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Le code ISPS fin 2004
(International Ships and Port Facilities Code)

 
  1. Ce que les exigences du code ont déjà changé à bord

    1. Il a d'abord fallu "retrouver" et surtout marquer les différents lieux. Le code a déterminé des locaux à accès restreint (équipage seulement) et des locaux à forte vulnérabilité.
      Donc une classification des zones interdites à la circulation pour les personnes non autorisées en fonction des niveaux de sûreté du navire.

    2. Il a fallu aussi faire en sorte que ces locaux puissent être fermés rapidement par un minimum de personnes. Et aussi qu'elles ne restent accessibles qu'à un minimum de personnes à bord. D'une manière générale le Commandant, le SSO (Ship Security Officer), et parfois le Chef Mécanicien (Sécurité obligeant).
      Il a donc fallu trouver des systèmes de fermeture à la fois rapides, efficaces, mais surtout ne bloquant pas définitivement l'accès. Par exemple la tentation était grande de fermer toute les portes étanches par un cadenas, qui condamne donc l'accès par l'extérieur de personnes indésirables, mais qui par retour empêche aussi l'équipage de sortir. Or il faut toujours garder à l'esprit le coté Sécurité (incendie, etc..), et donc pouvoir autoriser la sortie de l'équipage par ces mêmes portes étanches en cas de sinistre. Différentes solutions, suivant les navires, ont été trouvées pour la fermeture des portes étanches.
      Même chose pour les accès aux échappées machine, chambre des pompes, machinerie ascenseur, et même pour les panneaux de citernes ballast et cargaison.

    3. Il a fallu ensuite bien répertorier les différents locaux et instruire l'équipage sur les différents niveaux de sûreté.

    4. Il a fallu également prendre en compte de nouvelles technologies qui ont un lien avec l'ISPS. C'est le cas de l'AIS (Automatic Identification System) dont une des finalités est d'améliorer la sécurité de la navigation ainsi que des effets sur la sûreté. Nous ne verrons que le coté sûreté :

      L' AIS permet d'envoyer en mode VHF aux stations terrestres équipées ainsi qu'aux autres navires équipés des informations statiques et dynamiques à certaines fréquences suivant la vitesse du navire, que ce soit en pleine mer ou en approche de port.

      Les informations envoyées sont : nom du navire, son numéro IMO international, son numéro MMSI, indicatif radio, longueur, largeur, type du navire, tirant d'eau, provenance, destination et même ETA ; en données dynamiques sont envoyés le cap, la vitesse, la position GPS latitude/longitude. En outre les données reçues donnent aussi le relèvement et la distance du navire, ce qui permet de mieux le situer sur une image radar.

      Coté sûreté, un port ou un dispositif de contrôle de trafic peut ainsi mieux contrôler l'approche et les mouvements de navires, savoir le nom de chaque écho.

      Mais l'AIS représente aussi le contraire de ce pourquoi il a été créé :

      Sûreté : les données statiques transmisses sont entrées par le bord au départ du voyage, rien n'empêche un navire mal intentionné de changer son nom et ses caractéristiques ; de le mettre en panne ou de faire en sorte que même ses données dynamiques soient fausses ; de plus un terroriste équipé d'un récepteur AIS (qui n'émet pas) peut recevoir à loisir les informations qu'il désire sur le navire qu'il attend pour l'attaquer; (ce système existe déjà dans les zones surveillées par les navires de guerre type mer Rouge et golfe arabo-persique où on est sommé de répondre en VHF au navire de la coalition et de lui donner tout un tas de données de navigation, le tout sur VHF, ainsi un groupe terroriste peut décider de passer à l'attaque après confirmation des informations échangées avec ceux sensés nous protéger, de navire parmi d'autres on peut ainsi devenir cible (ainsi le Limburg avait été appelé par un avion militaire américain le survolant d'assez près pour lire son nom et un tas d'informations avait été donné la veille de l'attentat au Yemen).
      Enfin un problème déontologique : on apprend et les compagnies et les affréteurs nous demandent d'être le plus discret possible sur les données commerciales du navire, et l'AIS par contre demande la destination et l'ETA...

  2. Les prochains changements à bord

    1. Une première vérification a déjà été faite, ce qui a permis de corriger certains points de sûreté (tels que les relations portes / niveaux de sûreté). Cela a aussi permis de préparer un SSP (Ship Security Plan) afin de le faire approuver par le pavillon du navire - ainsi que par les USA puisque c'est essentiellement pour eux que ce plan existe pour l'instant.

    2. Les bords vont recevoir ou ont déjà reçu des appareils de détection. Ce ne sont souvent que les détecteurs de métaux. Mais ils ne peuvent pas servir sur le pont, ceux-ci étant en acier. De plus sur les navires à cargaison dangereuse, il est interdit de les utiliser à l'extérieur, n'ayant pas de sécurité intrinsèque. Alors à quoi vont-ils servir ? juste pour les inspections ou bien la détection se fera-t-elle à l'intérieur du navire (lorsqu'il peut être trop tard), car la même sécurité anti-déflagrante est en vigueur à bord et sur le terminal.

    3. Une alerte par satellite va être ou est installée à bord. Cette alerte est prévue pouvoir être actionnée de deux endroits : la passerelle de navigation et un autre endroit secret qui ne sera connu que du commandant et du SSO (éventuellement aussi du Chef Mécanicien qui aura les plans, du Second Mécanicien qui aura supervisé les travaux d'installations et de l'électricien qui les aura fait) à moins que cela ne soit fait en chantiers de réparations et alors les plans seront peut-être disponibles sur internet.
      Cette alerte devrait être envoyée directement à un organisme d'état chargé de la sûreté, on parle du Cross Gris Nez pour la France.

    4. Il est aussi question d'obliger l'équipage de porter un badge, afin évidement d'aider les installations portuaires à reconnaître immédiatement un membre d'équipage, on peut penser qu'avec les équipages peu nombreux que nous avons maintenant tout le monde se connaît à bord. C'est donc plus pour que les visiteurs sachent qu'ils s'adressent à un membre de l'équipage.

  3. L'organisation du travail à bord

    1. SSO : les compagnies ont choisi la personne qui sera SSO, pour la majorité ce sera le second capitaine, certaines fois le chef mécanicien ou le second mécanicien. Deux politiques : ne pas surcharger le second capitaine pendant l'escale, ou bien penser que le second capitaine étant déjà safety officer, il est le mieux placé pour être SSO sachant que le travail (hors inspection) du SSO devrait être fait avant l'arrivée au port.

    2. Exercices : il va falloir créer de nouveaux exercices à bord pour sensibiliser les équipages. Mais pour l'instant il n'existe pas de directives sur les thèmes d'exercices, quelques idées ont tout de même été émises par les bords : entraînement au quart coupée (factionnaire), connaissance et utilisation des moyens de fouille et d'identité, connaissance des niveaux de sûreté, découverte d'un colis suspect.

    3. Quart coupée : en escale sur un navire à marchandise dangereuse liquide, il faut 1 homme de quart au manifold, 1 homme de quart sur le pont qui pourra faire des rondes aléatoires et vérifier l'amarrage, et il faudra 1 homme de quart à la coupée en factionnaire, plus bien sûr l'officier au central cargaison. Donc une organisation à revoir pour presque tous les navires.

  4. Questions sans réponse

    1. Formation SSO: cette formation est commencée dans les écoles d'hydrographie, malheureusement les textes (hors le code lui-même) régissant la sûreté n'étant pas encore bien définis, la formation dispensée reste inévitablement dans le flou même si elle suit un document STW de novembre 2003 et ne répond pas vraiment aux questions que les futurs SSO et équipages se posent : essentiellement des questions pratiques comme les exercices à faire, les papiers et informations à divulguer, à taire, etc..

      Cette formation très détaillée concerne des " connaissances " suivantes :

      • Plan de sûreté et procédures d'urgence :
        connaissance des responsabilités liées à la sûreté du CSO, SSO, Commandant, équipage et PFSO ; connaissance de la législation et réglementation régissant la sûreté et connaissance des autorités compétentes de l'état du pavillon et de l'état du port qui doivent être avisées ; connaissance des éléments constituant un SSP (mais on n'apprend pas à en faire un car on ne sait pas encore en faire) ; connaissance de situations d'urgence et la manière d'y faire face ; gestion des foules ; connaissance de niveaux de sûreté ; connaissance des aides techniques à la sûreté ; connaissance des mesures de sûreté du port et pendant les opérations commerciales

      • Evaluation du risque et de la vulnérabilité :
        Connaissance des méthodes d'évaluation du risque ; des techniques utilisées pour contourner les mesures de sûreté ; du traitement des informations confidentielles ; reconnaissance des caractéristiques et comportement de personnes susceptibles de compromettre la sûreté, des armes et détection de celles-ci.

      • Méthodes de fouille :
        Connaissance des diverses méthodes de fouille des personnes, bagages et colis ; connaissance du matériel de sûreté y compris essai et étalonnage.

      • Techniques d'apprentissage en vue de la formation des équipages, encourager la prise de conscience et la vigilance.
        Mais tout ceci reste très théorique, on a un bon aperçu de ce qui existe en matière de sûreté mais on reste dans le vague, aucune réponse pratique n'est donnée contrairement à d'autres formations qui sont certainement plus techniques (voir pétrole, smdsm, etc..)

    2. Le SSP est classé Confidentiel, on ne doit donc pas le divulguer à n'importe qui, presque personne hormis les inspecteurs ISPS, et encore certainement pas tous. En ce qui concerne l'étranger, comment ne pas froisser les susceptibilités de certains pays.

    3. De même la plupart de nos navires sont à équipage multi-nationaux, alors peut-on se permettre d'avoir un SSO étranger employé par un manning manager sachant que tout est classé Confidentiel.

    4. Il n'existe aucune obligation juridique à présenter ses papiers d'identité à une personne qui n'est pas un représentant de la force de l'ordre. Alors comment fera un matelot à la coupée pour refouler la personne en question, aura-t-il le courage de refouler cette personne, de lui dire d'attendre qu'un officier plus responsable vienne à la coupée ou bien laissera-t-il passer ?

    5. Effectif : on a vu plus haut qu'il allait falloir beaucoup de gens de quart sur le pont sur certains navires, comment avoir 3 hommes de quart en permanence sachant que pour 2 hommes de quart on tourne actuellement en 6/6 avec 4 personnes

  5. Conclusion

    Une fois de plus ce code ne concerne que les navires de commerce, et exclut les pêcheurs, les plaisanciers, et surtout les navires de guerre (d'état c'est-à-dire ceux employé par l'état pour des opérations non commerciales).

    Responsabilité : un navire bien préparé en niveau sûreté arrive dans un port au même niveau mais vient d'un port pas vraiment sécurisé ; ce navire transporte des colis par conteneurs ou non, on découvre dans le port de déchargement (sécurisé) une bombe ou autre, qui va être suspecté le premier : le navire et bien sûr son commandant en premier même si ceux-ci ne sont pour rien dans le problème.

    Enfin je pense que mon navire sera sûr le jour où il arrivera dans un port qui sera lui-même sûr. On peut être en niveau 3 sur un pétrolier qui arrive à Antifer où il n'existe toujours pas de simple contrôle d'identité à la porte.

Cdt Hubert ARDILLON
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