Retour au menu
Retour au menu
Convention du travail maritime de 2006
Élaboration de directives pour les inspections
des États du pavillon et des États du port
B.I.T. Genève, 15-19 septembre et 22-26 septembre 2008


Compte-rendu aimablement communiqué par l'Observatoire du Droit des Marins



         La convocation de réunions tripartites d’experts afin de mettre en place des directives destinées aux inspecteurs en charge des contrôles de la part de l’État du pavillon ou de l’État du port avait été décidée lors de sa 298ème session du Conseil d’administration de l’OIT.

       Chaque réunion était composée de dix experts gouvernementaux, dix experts employeurs et dix experts travailleurs. Pour les deux sessions, les présidents des groupes des gens de mer et des armateurs étaient: Mr. Brian Orrell (Nautilus UK) et Mr. Joseph J. Cox (Chamber of Shipping of America).

       Les travaux des deux réunions ont été riches en débats et le Bureau a veillé à ce que chacun puisse s’exprimer sans qu’il soit question toutefois de revenir sur des consensus difficilement acquis lors de la signature de la convention en 2006. Toutefois, cette tentation était parfois très perceptible et la fragilité des accords, palpable.


       Deux semaines de débats seraient difficiles à résumer en quelques lignes. Néanmoins, il faut rendre compte des principaux points d’accord acquis lors de ces deux semaines, qui éclairent la mise en œuvre de la convention de 2006
  • Des prescriptions claires à l’attention des inspecteurs
  • Le chapitre 3 des directives concernant l’État du pavillon et le chapitre 4 de celles relatives à l’État du port donne des indications que les experts se sont efforcés de rendre les plus claires et les plus concrètes possible, dans la mesure des consensus obtenus, afin que les inspecteurs mènent les inspections en vue de la certification (pavillon) et celles plus détaillées en vertu de la norme A5.2.1 de la convention (port).
  • Normes minimales internationales


  • Les gens de mer ont fait valoir leur inquiétude quant à la possibilité que les dispositions nationales mettant en œuvre la convention diminuent ses prescriptions. Cela a motivé leur volonté d’imposer la terminologie « normes minimales internationales » au sein de la convention de 2006. Le Bureau ayant rappelé les termes de l’article 19 (para. 8) de la constitution de l’OIT, a proposé la rédaction d’un paragraphe additionnel rappelant le principe selon lequel la mise en œuvre des textes internationaux au niveau étatique ne doit pas être l’occasion d’une diminution des exigences préexistantes. Cette conception se retrouve de plus quant à la règle 3.1 Logement et loisirs : il est précisé dans le texte des directives qu’elle doit être entendue comme une règle minimum.
  • Application des prescriptions antérieures en matière de logement
  • La question du logement des équipages a de plus été l’objet d’interrogations de certains États sur l’application des conventions n°92 et 133 de l’OIT aux navires existants avant l’entrée en vigueur de la convention. Les directives relatives à l’inspection par l’État du pavillon indiquent cependant clairement que pour les navires construits avant la date d’entrée en vigueur de la convention, « les prescriptions relatives à la construction et à l’équipement des navires énoncées dans les conventions antérieures de l’OIT s’appliquent dans la mesure où elles étaient applicables avant cette date en vertu de la législation ou de la pratique du membre concerné » : les conventions n°92 et 133 doivent donc continuer à être appliquées et respectées dans les États qui les ont ratifié. Cela vaut aussi pour la convention n°147 sur la marine marchande (normes minima) et son protocole de 1996.
  • Quelle étendue des inspections et des certifications ?
  • La définition de l’étendue des directives pour l’État du pavillon a été l’objet de questionnements récurrents, car elles recouvrent un champ plus large que les 14 domaines listés à l’annexe A-5 I de la convention. Le Bureau a apporté la conclusion aux débats : dans le cadre des directives relatives au contrôle de l’État du pavillon, l’inspection des navires porte sur un domaine plus large que les 14 points de contrôles. Par contre, la certification des navires se limite à ses 14 items.
    Pour ce qui concerne les cas d’inspections détaillés par l’État du port, il est clair qu’ils se limitent aux 14 domaines listés dans l’annexe A5-III.
  • Gestion et validité des certificats
  • Afin d’éviter qu’un navire échappe de façon continue aux contrôles de certification, des garde-fous ont été installés pour limiter la délivrance des certificats provisoires : aucun certificat provisoire consécutif ne peut être délivré par le même État du pavillon pour le même armateur et le même navire.
    De la même manière, le changement de pavillon, d’immatriculation, d’armateur ou la survenance de modifications substantielles relatives au titre 3 de la convention font perdre sa validité au certificat du travail maritime et une nouvelle inspection devient nécessaire. Par contre, le changement d’organisme habilité à effectuer les visites de certification est sans incidence, tant qu’il reste reconnu par l’État du pavillon.
  • Respect de la confidentialité des informations apportées par les gens de mer
  • Les gens de mer se sont exprimés sur la nécessité de préserver la confidentialité des informations fournies par les gens de mer lors d’une inspection : il est ainsi mentionné que les entretiens que l’inspecteur (du pavillon et du port) est en droit de conduire devraient être réalisés « en privé ». De la même manière, les inspecteurs doivent tenir compte du respect des horaires de travail et de repos de l’équipage lors des inspections, et surtout en cas de volonté de conduire des entretiens.
  • Tentative d’identification des symptômes de fatigue des gens de mer
  • Des précisions nécessaires ont été apportées (sous l’influence du groupe des gens de mer, avec l’aide du Dr. Suresh Idnani, vice-président de l’Association internationale de médecine maritime) pour attirer l’attention des inspecteurs sur la vérification de l’état de fatigue des gens de mer : ceux-ci doivent prêter une attention particulière à des symptômes tels que : manque de concentration, réponses incohérentes et hors de propos aux questions, bâillements et temps de réaction lent.
  • Recrutement et placement des gens de mer
  • La question du recrutement et du placement des gens de mer a donné lieu à de nombreux échanges qui ont abouti à l’apport de précisions sur les vérifications qui doivent être conduites par l’inspecteur de l’État du pavillon, selon le caractère public ou privé de l’organisme, et son lieu d’établissement dans un État ayant ou non ratifié la convention OIT 2006. L’inspection se limite cependant à un contrôle documentaire prouvant que les établissements sont gérés en conformité avec la convention, suivant le cas auquel l’inspecteur se trouve confronté.
  • Gratuité des soins médicaux et dentaires
  • Un intérêt tout particulier a été apporté par le groupe des gens de mer à la notion de gratuité des soins médicaux et dentaires à bord et à terre.
  • La rectification des manquements ne doit pas se faire au détriment des gens de mer
  • Suite à l’expression d’inquiétude à ce sujet, il a été précisé que les manquements liés à l’utilisation de services de recrutement et de placement ne doivent pas être rectifiés, suite à une inspection par l’État du port, au détriment des gens de mer concernés.
  • Directives sur l’État du port : rôle et place de l’inspecteur
  • Dans le cadre des directives concernant l’inspection par l’État du port, les débats se sont principalement portés sur le rôle de l’inspecteur, notamment quant à la crainte d’une évaluation de la législation nationale de l’État du pavillon.
    Il a finalement été retenu l’idée que l’inspection initiale dans l’État du port est d’abord fondée sur la documentation (déclaration de conformité et certificat de travail maritime, qui valent de prime abord preuves de la conformité à la convention) et que l’inspecteur ne peut inspecter plus en profondeur les conditions de vie et de travail à bord que lorsqu’il a obtenu des « indications claires » (clear grounds) qu’elles ne sont pas en conformité avec la convention OIT 2006, que s’il a reçu une plainte ou en cas de dépavillonnement visant à éviter l’application de la convention au navire. Ces indications claires peuvent provenir de la vérification des documents, qui montrent que le navire n’est pas en conformité ; elles peuvent cependant aussi être acquises à partir d’éléments vus à bord : l’inspection peut rendre compte d’ « impressions générales » et d’ « observations visuelles ». Les débats ont été vifs à ce sujet, certains experts gouvernementaux ne concevant pas qu’un inspecteur de l’État du port soit autorisé à monter à bord et puisse fonder une inspection plus approfondie sur d’autres éléments que les documents, si ceux-ci sont valides.
    Dans un cas seulement l’inspecteur de l’État du port est autorisé à évaluer l’action de l’État du pavillon : en cas de plainte à terre non résolue au niveau du navire, l’inspecteur peut demander des conseils et un plan d’action corrective à l’État du pavillon. En cas de défaut de réponse ou lorsqu’il apparaît clair que ce dernier ne peut gérer cette plainte, l’inspecteur est tenu d’alerter le directeur général de l’OIT. Reste à savoir dans quelle mesure un inspecteur de l’État du port serait susceptible de pousser aussi loin les investigations, car il lui faut conserver à l’esprit le leitmotiv constant de ces directives : ne pas retenir ou retarder indûment les navires au port.
  • Projet de directive communautaire
  • Pour ce qui concerne la directive visant à la communautarisation de la convention, la Commission européenne a eu l’occasion de préciser que son adoption interviendrait après deux années de consultation étatique. Le projet de directive communautaire est accueilli fraîchement par certains États qui craignent à travers son adoption un renforcement des compétences communautaires.
  Amandine Lefrançois, Doctorante,
Centre de Droit Maritime et Océanique,
Université de Nantes
Retour au menu
Retour au menu