchée à bord. Différence entre la quiétude d'un laboratoire et la haute mer... Mis aussi à l'index de cette demande : la capacité insuffisante d'incinération des navires toujours calculée trop juste, la qualité du fuel à l'embarquement, le temps passé par les équipages à utiliser et maintenir en état ces équipements, l'inadéquation des installations de réception à prix raisonnable, et la demande aux pays signataires de MARPOL 73/78 de prendre des mesures concrètes pour fournir dans ses ports des installations de réception facilement accessibles à prix raisonnable, plutôt que d'engager des procédures contre les gens de mer.

       Faut-il s'étonner que dans un pays démocratique et épris de justice, nous ne cherchions pas mieux les coupables. Au regard de l'espérance de vie des navires actuellement en circulation, équipés de leur séparateur d'origine, nous ne pouvons espérer une amélioration de la qualité des rejets d'eaux de cale machine qu'au-delà de l'an 2036 en l'état actuel de la législation.

Cdt Patrick LE CALVEZ


Retour au menu
Retour au menu