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Code ISPS : état de la sûreté Maritime en Août 2007
 

  1. Conformité des navires avec le code ISPS, le règlement Européen, la doctrine et les derniers décrets français
  2. En général, cela a été fait en temps, et la qualité est moyenne mais acceptable. Comme d'habitude, certaines compagnies ont appliqué le "copié/collé" déjà bien employé pour l'application du code ISM. Mais ne soyons pas chiens ... ça marche... le minimum a été fait; il est vrai que ce n'était pas compliqué, soyons francs! Les seuls navires où il y a des problèmes, assez délicats à résoudre, sont les navires à passagers relativement anciens. En effet la mixité passagers/équipage est un facteur de risque et celui-ci n'est pas toujours facile à réduire. Cependant aujourd’hui l’identification du passager a fait du progrès, la fabrication de badges pour équipage, stagiaires, intermittents portuaires dans les terminaux, est instantanée et d’un coût très raisonnable.

    Le règlement Européen 725/2004 (celui qui applique le code ISPS) prévoyait que chaque état membre évaluait puis appliquait ou non le code ISPS à la navigation nationale au 1er juillet 2007. Les compagnies maritimes françaises concernées auraient été informées directement.

    Une étude (2005- d’ailleurs complètement ratée) effectuée par l'OMI sur les effets de l'efficacité du code ISM, préconise le regroupement de certaines exigences des deux codes ISM et ISPS... c'est ce que les experts indépendants comme moi proposent depuis le début... Déjà, sur les navires, nous recommandons une intégration des deux systèmes de management sécurité/protection de l'environnement et sûreté ... en attendant d'y intégrer la santé des marins et la qualité du service. Ca vient doucement... de grandes compagnies s'y intéressent ... malgré l'hostilité des sociétés de certifications qui n'y trouvent évidemment pas leur compte! Les économies qui seront réalisées par les armateurs seront déterminantes....aval de la classe ou pas!

    Enfin pour être précis, les évaluations de sûreté effectuées par les compagnies (elles ont cette possibilité contrairement aux installations portuaires) sont souvent moyennes ou carrément nulles (souvent du copié/collé) alors que c'est l'évaluation qui détermine les mesures de sûreté à prendre, qui sont regroupées ensuite dans un document appelé PLAN de SURETE! Une bonne évaluation bien ciblée sur les opérations du navire et les zones qu'il fréquente amène des mesures pertinentes nécessaires et suffisantes et fait donc faire en général des économies à l'armateur, finalement.

    Les Administrations commencent enfin à être plus efficientes dans leurs visites initiales... certaines voulaient au début transformer nos navires en navires de guerre! Grâce à un peu plus d'expérience, les visites initiales et intermédiaires se passent relativement bien à présent... tandis que les visites de renouvellement à l'horizon du 1er semestre 2009 seront l'occasion de rectifier et améliorer.

    Les coûts publiés de la mise aux normes ISPS par les armateurs sont souvent exagérés (grâce à nos amis des sociétés de classification encore !). La somme de 10.000 Euros plus 2000 Euros par an (audits) est une moyenne raisonnable. (dans l'exploitation d'un navire c'est négligeable!).

    Les exercices sont à peu près bien faits, mais par contre, il y a un problème au niveau des entraînements (exercices d'envergure avec les ports)... du fait du grand retard pris par les ports (y compris les ports Européens et donc les ports français !)

    Le fonctionnement du plan de sûreté (système de management de la sûreté) est bon dans son ensemble (audits internes, revues de capitaines etc...). Par contre, mais le code ne l'a pas précisé c'est vrai, les audits au niveau de la compagnie n'existent généralement pas, ce qui n'est pas logique!... malgré leurs grands discours les armateurs et leurs associations, qui ont vu la faille, ne s’y précipitent pas !

    La formation ISPS, contrairement à l'ISM, est faite, et souvent bien faite. Cette formation est obligatoire et a été introduite dans STCW ce qui est donc un gros progrès par rapport à l'ISM (on parle enfin de plus en plus de formation ISM obligatoire en ce moment… voir les résultats du dernier MEPC !)

    L'Europe nous a imposé certains paragraphes de la partie B du code ISPS, elle aurait pu en imposer plus sans problèmes… puisqu’on doit "tenir compte" entièrement de cette deuxième partie (rappel : tenir compte en terme OMI veut dire appliquer lorsque cela est faisable et raisonnable !)

    La DAM a établi une doctrine sûreté qui a l'avantage de préciser quelques points sujets à interprétations; jusque là ça va ... mais dernièrement le décret 937/2007 du 15 mai 2007 du ministère des transports relatif à la sûreté des navires est venu rajouter une couche ... qui fait des vagues!

    En effet, en continuité avec un décret équivalent concernant la sûreté des ports (476/2007), ce décret impose l'agrément des SSO par le gouvernement du pavillon. Cet agrément est valable 5 ans mais pour un seul navire! Tout se passe comme si le législateur avait confondu la marine marchande avec la Royale. Sachant que le SSO n'est pas toujours le Capitaine mais peut-être un officier souvent étranger (les deux sont alors à agréer car le Capitaine est toujours considéré comme le SSO suppléant pour le moment)... vous voyez la complexité de l'agrément (enquête sur le passé judiciaire dans le pays d'origine). La solution du Capitaine/SSO que je préconise depuis le début est évidemment plus simple ... tant que les Capitaines sont français...mais ceci est une autre histoire….. !
  Pour les Capitaines, la sûreté doit être considérée comme une partie de la sécurité et il n'a jamais été tenu de tout faire lui-même. Comme pour le reste, il délègue et... contrôle ! Tout cela est conforme-conforme !

En résumé: Bénéficiant d'une expérience de l'application de l'ISM, les compagnies et les navires ont bien assimilé les exigences de l'ISPS et les appliquent relativement bien!

En gros: Pas mal, mais peut mieux faire notamment au niveau de l'évaluation de sûreté.


  1. Sûreté des installations portuaires:
  2. Alors là, état très moyen en général ou carrément lamentable ... sauf dans les ports les plus récents où la sûreté est prévue à la construction et de nombreux nouveaux ports sont en projet un peu partout dans le monde, accroissement de la taille des porte-conteneurs oblige !.

    En France, des erreurs (sanctionnées par les inspecteurs de la Commission Européenne) ont été commises au début de l'application de l'ISPS par les installations portuaires; si celles-ci ont été définies relativement rapidement (la DTMPL avait, sommes toutes, assez bien réagi (un peu tard, mais bien)... des commandants de ports se sont lancés dans la réalisation de l'Evaluation de sûreté, alors que le code ISPS le leur interdit (sauf s'ils sont agréés comme RSO!). La rectification vient de tomber (Circulaire DTMRF/PVL du 24.2.2007) et l'Administration reconnaît son erreur.... cependant il n'y a pas de rétroactivité ! c'est-à-dire que seules les nouvelles installations portuaires doivent se conformer au code ISPS…c’est à n'y rien comprendre! La circulaire prévoit quand même qu'à l'échéance 2009 (renouvellement des approbations) les évaluations devront être complètement refaites!.... cela va donner du travail aux RSO car l'Administration, quelle qu'elle soit, semble toujours incapable d'effectuer cette évaluation!

    Pourtant on pourrait envisager une unité spécialisée au niveau national, qui se chargerait de toutes les évaluations de sûreté (remise à niveau, renouvellement, nouvelles installations portuaires). Créer une compétence locale dans toutes les préfectures de bord de mer me semble moins adéquate car il n’y pas de grands ports partout et cela serait peut-être encore plus cher. Il ne reste donc que les RSO … qui sont d’ailleurs faites pour ça n’est-ce-pas ?**

    Donc au niveau des installations portuaires le niveau de conformité au code ISPS est très moyen. Les évaluations et les plans de sûreté ont été approuvés par les préfets (en urgence disent-ils!...ils ont eu le même délai...seulement ils s'y sont pris au dernier moment comme d'habitude, c'est tout), alors qu'ils étaient loin d'être conformes - j'ai vu un plan de 12 pages dont 8 étaient de la paraphrase du code...mais quand même approuvé par le préfet du coin!

    J'ai supposé que les concessionnaires des différents terminaux d'un grand port Européen s'étaient retrouvés dans un restaurant et s'étaient passé la clé USB ... car c'est trop souvent un concours de "copié/collé" !

    Donc du côté des Installations portuaires à part quelques exceptions (évaluations et plans préparés par des RSO sérieuses), le résultat est au ras des pâquerettes, et ceci est général pour beaucoup de pays... je ne suis pas allé voir aux USA ni en UK, mais je peux écrire un roman avec ce que j'ai vu en EUROPE et en AFRIQUE!

    Il y a donc un gros ménage à faire, que les inspecteurs de la Commission Européenne ont bien lancé. Il faut que cela continue.

    Conformité avec Règlement Européen 65/2005 qui est en gros l'application des principes du code ISPS à l'ensemble du port.

    Ce ménage pourrait-être fait à l'occasion de l'application du règlement Européen 65/2005 qui exige un plan de sûreté pour le port et non plus uniquement les seules installations portuaires pratiquant à l'international. Les ports poussés au derrière par l'Europe s'y mettent, et c'est donc l'occasion de revoir ce qui a été fait en 2004. Le bilan n’est pas brillant nous l’avons vu, mais on y va à pas de loup pour éviter de mécontenter les concessionnaires qui sont considérés comme des clients!

    Un décret français a été pondu pour les ports pour rajouter une couche, comme pour les navires ; mais au contraire des navires, l'agrément des PSO est quand même nécessaire je pense.

    D’autre part, un secteur important de la sûreté commence seulement à être mis en place, je veux parler de la sûreté du plan d'eau.... les plus grands ports français ont commencé à réagir en 2006 soit deux ans après l'échéance! (les préfets avaient donc approuvé des plans sans protection du plan d'eau! Ouille ouyouille !).

Tous les pays sont à la traîne pour cette protection et seuls ceux qui ont des Coast-Guards (des vrais) sont à peu près à niveau (je dis bien à peu près seulement). Pour information, le marché des vedettes rapides d’intervention explose aux USA : les USCG ont signé dernièrement un contrat de 600 M$ pour la construction de vedettes rapides (40 nds) avec le chantier MMC, et pouvant représenter 180 unités. Pour nos ports, on se demande qui va payer ? : 7 ports autonomes, 21 ports d’intérêt national et 8 ports départementaux à équiper ! La gendarmerie ? … elle émarge au budget de l’armée…. qui semble être voué aux vaches maigres pour un bon moment ! Alors qui ?


    Encore une fois un corps de Coast-Guards Européens, financé par l’Europe c'est-à-dire les cotisations de tous les membres, peut seul assurer cette sûreté maritime à l’instar des USCG (qu’on pourrait même améliorer). Évidemment notre cotisation là-bas serait autant de moins pour notre marine nationale …. Si on lui enlève l’action de l’État en mer, la marine va être réduite aux actions extérieures et les amiraux préfets maritimes vont disparaître… . Lobbying intense, soutien de politiques ignorants, tout est bon pour … ne pas bouger et garder … "les avantages acquis". La roue finira bien par tourner car elle est logique… vous verrez, nos enfants s’engagerons dans les ECG suite à un concours Européen (avec Anglais éliminatoire!) Pourquoi pas ?

    Enfin, et pas la moindre des choses, l’obligation de scanner 100% des conteneurs à destination des USA avant le 1er Juillet 2012 (loi signée par BUSH le mois dernier) va faire beaucoup de dégâts. Nos grands ports toujours frileux quand il s’agit d’investir sont au pied du mur : qui va payer ? L’UNIM propose de privatiser tout de suite les terminaux et ses moyens de manutention…. Est-elle prête à également investir dans des scanners à 3M$ l’unité ? (2 scanners, en bout de voies d’enregistrement, sont en cours d’installation à TANGER MED par exemple !). Le proche avenir va être dur du côté du portefeuille des ports !
  Bilan pour les ports
    Les RSO "factices" n'ont pas toutes disparu : une meilleure sélection et un meilleur contrôle de leurs activités sont nécessaires. Rappel, la responsabilité des RSO est engagée!

    Les inspecteurs de la Commission Européenne sont redoutables et ils vont revenir... petit rappel : les sanctions sont en général financières pour l’État ! L’Europe attaque toujours au portefeuille vous le savez!

    D’après les Coast-Guards US, 10% des ports du monde ne sont pas conformes à l’ISPS…à mon avis c’est beaucoup plus ! D’ailleurs ils gardent secrète une black-list qui traumatise quelques pays (l’Indonésie vient officiellement de s’en émouvoir)

    L'OMI a fait un effort de formation mondiale, mais là aussi il n'y a plus d’argent et la formation demeure un élément primordial.

    Sauf quelques exceptions, les ports sont plus qu'en retard.... leurs Administrations également!

    Vœux :

    Les inspecteurs de la Commission Européenne sont très efficaces, on rêve « d’inspecteurs de l’OMI » qui pourraient l’être autant ! Le projet OMI en cours : "d’Audit volontaire des États membres"-- qui a été lancé en 2004 n’a guère de succès. Il s’agit pour l’État contractant non pas de s’auditer lui-même (cela ne marche pas vraiment, n’est-ce-pas !) mais bien de solliciter l’OMI et ses inspecteurs (qui seront payés par le même État volontaire) pour effectuer un audit de la réalité de l’application des instruments de l’OMI dans son Administration (SOLAS, STCW, MARPOL- la sûreté ISPS devrait bientôt être incluse) ! Ouille ouyouille ! C’est un audit de contrôle risqué ça ! d’autant plus que le pays s’engage à communiquer les résultats aux autres membres ! Qu’on le veuille ou non cela ressemble fort à un contrôle OMI qui ne veut pas dire son nom. Le CHILI et le DANEMARK sont pour le moment les seuls candidats à cet audit… on s’interroge : le CHILI a-t-il bien lu le contrat ? et… le DANEMARK a-t-il révisé son attitude du point de vue de l’OMBO ?

    Cet audit pour l’instant volontaire pourrait devenir obligatoire… ce qui serait logique non ? et dans ce cas nous aurions enfin nos inspecteurs de l’OMI (avec une casquette bleue ONU ?).

    Bon ne rêvons pas, l’OMI est une assemblée de membres et ces membres ne sont pas prêts à accepter ce genre d’inspection s’ils le peuvent… de quoi ont-ils peur ? …. de ne pas être tout à fait en conformité avec les conventions qu’ils ont ratifiées ? *… c’est un secret de polichinelle, il n’y a pas un état qui soit vraiment complètement en conformité pour un tas de raisons et principalement pour le sempiternel manque de moyens!


    Bilan général:
    • On manque de spécialistes compétents.
    • Les navires sont nettement plus conformes que les ports.
    • On rêve d’inspecteurs de l’OMI.

    Une formation avancée des acteurs est à présent nécessaire pour le fonctionnement de la sûreté maritime et notamment la formation d'auditeurs internes que ce soit pour les Installations Portuaires ou pour les Ports.

    L'aide aux pays en voie de développement est plus que nécessaire ... car c'est le point faible et …c'est donc par là qu'ils viendront!

Cdt B. APPERRY
Expert Maritime


 * Certaines conventions ont du mal à se faire ratifier …par exemple STCW F (F pour fishing)! C’est une chose de crier haro sur les cargos naufrageurs plus ou moins compétents et une autre de se conformer ne serait-ce qu’à une norme de formation internationale des marins-pêcheurs. Lucien BRETON a bien raison (tribune du marin) "pour éviter les abordages appliquons les règles" mais encore faut-il les connaître, ces règles, et tout ce qu'il y a autour: stabilité, navigation, veille/sécurité, etc… en un mot STCW F! Oui il a raison LB une véritable révolution culturelle ! Des louables efforts sont faits ici et là, mais c’est d’abord une question de culture : pas la peine d’exiger le gilet flottant … si à peine 10% des pêcheurs, des lamaneurs, des équipages de remorqueurs les portent ! Pas la peine d’évaluer les risques (NB : DUP obligatoire sur les navires depuis peu) si le Capitaine et l’équipage ne suivent pas !

Une autre convention que certains pays ont du mal à ratifier : ILO 185, le fameux document d’identification biométrique des marins. Toujours pour les mêmes raisons certainement : qui paye ?
 ** Certains ports (petits) continuent, malgré la circulaire de Mr DELSUPEXHE, à envisager d’effectuer eux-mêmes l’évaluation de sûreté du port. Si le préfet approuve cette évaluation, c’est qu’il n’a pas encore lu la circulaire en question ! Bon on ne va pas changer la "culture française" comme cela… sauf si nos « aimables » inspecteurs de la Commission Européenne s’avisent de repasser par là !


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