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5        L'ERIKA DEPUIS SON ACQUISITION PAR TEVERE SHIPPING JUSQU'A SA PERTE

5.1       L'ERIKA

L'ERIKA, construit en 1975 par le chantier KASADO DOCKYARD au Japon, second d'une série de 8 navires identiques, était un transporteur de produits conventionnel revêtu à simple coque "pré-Marpol", sans ballasts séparés, de 37 283 t de port en lourd au tirant d'eau de 11.0 m, doté de 13 citernes, de 2 slop-tanks et de 2 lignes de manutention de produits, propulsé par une machine de 13 200 cv placée à l'arrière lui donnant une vitesse de l'ordre de 15 nœuds (voir en Annexe n* 5 le plan d'ensemble de l'ERIKA, alors dénommé NOBLESS).


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Au cours de sa vie, l'ERIKA a changé 8 fois de nom et de propriétaire, a été classé par 4 Sociétés de Classification, a changé 4 fois de pavillon, et a été géré par 4 sociétés différentes tel que précisé par l'Annexe n° 6 ci-jointe.

Au moment de sa perte, il appartenait à TEVERE SHIPPING, était placé sous pavillon de malte et classé au RINA après transfert du bureau veritas à l'occasion de la Visite Spéciale quinquennale de juin/juillet 1998.

Le navire a été construit sans citernes spécifiques pour le ballastage hormis les peaks avant et arrière, certaines citernes de cargaison étant utilisées pour la navigation sur ballast.

A l'origine, les citernes n° 1-3-5 latérales étaient utilisées pour le ballastage puis, plus tard, la citerne n°3 centrale a été utilisée à cet usage.

En 1990, les citernes n°2 et 4 latérales ont été converties en citernes de ballastage.

En 1997, les citernes latérales n°2 ont été converties en ballasts séparés (SBT) en application de la règle 13 MARPOL 1973/78 -Annexe 1 - et les citernes n°4 latérales sont redevenues des citernes à cargaison également utilisées pour le ballastage.

Enfin, en 1998, des modifications ont été apportées aux tuyautages et les citernes n°4 latérales sont devenues, comme les citernes n°2 latérales, des ballasts séparés (SBT).

Depuis août 1998, le navire avait donc :

En novembre 1999, le port en lourd a été réduit temporairement à moins de 30.0001 pour avoir le droit d'accès à certains ports (notamment civitavecchia et sebastopol). A augusta, le 23 novembre 1999, le navire est revenu à son port en lourd d'origine (toutes ces opérations sans modification physique autre que les marques de franc-bord).


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5.2        LE CADRE DE GESTION DE L'ERIKA

5.2.1    Le propriétaire : TEVERE SHIPPING

La société propriétaire de l'ERIKA est depuis 1996 TEVERE SHIPPING société immatriculée à Malte dont l'actionnaire est M. SAVARESE.

Au cours de cette année 1996 M.SAVARESE a acquis 4 navires dont l'ERIKA avec M. economou, trois d'entre eux ayant été ensuite revendus. M. SAVARESE est alors devenu propriétaire unique de l'ERIKA. Il a acquis par la suite trois autres pétroliers de taille similaire. M. SAVARESE, installé à londres, exerçait lui-même les fonctions suivantes : finances, administration, juridique, commercial, assurances corps et P&l (Responsabilité Civile).

5.2.2    L'affréteur à temps : SELMONT

La société SELMONT INTERNATIONAL, immatriculée aux Bahamas, affréteur de navires, a contracté une charte partie à temps avec TEVERE SHIPPING propriétaire de l'ERIKA le 14 septembre 1999 (de type SHELLTIME 4). Cette charte partie était valable à compter du 17 septembre 1999 pour quatre périodes successives de 6 mois, chacune d'elles étant dénonçable par l'affréteur avec un préavis de 30 jours.

L'ERIKA semble avoir été le seul navire affrété par SELMONT. SELMONT donnait à AMARSHIP, société italienne installée à lugano (SUISSE), délégation pour toutes les opérations commerciales relatives à cet affrètement.

5.2.3    Le Pavillon : MALTE

Le propriétaire M. SAVARESE dit avoir choisi le pavillon de MALTE pour l'ERIKA parce que ce pavillon était reconnu en Méditerranée, que les banques acceptaient facilement le système d'hypothèque existant à Malte, que contrairement au pavillon de Panama ou du Libéria ce pavillon n'entraînait pas de contraintes particulières dans certains ports, qu'enfin existait une convention entre MALTE et les syndicats de marins indiens.

L'Etat du pavillon délivre les titres de navigation du navire. La délivrance de ces certificats est d'une façon générale pour les pavillons de libre immatriculation, déléguée à la Société de Classification du navire ; c'était le cas pour l'ERIKA qui a reçu presque tous ses certificats du RINA selon liste ci-après :


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o        le certificat international de franc bord : celui de l'ERIKA daté du 16 décembre 1998 était valable jusqu'au 31 août 2003 le certificat de sécurité de construction : celui de l'ERIKA daté du 16 décembre 1998 était valable jusqu'au 31 août 2003

o        le certificat international de prévention contre la pollution ; celui de l'ERIKA daté du 16 décembre 1998 était valable jusqu'au 31 août 2003

o        le certificat de sécurité équipement : celui de l'ERIKA était daté du 16 décembre 1998 et valable jusqu'au 14 août 2000.

o        le certificat radio : celui de l'ERIKA daté du 23 novembre 1999 était valable jusqu'au 31 mars 2000.

Copie de ces certificats est jointe en Annexe n°7.

NB :        Un certificat d'immatriculation a été délivré par les Autorités Maltaises le 22 juillet 1996.

5.2.4    Le Code ISM.

L'INTERNATIONAL MARITIME ORGANIZATION (IMO) a mis en place un contrôle de la qualification de l'opération des navires par les Etats du pavillon sous la forme du Code ISM (International Safety Management).

Ce Code impose aux armateurs et opérateurs de respecter certaines normes pour la gestion nautique et les opérations des navires ainsi que pour la prévention de la pollution.

La grande majorité des Etats, comme celui de MALTE, n'assurent pas par eux-mêmes la mise en application et le contrôle des normes ISM et ont délégué ce contrôle à une ou plusieurs Sociétés de Classification.

Les conditions du Code ISM figurent en Annexe n° 8.

L'application du code ISM s'exerce à deux niveaux : la Compagnie opérant les navires (délivrance d'un « Document of Compliance ») et chaque navire (délivrance d'un « Safety Management Certificate »)

PANSHIP, gestionnaire du navire (voir § 5.2.7 ci-après), a reçu l'agrément ISM délivré par le RINA par délégation des Autorités maltaises le 5 mai 1998 (voir Annexe n°9 ). Il convient de noter qu'en août 1999 PANSHIP s'était vue menacée par le RINA du retrait de son agrément pour des insuffisances sur un navire autre que l'ERIKA et que ce retrait a été effectivement recommandé par le RINA à l'Etat maltais fin janvier 2000.

L'ERIKA était muni du Safety Management Certificate en date du 3 juin 1998 (voir Annexe n910).


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5.2.5    Classification : le RINA.

Depuis 1993 l'ERIKA était classé par le BUREAU VERITAS. Il est passé au RINA à l'été 1998.

Après des contacts entre le gestionnaire du navire, PANSHIP (qui avait déjà retenu le RINA pour ses autres navires gérés) et les bureaux de Trieste du RINA, une visite préliminaire était organisée à bord en février 1998. Bien que les conclusions de cette visite aient été assez négatives, le RINA acceptait le principe de prendre le navire en classe après l'exécution des travaux de réparation liés à la Visite Spéciale quinquennale prévue pour le milieu de l'année 1998.

Cette visite a été réalisée à l'été 1998 à l'occasion de l'arrêt technique de l'ERIKA aux Chantiers ADRIATIC SHIPYARD à BIJELA (MONTENEGRO) et le transfert de classe a eu lieu à l'issue de cette Visite.

Des Certificats de Classification provisoires ont été émis avant le départ du chantier et remplacés par des Certificats définitifs le 16 décembre 1998 (dans les deux cas sans réserve).

Copie du Certificat définitif figure en Annexe n°11.

La première visite annuelle coque, liée à une visite occasionnelle (modification du port en lourd), a été complétée à augusta (italie) du 22 au 24 novembre 1999 par Mr ALGA expert du RINA. Lors de cette visite,

o        un rapport RINA a été établi en date du 24 novembre 1999 (voir Annexe n °12). Ce rapport RINA faisait état de corrosions concernant divers points de la structure du navire, en particulier dans la citerne de ballastage 2 Td, et recommandait de procéder à des mesures d'épaisseurs avant fin janvier 2000, la Classe étant confirmée jusqu'à cette date ;

o        un visa a été apposé sur le certificat coque de l'ERIKA existant à bord (Voir Annexe n° 13). Ce visa subordonnait le maintien de la Classe à une inspection à faire avant fin janvier 2000 sans faire mention de l'origine technique réelle de ce visa (problèmes de corrosions de structures).

Les problèmes de classification sont traités de façon plus détaillée par l'Article 9 ci-après.


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5.2.6    Le Ship Oil Pollution Emergency Plan (SOPEP).

5.2.6.1         Cadre général

La Règle 26 de l'annexe 1 de la Convention Internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires, telle que modifiée par le Protocole de 1978 (MARPOL 73/78), impose que tout pétrolier de jauge brute supérieure ou égale à 150 tonneaux ait à bord un plan d'urgence contre la pollution par les hydrocarbures (SOPEP), approuvé par les Autorités du Pavillon.

Le plan SOPEP doit comporter :

La liste des autorités ou personnes à contacter en cas d'incident relatif à une pollution par hydrocarbures selon les dispositions de la convention MARPOL (en particulier l'Etat côtier, l'Armateur et le Technical Advisor).

o        La procédure qui doit être suivie par le Capitaine et les autres personnes en charge du navire pour signaler un tel incident.

o        Une description détaillée des mesures à prendre par le Bord en cas de fuite d'hydrocarbures

o        La liste mondiale des références des Autorités des Etats Côtiers avec lesquelles le Bord doit entrer en contact en cas d'incident.

En cas de fuite /suspicions de fuites d'hydrocarbures concernant la coque du navire, les principales actions à entreprendre par le Bord sont :

o        Etablir un premier rapport écrit sur la situation (Rapport initial standardisé intitulé « Initial Notification»)

o        Le transmettre aux autorités de l'Etat Côtier le plus proche Le transmettre à l'armateur/au gestionnaire Le transmettre au Technical Advisor

L'Armateur/le Gestionnaire doit informer les autorités chargées de la lutte anti-pollution, le propriétaire de la cargaison, les assureurs Corps et le P and I.

Toutes les modifications de la Notification Initiale doivent faire l'objet d'un suivi par l'émetteur.

NB : II convient de préciser que la désignation d'un Technical Advisor

n'est pas obligatoire.


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5.2.6.2         L'ERIKA

Le plan SOPEP de l'ERIKA avait été approuvé par le Bureau Veritas à Gênes le 3 septembre 1997 (cf. Annexe n° 14).

Après le passage de classe du Bureau Veritas au RINA à BIJELA le 10 août 1998, cette approbation a été confirmée par l'Inspecteur du RINA ayant effectué la Visite Spéciale quinquennale (approbation figurant sur la même annexe).

Le RINA était désigné comme Technical Advisor par ce plan SOPEP en la personne de M. FANCIUCCI (suppléant M. QUAIAT) via l'Appendix 3 en date du 30 octobre 1999 : le Collège Expertal ne peut savoir avec certitude si cette mention a été faite à la date ci-dessus ou ajoutée par PANSHIP après le sinistre de l'ERIKA

5.2.7     Gestionnaire technique et nautique : PANSHIP

PANSHIP est une société de droit italien à responsabilité limitée appartenant 50% à la famille POLLARA et 50% à la famille VITIELLO.

Créée le 21 mars 1997 elle gère des navires pour le compte de leurs propriétaires, principalement au plan du suivi technique.

M. SAVARESE qui connaissait bien M. POLLARA et sa réputation de compétence et d'expérience, a confié l'ERIKA à PANSHIP dès son acquisition, principalement pour son suivi technique.

L'équipe de PANSHIP était limitée : outre M. POLLARA lui-même elle comprenait deux superintendants, dont M. COSTIGLIOLA chargé de l'ERIKA, un responsable des opérations et de la sécurité le Captain AMITRANO, un responsable de l'exploitation le Captain MENDOLIA, deux acheteurs MM. INDULGENZA et THEODOLITIS, un ingénieur informaticien M. PIRELLI et un comptable M. LAGHI.

Cette équipe ne disposait pas de spécialiste en architecture navale ni en résistance des navires, ce qui est courant pour des structures du type de PANSHIP.

En matière de maintenance PANSHIP soumettait au propriétaire les décisions pour le choix des Chantiers de réparation et la définition des travaux à partir d'un appel d'offres qu'elle organisait.

En matière d'équipage PANSHIP assurait le suivi du contrat de fourniture des équipages souscrit par le propriétaire M. SAVARESE. PANSHIP ne soignait pas les assurances.

PANSHIP gérait les navires de deux armateurs, M. SAVARESE (4 pétroliers) et R and R de Monte Carlo (3 pétroliers et 2 vraquiers).


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5.2.8    La fourniture des équipages : HERALD MARITIME SERVICES.

C'est M. SAVARESE qui avait décidé de confier à HERALD MARITIME SERVICES de BOMBAY la fourniture des équipages. M. SAVARESE connaissait bien cette société de manning et avait négocié lui-même le contrat.

M. SAVARESE préférait les équipages indiens pour leur homogénéité, leur formation britannique, et les relations faciles entre malte et leurs syndicats.

Le contrat d'équipage, même s'il était signé par PANSHIP, était de la responsabilité du propriétaire : les questions de qualification des équipages et de coût des contrats étaient du ressort de M. SAVARESE.

5.3        VETTING

5.3.1    Origine, contenu et modalités

Le Vetting a été institué et développé par les majors pétroliers dans les années 1970 lorsque ceux-ci se sont progressivement séparés de leurs propres flottes et ont eu de plus en plus largement recours à l'affrètement puis, encore plus, à la suite de la catastrophe de l'AMOCO CADIZ en 1978.

L'objet du Vetting pour l'affréteur est de vérifier par la constitution/la consultation de bases de données et par des inspections physiques si les navires proposés sur le marché de l'affrètement sont aptes à charger, transporter et décharger dans des conditions de sécurité et d'exploitation satisfaisantes des cargaisons d'hydrocarbures bruts ou de produits raffinés appartenant à l'affréteur et de sélectionner ces navires à l'occasion de la conclusion des affrètements. Le Vetting se situe dans l'approche de quatre principaux domaines de risques : nautique, incendie/explosion, dommages aux structures, stabilité.

Le Vetting institué sur la base du volontariat n'a pas pour objectif de la part de l'affréteur de se substituer aux Sociétés de Classification ou aux Autorités du Pavillon. Il s'agit d'une démarche privée et non obligatoire qui ne s'inscrit pas dans le cadre du respect des règlements internationaux et des règles des Sociétés de Classification.

Les visites des Inspecteurs des majors à bord des navires ont lieu pendant les escales commerciales (chargement et déchargement) dont la durée est en général inférieure à 36 heures pour des navires de la taille de l'ERIKA. Les Inspecteurs ont comme instruction de réaliser leurs opérations pendant les opérations commerciales en cours (chargement, déchargement, ballastage, lavage des citernes) sans gêner ces opérations. Pendant ces visites les Inspecteurs commencent par consulter les documents de bord (certificats


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internationaux et nationaux et certificats de classification) puis ont des contacts avec les représentants de l'armateur (superintendant et/ou officiers du bord) pour recueillir les informations qui leur sont nécessaires pour établir le rapport de leur inspection.

L'organisation internationale (OCIMF) chargée de la gestion des informations a établi un questionnaire standard (VIQ : Vessel's Individual Questionnaire) qui doit être rempli par l'Inspecteur. Ces questionnaires sont ensuite introduits par l'affréteur (le major) dans une base de données intitulée SIRE, base de données qui est accessible aux majors pétroliers et aux Inspecteurs de l'Etat du Port (Port State Control). Les modalités du système SIRE sont décrites par l'Annexe n° 17

Le questionnaire SIRE comprend 17 questions relatives à l'état des structures métalliques. Cependant il est pratiquement impossible pour les Inspecteurs du Vetting de visiter les capacités de cargaison et de ballastage au cours de l'inspection en escale commerciale (soit parce qu'elles ne sont pas vides, soit si elles sont vides parce que leur atmosphère est impropre ou dangereuse, soit qu'elles sont adjacentes à des citernes en cours de remplissage, de pompage ou de lavage, soit tout simplement parce que les possibilités d'accessibilité et d'examen sont très limitées).

Tout au plus, un examen visuel de la partie des capacités visible depuis le niveau du pont principal peut éventuellement être effectué en regardant par le panneau de la citerne : cet examen visuel à distance est insuffisant pour que l'Inspecteur puisse formuler un avis pertinent sur l'état réel des structures de la citerne. Cet examen peut néanmoins, par certains indices, apporter à l'Inspecteur du Vetting une indication sommaire et limitée sur l'état d'entretien des structures du navire (état de l'échelle d'accès de la citerne, de quelques lisses et éléments de cloisons et de la première plate-forme visibles depuis le pont, état du revêtement de la citerne au voisinage de l'échelle d'accès).

En pratique, les Inspecteurs de Vetting remplissent la partie des questionnaires VIQ concernant les structures à partir des documents des Sociétés de Classification qui se trouvent à bord et plus particulièrement des rapports concernant les Visites Spéciales. Cette approche purement documentaire est la conséquence du fait que les Inspecteurs de vetting n'ont ni la possibilité ni les moyens (arrêt du navire, dégazage des citernes, échafaudages dans les citernes) de se substituer aux armateurs et aux Sociétés de Classification pour tout ce qui touche aux structures métalliques. Il est rappelé que l'installation puis le démontage d'échafaudages dans les citernes pour effectuer une inspection complète et rigoureuse de leurs structures est une opération longue (largement plus d'une semaine) et onéreuse d'autant qu'il faut procéder à un nettoyage des capacités.


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5.3.2    Organisation du Vetting TOTAL avant le sinistre de l'ERIKA

A l'époque de l'affrètement de l'ERIKA, le service Vetting de TOTAL dépendait de la direction TRADING et SHIPPING et comprenait 3 Superintendants salariés de TOTAL et 4 Inspecteurs indépendants intervenant exclusivement pour TOTAL, tous de formation et d'expérience maritime, spécialisés dans les navires pétroliers et gaziers (Voir organigramme TOTAL : cf. Annexe 18).

Lors de leurs visites sur les navires ces superintendants/Inspecteurs avaient à remplir un questionnaire propre à TOTAL (booklet), identique au VIQ cité en 5.3.1 ci-dessus. A l'occasion de ces visites ces superintendants/les Inspecteurs établissaient également un rapport non formalisé faisant apparaître leurs appréciations sur le navire visité.

Les rapports des superintendants/des Inspecteurs étaient introduits dans le système SIRE (commun aux membres de l'OCIMF, majors pétroliers) et dans un système spécifique à TOTAL, baptisé SURF. Ce dernier système est décrit par l'Annexe n° 19 ci-jointe (le système SIRE est lui décrit par l' Annexe n° 17).

Dans la mesure où le Service Vetting de TOTAL a procédé à une inspection de Vetting favorable moins d'un an avant une consultation du système SURF, la consultation du système SURF fera apparaître une situation positive : |YES| dans la première fenêtre de visualisation.

Dans le cas où la dernière inspection favorable de Vetting date de plus d'un an, la consultation du système SURF fait apparaître la mention :

|UNCLASSED|

En l'absence de Vetting favorable la consultation du système SURF fait apparaître la mention : |NO|.

Les Inspecteurs du service Vetting de TOTAL n'ont accès ni au système SIRE (dont l'accès est limité au Port State Control et à certains services des majors) ni au système SURF dont l'accès est réservé aux Superintendants du service Vetting de TOTAL et au Service Affrètement de TOTAL.

5.3.3     Opérations de Vetting de l'ERIKA en novembre 1998

Une inspection de Vetting a été effectuée par TOTAL le 21/11/1998 et a permis à TOTAL d'affréter l'ERIKA pour trois voyages en 1999 et plus tard pour son dernier voyage au départ de DUNKERQUE.

Cette inspection de TOTAL a donné lieu à l'établissement d'un "booklet" spécifique à l'ERIKA, lequel, malgré les demandes répétées du Collège Expertal, n'a jamais été communiqué par TOTAL.


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Cette visite s'est inscrite parmi 11 autres inspections et d'autres demandes d'inspection par d'autres majors après l'arrêt technique de BIJELA jusqu'au 3 décembre 1999 dont trois à AUGUSTA/IMERESE du 20 au 24 novembre 1999 par TEXACO, BP, EXXON et une à LA COROGNE par REPSOL le 3 décembre 1999.

Aucune inspection de Vetting n'a été effectuée à DUNKERQUE au cours du dernier chargement.

L'analyse des rapports VIQ montre qu'aucune visite des citernes de cargaison et/ou de ballastage n'a été effectuée par les Inspecteurs de Vetting précités.

Les réponses aux questions des VIQs sur les structures (chapitre 7 du questionnaire) ont toutes été établies à partir de documents consultés à bord par les Inspecteurs de Vetting (voir en Annexe n° 20 le document TOTAL « Vessel General Information » et en Annexe n° 20bis le document OCIMF/TOTAL du 21 novembre 1998).

Les résultats de l'inspection TOTAL de novembre 1998, l'attestation de classe de la Société de Classification et la correction effective par PANSHIP des quelques défaillances constatées (sans lien avec les structures), ont permis à TOTAL d'accepter le navire comme "affrétable" pour une période de 12 mois à compter du 21/11/1998 (télex de TOTAL à PANSHIP du 24/11/98 dont copie jointe en Annexe n° 21).

5.3.4    Situation du Vetting lors de l'affrètement de l'ERIKA et dans les jours qui ont suivi

L'ERIKA a subi des inspections de Vetting à augusta (TEXACO, BP Shipping et EXXON) du 20 au 24 novembre 1999 et à la corogne (REPSOL) entre le 2 et le 5 décembre 1999.

Au cours de l'escale d'AuGUSTA, le RINA (Monsieur ALGA) a effectué, en présence de PANSHIP (Monsieur AMITRANO), une inspection du navire dans le cadre de la visite annuelle de classification, inspection pendant laquelle les citernes de ballastage latérales n°2 ainsi que le peak avant ont été visités.

A l'issue de cette inspection le RINA a été conduit à recommander de nouvelles mesures d'épaisseurs à bref délai (avant fin janvier 2000) dans certaines zones.

Le RINA, contrairement aux règles des Sociétés de Classification, n'a pas fait figurer cette recommandation sur les documents de Classification du Bord : cette recommandation n'aurait donc pas été connue de TOTAL si TOTAL avait effectué une nouvelle visite à augusta avant de procéder au dernier affrètement.


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L'examen des Rapports de Vetting d' EXXON et de BP à augusta montre que l'existence de cette recommandation n'a pas été portée à la connaissance des Inspecteurs de ces majors par les représentants du RINA et de PANSHIP que ce soit directement ou par les dossiers de Classification se trouvant à bord. Il en est de même pour le Rapport de Vetting établi par REPSOL début décembre 1999 (Voir également le § 11.1.2).

5.3.5    Conclusion

Les opérations de Vetting s'exécutant à l'occasion des escales commerciales il est pratiquement impossible pour les Inspecteurs des majors (en pratique peu familiers avec les problèmes de structure) de faire des contrôles réels sur l'état des structures. Leurs rapports et donc les bases de données SIRE et SURF qui en découlent ne peuvent que refléter le contenu des documents des Sociétés de Classification tels qu'ils existent à bord des navires lors de leur passage. L'état réel des structures de l'ERIKA (tel que révélé à la suite du sinistre) n'a d'ailleurs été décelé par aucune des visites de Vetting effectuées après le départ de l'ERIKA de BIJELA ni même d'ailleurs à l'occasion des contrôles postérieurs de l'Etat du Port.

Il a fallu l'œil d'un professionnel du RINA, M. ALGA, lors de la visite annuelle des 22/24 novembre 1999 à AUGUSTA pour déceler l'état préoccupant des structures des citernes de ballastage n°2.

5.4        L'AFFRETEMENT ET LA TENEUR DES CONTRATS D'AFFRETEMENT

5.4.1    Règles d'affrètement par TOTAL

Le Service Affrètement de TOTAL a accès au système SURF à l'occasion de la mise en place d'un affrètement selon les procédures décrites en Annexe n° 22.

La consultation de SURF par le Service Affrètement permet de prendre la décision d'un affrètement au voyage sans prendre contact avec le Service Vetting dans la mesure où la consultation se traduit par une réponse YES.

Dans le cas contraire, le Service Affrètement a la possibilité de solliciter par télex l'avis du Service Vetting.


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5.4.2    Le contrat de vente à destination.

Le contrat signé début 1999 entre TOTAL INTERNATIONAL et ENEL prévoyait la livraison entre le 1er mai et le 31 décembre 1999 de 200 000 t à 280 000 t de fuel HSFO, avec une pénalité de 3 $ pour toute tonne de fuel en dessous de 200 000 T non livrée dans les délais.

5.4.3    Le cadre de l'affrètement de l'ERIKA par TOTAL.

Pour respecter les clauses du contrat de vente le Service Trading de TOTAL a actionné mi-novembre 1999 le Service Affrètement de TOTAL pour une livraison avant la fin de l'année de 30 000 T de fuel HSFO de DUNKERQUE vers la Méditerranée Orientale.

L'affrètement destiné à acheminer cette cargaison de DUNKERQUE à LIVOURNE est un affrètement au voyage. Dans ce schéma TOTAL est un simple chargeur : il met sa cargaison à bord du navire et ne joue aucun rôle dans le déroulement de l'expédition maritime, qui est du seul ressort de l'Armateur.

NB :     L'affrètement à temps est par contre la prise en charge d'un navire par un affréteur pour une certaine durée (au moins pour six mois, souvent pour plusieurs années) qui en assume la responsabilité opérationnelle et commerciale, y compris les soutes. Le rôle de l'Armateur se limite alors au fonctionnement proprement dit du navire : armement, conduite, sécurité de la navigation, entretien, assurances.

5.4.4    Les conditions de l'affrètement de l'ERIKA.

Le Service Affrètement, Mr PECHOUX (cf. Annexe n°18, organigramme TOTAL) est donc actionné le 20 novembre 1999 par un trader du Service Trading de TOTAL pour trouver un pétrolier destiné à transporter 30 000 tonnes de HSFO de DUNKERQUE vers la Méditerranée Orientale dans la planche 5/10 décembre (date du début du chargement).

Le Service Affrètement de TOTAL avait déjà affrété des navires pour ce contrat de vente ENEL qui exige des capacités de réchauffage permettant le maintien de la cargaison à 55°C minimum. Ce type de produit ayant la particularité d'adhérer aux structures des citernes et donc de les rendre très difficiles à nettoyer après déchargement, ce sont en général toujours les mêmes navires qui sont utilisés pour le transport de ces produits. Ceci a pour conséquence de limiter sur le marché le nombre de navires utilisés pour ce type de transport.


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C'est précisément ce qui se confirme en novembre 1999 : le Service Affrètement qui contacte le marché le 20 novembre via le courtier d'affrètements PETRIAN SHIPBROKERS ne se voit proposer que l'ERIKA pour ce voyage de décembre au départ de DUNKERQUE. Ce pétrolier avait déjà été affrété à trois reprises cette même année 1999 par TOTAL pour transporter du crude oil, le 3 septembre entre LA SKIRRAH et VARNA, le 27 septembre entre SEBASTOPOL et VARNA et le 6 octobre sur le même trajet.

Le 22 novembre, après avoir consulté le système SURF de TOTAL pour contrôler la validité du Vetting concernant ce pétrolier (réponse YES), le Service Affrètement après avoir repris contact avec le Service Trading donne son accord par télex à PETRIAN SHIPBROKERS pour mettre au point une charte d'affrètement au voyage classique de type SHELLVOY 5 avec SELMONT / AMARSHIP, affréteur à temps de l'ERIKA.

5.4.5    Le contenu de la Charte d'Affrètement (Cf. Annexe n° 23)

Le 26 novembre 1999 la charte est finalisée par PETRIAN sur ordre de TOTAL. Elle ne présente pas de condition hors norme par rapport aux chartes de ce type et est en tous points similaire aux trois précédentes chartes conclues pour le même pétrolier en septembre et octobre 1999, ports de chargement et de destination et nature de la cargaison exceptés.

Le suivi de la charte passe alors au Service Opérations de TOTAL (Commandant MARTENS) : ce service adresse le 30 novembre à AMARSHIP les instructions de voyage que ce dernier retransmet au Commandant de l'ERIKA via DELPIERRE, son Agent à DUNKERQUE.

Ces instructions de voyage (cf. Annexe n° 24) comportent un § K précisant les contacts à prendre par le Bord en cas de difficultés (casualty) et le numéro de la Hot Line à utiliser.

5.5        CHARGEMENT A DUNKERQUE, CONDITIONS DE DEPART ET SOUTES, EQUIPAGE

5.5.1    Généralités

L'ERIKA a reçu ses instructions de voyage d'AMARSHIP (LUGANO) par télex le 01/12/1999 pour charger entre les 07/12 et 08/12/1999 à DUNKERQUE un minimum de 30 000 t jusqu'à capacité de Fuel Oil réchauffé à haute teneur en souffre (HSFO) à maintenir à 55° minimum à destination de MED.


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L'ERIKA est arrivé à DUNKERQUE le 07/12/1999 sur ballast en provenance de LA COROGNE et il a été mis à quai - Tribord à quai -à l'aide de 2 remorqueurs, à l'appontement pétrolier de la Raffinerie des Flandres le même jour.

Après inspection des citernes vides par CALEB BRETT intervenant pour le compte des Chargeurs, le chargement a commencé le 07/12/1999 à 23 h 30 locales pour se terminer le 08/12/1999 à 15 h 54 locales à la cadence moyenne de 1 880 t/h, sans aucun incident ni interruption.

Le déballastage de 7 000 t sur une quantité totale de 10 000 t dans les ballasts latéraux n°2 - 4 et le peak avant a été effectué en même temps et terminé une demi-heure avant la fin du chargement.

5.5.2    Chargement et conditions au départ

Le chargement a été effectué suivant une séquence classique et habituelle : le manuel de chargement du Bord incluait plusieurs chargements de ce type d'une part et des tonnages identiques de HS FO réchauffé étaient couramment chargés par l'ERIKA d'autre part.

Toutes les quatre heures environ, les moments fléchissants et les efforts tranchants étaient vérifiés au LOADMASTER. A aucun moment du chargement, le navire n'a subi des contraintes dépassant les limites admissibles en eau calme : le moment fléchissant au départ de dunkerque était de 72393 tm alors que le moment admissible était de 82771 tm.

A la fin du chargement la reconnaissance des citernes - quantités, températures et prélèvements d'échantillons - a été effectuée par TOTAL, CALEB BRETT et le Bord.

Le chiffre de 30 824.47 t de produit, égal au chiffre bord net corrigé du facteur d'expérience de 1,00201, a été porté au connaissement.

Les conditions de départ selon le Bord étaient les suivantes :

Cargaison chargée = 30 8841

Température au chargement = 66.5°C

Ballast = 3 100t (citernes latérales n°4)

Déplacement = 42,2781

Tirant d'eau = 10.50 m

Assiette = 0

Gîte = 0

NB : L'escale a fait l'objet d'un suivi par INTERNATIONAL MARINE CONSULTANTS (IMC) pour le compte de TOTAL. Le rapport d'IMC ne se limite pas aux opérations de chargement et il comporte des observations plutôt négatives sur l'état général du navire: manque d'entretien depuis un certain temps, équipage ne portant pas les équipements de sécurité, emménagements sales.


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5.5.3    Soutes

5.5.3.1       A DUNKERQUE

Au départ de dunkerque, l'état des soutes, vérifiées par CALEB BRETT, était le suivant :

FO (d = 0.9781 ) =     232 m3 - 227 t DO (d = 0.8368)   =      157 m3   -131 t

NB : Les quantités totales dans les capacités sont supérieures aux quantités pompables seules utilisables pour la propulsion et le réchauffage.

5.5.3.ii       Consommations et soutage

Selon le formulaire des existants en soutes, les consommations journalières en mer étaient les suivantes:

i Fuel Oil

Moteur principal : de 27 à 31 t

Réchauffage de la cargaison : 17 t

ii Diesel Oil

Groupes électrogènes : 2.81

En raison du coût élevé des soutes à dunkerque, SELMONT, l'affréteur à temps, avait organisé le soutage de l'ERIKA au passage à gibraltar (commandes passées : 500t de FO et 100t de DO).

Au départ de dunkerque, l'ERIKA disposait dans ses soutes d'environ 200t de FO effectivement pompables et d'environ 120t de DO effectivement pompables.

Le 10 décembre à 12:00 h, l'ERIKA disposait encore de 100t de FO alors qu'il lui restait près de 1000 milles (= 5 jours) à parcourir jusqu'à Gibraltar : même en utilisant le DO pour l'alimentation du moteur principal, l'ERIKA serait arrivé à gibraltar avec une demi journée de soutes pour seule réserve, ce qui n'est pas acceptable.

Le Collège Expertal en conclut que le soutage à dunkerque ou avant gibraltar dans un port espagnol de la côte Nord aurait été indispensable pour assurer la sécurité du navire (l'arrêt du réchauffage de la cargaison n'est pratiquement pas envisageable).


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5.5.4    L'équipage de l'ERIKA

L'équipage de l'ERIKA était de 26 hommes dont 9 officiers, tous de nationalité indienne, recrutés par HERALD MARITIME SERVICES (liste d'équipage en Annexe n° 15).

Il n'y avait pas d'officier radio : les communications étaient assurées par le Commandant et les officiers.

Les contrats étaient de 6 mois pour les officiers et 9 mois pour les marins.

La procédure normale de PANSHIP était de faire passer les Capitaines et chefs mécaniciens chez PANSHIP à ravenne avant d'embarquer pour y consulter les documents des navires, les documents ISM et se familiariser avec l'organisation de PANSHIP puis de leur faire effectuer un embarquement en doublure avec les officiers qu'ils s'apprêtaient à remplacer.

Cette procédure fut appliquée pour le Commandant MATHUR.

Le Commandant Karun Sunder MATHUR, né en 1964, exerçant la fonction de commandant depuis 1996 (sur trois navires pétroliers d'armements différents), a embarqué sur l'ERIKA le 22 octobre 1999 à sebastopol et a remplacé le Commandant S. ALPHONSO après un embarquement en doublure de sebastopol à varna (rapport de passation de service en Annexe n°16).

Le second capitaine Kaushal Pal SINGH, né en 1971, ayant exercé cette fonction pendant un seul embarquement, a rejoint l'ERIKA le 28 novembre 1999 à carthagene, dernière escale de chargement avant DUNKERQUE.

M. CHRISTOPHE, assisté du Cdt A. SMITH, alors sapiteur, a procédé à l'audition du Commandant MATHUR les 29 et 30 décembre 1999 à Paris.

Le Collège Expertal n'a pas été en mesure de procéder à d'autres auditions du Commandant ou à des auditions d'autres membres de l'Equipage.


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5.6      LA CHRONOLOGIE DETAILLEE DES EVENEMENTS ET DES CONTACTS DE TOUTE NATURE RELATIFS AU SINISTRE DE L'ERIKA DEPUIS SON DEPART DE DUNKERQUE JUSQU'A SA CASSURE

Le document joint en Annexe n°25 reprend la Chronologie des événements depuis l'appareillage de dunkerque jusqu'au naufrage, les actions entreprises par le Bord, les communications au départ et à destination de l'ERIKA, les documents écrits s'y rapportant (journaux du navire, télex), sur la base des auditions et des déclarations des différents intervenants postérieures à la perte de l'ERIKA (entre autres auditions du Cdt MATHUR, du Cdt POLLARA, des représentants du CROSSA ETEL et de COM BREST, des officiers des navires de la RFA, des représentants de TOTAL, opérateur TOTAL DTS etc...)

Sur cette Chronologie ont été reportés, aux heures UTC +1 (heure locale française), les positions du navire, sa route, son cap, sa vitesse, les conditions de vent et de mer portées sur le Journal de Bord et celles issues de l'étude de METEOMER, les situations et événements à bord du navire.

Les cartes marines correspondantes sont annexées à la Chronologie (Manche - Golfe de Gascogne - de la Chaussée de Sein à Belle-Ile)

L'analyse par nature des éléments de cette Chronologie figure aux articles 5.7 et 5.8 du présent Rapport d'expertise.

5.7        ANALYSE DES CONTACTS ENTRE LES INTERVENANTS.

Au cours des événements, des communications ont été établies à plusieurs niveaux entre les intervenants en utilisant les moyens techniques habituels utilisés lors d'un événement de mer :

Liaisons entre l'ERIKA et :

o        le gérant du navire : PANSHIP,

o        l'opérateur commercial du navire : AMARSHIP,

o        l'affréteur au voyage : TOTAL (Division Trading - Shipping : DTS),

o        les autres navires se trouvant dans les parages (NAUTIC, Royal Fleet Auxiliary SEA CRUSADER et Royal Fleet Auxiliary FORT GEORGE)

o        le CROSSA ETEL,

et vice versa

par les moyens suivants :

o        INMARSAT - A (mobile vers terre - terre vers mobile - téléphone -télécopie - télex)

o        INMARSAT - C (mobile vers terre - terre vers mobile - téléphone -télécopie - télex) incorporant des équipements plus performants que ceux d'INMARSAT - A.

o        RADIO TELEPHONIE MF (BLU) - VHF


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Liaisons entre les intervenants à terre :

PANSHIP, AMARSHIP, SELMONT, SERNAVIMAR (courtier d'affrètement), RINA, P&l CLUB (STEAMSHIP MUTUAL), STOCALOIRE, POMME Port de Bouc, HERALD MARITIME SERVICES, CROSSA ETEL, COM BREST, PANSHIP, TOTAL DTS CMC (Hot Line), TOTAL DTS (Opérations Marines et Vetting)

Les premiers contacts de l'ERIKA après déclenchement du message de détresse du 11/12/99 à 14:08 h (INMARSAT C - reçu par CROSSA ETEL et les COAST GUARDS de MILFORD HAVEN) furent établis par radio (VHP 16 - 6) avec les navires situés dans les parages : NAUTIC et RFA SEA CRUSADER pour relayer un message de l'ERIKA vers PANSHIP, l'ERIKA ne parvenant pas à établir une liaison téléphonique directe.

Le message de l'ERIKA informait PANSHIP de la position du navire, de sa gîte sur tribord, d'une fuite de produit à la mer à hauteur de l'avant des traverses de chargement, d'un déballastage en cours, d'une possible cassure de coque et du lancement d'un message de détresse.

A 14 h 30, le Commandant MATHUR faisait changer de route à son navire et lui faisait prendre un cap inverse afin de rendre le pont accessible en toute sécurité à son équipage pour prendre les ullages des citernes.

A 14 h 34, l'ERIKA déclinait l'offre d'assistance du RFA FORT GEORGE. Selon le Commandant de ce navire, le CROSSA ETEL serait alors intervenu par radio sur la même fréquence (2182 kHz - fréquence internationale de détresse et de sauvetage). Par ce contact radio, l'ERIKA informait le CROSSA ETEL qu'il ne demandait plus une assistance immédiate, ce que l'ERIKA confirmait au CROSSA ETEL par télex à 15 h 15 avec annulation de son message de détresse et son remplacement par un message de sécurité.

L'ERIKA n'a pas informé le CROSSA ETEL de la perte de produit à la mer. Le CROSSA ETEL rendait alors compte à COM BREST du suivi de la situation.

Le message destiné à PANSHIP avait été adressé par télex à 14:42 h par l'ERIKA : ce message précisait qu'il y avait du fuel dans la citerne de ballastage n°2 Tribord, qu'il existait plusieurs fissures sur le pont principal et qu'il y avait une fuite de fuel à la mer à hauteur de l'avant des traverses de chargement.

Le RFA SEA CRUSADER relayait ce même message reçu de l'ERIKA vers 15h10 sur le téléphone portable du Cdt POLLARA.

PANSHIP mettait aussitôt en application le plan SOPEP, constituait une cellule de crise (Cdt POLLARA, Cdt AMITRANO et Cdt MENDIOLA) et informait :

·         L'Armateur, Mr SAVARESE,

·         Le P&l Club, via le courtier FERRARI à GENES, pour alerter STEAMSHIP MUTUAL à LONDRES,


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·         Le courtier des Assureurs Corps et Machine COSTA BROKERS à GENES

·         AMARSHIP, Agent des Affréteurs à temps (SELMONT), en lui demandant d'informer TOTAL

·         SELMONT via SERNAVIMAR (courtier d'affrètement)

·         HERALD MARITIME SERVICES (fourniture de l'équipage),

·         RINA (Mr FUMIS sur sa boîte vocale)

Le premier contact direct entre le Cdt POLLARA et le Cdt MATHUR eut lieu via MONACO RADIO à 16 h 06.

A 16 h 25 après ce contact, l'ERIKA annulait son message de sécurité et changeait à nouveau de route, mettant le cap sur un port de refuge, DONGES, en informant le CROSSA ETEL (via INMARSAT C) et PANSHIP par phonie (MONACO RADIO) et en précisant son ETA à DONGES (d'autres destinations que DONGES avaient été envisagées).

PANSHIP puis l'ERIKA établissaient un contact avec POMME, agent du navire, et STOCALOIRE sous agent désigné à Saint Nazaire pour prendre des dispositions pour l'arrivée du navire.

A 18 h 32, après une nouvelle communication entre l'ERIKA et PANSHIP sur la procédure à suivre vis-à-vis de TOTAL, l'ERIKA contactait TOTAL DTS sur la ligne rouge TOTAL (Hot line : voir Annexe n° 24 : instructions de Voyage) annonçant que l'ERIKA faisait route vers DONGES. En l'absence d'interlocuteur direct ce message a été enregistré sur une boite vocale.

Parallèlement le RINA (M. FUMIS à TRIESTE) rappelait PANSHIP qui lui transmettait les informations reçues du Capitaine. M. FUMIS en discutait alors avec M. PONASSO (RINA à GENES).

A 18 h 40, tous les intervenants et toutes les autorités (CROSSA ETEL -COM BREST PREMAR - Le Port Autonome de Nantes Saint Nazaire-PANSHIP) savaient que l'ERIKA faisait route vers DONGES et échangeaient leurs informations dont aucune ne faisait explicitement état de fuites d'hydrocarbures à la mer.

Après consultation entre PANSHIP et le RINA (M. FUMIS, lui-même en contact avec M. PONASSO) il a été décidé de n'informer les Autorités Maritimes maltaises que le lundi 13 décembre.

A 19 h 45 POMME Port de Bouc lui-même informé par STOCALOIRE DONGES prévenait le Cdt MARTENS (Service Opérations marines de TOTAL) du déroutement de l'ERIKA sur DONGES. Plusieurs autres communications étaient ensuite établies entre PANSHIP, AMARSHIP, POMME et TOTAL DTS Opérations Marine.

A 20 h15, TOTAL DTS prenait connaissance du message de l'ERIKA sur la Hot Line (Annexe n° 24). TOTAL tentait d'entrer en communication avec l'ERIKA. Ce contact était établi à 21:25 h (INMARSAT A) : l'ERIKA fait route vers DONGES et la situation est déclarée sous contrôle par le Cdt MATHUR.


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En interne, TOTAL DTS Opérations Marines et Vetting, inquiets quant aux fissures de coque telles que rapportées par STOCALOIRE, décidaient une inspection de Vetting à DONGES pour le 13 décembre.

A 22 h 27, le PANSHIP informait STOCALOIRE qu'il n'acceptait pas en l'état de recevoir l'ERIKA à DONGES. STOCALOIRE en informait POMME. A notre connaissance l'ERIKA n'a pas été informé dans l'immédiat de cette position.

A 22 h 27 puis à 22 h 50, l'ERIKA envoyait des informations par télex au CROSSA ETEL en reprenant la chronologie des événements sans mentionner les fuites de produit à la mer. COM BREST en était informé par CROSSA ETEL.

Dans les premières heures du 12 décembre, deux communications téléphoniques étaient établies entre l'ERIKA et PANSHIP, tout d'abord concernant une nouvelle prise de gîte, puis annonçant que le pompage pour transfert restait sans effet sur la gîte.

A 04 h 06, le navire, faisant toujours route vers DONGES, donnait sa position et sa vitesse au CROSSA ETEL qui retransmettait à COM BREST.

A 05 h 15, l'ERIKA déclenchait le second message de détresse, auquel le CROSSA ETEL réagissait immédiatement (COM BREST étant prévenu aussitôt), PANSHIP et TOTAL DTS étaient informés par l'ERIKA par téléphone et télex.

5.8     LE SCENARIO DES SITUATIONS SUCCESSIVES A PARTIR DU DEPART DE DUNKERQUE

Une étude de scénarios a été réalisée par les Experts. Les résultats complets sont consignés dans le document « Etude de scénarios du naufrage » daté du 12/07/02 et transmis aux Parties le 19/07/02 (Annexe n° 26).

Le but de cette étude était de déterminer le scénario le plus vraisemblable compatible avec les déclarations du Commandant et du Second Capitaine concernant les gîtes et les ullages.

Les valeurs de gîtes et de ullages annoncées par le Commandant et le Second Capitaine n'étant pas toujours compatibles, il a été nécessaire de faire un choix : soit respecter les valeurs de gîte, soit celles des ullages, soit faire un mixage des deux.

Nous avons choisi de respecter en priorité la gîte car même si son appréciation par le Bord est sujette à des erreurs, elle reste toutefois plus précise que les mesures de ullage compte tenu des conditions de mer.

Cette étude a permis de déterminer le scénario suivant intitulé « Scénario Experts » :


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o        Etat du navire juste avant le début de l'avarie à 12H30 le 11 décembre 1999

La cassure de la cloison longitudinale entre les citernes 3C/2Td va se produire et un écoulement de produit de la 3C vers la 2Td va commencer.

La cassure du bordé de muraille Td sous la flottaison au couple 74 va se produire et l'envahissement depuis la mer de la citerne 2Td va commencer.

o        Etat du navire à 13H30 :

Ecoulement de produit de la 3C vers la 2Td terminé (environ 360t) Envahissement de la citerne 2Td terminé (environ 2.650t)

o        Etat du navire à 16H30 :

Vidange de la citerne 4Td terminée (Commencée à 14H31 sur instruction du Commandant).

o        Etat du navire à 17H30

Transfert par gravité de la citerne 2Td vers la 2Bd terminé (Commencé à 16H30 sur instruction du Commandant).

o        Etat du navire à 18H30 :

Transfert de 580 t de produit de la citerne 1Td vers la 1C terminé (Commencé à 17H30 sur instruction du Commandant).

A ce stade le navire a une légère gîte sur Bd ; le navire va rester dans cet état jusqu'à 24H00, heure à laquelle une nouvelle gîte sur Td apparaît.

o        Etat du navire à 0H00 le 12 décembre 1999

Agrandissement de la cassure de la cloison longitudinale entre les citernes 2Td et 3C : les niveaux dans ces citernes en communication avec la mer, sont ceux du tirant d'eau.

Nouvelle cassure dans la cloison longitudinale entre les citernes 5C et 4Td : 1678t de produit s'écoulent de la citerne 5C dans la 4Td.

Avant d'en arriver à la détermination de cet état à 0H00, 6 hypothèses différentes ont été étudiées dont 4 ont été éliminées. La plus vraisemblable des deux restantes a été retenue (Le cheminement suivi est décrit en détail dans l'Annexe n° 26 précitée).

Les différents états du navire ci-dessus ont des gîtes qui correspondent sensiblement aux gîtes annoncées par le Commandant et le Second Capitaine. Par contre les ullages sont différents en particulier celui de la citerne 2Td pour l'état du navire à 17H30. Le Bord pensait avoir fait un équilibrage entre les citernes 2Td et 2Bd car il ne tenait pas compte de l'existence d'une brèche dans le bordé sous la flottaison. En réalité il a


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transféré de l'eau de mer de la 2Td vers la 2Bd, la 2Td restant remplie car en communication avec la mer (Un calcul réalisé en respectant les relevés d'ullages du Bord fait apparaître que la gîte aurait été de 8°sur Bd à 18H30 au lieu de la « légère gîte sur Bd » constatée).

Le RINA a proposé un scénario dans son Dire daté du 31 mars 2000. Ce scénario est pratiquement le même que celui du Collège Expertal jusqu'à 18H30 mais il en diffère à 0H00 : le RINA fait l'hypothèse qu'il y a de nouvelles cassures dans les parties hautes des cloisons transversales entre les citernes 2Td/3Td et 3Td/4Td et qu'il y a un écoulement de 1509 T vers la 4Td au travers de ces cassures. La citerne 4Td serait donc à moitié remplie. Cette hypothèse n'est pas compatible avec la réalité car elle aurait dû conduire à un envahissement complet de la citerne 4Td puisque cette citerne serait en communication avec la mer au travers de ces cassures. De plus aucune cassure n'a été décelée dans la cloison transversale entre les citernes 2Td et 3Td lors des inspections des épaves par le CSO MARIANOS et le CSO CONSTRUCTOR.

Les Autorités Maritimes de malte ont également proposé un scénario dans leur rapport daté de septembre 2000 (voir Annexe 26bis). Ce scénario est basé sur des hypothèses paraissant peu vraisemblables prises dans leur ensemble :

o        La cassure sur la muraille est située au dessus de la flottaison dans la citerne 2Td

o        L'entrée d'eau par cette cassure se serait produite uniquement lorsque le navire était au cap de 210° (houle attaquant le navire par 37° Td sur l'avant) et ensuite après le changement de cap il n'y avait plus d'entrée d'eau car le navire recevait la houle par l'arrière (ceci de 14H00 à 0H00 soit pendant 10H)

o        L'entrée d'eau avant le changement de cap à 14H00 a été limitée a un certain niveau pour permettre une nouvelle entrée d'eau à 0H00 (par une extension verticale de la cassure sous la flottaison ) pour pouvoir expliquer la nouvelle gîte sur Td constatée.

o        Le Bord aurait oublié de fermer une vanne permettant un écoulement de 812 t de la citerne 2Td vers la 4Td. Ces 812T et l'entrée d'eau par l'extension verticale de la cassure ci dessus dans la citerne 2Td permettent d'obtenir la gîte constatée à 0H00.


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