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Evolution de l'indice requis de compartimentage R des navires à passagers dans la Convention Solas :
de la Résolution A 265 (VIII) de 1974 aux futurs amendements «Solas 2020» (MSC 98 de Juin 2017).
 

Quel bilan pour l'OMI ?

  1. Introduction

  2. Le risque envahissement, quelle qu'en soit la cause ou l'origine, est le risque majeur de la navigation maritime en terme de perte de vies humaines. Il est supérieur à tous les autres risques. Régulièrement des accidents et des tragédies nous le rappellent. Le seul moyen de faire face à ce risque, en dehors des aspects opérationnels et comportementaux des équipages, est la sécurité intrinsèque (architecturale) des navires, en d'autres termes, leur compartimentage et leur stabilité après avarie.
    Les règles probabilistes sur le compartimentage et la stabilité après avarie des navires de la Convention Solas (Chap. II-1 partie B) ont une grande qualité : on peut modifier le niveau de sécurité qu'elles déterminent en ne touchant qu'à un seul paramètre, l'indice requis de compartimentage R.
    Ce paramètre fondamental R qui est en gros la probabilité de survie à l'ensemble des cas d'avarie considérés suite à une collision dans un certain environnement de vagues place la barre à un certain niveau de sécurité globale. Il est représentatif de l'antagonisme «sécurité/efficacité commerciale» de tout projet de navire : un navire très sûr au point de vue du compartimentage et de la stabilité après avarie est un navire très cloisonné mais de ce fait un navire difficilement exploitable et plus cher à construire.
    La formulation de l'indice requis de compartimentage R est un compromis, laborieusement obtenu à l'OMI comme nous allons le voir. La formulation de R est donc très politique.
    L'observation de l'évolution de ce paramètre critique depuis 1974 est de facto un indicateur simple et indiscutable des progrès … ou pas du compartimentage et de la stabilité après avarie des navires à passagers.

  3. Les différentes valeurs de l'indice requis de compartimentage R depuis 1974

  4. Le lecteur trouvera en annexe un rappel sur le principe des règles probabilistes. La formule de calcul de l'indice requis de compartimentage R est en général très simple, contrairement au processus de calcul conduisant à l'indice atteint de compartimentage A. Nous présentons ici les formules donnant R pour les navires à passagers, telles que rencontrées dans la Convention Solas et dans diverses études, le tout depuis 1974. Nous indiquons pour mémoire la formule de R pour les navires relevant du Code SPS (navires spéciaux : câbliers, géophysique, recherche océanographique, offshore, …) qui ont un statut intermédiaire entre navires de charge et navires à passagers.

    1. Résolution A 265 (1974) pour les navires à passagers (croisière et ferries)
    2. Ce sont les premières règles basées sur les principes probabilistes. Elles étaient admises en équivalence aux règles déterministes en vigueur à l'époque (Convention Solas 1960). La probabilité R est introduite pour la première fois dans un corpus réglementaire. Confer l'annexe.

      avec : N=N1+2.N2
      N1 = nombre de personnes pour lesquelles il est prévu des embarcations de sauvetage
      N2 = nombre de personnes (y compris l'équipage) que le navire est autorisé à transporter en plus de N1
      Ls est la longueur dite de compartimentage, à peu près égale à la longueur hors tout.

    3. «Solas 2009» pour les navires à passagers (croisière et ferries) et de charge sec (porte-conteneurs, transporteurs de voitures, vraquiers, etc.)
    4. «Solas 2009» est le référentiel réglementaire actuellement en vigueur.
      Nous ne nous intéressons ici qu'à la partie «navires à passagers».

      avec : N=N1+2.N2 (mêmes notations que pour la formule de la Résolution A 265 de 1974 confer § 21)

    5. Code SPS pour navires spéciaux
    6. Nous donnons ici, pour mémoire, les formules pour les navires spéciaux relevant du Code SPS (câbliers, géophysique, recherche océanographique, assistance, etc.). Ces navires, compte tenu du grand nombre de personnes pouvant se trouver à bord, ont un statut intermédiaire entre celui des navires de charge et celui des navires à passagers. Le Code SPS 2008 tel qu'amendé et issu de la Résolution MSC 266(84) dispose que :

      1. si le navire est certifié pour avoir 240 personnes à bord ou plus :

        (mêmes notations qu'aux paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
        C'est le standard actuel pour les navires à passagers.

      2. si le navire est certifié pour avoir au maximum 60 personnes à bord :

      3. si le navire est certifié pour avoir plus de 60 personnes à bord mais moins de 240, la valeur de R est déterminée par interpolation linéaire entre les valeurs a) et b) ci-dessus.
        On note que les formules de référence passagers sont celles de «Solas 2009» et pas celles du futur corpus passagers de «Solas 2020» (MSC 98) telles que décrites au § 28. Cela revient à dire que l'OMI a refusé de faire bénéficier les navires spéciaux des progrès attendus après 2020 pour les navires à passagers.

    7. Programme européen « EMSA 2 » (2011-2012)

    8. Ce programme de recherche très innovant, financé par l'Union européenne (Agence européenne de sécurité maritime) avait pour objectif d'évaluer la situation en termes de niveau de sécurité des navires à passagers, en particulier de type rouliers à passagers (ferries).

      R = 0.875 pour : N< 100
 pour : 100 <= N < 375
 pour : 375 <= N <= 704
      R = 0.968 pour N > 704
      avec N = nombre de personnes à bord

    1. Programme européen «GOALDS» (2009-2013)

    2. Cet ambitieux programme de recherche a de même été financé par l'Union européenne. Il a concerné la problématique de sécurité de tous les navires à passagers (croisière et ferries).
      Le programme a proposé 2 indices R, très proches l'un de l'autre.

      Le premier (linéaire en 3 tronçons) sous cette forme :
      R = 0.9 (pour N < 1000)
 (pour 1000 <= N < 6000)
      R = 0.97 (pour N <= 6000)

      Le deuxième (courbe continue) sous la forme :


      Dans les deux cas N est le nombre de personnes à bord.
      Nous utiliserons la deuxième formulation dans l'analyse du § 3.

    1. Programme européen «EMSA 3» (2013-2015)

    2. Le programme EMSA 3, lui aussi financé par l'Union européenne, avait pour objectif une analyse exhaustive de la problématique navires à passagers. En creux, l'étude EMSA 3 devait aussi faire une critique des programmes précédents EMSA 2 et GOALDS jugés par certains intérêts trop radicaux dans leurs conclusions.

      N = nombre de personnes à bord
      La formulation ci-dessus résulte d'une étude ayant porté sur les collisions et les échouements. Elle conduit à une valeur légèrement plus sévère que celle qui ne considère que les collisions.

    3. 3e Sous-comité OMI Ship Design & Construction (SDC 3) et 96e Comité de la sécurité maritime (MSC 96) / période 2016

    4. Le Sous-comité SDC 3 a proposé en 2016 au Comité de la sécurité maritime MSC 96 une nouvelle formulation de l'indice requis de compartimentage R indiquée ci-dessous.
      Le MSC 96 a suggéré aux États membres de l'adopter définitivement au MSC 97.

      R = 0.000088.N + 0.7488 (pour N <= 1000)
      R = 0.0369.Ln(N + 89.048) + 0.579 (pour 1000 < N <= 6000)
 (pour N > 6000)
      N = nombre de personnes à bord

    1. 98e Comité de la sécurité maritime de juin 2017 (MSC 98) => «Solas 2020»

    2. Au cours du Comité de la sécurité maritime MSC 97 des résistances sont apparues. Un compromis a dû être négocié lors du Comité suivant, le 98e. Ce dernier, par la Résolution MSC 421(98) du 15 juin 2017, a adopté à la suite de ces tractations une nouvelle formule de l'indice requis de compartimentage R. Cet amendement à la Convention Solas entrera en vigueur en 2020 («Solas 2020»).

      R = 0.722 (pour N < 400)
 (pour 400 <= N <= 1350)
 (pour 1350 < N <= 6000)
 (pour N > 6000)
      N = nombre de personnes à bord

  1. Analyse de l'évolution de l'indice requis de compartimentage R des navires à passagers (croisière ou ferries) sur plus de quarante années (règles et/ou études)

    1. Introduction :

    2. On porte sur un même graphique en abscisse le nombre de personnes à bord N et en ordonnée les valeurs de l'indice requis de compartimentage R indiquées au § 2. On trace ainsi 8 courbes représentatives des fonctions R = f(N) :
      • Résolution A 265 (VIII) de 1974 (premières règles probabilistes)
      • «Solas 2009» avec N1=90% pour représenter un navire de croisière
      • «Solas 2009» avec N1=30% pour représenter un ferry
      • Etude EMSA 2 de 2011-2012
      • Etude GOALDS de 2009-2013
      • Etude EMSA 3 de 2013-2015 (version collision & échouement)
      • Discussions OMI au Sous-comité SDC 3 (2016) et Comité MSC 96 (2016)
      • Décision définitive du Comité MSC 98 (juin 2017) => futures règles « Solas 2020 »

      Nota 1 : Dans les formules donnant R de la Résolution A 265 (1974) et de «Solas 2009», il y a le paramètre longueur de subdivision (en gros la longueur du navire). Pour la Résolution A 265, une valeur fixe de Ls = 200 m a été prise. Pour «Solas 2009», le paramètre Ls est pris égal à 0 compte tenu de son influence totalement marginale dans le résultat (confer [11] en bibliographie).

      Nota 2 : La Résolution A 265 et «Solas 2009» distinguent pour le nombre de personnes à bord, les personnes pouvant être évacuées par embarcations (N1) des personnes étant évacuées autrement (N2). C'est une manière de donner une «prime» aux embarcations face aux autres moyens d'évacuation (confer [11] en bibliographie). L'OMI a décidé de ne prendre en compte désormais avec «Solas 2020» que le nombre brut de personnes à bord. L'OMI considère donc maintenant que les personnes évacuées en embarcations, en radeaux sous bossoirs (ou pas), en système de type toboggans ou chutes ralenties verticales (marine evacuation system ou MES) ont les mêmes chances opérationnelles en cas d'abandon. Nous laissons le lecteur juge.

      Afin d'évaluer correctement l'évolution de R depuis 1974, on divise en deux la zone d'abscisse N afin de créer deux fenêtres d'analyse :

      1ère fenêtre : abscisse N (nombre de personnes à bord) jusqu'à 2 000 => Figure 1.
      Cette plage est représentative, selon la structure de la flotte actuelle, des navires à passagers de petite à moyenne capacité et de la grande majorité des navires rouliers à passagers (ferries). Le nombre de navires concerné est très grand.


      Figure 1 : indice requis de compartimentage R des navires à passagers ayant jusqu'à 2 000 personnes à bord

      2e fenêtre : abscisse N (nombre de personnes à bord) de 2 000 à 8 000 => Figure 2.

      Cette fenêtre matérialise la plage des navires à passagers de moyenne à forte capacité. Cette plage est représentative, selon la structure de la flotte mondiale actuelle, des moyens à grands navires (de croisière principalement), avec quelques cas de grands navires rouliers à passagers (ferries). Le nombre de navires considéré dans cette 2e plage est moins grand que celui de la 1ère plage.


      Figure 2 : Indice requis de compartimentage R des navires à passagers ayant de 2 000 à 8 000 personnes à bord

      NB = sur la figure 1 et la figure 2, la courbe MSC 98 est confondue avec la courbe SDC 3 / MSC 96 depuis l'abscisse N = 1350 ; elles finissent aussi par se confondre avec la courbe EMSA 3 à partir de N = 5 000.


      naufrage du Sea Diamond à Santorin le 05/04/2007

    3. Analyse :

    4. Les études EMSA 2 (2011-2012) et GOALDS (2009-2013) financées par l'Union européenne, recommandent une augmentation très importante de la valeur de l'indice requis de compartimentage R. La formulation de R dans «Solas 2009» (entrée en vigueur le 01/01/2009) est considérée comme largement insuffisante. Ces deux grandes études ne seront pas suivies par l'OMI comme on peut le constater sur les figures 1 et 2.

      L'étude EMSA 3 (2013-2015) également financée par l'Union européenne, est menée dans un contexte de résistance à la demande d'augmentation du niveau de sécurité intrinsèque. EMSA 3 réduit un peu les exigences des études précédentes mais préconise toutefois la nécessité d'améliorer la situation. Le Sous-comité Ship Design & Construction SDC 3 (2016) de l'OMI transmet au Maritime Safety Committee MSC 96 (2016) un rapport recommandant l'application complète de l'étude EMSA 3. Le MSC 96 entérine.

      Mais au MSC 97 (qui doit valider la décision du MSC 96) des résistances apparaissent. Il va falloir faire des compromis et finalement, en juin 2017, le MSC 98 valide une nouvelle formule. Celle-ci est un peu moins exigeante en dessous de 2 000 personnes à bord et très nettement en dessous de 1 350. C'est cette formulation de l'index requis de compartimentage R qui s'appliquera aux futurs navires à partir de 2020 («Solas 2020»).

      Il est remarquable de noter que pour les grands navires à passagers, l'augmentation du niveau de sécurité intrinsèque entre 1974 (Résolution A 265) et 2020 (MSC 98 de 2017) est relativement faible, comme le montre la figure 2. Presqu'un demi-siècle s'est écoulé et le progrès pour les futurs grands navires post 2020 sera bien maigre. NB : si on prend Ls= 300 m et non Ls = 200 m comme choisi dans les figures 1 et 2 pour la formule de R, ce point est encore plus net.

      On observe (figure 1) que la résistance de certains pays s'est faite au niveau des navires à passagers conventionnels ou ferries de moins de 1 350 personnes à bord. Le compromis adopté au MSC 98 n'amène qu'une augmentation très faible du niveau de sécurité jusqu'à 800 personnes à bord (figure 1). On ne rejoint ensuite le niveau recommandé par l'étude EMSA 3 que vers 1 350 personnes à bord.

      Les grands perdants de la décision de l'OMI lors du MSC 98 sont donc les petits navires à passagers, ceux avec moins de 1 000 personnes à bord. C'est particulièrement net en dessous de 800 personnes. Il a été dit par certains pays à l'OMI que dessiner de tels navires au standard SDC 3 / MSC 96 (inférieur pourtant aux recommandations de EMSA 3) était impossible. Cet argument n'est techniquement guère recevable, mais il a fallu faire des concessions.

      L'OMI maintient donc un vieux et mauvais principe inscrit dans Solas depuis un siècle : le niveau de sécurité des navires à passagers face au risque majeur de la navigation (l'envahissement) est proportionnel à la taille du navire (nombre de personnes à bord). Ce fait est inconnu du grand public. Est-ce que dans le transport aérien le niveau de sécurité est plus faible sur un petit Airbus A 320 que sur un gros Airbus A 380 ?

      Le cas des rouliers à passagers (ferries) est plus complexe à analyser. La dangerosité spécifique de ces navires (confer référence [10] ) est bien connue. Au Comité de sécurité maritime MSC 98, 2 décisions concernant ces navires ont été prises: une sur la valeur de l'indice requis de compartimentage R et l'autre sur la manière de calculer l'indice atteint de compartimentage A.

      Pour la première décision, qui concerne en gros tous les navires à passagers de moins de 1 350 personnes à bord, la figure 1 montre clairement que le progrès introduit est bien faible comme on l'a vu plus haut. Le deuxième point est un début d'alignement de l'OMI sur l'Accord de Stockholm (Directive européenne 2003/25/CE telle qu'amendée). On rappelle que cette Directive européenne impose que les ferries opérant en Europe doivent appliquer l'Accord de Stockholm en plus du chapitre II-1 partie B de Solas («Solas 2009»). Cet accord durcit la capacité de résistance des navires rouliers à passagers aux avaries de type «water on deck» (envahissement du pont roulier principal). L'OMI, plus de 20 ans après l'Accord de Stockholm qui date de 1996, va introduire en 2020 une prise en compte du danger «water on deck»… Cette prise en compte se fera au niveau du calcul de l'index atteint de compartimentage A, en le rendant plus exigeant de quelques petits pourcents pour les avaries touchant une zone ro-ro. Des universitaires ont indiqué que cette prise en compte est insuffisante pour «égaler» l'Accord de Stockholm.

      Les ferries européens continueront d'être protégés par l'Accord de Stockholm et auront un indice R un peu amélioré mais sans que cela n'ait une réelle incidence puisque leur niveau de sécurité est déjà augmenté précisément par … l'Accord de Stockholm. Les ferries du reste du monde, eux, auront de la même manière un indice R un peu amélioré, mais avec une espèce d'Accord de Stockholm du pauvre.

  2. Conclusion

  3. L'OMI lors du Comité de la sécurité maritime MSC 98 (juin 2017) a définitivement adopté, après des années de réflexion et de palabres, les amendements au chapitre II-1 partie B de la Convention Solas 1974 qui ont trait au compartimentage et à la stabilité après avarie des navires à passagers (conventionnels et ferries).
    En procédant à une augmentation de l'indice requis de compartimentage R des règles probabilistes, un certain relèvement du niveau de sécurité face au risque envahissement a été opéré. Les futurs navires à passagers (après 2020) seront un peu plus sûrs que ceux construits selon le standard précédent, à savoir les règles de «Solas 2009».
    Une analyse sur plus de 40 ans de la valeur de R (la première formulation de l'indice requis de compartimentage R date de 1973/1974) montre que pour les très grands navires à passagers cette amélioration est plutôt modérée, voire très modérée notamment par comparaison avec la formule de 1974.
    Pour les petits navires à passagers (approximativement moins de 1 350 personnes à bord et surtout moins de 800), l'amélioration est particulièrement faible. Les études indiquaient pourtant que cet important segment de la flotte passagère nécessitait une augmentation de la résistance aux avaries de coque.
    Le vieux principe historique, très contestable, d'une proportionnalité de la sécurité intrinsèque à la taille du navire (par son nombre de personnes à bord) a été maintenu.
    D'une manière générale, les conclusions des études dites «EMSA 2», «GOALDS» et «EMSA 3» financées par l'Union européenne, sur l'amélioration du compartimentage et de la stabilité après avarie des navires à passagers n'ont été que très partiellement suivies par l'OMI si l'on se base sur le nombre de navires affectés.
    Pour les navires rouliers à passagers (ferries), la comparaison des amendements «Solas 2020» avec l'Accord de Stockholm applicable dans les eaux européennes (Directive européenne 2003/25/CE telle qu'amendée) reste à faire de façon scientifique.

  4. Références et bibliographie :
  [1] OMI, Resolution MSC 421(98) du 15 juin 2017 (amendements à la Convention Solas => «Solas 2020»)

  [2] OMI, Convention Solas 1974 édition consolidée 2015, avec amendements «Solas 2009» pour navires à passagers et de charge «sec».

  [3] OMI, Convention Solas 1974 édition consolidée 2004, avec amendements «Solas 90» pour navires à passagers (règles déterministes) et amendements «Solas 92» pour navires de charge (règles probabilistes).

  [4] OMI, Règles relatives au compartimentage et à la stabilité des navires à passagers adoptées à titre d'équivalent des dispositions […] de la Convention Solas de 1960 (1974)

  [5] Programme de recherche GOALDS (2009-2013) : rapport final sur http://cordis.europa.eu/publication/rcn/15412_en.html

  [6] Etudes EMSA 2 (2011-2012) et EMSA 3 (2013-2015) disponibles sur http://www.emsa.europa.eu

  [7] Union européenne, Directive 2003/25/CE (Accord de Stockholm) amendée par la Directive 2005/12/CE (décret N°84-810 modifié, Division 211, sur http://www.developpement-durable.gouv.fr)

  [8] Francescutto A., Papanikolaou A.D, (2010) “Buoyancy, stability, and subdivision: from Archimedes to Solas 2009 and the way ahead”

  [9] Jasionowski A., Vassalos D., Scott A., (2007), «Shipvulnerability to flooding»

[10] Nettersheim F.X, (2016) «Retour sur un risque majeur : l’eau sur le pont principal roulier des navires de type ropax (ferries). Genèse et fondement de l’Accord de Stockholm», IFN, AFCAN (site www.afcan.org)

[11] Nettersheim F.X, (2014) «Navires à passagers : les règles probabilistes Solas 2009 pour l’étude du compartimentage et de la stabilité après avarie sont-elles suffisantes ? Les réponses de la science et … de la politique», IFN, AFCAN (site www.afcan.org)

[12] Nettersheim F.X, (2013) «Théorème des probabilités totales, formule de Bayes et étude de la stabilité après avarie des navires : voyage pédagogique au cœur des règles probabilistes Solas 2009», IFN, AFCAN (site www.afcan.org)

Annexe : Rappel succinct sur les règles probabilistes
  1. Historique :

  2. Les règles probabilistes pour l'étude de conformité du compartimentage et de la stabilité après avarie des navires à passagers ne sont pas nouvelles. La Convention Solas 1960 était encore la Convention applicable lorsque les premières règles fondées sur le principe probabiliste sont apparues. Le texte les introduisant date en effet du début 1974, juste avant l'entrée en vigueur la même année de la nouvelle Convention Solas de 1974. Ces règles pouvaient être appliquées à titre d'équivalence aux règles basées sur les principes déterministes qui ont prévalu jusqu'en 2009.
    Le 1er janvier 2009, l'OMI a introduit des règles probabilistes obligatoires dites harmonisées car applicables aux navires à passagers et aux navires de charge sec (amendements «Solas 2009»). Les navires de charge étaient déjà devenus probabilistes en 1992 avec les amendements «Solas 92». Les faiblesses des règles probabilistes de «Solas 2009» sont apparues très tôt tant lors de leur élaboration qu'après leur adoption, avec les études européennes «Emsa 2» (2011-2012), «Goalds» (2009-2013) et «Emsa 3» (2013-2015), en particulier pour les navires à passagers de petite à moyenne taille et pour les ferries.

  1. Introduction aux règles probabilistes sur le compartimentage et la stabilité après avarie

  2. Le risque traité par les règles probabilistes en matière de compartimentage et de stabilité après avarie est celui d'un envahissement consécutif à une collision dans un certain environnement (vagues).
    Le dessin du compartimentage est «libre». On ne privilégie aucun type de géométrie : celui-ci peut être transversal, longitudinal et horizontal. Le double-fond, la cloison d'abordage, l'entourage étanche des compartiments machine et la cloison de coqueron arrière demeurent prescrits de façon déterministe.
    On évalue le compartimentage, et donc la résistance du navire aux avaries au travers d'une analyse globale d'envahissement de un, deux, trois, quatre, voire plus compartiments réels (zones). Avec cette analyse systématique de presque tous les cas d'envahissements possibles, on calcule un index atteint de compartimentage A représentatif de l'architecture réelle du navire. Celui-ci doit être supérieur à un index requis de compartimentage R, qui est le niveau de sécurité «sociétal» jugé suffisant par l'OMI.
    Autant l'indice A a un caractère scientifique, autant l'indice R est éminemment «politique». On doit avoir :
  soit en résumé : A > R
    1. «p» représente la probabilité d'envahissement du compartiment considéré (ou du groupe de compartiments). Sa formulation est basée sur des statistiques d'avarie recueillies depuis de nombreuses années par l'OMI (c'est le cœur de la méthode). Elle tient compte de l'architecture réelle du navire par l'introduction d'un facteur de probabilité «r» (pour le cloisonnement longitudinal) dans la formulation de «p». On doit avoir :

    2. «s» représente la probabilité de survie après envahissement du compartiment considéré (ou du groupe de compartiment). Le calcul de ce facteur nécessite le calcul complet de la courbe de stabilité résiduelle GZ=f(θ), de la flottaison d'avarie, des conditions d'envahissement du navire, etc. Il prend en compte les conditions dans lesquelles l'équilibre est atteint (stades intermédiaires d'envahissement), les moments inclinants (tassement des passagers, débordement des embarcations, vent traversier). Un facteur de probabilité «v» pondère «s» pour la présence de cloisonnement horizontal au-dessus de la flottaison.
      «s» vaut 0 si les chemins d'évacuation et certains systèmes de contrôle (portes étanches) sont noyés ou si un envahissement progressif survient dans la situation étudiée => dans ce cas, la valeur de l'indice atteint A ne progresse pas dans le calcul, c'est la seule limite à l'enfoncement dans les règles probabilistes. Il n'y a donc pas de limite physique à l'enfoncement comme il en existait dans les règles déterministes (ligne de surimmersion ou «margin line»).

    3. «w» représente le «poids» d'un cas de chargement ; dans «Solas 2009», on se limite à 3 cas, n vaut donc 3 dans la formule ci-dessus, les « w » valant [0,4], [0,4] et [0,2] => les index atteints partiels Al, Ap et As correspondants sont calculés pour des tirants d'eau relatifs aux situations lège «dl», chargement partiel «dp» et pleine charge «ds». On applique alors la formule suivante pour déterminer l'index atteint A :
      A=0.4.As + 0.4.Ap + 0.2.Al
      Le nombre de cas étudiés,

      peut être très grand (plusieurs centaines voire plusieurs milliers) pour des très navires complexes (navires de croisière, ferries). L'étude de la conformité du projet de navire (c'est à dire le respect de la condition : A > R) implique donc une automatisation des calculs et de facto l'utilisation d'un programme informatique d'architecture navale spécifique et sophistiqué.
      Il n'y a pas d'exigence pour chaque avarie prise séparément, seul le résultat final compte, c'est à dire la sommation de toutes les contributions de chaque cas, pour l'évaluation du niveau de sécurité avec la condition : A > R. Le navire peut ne pas survivre à un certain nombre de cas d'avarie.

      L'index de compartimentage atteint A représente approximativement la probabilité générale de survie du navire à toutes les avaries étudiées avec les hypothèses de la méthode, et [1 – A ] représente donc la probabilité de non survie. L'index requis de compartimentage R est en conséquence la probabilité minimale de survie du navire aux avaries étudiées, telle que fixée par l'OMI.

      Les règles probabilistes de «Solas 2009» ont été élaborées quasiment à droit constant par l'OMI à la fin des années 1990 et au début des années 2000, sans augmentation substantielle du niveau global de sécurité et ce contrairement à ce que l'on entend parfois dire.

      Aucun accident majeur de navire probabiliste «Solas 2009» n'ayant eu lieu (fin 2017), on ne sait pas actuellement quel serait le comportement d'un tel navire dans un accident réel. On connaît par contre assez bien le comportement d'un navire calculé selon les principes et règles déterministes (navires d'avant le 01/01/2009, la majorité de la flotte actuelle). On notera que si les hypothèses de calcul sont par trop dépassées, le sort du navire probabiliste touché sera dramatique… c'était déjà le cas pour les navires déterministes comme l'a démontré le drame du «Costa Concordia» en 2012.

      Tout l'art de l'architecte naval est que la condition A > R soit satisfaite, mais d'assez peu afin de ne pas complexifier au-delà du nécessaire l'architecture du navire, ce qui serait préjudiciable à son exploitation et son coût de construction.

      On complétera la lecture de cette annexe par celle des références [11] et [12].

François-Xavier Nettersheim
Capitaine de 1ère classe de la navigation maritime
Membre de l'AFCAN


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