Le nouveau code ISPS
(International Ship and Port Facility Security Code)

        A peine le code ISM mis en place, voici que la Communauté Internationale nous impose un nouveau code : le code ISPS ou International Ship and Port Facility Security Code - Port facility pour installation portuaire, et surtout Security pour Sûreté (et non pas sécurité)

Quelle différence alors entre ces deux mots bien proches ?

La sécurité est la prévention des accidents lors de nos activités de la vie ordinaire tant à bord des navires qu'à terre tandis que ...
La sûreté est la prévention des actes criminels contre les personnes et les biens tant à bord qu'à terre.
Si la sécurité, les marins connaissent bien, la sûreté pour beaucoup c'est nouveau.

De quoi s'agit-il donc et surtout pourquoi ?

Le code ISPS est un outil international de prévention des actes illicites contre les navires, les personnes transportées, équipage comme passagers, et les installations portuaires accueillant ces navires, et constitué essentiellement de mesures de dissuasion en fonction de la menace.
Pratiquement, regardez ce qui se fait dans l'aviation commerciale comme mesures de contrôle dans les aéroports dès l'entrée jusque dans l'avion… avec le code ISPS, c'est ce qui nous attend dans la marine marchande !

Mais, avions nous vraiment besoin d'un tel code de sûreté ?

En effet si les actes contre les avions ont été nombreux, spectaculaires et très meurtriers - rappelez-vous l'attentat contre le World Trade Center - les attaques contre les navires avec des conséquences aussi catastrophiques ont été finalement peu nombreuses : quelques prises de contrôle de navires avec prise d'otages et à chaque fois pour des raisons purement politiques !

Mais tout le monde sait aujourd'hui que la piraterie augmente d'une manière dangereuse d'année en année malgré les nombreuses mesures, peut-être un peu timides quand même, qui ont été prises.

De plus, plus récemment, les attentats suicides contre la frégate américaine "USS COLE" au YEMEN en 2000 et enfin le pétrolier français "LIMBURG" sur rade d'ASH SHIR, au YEMEN encore, il y a un peu plus d'un an, ont beaucoup marqué les esprits !

Si l'attentat contre les tours du WORLD TRADE CENTER à NEW YORK le 11 septembre 2001 a été l'élément déclencheur de beaucoup de choses et notamment du code ISPS, la menace d'actions terroristes contre ou avec des navires est une réalité confirmée par les différentes informations obtenues par les services de renseignements de nombreux pays.

Les navires sont toujours une concentration soit de vies humaines (navires à passagers, que ce soit paquebots ou ferries) soit de marchandises dangereuses ou pouvant le devenir (hydrocarbures, conteneurs, produits chimiques), donc les navires sont des cibles idéales pour des actions spectaculaires pouvant faire "caisse de résonance" pour les activistes de tout poil !

La menace se précise donc :

OUI, les navires peuvent être des cibles pour des terroristes de tout poil prêts à les utiliser pour :

• Détruire des vies humaines, si possible en grand nombre, en mer ou au port (explosion d'un navire à passagers par exemple)
• Détruire une ville et tous ses habitants (explosion d'un pétrolier, d'un gazier ou d'un chimiquier par exemple,)
• Transporter des bandes armées ou des armes de destruction massive (dans des conteneurs, sur un petit caboteur, un remorqueur par exemple)
• Bloquer l'entrée d'un grand port commercial vital ou stratégique pour une région ou un pays
• Transporter des denrées de contrebande d'un grand rapport (drogue) afin, le plus souvent, de financer le terrorisme ou le grand banditisme
• Transporter des clandestins parfois en vue d'actes de terrorismes, d'espionnage ou de sabotage
• Prendre en otage des membres d'équipage, des passagers ordinaires ou célèbres afin de faire chanter un gouvernement, une famille ou une communauté
• Provoquer une mutinerie ou une grève illicite pouvant mettre le navire ou une partie de l'équipage en danger.
• etc.….

OUI, tout cela, la communauté maritime l'a imaginé, peut-être même avant les terroristes eux-mêmes ! ... cela s'appelle de la prévention !

L'application du code ISPS finalement ne sera qu'un ensemble de mesures définitives ou provisoires à prendre afin de rendre le navire et sa cargaison les plus inaccessible possible pour des personnes mal intentionnées.

APPLICATION DU CODE ISPS : qu'est -ce qui nous attend en pratique ?

Après quelques dispositions obligatoires élémentaires comme :

• le marquage apparent du N° IMO du navire (celui qui ne change jamais),
• l'édition d'une espèce de "carte grise" du navire comprenant son histoire, ses propriétaires, ses pavillons, ses différents exploitants ou affréteurs, ou enfin
• l'installation d'un système d'ALARME de SURETE destiné à pouvoir informer discrètement la terre en cas d'attaque

... l'application du code ISPS à bord d'un navire consiste d'abord en une évaluation des risques en fonction du type de navire, ses cargaisons, son équipage, son organisation interne, sa ou ses lignes habituelles. De là découlerons des mesures de réduction de ces risques en fonction de la menace c'est à dire un ensemble de mesures de prévention qui seront décrites dans un plan de sûreté propre au navire et qui devra rester confidentiel.
Enfin, en vue de s'assurer que ce plan de sûreté est conforme au code ISPS et de pouvoir prouver à tous les ports du monde que des mesures de précautions adéquates existent à bord, une certification de conformité par les autorités du pavillon est nécessaire et obligatoire.

EVALUATION

Nous allons donc d'abord évaluer les risques auxquels nous sommes confrontés !
Pour cela :

1. après une évaluation de l'intérêt que peut représenter notre navire pour des criminels potentiels en fonction de la "valeur" du navire lui-même, de la cargaison, de son équipage, de ses passagers éventuels, pour des pirates ou des terroristes éventuels…
2. nous procéderons à un inventaire des mesures de sûreté déjà existantes :
   • Bonne connaissance des membres d'équipage, contrôle d'identité des passagers ou visiteurs soit à l'entrée du port soit à la montée à bord (ou les deux)
   • Protection des zones critiques à bord (passerelle, machine, local C02, chambre des pompes, manifolds etc.) comme à terre (terminaux pétroliers, gaziers, chimiquiers, zones de stockage, tours de contrôle portuaires, locaux techniques écluses, portiques de manutention, etc.)
   • Procédures ISM existantes se rapportant à la sûreté : alerte à la bombe, rondes et gestion clandestins, prévention vols ou piraterie c'est à dire gardiennage, rondes ou veille doublée, portes condamnées ou d'accès restreint, mise à l'abri argent et passeports dans un coffre etc.)
3. Nous évaluerons ensuite les risques encourus par notre navire tout au long des ses voyages réguliers ou non réguliers : ports fréquentés et régions traversées. Pour cela des informations doivent nous être communiquées par les Gouvernements contractants à la SOLAS qui nous concernent via notre propre pavillon.
4. Nous évaluerons ensuite la vulnérabilité de notre navire à une intrusion illicite, une explosion, un incendie criminel ou un sabotage...

Tout cela pour aboutir à une évaluation globale des risques encourus par notre navire et son équipage afin de décider les mesures possibles de réduction de ces risques à un niveau acceptable, en fonction de la menace qui nous aura été communiquée ou que nous détecterons.

Cette évaluation encore appelée SSA (Ship Security Assessment) sera effectuée par l'Officier de Sûreté de la compagnie (CSO – Company Security Officer) aidé ou non par des spécialistes.

PLAN de SURETE (ou SSP pour Ship Security Plan)

Une fois cette évaluation faite et les mesures de réduction de risque décidées par la compagnie (renforcement momentané de l'équipage, gardiennage dans certains ports, nouvelles serrures à code sur certaines portes, caméras, détection présence, fouille, détecteurs de métaux ou encore annulation voyages ou escales etc.) un plan de sûreté est élaboré par le CSO aidé ou non d'un spécialiste.

Le plan de sûreté comprend :

• Les mesures prises en temps normal (niveau de sûreté 1) pour chaque opération ou zone critique du navire
• Les mesures supplémentaires en cas de menace plausible mais encore imprécise que la compagnie a décidé (niveau de sûreté 2) : renforcement de contrôles d'accès, condamnation de nouvelles portes, rondes permanentes, surveillance des accès 24h/24 etc.
• Les mesures spéciales prévues ou communiquées en cas de menace précise ou imminente : appareillage ou évacuation du navire, arrêt du chargement/ déchargement, interdiction des échanges terre/bord etc.

Afin de coordonner toutes ces mesures la Compagnie nommera sur chaque navire un Officier de sûreté (SSO pour Ship Security Officer) qui assurera le fonctionnement de ce plan de sûreté.

PARTAGE des RESPONSABILITES dans l'ISPS

Que ce soient les Gouvernements, la Compagnie, les Autorités portuaires, le CSO, le SSO ou le reste de l'équipage, chacun a ses tâches et sa part de responsabilités dans l'application du code ISPS.

En ce qui nous concerne :

1. La Compagnie se doit d'avoir une politique sûreté dans laquelle elle s'engage à donner au Capitaine et à son personnel les moyens nécessaires pour l'application du plan de sûreté : formation, renseignements, ressources et modifications jugées nécessaires, pouvoir discrétionnaire du capitaine.
2. Le CSO à un rôle extrêmement important, il est plus particulièrement chargé de:
   • Rechercher des informations et formuler des avis sur les degrés de menace auxquels les navires de la Compagnie peuvent être confrontés tout au long de leurs voyages.
   • Vérifier le fonctionnement du Plan de Sûreté (SSP) par des inspections et des audits internes
   • Veiller à la mise en œuvre des actions correctives émises que ce soit par les bords ou par les auditeurs internes ou externes.
   • Assurer la certification de conformité du SSP avec le code ISPS
   • Veiller à fournir aux équipages une formation adéquate
   • Passer en revue c'est à dire examiner et analyser le SSP périodiquement
   • Veiller à son amélioration
3. Le Capitaine du navire, qu'il soit ou non le SSO est particulièrement chargé de:
   • Superviser le fonctionnement du SSP à bord de son navire
   • Demander l'avis ou l'assistance de la Compagnie lorsque nécessaire
   • Prendre, de par son jugement professionnel, toute décision pour maintenir la sûreté et la sécurité des personnes à bord y compris d'interdire l'accès du navire à certaines personnes, de refuser des marchandises, y compris des conteneurs, suspects, d'appareiller en urgence ou de refuser d'entrer dans un port douteux !
   • Prendre toute décision pour assurer la sécurité et la sûreté des personnes et de son navire même si elle est contraire au plan de sûreté
   • Assurer la confidentialité du SSP
4. Le SSO est plus particulièrement chargé de :
   • L'application effective des mesures du plan tant à bord que dans l'interface avec le terminal
   • La mise en place et la surveillance du gardiennage et des contrôles
   • La direction de l'équipe de sûreté du bord spécialement chargée des recherches ou fouilles
   • La répartition des mesures entre le navire et l'installation portuaire lors des opérations conjointes : opérations commerciales, approvisionnements, soutage, relèves via la déclaration de sûreté (DOS pour Declaration of Security)
   • Des inspections particulières des conditions de sûreté : accès, gardiens, rondiers
   • Des essais et de l'entretien des équipements et systèmes de sûreté : Systèmes d'alarme et de communications, détecteurs divers etc...
   • De la formation continue de l'équipe de sûreté et de l'équipage: exercices et entraînements
   • De l'information du CSO de toute anomalie dans le fonctionnement du plan de sûreté tout au long du voyage.
   • De la formation et de la motivation de tout l'équipage à la vigilance permanente
   • De donner son avis au CSO sur l'évaluation et son évolution éventuelle, et sur le plan de sûreté correspondant, en fonction notamment des conditions réelles rencontrées tout au long du voyage.
5. Les membres d'équipage sont tenus de :
   • Respecter les mesures de sûreté exigées par le bord ou par le port
   • Participer aux rondes et contrôles divers demandés par le plan de sûreté
   • Participer à la vigilance générale en matière de sûreté et signaler au SSO tout incident de sûreté (tentatives, contacts pour trafic, clandestins ou introduction à bord de produits illicites)
   • Participer activement aux exercices et entraînements de sûreté
   • Se soumettre à toute sollicitation lors des inspections ou audits de sûreté

COMPARAISON avec l'ISM

Tout comme l'ISM, une certification de conformité ISPS est nécessaire pour pouvoir naviguer après le 1er Juillet 2004.
Familiarisation, réunions, exercices, inspections et audits se succèderont comme pour l'ISM mais ils auront lieu en même temps cette fois-ci !

EN CONCLUSION

Si tout cela peut paraître lourd à première vue, surtout pendant la mise en place compte tenu du peu de temps qu'il reste, il faut se rassurer quand même : Le secret du succès de cette certification incontournable réside dans la qualité de l'évaluation initiale et dans un équipage motivé qui sait aussi que comme l' ISM, la sûreté c'est aussi et d'abord sa propre sécurité !

Cet optimisme mesuré, car il y a quand même beaucoup de travail d'ici le 1er juillet 2004, sera je l'espère partagé par les responsables portuaires quand à la mise aux normes de leurs installations avant la date voulue… mais là c'est moins sûr !

Décembre 2003 Cdt Bertrand APPERRY consultant OMI pour l'ISM et l'ISPS