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Chavirement de minéraliers chargés de saprolite,
avec perte de vies humaines

Résume de BIMCO News du 12/10/2010, UK P&I Club LP Bulletin 602, Nepia SIGNALS n°69
 
Traduction libre de MARS 201107 (Mariners' Alerting and Reporting Scheme) par le Cdt J.P. Dalby



       Récemment, deux vraquiers chargés de minerai de nickel indonésien (connu aussi sous le nom de latérite de nickel, minerai de nickel latéritique, limonite ou saprolite, et habituellement chargé en Indonésie ou aux Philippines) ont sombré en mer causant des victimes.

       Les méthodes standard pour déterminer le point de liquéfaction (FMP Flow Moisture Point) de cargaisons qui peuvent se liquéfier, comme indiqué dans le Code Maritime International Pour les Cargaisons Solides en Vrac (IMSBC International Maritime Solid Bulk Cargoes Code), furent tout d'abord développées pour des cargaisons homogénéisées de concentrés métalliques, tandis que le minerai de nickel est un mélange de très fines particules de type argileux et de morceaux de cailloux plus gros et de différentes tailles. Qui plus est, les concentrés métalliques ont des teneurs en humidité d'environ 10 pour cent, tandis que le minerai de nickel a souvent une teneur en humidité de 25 à 40 pour cent. Ces problèmes font qu'il est difficile de tester le minerai de nickel pour déterminer les paramètres de liquéfaction.

       De sérieux doutes ont été émis sur l'exactitude des données de la limite d'humidité pour le transport (TML Transportable Moisture Limit) et de la teneur en humidité (MC Moisture Content) qui sont données aux commandants aux ports de chargement de minerai de nickel. Dans bien des cas, la prise d'échantillons et les tests sont effectués sur place par le laboratoire de la mine et les certificats précisent uniquement que le matériau a été testé selon la méthode de la table de fluage (FTT Flow Table Test) du code IMSBC et qu'il est correct. Aucuns chiffres pour le point de liquéfaction (FMP) et la limite d'humidité pour le transport (TML) ne sont indiqués bien que la teneur moyenne en humidité (MC), qui est inutile sans la limite d'humidité pour le transport (TML), soit donnée. De plus, les vérifications effectuées sur les échantillonnages et les méthodes de tests de ces mines ont toujours révélé des déficiences graves, rendant les valeurs certifiées par les chargeurs dénuées de sens.

       Si le test "de la boîte de conserve" effectué par le bord indique la probabilité de migration de l'humidité et de liquéfaction, la cargaison entière doit être considérée comme dangereuse à transporter sans se soucier des certifications du chargeur. Dans de nombreux cas des cargaisons de l'annexe A – celles qui sont susceptibles de se liquéfier – les armateurs sont confrontés au choix soit d'accepter les valeurs certifiées par les chargeurs en sachant qu'elles peuvent ne pas être fiables, soit d'être confrontés à une coûteuse investigation et un refus de la cargaison avec les conséquences légales qui en découlent. Ces actions sont bien au-delà des connaissances techniques et des aptitudes du commandant et d'un inspecteur cargaison normal, et seule l'intervention d'un expert tant à la mine qu'au port peut permettre d'effectuer l'échantillonnage et les procédures de certification nécessaires pour assurer la sécurité de la cargaison, de l'équipage et du navire.

       Dans une affaire récente, on a constaté que la mine, en violation manifeste du code IMSBC, n'effectuait pas de tests de routine des stocks avant le chargement, mais au contraire les effectuaient pendant le chargement. Cette donnée était fournie non pas au commandant du navire en chargement mais au commandant du navire suivant. A leur tour, les résultats de la cargaison de ce navire étaient donnés au navire suivant et ainsi de suite. En raison de cette pratique illégale, le commandant ignorait totalement qu'il transportait une cargaison pour laquelle la documentation était délibérément fausse, et qu'en dépit de valeurs acceptables sur le certificat, la cargaison pouvait très bien se liquéfier et risquer de faire chavirer le navire.

       L'intervalle entre la prise d'échantillon, les tests puis le chargement ne doit pas dépasser sept jours. Si la cargaison a été exposée à des pluies importantes ou quelque forme d'humidité entre le moment du test et le chargement, des tests supplémentaires doivent être effectués pour s'assurer que la teneur moyenne en humidité (MC) est toujours inférieure à la limite d'humidité pour le transport (TML) de la cargaison, qui est généralement fixée à 90% du point de liquéfaction (FMP). Les marins doivent se rappeler la relation simple : MC ˂ TML ˂ FMP. Teneur moyenne en humidité (MC) ˂ limite d'humidité pour le transport (TML) ˂ point de liquéfaction (FMP). Ce n'est que si la teneur moyenne en humidité (MC) est d'une manière significative inférieure à la limite d'humidité pour le transport (TML) que la cargaison peut être considérée comme non dangereuse à charger. Il est aussi important de ne pas confondre la teneur moyenne en humidité (MC) commerciale avec le point de liquéfaction (FMP). Même si un réceptionnaire peut accepter de recevoir une cargaison avec 35 pour cent de teneur en humidité en poids, cela ne peut être accepté par le navire que si c'est bien en-dessous de la limite d'humidité pour le transport (TML).

       Dans le laboratoire, le point de liquéfaction (FMP) est déterminé en ajoutant de l'eau à un échantillon de minerai de nickel, provenant du stock, jusqu'à ce l'on obtienne liquéfaction. La méthode de la table de fluage (FTT) implique la préparation sur la table de fluage d'un échantillon en forme de cône tronqué. La table de fluage est alors élevée et laissée retomber d'une hauteur déterminée. Cette procédure simple est répétée jusqu'à 50 fois, le comportement de l'échantillon conique est observé pour vérifier si une déformation plastique s'est produite. Cependant le code IMSBC indique que la méthode peut "ne pas donner de résultats satisfaisants pour les matériaux à teneur élevée en argile", ce qui veut dire qu'il faut être très prudent lorsqu'on effectue le test pour du minerai de nickel.

       L'annexe 2 du code IMSBC (2009) précise : " Un état de liquéfaction est considéré comme atteint lorsque la teneur en humidité et le compactage de l'échantillon produisent un niveau de saturation tel qu'une déformation plastique se produit. A ce moment là les bords moulés de l'échantillon peuvent se déformer donnant un profil convexe ou concave".

       La figure 1 montre la forme d'un échantillon conique pour un échantillon en dessous du point de liquéfaction (FMP), tandis que la figure 2 montre la forme d'un échantillon conique après un test avec environ 31 pour cent de teneur en humidité (MC). Malgré la déformation du cône, avec une expansion du cône de plus de 6mm, il fut considéré comme en dessous du point de liquéfaction (FMP). L'échantillon n'a pas été refusé jusqu'à ce le diamètre du cône ait énormément augmenté de 20mm, comme indiqué sur la figure 3, avec une valeur de 33,8% pour le point de liquéfaction (FMP). La mine fut incapable de donner les raisons de son changement de méthodologie, changement qui ignorait tous les indicateurs d'un état de liquéfaction (voir page 300 du code IMSBC: Éditeur), et autorisa le chargement d'une cargaison plus humide avec un risque accru pour le navire.

 
figure 1 : Forme typique d'un cône d'échantillon avant le test.   figure 2 : Changement de forme du cône échantillon après le test, correspondant à une augmentation de diamètre de 6,5mm

 
figure 3 : Cône échantillon après test avec augmentation de 20mm à la base   figure 4 : Minerai de nickel latéritique liquéfié




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