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8     LA PREPARATION DES TRAVAUX DE REPARATION,

       LE CHOIX DU CHANTIER DE BIJELA, LA COMMANDE ET SON EVOLUTION,

       L'EXECUTION DES TRAVAUX A BIJELA

8.1 LE CHOIX DU CHANTIER DE REPARATION PAR PANSHIP.
LA COMMANDE INITIALE A
ADRIATIC SHIPYARD ET SON EVOLUTION

8.1.1       Appel d'offres - Choix du chantier

Monsieur SAVARESE, qui n'avait pas d'expérience en matière de réparation navale avait complètement délégué la partie technique à PANSHIP et lui faisait confiance en ce qui concernait les dates des arrêts techniques (imposées en principe par la Société de Classification), l'étendue des travaux et le choix des chantiers de réparation mais gardait le contrôle des aspects financiers (cf. Réunion d'Expertise Contradictoire le 28 avril 2000 à Londres).

PANSHIP tenait compte de plusieurs facteurs pour le choix du chantier :

o     la réputation technique,

o     la position géographique par rapport au dernier port de déchargement du navire et au port de la probable remise en charte,

o     la disponibilité d'une cale sèche,

o     la durée des travaux,

o     le prix et les termes de paiement.


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La spécification technique d'appel d'offres a été préparée par Monsieur COSTIGLIOLA (superintendant de PANSHIP) après sa seconde visite sur l'ERIKA en 1997 et terminée dans les premiers mois de 1998, c'est-à-dire avant le transfert de classification de l'ERIKA du BUREAU VERITAS au RINA, probablement sur la base des éléments suivants :

o     rapports techniques du bord,

o     rapport par un inspecteur du RINA (par délégation du bureau veritas) sur les mesures d'épaisseur faites en mars 1997 à RAVENNE,

o     résultats des propres inspections de PANSHIP à bord de l'ERIKA,

o     rapport de pre-entry au RINA effectué par M. PISCHEDDA à ALIAGA en février 1998,

Le Commandant POLLARA a approuvé la liste des travaux, la spécification a été discutée avec l'Armateur et un budget a été établi.

Notons que cette spécification prévoyait la modification des citernes de cargaison latérales n°4 en citernes de ballastage séparé (§ 13 de la spécification).

La spécification technique (pièce n°42 de PANSHIP) prévoyait un passage en cale sèche en avril 1998. Elle a été adressée aux chantiers suivants :

TOLE TIVAT Zrenjanin Yougoslavie

VIKTORLENAC Rijeka Croatie

GEMAK Istanbul Turquie

ODESSOS Varna Bulgarie

PALUMBO Naples Italie

DAEWOO Constanza Roumanie

MARIOTTI Gênes Italie

ADRIATIC SHIPYARD Bijela Yougoslavie

MARIOTTI a décliné.

ADRIATIC SHIPYARD a répondu le 03/04/98 par son agent CAMBIASO et RISSO à Gênes.

Après analyse comparative des offres, la décision finale de retenir ADRIATIC SHIPYARD a été prise par le Commandant POLLARA.

Les représentants d'ADRIATIC SHIPYARD se sont rendus chez PANSHIP à RAVENNE pour discuter de la liste des travaux, de la disponibilité de la cale sèche et des prix.

La commande a été passée au cours d'une visite de PANSHIP à ADRIATIC SHIPYARD le 12 juin 1998 pour le montant de US $ 590.000 avec une date d'arrivée de l'ERIKA au chantier le 17 juin 1998 et 35 jours de travaux.


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8.1.2    Conditions d'exécution de la commande initiale au chantier de ADRIATIC SHIPYARD

Monsieur COSTIGLIOLA (PANSHIP) est arrivé au chantier de bijela en même temps que l'ERIKA le 18/06/98 et a fixé avec le chantier le calendrier des réparations.

La mise à sec sur dock flottant de l'ERIKA a eu lieu le 22 juin 1998.

Quand Monsieur PATANE (inspecteur du RINA) est arrivé au chantier le 23 juin 1998, les ouvertures dans la coque destinées à l'évacuation des sédiments des citernes avaient été faites mais les travaux de coque eux-mêmes n'avaient pas commencé.

Monsieur PATANE prétend avoir alors refusé de prendre en considération les mesures d'épaisseur partielles faites à Naples par PAOLILLO. M. PATANE dit avoir contrôlé 10 % des mesures faites à Naples. Des mesures d'épaisseur portant sur la totalité, confiées à PAOLILLO par PANSHIP, ainsi que l'inspection visuelle rapprochée des structures par M. PATANE (close up survey) auraient alors été entreprises.

Messieurs COSTIGLIOLA et PATANE ont fait préciser sur les plans du bord les travaux à exécuter, marqués de croix sur le navire, commençant par les tôles de pont et les structures des citernes de ballastage latérales n°2.

L'étendue des travaux aurait été finalisée le 3 juillet 1998 à partir des résultats des inspections visuelles et en utilisant les mesures d'épaisseur qu'aurait effectué PAOLILLO mesures qui se seraient terminées soit le 12 juillet 1998 après une interruption de 5 jours (version PAOLILLO) soit le 3 juillet 1998 (version document RINA).

A l'issue des mesures d'épaisseur et des inspections visuelles, Messieurs COSTIGLIOLA (PANSHIP) et PATANE (RINA) ont pris la décision de remplacer une lisse de pont sur deux dans les citernes latérales de ballastage n°2 (Le Commandant POLLARA a été informé de cette décision).

Les travaux auraient commencé par les lisses de pont dans les citernes n°2, se terminant le 7 juillet 1998.

Les parties supérieures des porques auraient été découpées les 23 et 24 juin 1998.

A la fin des travaux des croquis ont été établis par les Chantiers et les parties renouvelées portées sur ces croquis des Chantiers.

 


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8.1.3    Réalisation des travaux et facturation du chantier vers PANSHIP

La spécification d'appel d'offres PANSHIP comportait en son § 11 divers postes portant sur des travaux de structures. Certains de ces postes étaient précis et entraînaient une cotation forfaitaire (c'étaient les plus importants) et d'autres sollicitaient des prix au kg ou à l'unité en citant des poids. Selon Monsieur COSTIGLIOLA, un certain tonnage complémentaire d'acier avait été prévu dans la spécification initiale pour tenir compte des résultats des mesures d'épaisseur non complètes à l'époque de l'élaboration de cette spécification. Le coût des échafaudages était forfaitisé dans le coût des travaux de structure.

La proposition du chantier ADRIATIC SHIPYARD en date du 3 avril 1998 (Cf. Annexe R8) reprenait la nomenclature de l'appel d'offres : le montant total des travaux de structure était de l'ordre de 500.000 USD alors que la commande globale en date du 12 juin 1998 (Cf. Annexe R9) s'élevait à 590.000 USD.

La facturation effective d'ADRIATIC SHIPYARD en date du 21 août 1998 (Cf. Annexe R10) ne portait pour les structures (§ 11 p. 19 à 27) que sur 157.446 USD alors que le montant total facturé était porté à 715 000 USD.

La différence concernant les travaux de structure entre le montant estimé initial (500.000 USD) et le montant facturé de 157.446 USD ne peut pas avoir une origine d'ordre commercial.

Cette situation économique est retracée par le tableau ci-dessous donnant les montants globaux :

 

Proposition initiale

Facturation

Montant total

590 000 USD

715 000USD

Dont "Structures"

Environ 500 000 USD

157 446 USD

 

La différence sur les "Structures" porte en grande partie sur les travaux concernant le pont : l'appel d'offres (pièce 42 PANSHIP) portait sur 124 tonnes de tôleries que le chantier avait cotées pour 257.228 USD (pièce 43 PANSHIP) : en réalité, 19 tonnes seulement ont été changées.



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8.2  LA PREPARATION. L'EXECUTION ET LE SUIVI DES TRAVAUX ET CONTROLES FAITS A BIJELA

La rédaction de cet article utilise entre autre les déclarations faites par MM. PATANE et COSTIGLIOLA lors de leurs auditions des 7 et 8 juin 2000 à GENES (cf. compte rendu de ces auditions, Annexe CR11).

8.2.1    Les mesures d'épaisseur et les visites rapprochées (Close up Survev) Les mécanismes et leur application à l'ERIKA

8.2.1.i        Conditions générales

Comme précisé à l'Article 7.2 ci-avant la Visite Spéciale quinquennale doit s'accompagner de relevés d'épaisseur dans de très nombreuses zones du navire.

Les conditions d'établissement de ces mesures d'épaisseur et plus particulièrement les localisations de ces mesures sont définies par les règlements des Sociétés de Classification eux-mêmes en ligne avec les préconisations de MACS : pour le RINA, il s'agit des tableaux 5.1, 5.2 et 5.4 du chapitre 5 du Règlement de 1998 (voir Annexe n° R11 ci-jointe). Ces tableaux précisent non seulement la localisation des mesures obligatoires mais aussi celle des visites rapprochées (Close up Survey) dont le résultat peut conduire à faire des mesures d'épaisseur additionnelles. Par visite rapprochée il faut entendre un contrôle visuel de proximité par un inspecteur de la Société de Classification.

En pratique, une partie seulement des mesures d'épaisseur peut être faite avant que le navire n'arrive au Chantier de réparations en charge des travaux liés à la Visite Spéciale et ce en raison de la non accessibilité de la plupart des endroits où doivent avoir lieu les mesures d'épaisseur du fait des contraintes commerciales et de sécurité (citernes non dégazées ; présence de sédiments dans les espaces de ballastage). Ceci conduit à ce que la commande initiale des travaux passés au Chantier de Réparation avant l'arrivée du navire dans ce Chantier n'est pas définitive.

Dans la pratique, les relevés d'épaisseur ne sont pas faits par l'Armateur ou par la Société de Classification mais sur commande de l'Armateur/du gestionnaire par une Société Spécialisée qui doit être agréée par la Société de Classification (ce qui était le cas de PAOLILLO). Cependant la Société de Classification doit contrôler par sondage les relevés établis par la Société Spécialisée et le/les inspecteur(s) de la Société de Classification ont l'entière responsabilité des visites rapprochées et des instructions à donner pour des mesures d'épaisseur faisant suite à de telles visites rapprochées.


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Pour établir les relevés d'épaisseur, deux approches pratiques sont possibles (éventuellement une combinaison des deux sur l'ensemble du navire) :

o        l'échafaudage des structures des citernes de cargaison et de ballastage pour permettre au mesureur de la Société Spécialisée et à l'Inspecteur de la Société de Classification d'accéder dans toutes les zones où il est nécessaire de faire des mesures d'épaisseur et/ou des visites rapprochées ;

o        et/ou l'utilisation de radeaux avec variation de niveau dans les citernes pour accéder aux mêmes zones et procéder aux mêmes opérations.

Les opérations de mesures d'épaisseur sont d'autant plus longues qu'il y a de nombreuses zones suspectes nécessitant une visite rapprochée.

Les relevés d'épaisseur sont normalement utilisés à deux niveaux par la Société de Classification :

a) Par l'inspecteur local qui dispose d'instructions claires et écrites sur les pourcentages de corrosion ou les épaisseurs acceptables selon la zone de la structure :

o        25 % de corrosion pour tous les éléments sauf les tôles de pont;

o        épaisseur minimale de 85 % d'une épaisseur t2 calculée pour les tôles de pont au titre du RINA (hors aspects liés au module de résistance).

b) Par le Siège central qui doit établir à partir des épaisseurs qui lui sont transmises des calculs de module de résistance pour vérifier si au-delà des réparations impliquées par le niveau local de corrosion il y a lieu ou non de faire des réparations pour atteindre le niveau de module de résistance requis par le règlement (90 % du niveau au neuvage).

Ces utilisations des relevés d'épaisseur font que pour des raisons économiques (limitation de la durée du séjour au Chantier de réparations) les opérations de mesures d'épaisseur et de visites rapprochées commencent normalement au tout début du séjour du navire dans le Chantier de réparations. Quelquefois certaines de ces opérations ont lieu lors de la dernière escale avant le voyage vers le Chantier de réparations : cela semble avoir été le cas lors de l'escale de l'ERIKA à NAPLES les 2 et 3 juin 1998. D'après les auditions de MM. PATANE (RINA) et COSTIGLIOLA (PANSHIP) il semblerait que les opérations de mesures aient eu lieu à BlJELA du 23 juin 1998 au 3 juillet 1998 puis du 8 juillet au 12 juillet 1998.


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Cependant le document officiel du RINA (pièce n°22) en Annexe R13 (cf. ci-après en 8.2.1 ii) précise sans ambiguïté que les mesures d'épaisseur ont eu lieu du 28 juin 1998 au 3 juillet 1998 (Voir Annexe R12).

8.2.1.ii        Application à l'ERIKA à BIJELA

Les travaux de réparation se sont échelonnés du 23 juin 1998 au 4 août 1998 (Cf. tableau des présences à BIJELA, Annexe R12 de MM. COSTIGLIOLA, PATANE et PAOLILLO).

Le document de mesures d'épaisseurs, établi par PAOLILLO est daté (page de couverture) du 19 juin 1998 (pièce n°22 du RINA : cf. Annexe n° R13). C'est sur la base de ce Document que M. PATANE aurait dû définir/prescrire les travaux de réparation vers M. COSTIGLIOLA qui aurait dû alors passer les commandes nécessaires au chantier de BIJELA.

Dans un premier stade il aurait dû s'agir des travaux concernant tous les éléments dépassant les limites de corrosion acceptés par le règlement du RINA et dans un second stade des travaux liés à un éventuel Module de résistance insuffisant après les calculs établis par les Services Centraux du RINA à partir du Document PAOLILLO.

De la pièce 24 du dossier RINA il apparaît que le contrôle du Module de résistance par les services centraux n'a eu lieu que le 13 octobre 1998 (Cf. Annexe n° R14) sur la base du Document PAOLILLO. M. PATANE lors de son audition du 8 juin 2000 a précisé qu'il avait envoyé le Document PAOLILLO vers le bureau de Trieste/le siège du RINA en septembre 1998 après la remise des Certificats provisoires le 15 août 1998 suivie du départ de l'ERIKA (le Visa RINA par M. PATANE sur le Document PAOLILLO est daté du 9 septembre 1998).

8.2.2    Présence des contrôleurs - Moyens d'accès pour les contrôles

Monsieur PATANE, inspecteur du RINA, n'était jamais encore intervenu dans le chantier de BIJELA. Arrivé sur place le 23 juin 1998 cinq jours après l'ERIKA il se voit remettre aussitôt par Monsieur COSTIGLIOLA, ingénieur d'armement PANSHIP, un relevé d'épaisseurs des tôles de pont réalisées par Monsieur PAOLILLO pendant l'escale du bateau à Naples quelques semaines auparavant (ce document n'a pas été remis à l'Expertise). Il refuse globalement ces mesures et demande que 10% d'entre elles soient refaites à titre de contrôle en sa présence.

Monsieur COSTIGLIOLA est lui arrivé au chantier le 18 juin 1998 en même temps que l'ERIKA, dégazé et nettoyé, et il a fait placer le navire sur dock flottant dès le 22 juin. M. COSTIGLIOLA dit avoir mis ce temps à profit pour faire installer des échafaudages dans toutes les citernes de cargaison et de ballastage à l'exception des slop-tanks et


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de deux autres citernes de cargaison. Il a dû faire pratiquer cinq ouvertures dans les fonds près des bouchains pour évacuer les boues de fonds de ballasts et les sédiments des citernes de cargaison.

Monsieur PATANE lors de son audition de GENES (Cf. compte rendu de la Réunion d'Expertise Contradictoire n° 11) a déclaré que 4 citernes n'étaient pas échafaudées. Cependant, la pièce 5 du RINA, établie par M. PATANE au nom du RINA, "Structural Report for Oil Tanker" (July 1998) (Cf. Annexe R15) précise que seuls les ballasts 2td et 2bd et les peaks ont été échafaudés (examens et mesures faits par radeau dans les autres capacités).

Dans sa réponse au Dire FIPOL du 21 décembre 2004, le RINA par son Dire en date du 31 janvier 2005 donne une répartition différente pour les examens et mesures par échafaudages et par radeau (Cf. Annexe R16 : page 7 du dire RINA du 31.01.05).

M. PAOLILLO (Cf. document du 4 mars 2005 en Annexe R1) déclare être arrivé le 18 juin à BIJELA en compagnie de M. COSTIGLIOLA alors que M. COSTIGLIOLA (son audition du 7 juin 2000, compte rendu sous référence n° CR 11) déclare que M. PAOLILLO n'est arrivé que le 23 juin une fois l'échafaudage des citernes n°2 terminé.

A l'arrivée de Monsieur PATANE le 23 juin les échafaudages sont d'après lui presque terminés mais les travaux de coque n'ont pas commencé.

Avec Monsieur COSTIGLIOLA, seul interlocuteur du chantier, Monsieur PATANE indique sur les plans les travaux à mettre en œuvre et les trace en sa présence sur place. M. PATANE dit s'appuyer sur les relevés d'épaisseurs de la veille que lui soumet chaque soir Monsieur PAOLILLO : celui-ci aurait commencé ses mesures à BIJELA dès l'arrivée de Monsieur PATANE le 23 juin. M. PATANE se livre aussi à des examens personnels qui lui font exiger des compléments de mesures en conformité avec les règles du « close up survey ».

Le pont et les structures des ballasts 2 seront mesurés en priorité : le remplacement d'une sur deux des lisses de pont dans les ballasts n°2 (corrodées du quart de leur épaisseur d'après le Document PAOLILLO) est décidé en accord entre MM. PATANE et COSTIGLIOLA (Le Commandant POLLARA est informé de cette décision). La mise en place d'inserts dans les tôles de pont et le remplacement des lisses seront commencés dès le 23 juin.

Les parties supérieures des porques des cloisons longitudinales seront simultanément découpées pour la pose d'inserts.

Monsieur PATANE a quitté une première fois le chantier le 30 juin 1998 alors que les mesures d'épaisseur n'étaient pas terminées puisque M. PAOLILLO n'aurait lui quitté le chantier que le 3 juillet 1998. Monsieur PATANE est revenu au chantier le 6 juillet 1998, la veille de la remise à l'eau de l'ERIKA.


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Il faudrait donc que M. PATANE ait décidé de certains des travaux de tôlerie sur la base de mesures d'épaisseur faites en son absence par M. PAOLILLO (attitude différente de celle concernant les mesures à NAPLES).

Il convient de remarquer que les travaux de tôlerie se sont poursuivis jusqu'au 4 août (deux visites de M. PATANE fin juillet et début août pour contrôler la réalisation de ces travaux).

Monsieur COSTIGLIOLA restera au chantier pendant tout le séjour de l'ERIKA et ne repartira que les travaux terminés.

M. PATANE a établi son rapport complet le 9 septembre 1998 pour transmission au bureau de Trieste du RINA, pour retransmission au siège du RINA à Gènes (y compris le Document PAOLILLO).

On constate que les déclarations de M. PATANE du RINA, de M. COSTIGLIOLA de PANSHIP et de M. PAOLILLO ne sont pas cohérentes en ce qui concerne l'étendue des échafaudages, les dates des travaux et les dates de leurs séjours à BIJELA. En outre, les services du RINA donnent une autre version pour l'étendue des échafaudages.

Il ressort de ces déclarations que certains examens /certaines mesures auraient été faits à l'aide de radeaux, alors que l'ERIKA était sur un dock flottant. Ceci est techniquement impossible : tout mouvement de poids important à bord d'un navire sur dock flottant est strictement interdit en raison de l'importance des risques encourus pour le navire et le dock flottant (entraînant le refus d'une telle opération par le chantier).

L'ensemble des déclarations faites est donc incohérent, tant au plan du calendrier que des modalités de mesures d'épaisseur (échafaudages et/ou radeaux).

8.2.3    Le Document PAOLILLO (pièce du RINA n° 22, cf. Annexe R13)

Après un premier examen de ce document, le Collège Expertal a eu des doutes sur sa sincérité : pour des groupes d'éléments de même nature avec des positions différentes dans le navire, les pourcentages de corrosion étaient pratiquement identiques ce qui est parfaitement irréaliste pour un navire de cet âge, d'autant que l'utilisation des capacités utilisées pour le ballastage a beaucoup varié dans le temps.

Par la suite, le Document PAOLILLO a été l'une des bases utilisées par le Collège pour le calcul des modules de résistance et a de ce fait été l'objet de contrôles détaillés : ces contrôles ont conduit à déceler de très nombreuses anomalies retracées par l'Annexe n°R17, "Analyse du dossier de mesures d'épaisseur établi par PAOLILLO - Pièce RINA n° 22".


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a)                                  La première partie des contrôles a porté sur l'étendue des mesures telles que définies par les règlements du RINA : figurent dans le Document PAOLILLO des mesures d'épaisseur généralisées du bordé de muraille et des cloisons longitudinales, non requises en totalité par les règlements du RINA. Une telle divergence n'est pas compréhensible.

b)                                  Le nombre total de mesures d'épaisseur figurant dans le Document PAOLILLO est de 7.842 alors que généralement pour un navire de ce type et de cet âge le nombre de mesures serait de l'ordre de 5.000 (cf. § 10.4 ci-après) : cette divergence est aussi incompréhensible que la précédente.

c)                                  Après ces approches globales l'analyse détaillée du Document PAOLILLO fait apparaître les principales anomalies ci-après :

Existence sur le Document PAOLILLO de mesures d'épaisseur sur des éléments de structure qui n'existent physiquement pas sur l'ERIKA : partie de pont (virure E7) et tirants (couples 51, 55 et 78).

Eléments de structure existant sur l'ERIKA mais non repris par le Document PAOLILLO : des lisses de bordé et de cloison longitudinale.

Certaines mesures d'épaisseur supérieures aux épaisseurs du navire à l'état neuf. Dans certains cas les épaisseurs "mesurées" sont supérieures de 6 à 9 mm aux épaisseurs au neuvage : cloisons longitudinales aux couples 53/54 et 59/60, âmes des lisses de muraille n° 27 et 28.

Prise en compte de structures différentes de celles existant sur l'ERIKA : par exemple, anneau normal à un couple où il y a une cloison non étanche.

D'autres contrôles ont porté sur les variations de corrosion (perte d'épaisseur en pourcentage) dans la longueur de l'ERIKA (sections courantes, sections spécifiques). Les fourchettes de variation sont très faibles élément par élément : 2 % pour le pont et 6 % pour les autres éléments longitudinaux ce qui n'est absolument pas concevable pour un navire de cet âge.

Enfin, il y a incohérence complète dans les taux de corrosion entre les sections courantes et les sections spécifiques : variations du simple au double voire au triple ce que rien ne justifie techniquement. Ceci est très net pour les lisses de pont dans les citernes latérales de ballastage n°2 : 25 % une lisse sur deux entre les C71 et 72 et partout ailleurs entre 7 et 11 %. Malgré cela une lisse sur deux a été changée sur toute la longueur de ces citernes. Si on se base sur les "mesures" PAOLILLO une lisse sur deux n'aurait dû être changée qu'entre les couples 71 et 72.


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La nature, l'ampleur et le nombre des anomalies indiscutables constatées sur le Document PAOLILLO font que ce document ne peut en aucun cas être le reflet de mesures effectivement réalisées à NAPLES et BIJELA.

Cette conclusion est pleinement confirmée par l'analyse de la problématique concernant les tôles de pont. Les épaisseurs de pont figurant au Document PAOLILLO sont pratiquement toutes dans la fourchette de corrosion 14/16 % ce qui aurait dû conduire à changer la majorité des tôles de pont pour respecter le module de résistance (ce qui n'a pas été fait). Il est très probable que le responsable de l'établissement du Document PAOLILLO avait en tête pour le pont une limite de corrosion acceptable de 25 % (comme pour les autres éléments de structure) alors que la limite dépend en fait du résultat du calcul du module de résistance et elle est alors moins élevée (voir § 10.2.1 ci-après).

NB :     Le Document PAOLILLO lui-même n'est pas daté, à l'exception d'une mention sur la page de couverture (19 juin 1998). Cependant la feuille de couverture RINA est datée du 9 septembre 1998 (signature de M. PATANE).

Le Document PAOLILLO a été utilisé par le siège du RINA pour faire les calculs de module de résistance et semble avoir été utilisé indirectement par certains inspecteurs de Vetting à bord de l'ERIKA avant le sinistre (mentions de corrosions faibles dans leurs rapports).

Le Document PAOLILLO aurait donc vraisemblablement été établi en Juillet 1998 et aurait reçu l'accord de M. PATANE au plus tard le 9 septembre 1998.


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