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La chronique du clandestin
Il y a-t-il du nouveau du côté des clandestins ? (05 mars 1999)

       Rien de bien neuf sous le soleil !

       On constate une recrudescence du problème de clandestins et on estime à plus d'un million le nombre de personnes qui ont quitté leur pays pour entrer illégalement dans un autre chaque année. Rien ne permet de penser que ce nombre va diminuer. En 97 en Espagne, 10063 marocains sont arrivés en situation irrégulière. Depuis 8 ans, du Maroc et de Tunisie plusieurs centaines de milliers de clandestins sont partis dans des conditions souvent tragiques pour devenir des " sans papiers ou des sacs cercueils "

       Le développement et l'accroissement du nombre de clandestins est d'abord du aux situations politiques et économiques de certaines zones du globe qui poussent des personnes à chercher mieux ailleurs, leur moindre risque étant d'être rapatrié.

       " Les clandestins ne sont pas paradoxalement les plus pauvres dans leur pays, ils sont jeunes et peuvent avoir fait des études. Ils ne veulent plus de la vie que leur fait leur propre pays. Ils saisissent l'énorme fossé qui sépare leur réalité quotidienne de celle à laquelle ils pensent avoir droit et dont l'Europe, prospère et jouisseuse leur donne l'image. Ce sont des migrants d'itinéraire et non des migrants de déshérence comme en Afrique où seule l'exigence de survie pousse à l'exode. "

       A propos des clandestins traversant Gibraltar (on a recensé 3000 cadavres sur la côte espagnole depuis les accords de Schengen en 90) : "Les bateaux de la mort renvoient aussi l'image d'un Maroc qu'on ne saurait plus faire semblant de ne pas voir. Quelle laideur faut-il pour arriver à ce plus haut degré de révolte : partir sans rien réclamer, sans rien revendiquer avec pour seule certitude la mort ou le retour forcé " (Libération Casablanca)

       Du côté des clandestins maritimes ?

" Sur les ferries vers l'Irlande ou la Grande Bretagne au départ de France, le nombre de clandestins tentant de passer par camion est impressionnant. Toute une population issue de l'ex Yougoslavie ou de Roumanie tente le passage. Ceux qui ont réussi à passer demandent généralement l'asile politique en Irlande où une allocation hebdomadaire de 100 $ leur est versée ainsi qu'une allocation logement etc.. L'Irlande a accueilli plus de 3300 demandeurs d'asile en 97 et en attendait 5000 en 98 ! "


Clandestin découvert à Rio de Janeiro après 9 jours de traversée
         Le capitaine victime de la présence de passagers clandestins à son bord risque des problèmes de sécurité, de tracasseries administratives et au minimum une amende.

       Dans la section 2.2 du code ISM et en particulier le paragraphe 2.2.1.2. les objectifs devraient être d'établir " des moyens de sûreté contre les risques identifiés ". Donc il est concevable que les problèmes tels que : piraterie, transport illicite de drogues, clandestins et terrorisme devront être appréhendés.

       Le problème que rencontrent capitaines, bords et armateurs n'est pas prêt d'être résolu et tout dépend de l'attitude des autorités d'immigration. Nombreux sont les pays dont les frontières sont fermées même pour un simple transit en vue d'un rapatriement.

       Bien sûr, l'O.N.U. ( haut comité pour les réfugiés) n'a pas obtenu des pays européens ou des USA d'accepter les clandestins comme réfugiés (ces pays ont employé comme réponse au problème l'application d'amendes énormes). Il n'est pas prévu dans l'immédiat lointain une quelconque reprise de travaux en vue d'établir une convention internationale sur les passagers clandestins.

       Toutefois sur la côte de l'Afrique de l'Ouest où le problème est bien connu : il est généralement possible, grâce à l'efficacité des représentants des P&I club, mais aussi grâce aux accords entre états, de faire débarquer les clandestins dans des camps de réfugiés à Dakar, Abidjan ou Douala. Il faut dire que la situation dans les deux Congo rend le problème d'importance.

       Le manque de prévention est bien sûr une des raisons de la présence de clandestins, l'équipage trop réduit ou non averti en est la première raison, les complicités des autorités ou des travailleurs portuaires des pays " exportateurs ", la disposition des structures de certains navires sont les autres causes : des moyens sophistiqués sont à l'étude, détecteur de C02 pour les conteneurs vides, cameras etc. ... équipe de gardiennage avec chiens sur les RO-RO de la compagnie OTAL (par ex.) entre Abidjan et Dakar, solution satisfaisante qui pourrait être imitée par d'autres sociétés. En France y - a - t ' il du nouveau dans la façon de traiter le problème ?

       Bien que notre administration ait fait un effort remarquable et accepte généralement d'appliquer la loi (c'est à dire de placer le clandestin en zone d'attente), il est possible d'obtenir après discussion de faire transiter le clandestin en vue de son rapatriement à condition d'avoir pu prouver sa nationalité. Les autorités n'aiment pas voir partir le navire alors que le clandestin leur reste sur les bras en zone d'attente ! Ceci peut se produire alors que tout semble réglé ( le clandestin est muni d'un sauf-conduit, qu'il a un billet d'avion, etc. ...), mais à l'aéroport un certain nombre de clandestins restent bloqués car trop nombreux sur le même vol... un quota est admis entre autorités et compagnies aériennes et entre celles-ci et les pilotes.

       Comment procéder pour avoir des chances de se séparer de son clandestin !

       Afin de simplifier les procédures qui suivront, il est indispensable que l'armateur soit assuré auprès de son P & I club pour le risque " clandestin ". Dans certains ports, Afrique de l'Ouest, et en France, les représentants ont une grande pratique pour aider le capitaine à se libérer du clandestin. Le clandestin étant supposé sans papier d'identité, il est nécessaire dès sa découverte en mer de procéder à une fouille très sérieuse et à un interrogatoire qui permettent de trouver la nationalité du clandestin. Tout doit être communiqué au P & I club qui pourra déjà se préparer et interpeller les autorités consulaires et diplomatiques du pays du clandestin.

       Le commandant doit être déterminé dans sa démarche et prêt à appeler l'ANAFE (association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers - 0142933373) qui a une longue pratique des démêlés houleux avec les préfectures et la DICCILEC.

       Quelquefois tout ne se passe pas " cool " et un conflit existe entre bord et autorités policières qui poussent le capitaine à consigner le clandestin à bord alors que le navire est accosté. Le clandestin devrait légalement être placé en zone d'attente (art.35 quater de l'ordonnance du 2 nov.1945).

       Les autorités signifient au clandestin la décision de refus d'admission sur le territoire français ainsi que les modalités d'exécution de ces décisions. Il faut alors réagir car la décision du maintien à bord est illégale (comme l'a jugé le tribunal administratif de Poitiers du 9 juillet 1997).

       Les clandestins sont interrogés et sont amenés à renoncer à obtenir leur admission en France et acceptent d'être rapatrié dans leur pays... ils doivent signer le document.

       A partir de ce moment le rapatriement peut se faire par air mais aussi par mer... et les autorités trouvent plus facile de les faire rapatrier sur le même navire. C'est à ce moment que le capitaine doit faire preuve de conviction avec des arguments ( pas d'escale dans le pays du clandestin, pas de place à bord, pas de sécurité pour l'équipage). L'armateur est responsable financièrement de la prise en charge du clandestin, l'administration n'a pas à choisir le moyen de transport. Il faut donc prouver rapidement à l'administration que ces moyens sont assurés.

       L'amende est généralement notifiée, mais je ne sais si elle est effectivement prélevée ( en France). Le pourcentage de clandestins récidivistes serait de 2%.

       Nous recommandons au commandant amené à signer "la notification de maintien à bord" de faire précéder sa signature de la mention # J'ai demandé expressément le débarquement du passager clandestin XXX et son placement en zone d'attente # Tribunal adm. Poitiers 09/07/97 ". Le clandestin doit être amené à faire précéder sa signature sur " la notification et motivation d'une décision de refus d'admission... "# je demande à être placé en zone d'attente et à retourner dans mon pays. C'est pourquoi les derniers jours à bord ne doivent pas ressembler à une croisière pour le ou les clandestins.

       Quid du clandestin qui a réussi à ne pas dévoiler sa nationalité ou dont les diplomates ne veulent pas bouger ? Cas très très difficile ! On a vu mettre le clandestin en zone d'attente puis lui ouvrir la porte ! Les procédures à l'étranger ? Il y a amende et peu de succès pour un rapatriement " harmonieux " sauf dans quelques cas et si votre navire arbore le pavillon local.

Cdt J.LOISEAU




Bibliographie :
Libération 20/8/98, P & I club SKULD, L.SM. ship management, BIMCO, ANAFE, Les Courtiers maritimes Brest. Libération Casablanca.

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