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Le code ISPS (International Ships and Port Facilities Code)
Zèle, Laxisme et Paranoïa - quelques dysfonctionnements…
 
Traduction par Michel BOUGEARD d'informations glanées à droite et à gauche.



La mise en application de ce code de Sécurité " Juillet 2004 ne se fait pas sans difficultés ! Les quelques exemples suivants en témoignent :

  1. Escale à Quincy (Maryland, USA) :
          8 inspecteurs de l'US Coast Guard montent à bord. L'un d'eux n'a pas sa carte ID. Il est refoulé à la coupée par le marin de quart ! Appelé à la rescousse le Commandant refuse l'accès à son bord de cet inspecteur malgré l'intervention du chef d'équipe qui se porte garant de son subordonné. Rien à faire, le Master reste inflexible ! Un bon point pour ce commandant qui joue le jeu si tant est que ce soit un jeu…
          Une fois à bord le Chef Inspecteur des USCG demande à convoquer TOUT l'équipage, homme de quart à la coupée compris ! Refus du Master de laisser la gangway sans surveillance. Insistance des inspecteurs. Refus confirmé du Commandant même après proposition du Chef Inspecteur de remplacer l'homme de quart à la coupée par un de ses inspecteurs ! Voyant que le Captain est intraitable sur ce point, les Coast Guards n'insistent pas.
          Mais le test n'est pas terminé, le Chef Inspecteur demande à visiter la salle des Machines. Le Commandant appelle alors un Officier Mécanicien pour les accompagner, les USCGs avisent le Master que c'est inutile et propose d'effectuer leur visite seuls ! Refus du Commandant qui insiste pour qu'ils soient accompagnés dans leur descente dans le compartiment machine tant pour la Sûreté que pour la Sécurité. Les inspecteurs obtempèrent et effectuent normalement leur contrôle de l'État du Port. En final le Chef Inspecteur félicite le Commandant pour son respect des consignes de Sûreté et Sécurité du code ISPS.
          Il semble bien que la conduite des inspecteurs de l'USCG était motivée par la tentation de prendre en défaut le Commandant de ce navire. Ce dernier a été inflexible et c'est tout à son honneur. Bravo.
          Des exemples semblables sont légion aux USA, souvent des inspecteurs de la Coast Guard, habillés en civil, tentent de monter à bord des navires sans décliner leurs identités pour tester la vigilance du matelot de veille à la coupée ! La preuve est donnée par l'incident suivant.

  2. Port de New York - USA:
          Deux visiteurs supposés Inspecteurs des USCG se présentent à la coupée d'un navire en escale. L'un d'eux a sa carte ID, l'autre présente une carte dont la photo ne correspond pas avec son faciès ! L'officier de garde appelle alors le Ship Security Officer (SSO), ce dernier se déplace à la coupée avec son Commandant. Ils s'aperçoivent que cette fameuse carte est factice et représente le visage d'un extra-terrestre … mais sûrement pas celui d'un être humain et encore moins le visage de cet inspecteur supposé des USCG ! Le Commandant irrité lui demande de présenter au moins son permis de conduire, évidemment il ne l'a pas sur lui. L'accès à bord leur est donc normalement refusé.
          Les deux inspecteurs n'insistent pas mais reviennent à la charge 15 minutes plus tard annonçant que le navire devait quitter son poste à quai pour un mouillage d'attente au motif que son Commandant leur avait refusé l'accès à bord pour effectuer leur contrôle de la Sûreté et de la Sécurité (ISSC)!
          Soupçonneux le Commandant appela aussitôt le bureau de l'USCG du port et rapporta l'incident au responsable, insistant sur le fait que monter à bord d'un navire sans la carte ID valide était strictement interdit suivant le règlement du code ISPS.
          Deux heures plus tard les deux mêmes inspecteurs revinrent à bord avec cette fois leurs vraies cartes d'identité attestant de leurs fonctions. L'inspection qui suivit fut très pointilleuse mais ils n'arrivèrent pas à prendre le Commandant en défaut. Aucune déficience ne fut relevée.

  3. San Francisco (California USA) :
          Une équipe de l'USCG monte à bord après avoir présenté "patte blanche", cartes ID en règle. L'un des inspecteurs tente de partir seul faire son inspection, le Commandant l'en dissuade et insiste pour lui donner un officier comme escorte ! Ce qu'il accepte.
          Tel autre Commandant dans ce même port de la Porte d'Or, est soumis à un interrogatoire en règle concernant le mode de fonctionnement du code ISPS. Possédant le règlement par cœur il répond d'une belle façon aux questions pièges, nombreuses, des inspecteurs ! On lui demanda notamment :
          Où se trouve le SSP (Ship Security Plan) ? Réponse du Pacha: Confidentiel.
          Peut-on consulter le SSP ? Réponse : Pas sans la permission de l'État du pavillon .
    Examen oral réussi devant ce jury ! Le Capitaine n'était pas le maillon faible… il put appareiller avec les félicitations de la commission, du moins on l'espère !

  4. Philadelphie (Pennsylvanie) - USA :
          Un inspecteur des USCG s'apprêtait à sanctionner un navire pour non conformité au code ISPS au motif que le Second Capitaine (formé SSO lui aussi) relevant le SSO en place ne connaissait pas suffisamment le navire sur lequel il venait d'embarquer pour la première fois. Il y avait pourtant d'autres officiers embarqués qui avaient suivi le cours de SSO. Il fut demandé au Capitaine soit de conserver l'ancien SSO à bord jusqu'à l'escale suivante pour familiariser le nouveau venu au navire et l'initier à son Security Plan ou alors la sentence serait une lettre de non conformité du navire au code ISPS !
          Le Commandant eut toutes les peines du monde à convaincre l'inspecteur que dans ce code lors d'une relève d'équipage le passage de suite concernant le navire entre le SSO débarquant et le SSO embarquant était suffisant et admis par le règlement ISPS !

  5. Houston (Texas) - USA :
          C'est le cas d'une mauvaise interprétation des textes en vigueur concernant la demande par les Gardes Côtes de ce port texan de rédiger une Notice of Arrival (NOA) non seulement à l'arrivée du navire, ce qui est tout à fait justifié, mais aussi y ajouter une page supplémentaire d'amendement pour chaque déhalage dans le port au cours de l'escale ! Interprétation abusive et personnelle du règlement ISPS à Houston. De plus ils exigeaient que cette page soit rédigée exclusivement par le Capitaine et non pas par l'agent. Comme si le Commandant n'avait pas suffisamment de papier à rédiger !

  6. Wilmington, (Delaware) - USA :
          Les Coast Guards montent à bord du navire et intiment au Commandant l'ordre de joindre son Company Security Officer (CSO) dans les 15 minutes ! S'il ne réussit pas à entrer en contact dans le temps imparti, communication directe, ils considéreront que son Security Plan ne fonctionne pas et ils feront stopper les opérations commerciales en cours ! Ils ajoutent que dans ce cas le navire devra quitter le port !
          Comme quoi il est intéressant d'avoir tous les contacts possibles avec le CSO de l'armement. De toutes façons ni SOLAS, ni l'ISPS Code ne spécifient de temps minimum pour contacter le CSO.

  7. La Nouvelle Orléans (Louisiane) - USA :
          Le Capitaine du navire X, (Etat Major Grec, équipage philippin) est notifié 24 heures avant son arrivée que son équipage représente une menace pour la sécurité du port et qu'il ne pourra remonter le Mississipi tant qu'un plan de sécurité pour l'équipage ne sera pas approuvé par le Capitaine du port !
          Ce plan consistait aux yeux des autorités à encadrer l'équipage par deux gardes de terre armés et payés par le bord durant toute la durée de l'escale… Au premier arrêt au mouillage, les USCGs embarquèrent pour vérifier le respect des règlements du code ISPS. Le navire fut déclaré en "réelle conformité" avec le code et l'allégation de "menace potentielle pour la sécurité du port" fut oubliée !

Ces pratiques laissent rêveur. On savait les US Coast Guards tatillons en temps normal, mais depuis le 11 Septembre 2001 leur zèle est maximum frôlant parfois la paranoïa. Il est vrai qu'ils se considèrent à juste titre en guerre contre le terrorisme et que pour lutter efficacement contre ce fléau, ils ont imaginé ce code ISPS. L'OMI l'a réalisé mais que de contraintes pour le Marin, les armements et les ports ! Espérons quand même que toutes ces mesures issues du Code ISPS contribueront à dissuader les terroristes potentiels d'utiliser des navires et les ports pour leurs noirs desseins.

Mais Quid de l'application de l'ISPS sur les autres continents ? On s'aperçoit en lisant quelques rapports que c'est plutôt du côté des installations portuaires que le bât blesse. Un certain retard dans la mise en conformité paraît général avec beaucoup de laxisme associé à une méconnaissance certaine des règles du code. Nous sommes en plein dans la période de rodage, on est en droit de penser qu'au 1er Janvier 2005 tout ira mieux.


Quelques exemples de dysfonctionnements

      En Europe du Nord, de nombreux cas répertoriés où le Capitaine est prié de communiquer par VHF aux autorités portuaires le degré de sûreté de son navire, MARSEC 1,2 ,3. Ce qui est interdit car il est alors très aisé pour un terroriste à l'écoute de choisir le navire qui présente le plus de potentialités propres à un attentat. D'autres capitaines signalent que tel port décide de modifier de sa propre autorité le degré MARSEC de tel navire en l'obligeant à prendre toutes les mesures de sécurité qui découlent d'un changement de niveau du MARSEC level !
      Certains affréteurs demandent aussi de modifier le degré MARSEC avec les mesures qui vont avec, en fonction des cargaisons transportées mais sans déclarer ce changement ! Il est évident qu'un affréteur peut demander et spécifier dans la charte-partie d'élever le degré MARSEC pour tel ou tel voyage ou sur du plus long terme mais toutes ces modifications du Ship Security Plan ne pourront se faire qu'avec l'accord de l'État du pavillon, du CSO et consultation du Master pour suite à donner au niveau des nouvelles mesures à prendre à bord.
      On note aussi l'exemple d'un navire en arrêt technique à Setubal (Portugal) avec des accès à des zones sensibles du navire non sécurisées comme la passerelle et l'entrée principale des emménagements. Quand le navire est au bassin de radoub, il est difficile de faire autrement avec toutes les allées et venues des ouvriers, techniciens, marins etc. Résultat : une déficience dûment confirmée par les inspecteurs du Port State Control qui n'ont pas attendu que la rectification soit faite par le bord et le chantier. On ne plaisante pas au Portugal même au fond d'une cale sèche !
      A Marseille c'est le cas de dockers qui refusent de montrer leurs cartes ID (courant dans bon nombre de ports du monde), de prendre les badges du navire, qui refusent aussi de signer le Visitors Book et qui exigent que toutes les marques, enseignes, notices de Sécurité soient rédigées en Français !..
      On rapporte qu'en escale en Indonésie un navire a eu une amende de 300 USD pour effectif non conforme du fait des 4 gardiens de terre embauchés par l'agence pour améliorer la surveillance du dit navire ! Supernumerary on board…
      En Afrique, Pointe Noire, Port Matadi, Douala etc. c'est surtout le manque de sécurité dans les enceintes portuaires qui pose problème. Ce manque de sécurisation du périmètre oblige les bords à prendre des mesures préventives importantes, surveillance continue, gardiens, rondes, accès sécurisés etc. Applaudissons des deux mains si ces mesures contraignantes du code ISPS ont au moins le résultat positif de diminuer les clandestins à bord !
      A Douala par exemple, après une escale riche en péripéties dont 4 tentatives de vol avec cadenas fracturés, 3 inspections de l'État du Port par 3 inspecteurs différents, 30 "visiteurs officiels" sans cartes ID et en final, 2 stowaways sont découverts avant l'appareillage. Remis à la police, les deux clandestins furent relâchés sur le quai !

      Mais pour terminer ce tour d'horizon des débuts balbutiants du code ISPS, retour aux USA et à Philadelphie pour être plus précis.
      Relatons la mésaventure survenue au capitaine d'un navire qui courroucé par la lenteur d'une inspection des Coast Guards au mouillage avant l'entrée au port, se crut malin de leur annoncer qu'il y avait une bombe à bord programmée pour exploser une fois le navire à quai !..
Résultat : 4 jours d'attente supplémentaire puis surveillance très pointilleuse des opérations commerciales, le commandant fut bien évidemment débarqué et traduit devant la Cour Fédérale au motif de fausse déclaration et menace terroriste ! Le rapport ne dit pas de combien d'amende, voire d'emprisonnement avec ou sans sursis, il écopa. On ne badine pas avec le code ISPS aux USA. On s'en doutait !


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