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Colloque international sur "Le Pavillon"
Paris, 2 et 3 mars 2007
 
Nous remercions Madame Annick de Marffy-Mantuano qui nous a autorisés à publier son rapport.



RAPPORT GÉNÉRAL : VERS UN NOUVEL ÉQUILIBRE




INTRODUCTION

       Deux aspects tiraillés par des forces dialectiques rendent particulièrement difficile la recherche d’un équilibre concernant le pavillon, lien qui unit le navire à un État.

       L’un concerne le rattachement du navire à l’ordre interne. L’État fixe les conditions auxquelles il soumet l’attribution de sa nationalité aux navires, les conditions d’immatriculation des navires sur son territoire et les conditions requises pour qu’ils aient le droit de battre son pavillon. Ce rattachement du navire à l’État, matérialisé par le pavillon doit être réel. Il relève de trois domaines :        Cet élément humain comme le bien meuble qui le supporte constitue le navire. l’État doit donc édicter des règles et adopter les mesures d’application nécessaires pour que le navire battant son pavillon respecte dans les domaines précités les normes qu’il aura édictées, dont un grand nombre doit se conformer aux règles internationales. Ces règles relèvent donc du domaine public. Cependant, par ailleurs, le navire qui est défini comme un bien meuble relève aussi du domaine privé. En effet, plusieurs acteurs interviennent avec une division du travail complexe entre plusieurs centres de décisions : l’armateur, l’affréteur, l’opérateur chargeur mais aussi les assureurs et les banquiers.

       La nécessité de l’intervention de l’État, même sur des questions de pur droit privé, fait partie inhérente du droit maritime. A ce propos, Rodière rappelait « qu’il ne faut pas dans l’étude du droit maritime sacrifier à cette conception générale de la technique juridique que le droit public et le droit privé doivent être nettement distingués ». C’est dans une large mesure cette sectorialisation qui aujourd’hui amplifie les maux auxquels la navigation est confrontée.

       Le deuxième aspect concerne la dimension internationale. L’État a le droit de faire naviguer en haute mer des navires battant son pavillon. Le navire, rattaché par le pavillon qu’il bat à un seul État, soumis à sa seule juridiction, est en droit de naviguer sur toutes les mers du globe et se déplacer hors des frontières de l’État dont il a la nationalité pour évoluer dans un espace de liberté où s’affrontent d’autres pavillons et donc d’autres nationalités. Le droit international public s’applique dans cet espace pour assurer entre autre la sécurité et la sûreté de la navigation ainsi que la protection de l’environnement marin.

         Les règles internationales applicables à la navigation et à la protection de l’environnement marin sont contenues dans la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (ci-après dénommée la Convention de 1982). Elle est une convention cadre dont une grande partie des dispositions a une portée de caractère général. D’autres, cependant, ne peuvent être appliquées qu`une fois complétées par des règles spécifiques à caractère exécutoire, énoncées dans d`autres accords internationaux. La Convention renvoie à des normes et règles internationales élaborées par les organisations internationales compétentes. En matière de navigation, les obligations internationales auxquelles sont soumis les États sont contenues à l’article 94 de la Convention. Ces obligations portent sur trois domaines : administratif, technique et social. Dans cet article, il est fait clairement référence à la réglementation internationale généralement acceptée, aux instruments internationaux applicables et aux règles, procédures et pratiques internationales généralement acceptées. Cette réglementation internationale de renvoi se trouve dans de nombreux traités et accords internationaux adoptés principalement par l’OMI, organisation compétente en matière de navigation et d’environnement marin, mais aussi les règles adoptées sous l’égide de l’OIT en matière du statut des gens de mer et de la FAO lorsqu’il s’agit de la pêche.

       Le navire et son pavillon se trouvent donc crucifiés entre le droit interne écartelé entre droit privé et droit public et le droit international divisé entre les règles générales contenues dans la Convention de 1982 et les règles techniques développées par les organisations internationales compétentes.

       L’arsenal juridique qui s’est développé depuis l’adoption de la Convention et qui constitue l’ensemble des règles auxquelles les États doivent se conformer lorsque des navires battant leur pavillon circulent dans les mers du globe, n’a pas reçu le respect nécessaire pour assurer la sécurité maritime et la protection de l’environnement marin. Certes, l’accroissement de la globalisation des échanges commerciaux a accentué les pressions sur les responsables des transports maritimes dont la seule motivation, compte tenu de la concurrence, est de maintenir le plus bas possible les coûts du transport en mer pour alimenter l’ogre économique chaque jour plus dévorant.

       Le commerce maritime mondial a en effet fortement augmenté : en 2004, il a atteint 6 milliards 760 millions de tonnes de marchandises. La flotte marchande mondiale a augmenté de 4,5%. Il est également important de noter que le nombre de navires immatriculés dans les pays développés d’économie de marché a augmenté de 4,9% pendant que les navires immatriculés dans les pays de libre immatriculation ont augmenté de 11,5 % dont les deux tiers des propriétaires sont des ressortissants de pays développés. Ces chiffres qui photographient les déséquilibres permettent de mieux cerner les problèmes à l’origine du non respect des règles. (voir A/61/63 par 58 citant des chiffres donnés par la CNUCED).

       Ce sont des incidents de navigation ayant causé des catastrophes écologiques qui ont engendré des mouvements pour lutter contre toutes les déviances en matière de transport maritime et ont provoqué des réactions dans les enceintes internationales pour amener les États du pavillon à se conformer aux règles internationales. Le naufrage de l’Erika dont le procès a commencé il y a trois semaines et celui du Prestige sont de tristes témoignages du non respect des règles et de l’opacité qui règne dans les transports maritimes. Au début des années 2000, sous l’impulsion des Nations Unies, des actions ont été engagées dans toutes les organisations internationales compétentes afin d’améliorer la façon dont les États respectent et font respecter les obligations qui leur incombent en vertu du droit international. Il est cependant essentiel que les actions prises par les organisations internationales maintiennent l’équilibre entre d’une part la nécessité d’assurer la sécurité maritime et la protection de l’environnement marin et d’autre part la nécessité de ne pas entraver trop lourdement les lois du commerce international.

       Dans cette présentation, seuls les aspects de droit international public seront traités. L’application effective de la part des États du pavillon des obligations internationales qui leur incombent est la seule voie permettant d’assurer la sécurité de la navigation et la protection de l’environnement marin.


CHAPITRE I

L’ARSENAL JURIDIQUE EXISTANT EN MAL D’APPLICATION


Les règles internationales seront brièvement passées en revue, qu’il s’agisse des règles générales contenues dans la Convention de 1982, ou des règles spécifiques adoptées sous l’égide de l’OMI qui traite de toutes les questions relatives au transport maritime international, à la sécurité maritime ainsi qu’à la prévention et la maîtrise de la pollution du milieu marin par les navires et les opérations d’immersion. Elle est la seule instance au sein de laquelle les normes de sécurité peuvent être adoptées comme l’a rappelé son Secrétaire général, réitérant avec force la mission mondiale de l’Organisation. (A/56/58, para.95) Celle-ci a établi des règles portant sur la sécurité des navires en particulier leur navigabilité, la formation des équipages. En matière de sécurité de la navigation, elle a mis en place des mesures d’organisation du trafic maritime et des services le concernant. Pour faire face à une recrudescence d’actes illicites liés à la navigation, elle a adopté des mesures pour lutter contre la criminalité en mer en particulier, le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, le trafic de migrants, la piraterie et les vols à main armée ainsi que les passagers clandestins.

       Dans le domaine de la pêche, les règles internationales sont très nombreuses. Elles se partagent entre les règles générales de conservation et de gestion des pêcheries contenues dans la Convention et les règles techniques développées au sein de la FAO. En ce domaine, l’importance des règles s’appliquant aux navires de pêche a été particulièrement mise en lumière dans la lutte contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée. Si les questions de formation des équipages sont du ressort de l’OMI, en revanche les normes de travail des gens de mer concernent l’OIT. Les règles internationales relatives à la pêche ou au statut des gens de mers ne sont pas présentées dans ce chapitre dans la mesure où, bien que très importantes, elles ne sont pas directement liées au pavillon.(voir le rapport du SG A/59/63, para. 41-135)

  1. Les règles internationales concernant la sécurité de la navigation


  2.        La sécurité de la navigation cherche à assurer la sauvegarde de la vie humaine en mer et la défense contre les dangers naturels et navals, ainsi qu’à assurer la sûreté du commerce en protégeant le navire et son équipage contre les dangers résultant de pratiques criminelles dont la mer est le théâtre : piraterie, trafic illicite en tout genre, stupéfiants, armes (Philippe Boisson, « politiques et droit de la sécurité maritime »)

           S’appliquent à ce domaine les règles d’ordre général contenues dans la Convention de 1982 concernant les navires et établissant le rattachement de ces derniers à un État. L’article 91 concernant la nationalité des navires et l’article 92 traitant de leur condition juridique ont établi le principe de l’exercice des compétences de l’État sur les navires battant son pavillon. La responsabilité principale repose donc sur l’État du pavillon qui doit assurer que le navire est sûr et adéquatement équipé, que l’équipage est compétent et a reçu la formation adaptée, qu’il opère sous des conditions de travail décentes et que sa cargaison est correctement arrimée.

           Les conséquences juridiques de ces deux articles sont contenues à l’article 94, certainement l’article clé car il énonce les obligations générales qui reposent sur l’État du pavillon. Il traduit la réalité effective de cette relation entre l’État et le navire. En effet, il ne peut y avoir de droit pour un État d’autoriser un navire à naviguer sous son pavillon sans qu’il n’ait en échange à souscrire à des obligations internationales qui imposent un minimum de règles pour assurer l’ordre et la sécurité en mer. L’État est requis d’exercer effectivement sa juridiction et son contrôle dans les domaines administratif, technique et social sur les navires battant son pavillon.

           L’article 94 stipule que les États se conforment aux règles, procédures et pratiques internationales généralement acceptées et prennent toutes les dispositions pour en assurer le respect. (para.5) La Convention renvoie à de multiples instruments internationaux contenant des règles spécifiques et détaillées que les États parties doivent appliquer. Une application effective par l’État du pavillon des obligations qu’il a contractées en vertu d’un certain nombre d’instruments relatifs à la sécurité de la navigation est donc cruciale. Les instruments les plus largement acceptés sont :
    • la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), et les protocoles de 1978 et 1988;
    • la Convention internationale sur les lignes de charge (CLL) de 1966 et le protocole de 1988 ;
    • la convention internationale de 1969 sur le jaugeage des navires;
    • la Convention de 1972 sur le Règlement international pour prévenir les abordages en mer (COLREG) et
    • la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW) 1978 amendée en 1995. Cette Convention est d’une grande importance étant donné que l’erreur humaine est à l’origine de la plupart des accidents en mer.

           Ces instruments ont fait l’objet de nombreux amendements. Ils ont été également complétés par le Code international de gestion de la sécurité (Code ISM) devenu obligatoire en 2002 qui impose aux sociétés exploitant des navires de se doter d’un système de gestion de la sécurité sous le contrôle de l’administration de l’État du pavillon et par le Code international pour la sécurité des navires et des installations portuaires (Code ISPS), en vigueur depuis juillet 2004. Ce code exige des navires qu’ils soient toujours munis d’une fiche synoptique indiquant tous les changements de propriété et de contrôle de l’exploitation du navire.

           La sécurité de la navigation et la protection de l’environnement sont deux domaines indissociables. En effet, les négligences en matière de sécurité provenant de l’absence d’une application effective des règles existantes due à la défaillance de la part des propriétaires des navires, des sociétés de classification, des assureurs ou de l’administration de l’État du pavillon, sont la cause des incidents qui souillent l’environnement marin entraînant des conséquences économiques et sociales douloureuses. C’est une structure juridique identique à celle décrite en matière de sécurité de la navigation qui se retrouve dans le domaine de la pollution par les navires. Dans les deux cas sont énoncées des règles qui font appel au développement de règles particulières. Ces règles particulières sont contenues dans des instruments adoptés sous l’égide de l’OMI.

  3. Les règles internationales concernant la pollution par les navires


  4.        La Convention de 1982 contient des articles de nature générale. L’article 194, paragraphe 3, b) de la Convention de 1982 demande aux États de prendre les mesures tendant à limiter autant que possible la pollution par les navires, en particulier celles visant à prévenir les accidents et à faire face aux cas d’urgence, à assurer la sécurité des opérations en mer, à prévenir les rejets, qu’ils soient intentionnels ou non, et à réglementer la conception, la construction, l’armement et l’exploitation des navires.

           L’article 211 de la Convention de 1982 stipule que les États, par l’intermédiaire d’une organisation internationale compétente ou d’une conférence diplomatique générale, sont tenus d’adopter des règles et normes internationales visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par les navires. Ces règles doivent être réexaminées de temps à autre, selon qu’il est nécessaire. Les États doivent également s’attacher à favoriser l’adoption de dispositifs de circulation des navires visant à réduire à un minimum les risques d’accidents. Pour donner effet aux normes internationales, les États sont tenus d’adopter des lois et règlements pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par les navires battant leur pavillon ou immatriculés par eux. Ces lois et règlements ne doivent pas être moins efficaces que les règles et normes généralement acceptées, établies par l’intermédiaire de l’organisation internationale compétente. Pour l’État du pavillon les règles et normes générales adoptées par l’organisation internationale compétente constituent les normes minimales que l’État du pavillon doit adopter et faire appliquer conformément à l’article 217 de la Convention. Les États côtiers peuvent adopter des règles et des normes plus rigoureuses que les normes internationales généralement acceptées en vue de les appliquer à leur mer territoriale, tant qu’elles ne s’appliquent pas à la conception, à la construction ou à l’armement des navires étrangers, ni n’entravent le passage inoffensif. Dans la zone économique exclusive, les règles et normes internationales généralement acceptées s’appliquent, sauf lorsque l’État côtier a adopté des mesures plus rigoureuses, en application du paragraphe 6 de l’article 211.

           Les mesures que les États doivent prendre, au titre de l’article 194 sont contenues dans les règles et normes internationales relatives à tous les aspects de la navigation, notamment la construction et l’armement des navires, la formation des équipages et les conditions de travail, le transport de produits et la sécurité de la navigation. Ces règles sont exprimées dans les règlements et procédures généralement acceptées qui sont essentiellement ceux figurant dans la Convention SOLAS et ses protocoles, la Convention internationale sur les lignes de charge de 1966. La Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires, telle que modifiée par son Protocole de 1978 (MARPOL 73/78), contient la plupart des règles et normes internationales relatives à la prévention, à la réduction et à la maîtrise de la pollution par les navires. Elle réglemente les rejets, qu`ils soient intentionnels ou non, en provenance des navires dans six annexes qui portent sur : les hydrocarbures (annexe I); les substances liquides nocives (produits chimiques) transportées en vrac (annexe II); les substances nuisibles transportées en colis (annexe III); les eaux usées (annexe IV, entrée en vigueur en septembre 2003); les ordures (annexe V); et les émissions dans l’atmosphère (annexe VI).

           Les normes internationales qu’elles soient contenues dans la Convention de 1982 ou dans des instruments spécifiques commandent que les États adoptent les mesures nécessaires pour leur donner effet.

           Il incombe aux États de veiller à ce que les navires battant leur pavillon respectent les règles et normes internationales applicables, ainsi que les lois nationales adoptées conformément à la Convention (article 217, par. 1). Ils doivent interdire à leurs navires d’appareiller, tant qu’ils ne sont pas conformes aux règles et normes internationales, y compris les dispositions concernant la conception, la construction, l’armement des navires (article 217, par. 2). Les États veillent à ce que les navires battant leur pavillon soient munis de certificats qui doivent se conformer à l’état effectif du navire. Ils doivent les inspecter régulièrement pour procéder à des vérifications (article 217, par. 3). Si une infraction est commise l’État fait procéder à une enquête et le cas échéant intente une action pour une infraction présumée (article 217, par. 4). Il engage des poursuites du chef de l’infraction présumée s’il est convaincu de disposer de preuves suffisantes (article 217, par. 6). Les sanctions prévues par les lois de l’État, à l’encontre des navires battant son pavillon, doivent être suffisamment rigoureuses pour décourager les infractions (article 217, par. 8).

           Bien que ce soit à l’État du pavillon qu’il incombe au premier chef de faire respecter les normes internationales et les règles nationales prises en application de ces dernières, la Convention a prévu d’octroyer des pouvoirs à l’État du port et à l’État côtier en ce qui concerne les normes applicables à l’environnement marin.

           L’article 218 de la Convention autorise l’État du port à intenter une action pour tout rejet effectué en haute mer par un navire se trouvant volontairement dans un port ou à une installation terminale au large, en infraction aux règles et normes internationales applicables, établies par l’intermédiaire de l’organisation internationale compétente ou d’une conférence diplomatique générale.

           Le contrôle par l’État du port a été développé par l’OMI qui a encouragé les États à coopérer à l’échelle régionale pour en assurer la mise en place en adoptant des mémorandums d’entente sur le contrôle des navires par l’État du port en Europe, dans la région de l’Asie et du Pacifique, en Amérique latine et dans les Caraïbes, en Méditerranée, dans la région de l’océan Indien et en Afrique de l’Ouest. Le contrôle exercé par l’État du port ne se substitue pas au contrôle que doit exercer l’État du pavillon. Néanmoins son rôle s’est accru dans l’élimination des navires qui ne satisfont pas aux normes. Depuis quelques années, un important mouvement s’est dessiné en faveur de l’adoption d’une conception harmonisée de la mise en oeuvre effective des dispositions relatives au contrôle. Il s’agit de parvenir à une application effective et à une coopération entre États du port pour créer un réseau mondial de contrôle permettant d’éliminer les navires inférieurs aux normes.

           Devant l’impuissance ou la réticence de l’État du pavillon à s’acquitter de ses obligations à l’égard des navires battant son pavillon, le contrôle par l’État du port s’est particulièrement développé ces dernières années pour s`étendre à la sécurité de la navigation.

           La Convention octroie également à l’État côtier des prérogatives pour lutter contre la pollution par les navires. Ses droits comme ses pouvoirs dépendent de la zone où ils s’exercent.

           Dans la mer territoriale, l’État exerce sa souveraineté (article 2) alors que dans la zone économique exclusive, il n’exerce que des droits souverains ou des compétences se rapportant à la protection de l’environnement ou à la recherche scientifique marine (article 56). Les dispositions de la Convention ménagent un équilibre entre le droit des États côtiers et la liberté de navigation des navires étrangers dans les zones placées sous la juridiction de l’État côtier. Cet équilibre est essentiel à la sauvegarde du régime juridique applicable aux mers et aux océans. Seul un consensus global stable peut assurer le maintien de cet équilibre.

           Les dispositions de mise en application des normes internationales comportent également des obligations de coopération destinées à assurer leur respect par les navires. Ces obligations portent sur les demandes adressées par d’autres États d’enquêter sur les violations suspectées, de fournir des renseignements ou d’aider à faire appliquer la législation sur la pollution en prenant certaines mesures, par exemple en empêchant d’appareiller les navires qui ne sont pas en mesure de naviguer et menacent de causer des dommages au milieu marin (article 219).

           Aux termes du paragraphe 3 de l’article 220, un État côtier peut demander à un navire naviguant dans sa zone économique exclusive ou sa mer territoriale de fournir des renseignements concernant son identité et son port d’immatriculation, son dernier et son prochain port d’escale lorsqu’il a de sérieuses raisons de penser que ce navire a commis une infraction à ses lois et règlements visant à prévenir la pollution. Aux termes du paragraphe 5 du même article, un État peut procéder à l’inspection matérielle d’un navire naviguant dans sa zone économique exclusive ou sa mer territoriale lorsqu’il a de sérieuses raisons de penser que celui-ci a commis une infraction à ses lois et règlements en matière de pollution. Lorsqu’il y a preuve manifeste qu’un navire naviguant dans la zone économique exclusive a commis une infraction aux lois et règlements de l’État côtier qui a causé ou risque de causer des dommages importants, celui-ci peut, d’après le paragraphe 6, ordonner l’immobilisation du navire et intenter une action à son encontre.

           Ce droit conféré par la Convention de 1982 à l’État côtier ne semble pas avoir reçu une très large application.

           Il ressort des développements précédents que les règles existent. Elles ont un champ d’application suffisamment large pour permettre aux États de prendre toutes les mesures de nature à assurer la sécurité de la navigation et se prémunir des risques ou parer aux dommages causés par la pollution par les navires, que ces règles existent prima facie dans la Convention de 1982 ou qu’elles existent par le fait de renvois à des règles développées par l’organisation internationale compétente, l’OMI. Les règles peuvent certes être amendées. La Convention a mis en place des mécanismes d’amendements. Il est cependant impératif, pour la survie du régime juridique sur les océans, que soit respecté l’équilibre entre les droits des États côtiers et la liberté de navigation. Le vrai problème n’est pas dans l’existence de règles, elles existent. Le réel problème est celui lié à leur application effective et surtout au contrôle effectif de l’État du pavillon.

           Les incidents qui ont souillé de nombreux littorals européens et causé de graves préjudices à l’environnement marin ont provoqué une mobilisation de l’Organisation des Nations Unies qui a engagé des actions soutenues pour forcer les États du pavillon à mieux respecter leurs obligations. Cette action de l’ONU a suscité un regain d’activités de la part de l’OMI ainsi que des autres organisations qui ont des compétences comme l’OIT pour le statut des gens de mer et la FAO pour ce qui touche à l’exploitation des navires de pêche.

CHAPITRE II

ACTIONS PRISES A L’ÉCHELLE INTERNATIONALE POUR CONTRAINDRE LES ÉTATS A APPLIQUER LES RÈGLES INTERNATIONALES



       La mobilisation du système international puise ses origines dans des actions engagées au sein des Nations Unies. L’organisation mondiale a déclenché un processus qui a amené les organisations internationales techniques compétentes à agir.
  1. La mobilisation du système des Nations Unies en vue d’assurer une meilleure application des normes internationales


  2.        A côté du rôle direct joué par l’Assemblée générale, d’autres organes mis en place pour s’attaquer aux problèmes de la non application des règles ont procédé à des études et suscité de la part de la communauté internationale des actions pour tenter de mettre fin au laxisme et au manquement des États du pavillon.

    1. Le rôle de l’Assemblée générale des Nations Unies


    2.        L’Assemblée générale des Nations Unies représente le forum de compétence générale pour les affaires maritimes. La primauté reconnue à l’Assemblée Générale pour débattre des océans s’imposa de facto après l’adoption de la Convention (A/37/561 de 1982). Elle fut consacrée par la résolution 49/28 après l’entrée en vigueur de celle-ci et rappelée par la résolution 55/7 du 30 octobre 2000. Ces dernières années, les résolutions sur le droit de la mer dont l’importance politique s’est accrue sont devenues plus substantielles et contiennent des recommandations précises faites aux États. Elles mettent en relief les problèmes qui nécessitent une mobilisation de la communauté internationale en vue de la recherche de solutions concrètes. Leur caractère programmatoire les inscrit dans la catégorie du droit dit « MoU » qui, dans l’arsenal juridique s’appliquant aux océans, semble jouer un rôle de plus en plus proéminent.

             Dans sa résolution 57/141 sur les océans et le droit de la mer, l’Assemblée Générale a exprimé ses préoccupations devant la dégradation du milieu marin et en a appelé « aux États pour qu’ils coopèrent et prennent des mesures, soit directement, soit par l’intermédiaire des institutions internationales compétentes, pour protéger et préserver le milieu marin.» (para. 41). Depuis lors, chaque année les résolutions demandent aux États de pavillon de prendre toutes le mesures pour assurer le respect des obligations qui sont les leurs. La dernière en date (A/RES/61/222) adoptée lors de la soixante et unième Assemblée générale réitère son appel en « exhortant les États du pavillon qui n’ont, ni une solide administration maritime, ni un cadre juridique approprié, à créer ou à renforcer les capacités qui leurs sont nécessaires en matière d’infrastructure, de législation et de forces de l’ordre pour pouvoir s’acquitter efficacement des obligations qui leur incombent en vertu du droit international.. » elle va plus loin en demandant aux États « d’envisager de refuser leur pavillon à de nouveaux navires, de ne plus immatriculer de navires ou de ne pas ouvrir de registres ». ( A/Res/61/222)

             La Commission du développement durable (CDD) dans sa décision 7/1, paragraphe 35 a), avait dès 1999 demandé que les États du pavillon respectent les règles et normes internationales afin de donner effet aux dispositions de la Convention, particulièrement à l’article 91, ainsi qu’aux dispositions des conventions pertinentes.

             Ses recommandations ont été à l’origine de la mise en place en 1999, par la résolution 54/33 de l’Assemblée Générale, du Processus consultatif officieux informel sur les océans et le droit de la mer chargé de se pencher sur des sujets qui méritent une attention particulière et d’offrir des recommandations à l’Assemblée générale.

    3. Le rôle du Processus consultatif officieux informel sur les océans et le droit de la mer


    4.        Le Processus consultatif, né pour favoriser la coopération et la coordination dans l’appréhension de sujets particuliers, fonctionne en invitant la participation non seulement d’États mais également d’organisations gouvernementales et non gouvernementales dans le but de favoriser un débat constructif et une meilleure compréhension des problèmes afin d’aboutir à des solutions concrètes.

             La question de la sécurité maritime fut à l’ordre du jour de la 4ème réunion tenue à New York en juin 2003. Le Processus, ayant rappelé l’urgence pour des États du pavillon de mieux s’acquitter des obligations qui leur incombent en droit international, a souligné l’importance d’une approche multilatérale pour faire face aux enjeux internationaux en matière de sécurité des navires, de normes de prévention de la pollution, de normes de travail des gens de mer et de mesures de conservation et de gestion des ressources vivantes. (A/58/95, para. 10)

             Le Processus, ayant particulièrement insisté pour une amélioration de la coopération et la coordination dans le travail des organisations internationales compétentes, recommanda que, le Secrétaire Général de l’ONU établisse un groupe de consultation inter-agences (task force) pour se pencher en profondeur, en prenant en compte tous les aspects, économiques, juridiques, politiques et sociaux, sur la question de l’application des règles internationales par l’État du pavillon. Les recommandations demandaient en particulier que soit étudié et clarifié le rôle du « lien substantiel » au sujet du devoir des États du pavillon d’exercer un contrôle effectif des navires auxquels ils attribuent leur nationalité. (voir A/59/63 para. 208 et 209, pp.72 à 148)

             A sa cinquième session, en 2004, le Processus consultatif discuta des questions d’applications par l’État du pavillon et adopta plusieurs recommandations à ce sujet (A/59/122 para. 10 et 31 à 42).

             Les recommandations proposées par le Processus consultatif qui sont incorporées dans les résolutions de l’Assemblée Générale, que celles-ci traitent des questions d’ordre général sur les océans ou qu’elles s’appliquent plus spécifiquement à la pêche (A/58/240 et 58/14 ; 59/24 et 59/25 ; 60/30 et 60/31 ; 61/222 et 61/105) renforcent la cohérence et l’uniformité des travaux existants qui doivent se nourrir de tous les efforts entrepris afin de mobiliser efficacement les énergies.

             Ces résolutions de l’Assemblée ont déclenché une série d’actions au sein des organisations internationales compétentes. Celles-ci ont été amenées à adapter aux réalités nouvelles la réglementation internationale souvent à la remorque d’évènements provoqués par le fait d’acteurs qui, se souciant peu de la vie des gens de mer, des écosystèmes marins et côtiers et de l’économie des régions touchées, cherchent des échappatoires afin de sauvegarder un état de fait plus propice à leurs entreprises commerciales.

             Les organisations internationales ont mobilisés toute leur force y compris leurs experts.

    5. L’impact des groupes d’experts internationaux


           Deux groupes se sont réunis pour analyser tous les aspects de la non application des normes internationales par les États du pavillon.

       En premier lieu, les résolutions de l’ONU 58/240 par 28 et 58/14 par 22) invitaient l’OMI et les autres organisations compétentes à étudier, analyser et clarifier le rôle du « lien substantiel » au sujet du devoir des États du pavillon d’exercer un contrôle effectif sur les navires auxquels ils attribuent leur nationalité, y compris les navires de pêche. Elle priait également le Secrétaire général de diffuser un exposé détaillé des devoirs et obligations de l’État du pavillon prévus par les instruments internationaux pertinents y compris les conséquences éventuelles en cas de non respect.

       Le groupe consultatif sur l’application par l’État du pavillon s’est réuni en mai 2003 à Paris au siège de l’OCDE, convoqué par le Secrétaire Général de l’ONU sur la base d’une lettre adressée par Greenpeace international, la fédération internationale des travailleurs des transports et le fonds mondial de la nature (WWF).(A/59/63 annexe I).
      Le groupe inter-institution (OMI, OIT, FAO, PNUE, CNUCED, ONU et OCDE) devait étudier la principale cause du problème, à savoir l’immatriculation des navires, l’absence de lien substantiel entre les navires et leur État du pavillon et les carences constatées chez certains États du pavillon dans l’application et le contrôle de l’application des instruments internationaux. Le groupe devait porter son attention sur les sujets suivants :
      • le navire, son propriétaire, son exploitant, son équipage ;
      • l’État du pavillon, notamment les conditions à remplir pour l’inscription des navires à son registre et le degré de contrôle exercé par la suite sur ses navires ;
      • le contrôle exercé par l’État du port (voir A/59/63)


             Deux ans plus tard, les résolutions 59/24 para. 41 et 59/25 para. 30 priaient le Secrétaire général de lui présenter un rapport à sa 61ème session sur l’étude entreprise par l’OMI en coopération avec d’autres organisations internationales compétentes sur le rôle du lien substantiel et les conséquences potentielles d’un manquement par les États du pavillon à leurs devoirs et obligations tels que ceux ci sont décrits dans les instruments internationaux pertinents. Sur la base de ces résolutions, l’OMI a convoqué la Réunion consultative ad hoc de représentants de haut niveau d’organisations internationales consacrée au « lien substantiel ». Elle s’est tenue à Londres en juillet 2005. Les résultats des travaux sont contenus dans le rapport A/61/160 transmis à l’Assemblée générale. Le rapport reprend les éléments contenus dans le rapport 59/63 de la réunion tenue en 2003 en y introduisant toutes les mesures prises par les organisations concernées pour adresser les problèmes et y apporter les éléments factuels. Malheureusement les résultats proposées par cette étude jugée exhaustive par le Secrétaire général de l’OMI qui note qu’ « il n’est pas nécessaire de convoquer une nouvelle réunion à ce stade à moins que des éléments nouveaux l’exigent » (A/61/160, Annexe), restent faibles car, d’une part le respect de la souveraineté des États empêche d’aller trop loin dans la mise en place de mesures pour imposer une application uniforme et efficace des instruments de l’OMI et d’autre part certaines sanctions ont été jugées trop rigoureuses comme la radiation du registre de l’État du pavillon jugée comme risquant d’affaiblir la portée des conclusions de ces études. Le poids politique exercé par certains États sur le travail des organisations techniques constituent, malgré tous les progrès réalisés, un frein sérieux à la prise de décisions qui s’imposent.

             La question du lien substantiel entre le navire et l’État est bien au coeur du problème. Le rapport de la réunion tenue à Londres souligne la différence entre la définition du lien substantiel qu’il appartient aux États et aux tribunaux nationaux ou internationaux de donner et la question du rôle du lien substantiel en vertu de la Convention, qu’il considère comme directement lié au problème de l’exercice effectif des obligations de l’État du pavillon. (A/61/160, para. 10 et 11) Le lien substantiel entre le navire et l’État n’est pas requis uniquement par la Convention de 1982 à l’article 91. Il apparaît dans d’autres accords : au paragraphe 3 de l’article 3 de l’Accord de 1993 visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion. Il aborde la question de savoir si les liens entre les navires et les États respectifs permettent d’atteindre les objectifs fixés. L’accord de 1995 sur les stocks de poissons chevauchants, suit une approche analogue en mettant l’accent sur les obligations de l’État du pavillon (art. 18). Auparavant, la Convention de 1986 sur le conditions d’immatriculation des navires qui traitait de façon exhaustive la question des critères uniformes aux fins de l’immatriculation des navires compte tenu du lien substantiel requis, n’est jamais entrée en vigueur. Le refus d’établir des critères susceptibles d’être invoqués par d’autres États pour contester la validité de l’immatriculation d’un navire dans un État reste au coeur du débat. Le Tribunal international du droit de la mer dans l’affaire Saiga 2 a rappelé que la détermination des critères et la mise en place des formalités pour l’attribution et le retrait de la nationalité aux navires sont des questions qui relèvent de la compétence exclusive de l’État du pavillon.

             L’impossibilité d’invoquer des critères uniformes continue de favoriser les États du pavillon, en particulier ceux qui offrent leur pavillon sans l’exercice d’un contrôle efficace. Ils peuvent ainsi continuer leurs activités sans entrave. Il est intéressant de noter que, sur la base des données les plus récentes, 45 % du tonnage de la flotte mondiale des navires de commerce sont immatriculés dans des pays de libre immatriculation (rapport CNUCED 2005). La propriété effective des navires est concentrée dans les 10 grands pays armateurs qui comptent environ 70 % des registres de libre immatriculation.

             Le système des États de libre immatriculation ou des pavillons de complaisance transforme l’inscription des navires sur le registre maritime en simple opération commerciale donnant aux armateurs qui y ont recours un avantage sur leurs concurrents, encourageant ainsi la navigation sous-normes. L’État complaisant tire profit en acceptant que des armateurs étrangers immatriculent leur navire sur leur registre maritime national mais négligent d’exercer leur juridiction et leur contrôle effectif sur les navires battant leur pavillon. Ces États complaisants n’ont souvent aucune administration capable d’effectuer un contrôle efficace. Il s’agit souvent d’une adresse. Ces États ne répriment pas les infractions. Les poursuites judiciaires sont rarement engagées et les amendes éventuelles sont généralement moins élevées que le montant des économies réalisées en ne respectant pas la réglementation. En outre, la responsabilité civile est limitée, et les assureurs couvrent tous les risques. Les milieux de la marine marchande ont élaboré des directives sur la conformité des États du pavillon aux normes internationales et présentent sous forme de tableau des critères de conformité établis sur la base de données factuelles. Douze notes négatives ont été attribuées aux États suivants : Albanie, Belize, Bolivie, Cambodge, Costa Rica, Honduras, Jordanie, Madagascar, Syrie, Rep dem du Congo, Sao Tome et Principe et Suriname.

             Que peut donc faire l’ordre international pour imposer aux État du pavillon de se conformer à la réglementation internationale et les contraindre à mettre en place des solutions pour éliminer les navires hors normes et exercer un contrôle efficace sur leurs navires comme le demande le droit international?

             La communauté internationale au sein du système des Nations Unies a accéléré l’adoption de mesures de nature à accroître les pressions sur les États du pavillon. Des actions ont été également engagées par des organisations régionales.


  1. Les mesures récentes prises par les organisations internationales globales et régionales


    1. Mesures prises par l’OMI


    2.        L’OMI a redoublé d’efforts ces dernières années pour faire appliquer les règles spécialisées élaborées sous ses auspices. Après la conclusion en 1999 de la formule d’auto évaluation de la performance des États du pavillon, l’Organisation a adopté par une résolution en décembre 2005 (res A.974(24) des normes d’audit volontaire offrant des critères uniformes pour juger du fonctionnement et des performances des administrations de ces États, en particulier, les administrations en charge des affaires maritimes, l’arsenal juridique existant et les moyens de faire exécuter les réglementations. Il s’agit d’un système de vérification volontaire des États membres permettant d’évaluer si les États de pavillon ont suivi les règles édictées dans les conventions de l’OMI en leur communiquant comment leur prestation a été perçue. Les États qui veulent améliorer leurs prestations peuvent demander une assistance technique. Les européens poussent pour que le système d’audit volontaire devienne obligatoire.

             L’autre initiative concerne l’examen de l’efficacité du code international de gestion de la sécurité (code ISM) effectuée par un groupe d’experts indépendants qui, entre autres, recommande que des études plus poussées soient entreprises ultérieurement pour examiner l’incidence de l’application du code sur les résultats obtenus par les États du pavillon.

             La sécurité maritime sort encore renforcée par l’adoption en octobre 2005 des protocoles à la Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (SUA) et à son Protocole de 1988 sur les plateformes fixes. La liste des actes illicites s’est élargie dans le but de lutter contre le terrorisme.

             En 2001, MARPOL 73/78 fut amendé afin de mettre en place un nouveau calendrier en vue d’accélérer l’élimination des pétroliers à coque simple de plus de 5000 tonneaux, D’autres mesures techniques ont été introduites pour réformer les vieux pétroliers et améliorer la sécurité des vraquiers.

             L’entrée en vigueur en 1995 de la Convention internationale sur la préparation, la lutte et la coopération en matière de pollution par les hydrocarbures (OPRC Convention) et l’adoption du protocole à cette Convention en 2000 pour couvrir les substances dangereuses et nuisibles fut saluée comme un succès significatif dans la lutte contre les accidents.

             En matière de navires de pêche, l’OMI s’emploie en coordination avec la FAO à promouvoir l’entrée en vigueur du protocole de Torremolinos qui énonce les responsabilités de l’État du pavillon à l’égard des navires de pêche.

    3. Mesures prises par la FAO


    4.        L’absence de contrôle effectif de l’État du pavillon a été identifiée comme le facteur principal du problème de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée. La nécessité d’assurer un contrôle efficace des bateaux de pêche par l’État du pavillon a été soulignée par le programme d’action de Johannesburg au paragraphe 30 d).

             La FAO confrontée au non respect des mesures de conservation et de gestion des pêches attribué dans une large mesure à la difficulté de contrôler les navires de pêche et leurs prises a engagé de nombreux efforts pour contribuer à l’adoption d’instruments internationaux. L’entrée en vigueur en avril 2003 de l’Accord de 1993 visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion est un outil précieux dans la lutte contre les changements de pavillon des navires de pêche. Il établit pour la première fois le lien entre le droit de battre le pavillon d’un État et le droit de pêcher en haute mer. En 1995, la FAO adoptait le Code de conduite pour une pêche responsable. Bien que non contraignant, le Code de portée mondiale couvre toutes les activités de pêche tant à l’intérieur qu’en dehors des zones relevant de la juridiction nationale. Il touche une gamme étendue de sujets ayant une incidence sur les efforts visant à assurer une meilleure conservation et une meilleure gestion des pêches dont le contrôle inefficace des navires par les États du pavillon. Les principales activités de l’organisation concernant l’application du Code sont la tenue de consultations d’experts et de consultations techniques, en particulier sur la libre immatriculation et la pêche illicite.

             Elle a également adopté des plans d’action internationaux en particulier le plan d’action international contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Ce plan fait une large part aux responsabilités de l’État du pavillon. Elles sont plus détaillées que celles définies dans l’Accord de 1993 et le Code de conduite de 1995. Il comporte de nouvelles mesures comme les changements successifs de pavillons, le contrôle des navires de pêche par l’État du port et les contrôles de l’État sur ses ressortissants.(voir A/59/63 para. 41 à 91 et A/61/160, para. 25 à 39). La réunion importante de Bergen (Norvège) en octobre 2004 a porté sur l’harmonisation de la présentation des données relatives au suivi, au contrôle et à la surveillance qui s’échangent entre pays. (A/61/160, para. 34)

    5. Mesures prises par l’OIT


           La Convention du travail maritime adoptée le 23 février 2006 par l’OIT, destinée à remplacer les soixante huit conventions et recommandations adoptées depuis 1920 portant sur les conditions de travail des gens de mer attribue plus clairement à l’État du pavillon les responsabilités de toutes les question de travail et les questions sociales à bord des navires. (A/61/160, para. 33) Un progrès certain s’est réalisé ces dernières années, en particulier, l’amélioration de la coordination entre institutions internationales, moyen essentiel pour favoriser l’application des normes internationales. Il est vrai que la sectorialisation dans l’approche du problème de la non application des normes par l’État du pavillon est un frein important dans toute action prise à l’échelle internationale. Seule une approche solidaire peut resserrer l’étau autour des États du pavillon.

       Au niveau régional des actions ont été engagées par l’Union européenne en réactions aux incidents causés par le naufrage de navires sous normes qui ont affecté les côtes de certains de ses États membres.


    1. Mesures prises par l’Union Européenne


    2.        Le parlement européen a demandé instamment que le dispositif d’audit, établi sur une base volontaire soit rendu obligatoire sans retard ; il a de plus invité le Conseil et la Commission à inclure des programmes visant à renforcer les administrations maritimes. Par ailleurs, les institutions européennes ont réagi en menaçant de prendre des mesures allant à l’encontre des règles internationales comme celles visant à restreindre la liberté de navigation dans la zone économique exclusive. Il a demandé à nouveau la révision du droit international afin de conférer des pouvoirs accrus aux États côtiers dans leur ZEE. Cette requête demande une réflexion très approfondie afin d’assurer qu’une telle démarche n’ait pas pour effet d’ouvrir une boite de pandore, en particulier dans le contexte géopolitique du moment et entraîner des réactions pouvant affecter d’autres domaines comme le statut des détroits internationaux.

             Plus récemment, la Commission européenne a adopté le 2 juin 2006 un livre vert sur une future politique maritime dans laquelle elle énonce entre autres, trois principes à suivre pour traiter la question des pavillons de complaisance et des navires ne répondant pas aux normes requises:
      1. toute action visant à améliorer le niveau des prestations des États du pavillon doit être appuyée avec force ;
      2. elle suggère d’adopter de nouveaux instruments destinés à renforcer le suivi de l’application des règles internationales en haute mer et leur contrôle par les États du port et faire appel aux technologies de pointe telles que la navigation par satellite;
      3. enfin elle a demandé aux États européens de réfléchir pour améliorer la compétitivité des navires opérant sous pavillons européens.


CONCLUSION

         Malgré toutes ces mesures et les progrès réalisés, le contrôle exercé par l’État du pavillon reste défaillant et ceci s’explique pour plusieurs raisons en particulier le manque de moyens humains, techniques et financiers. Des institutions internationales ont insisté sur certains points. L’OCDE démontre que la navigation sous normes perdure parce que des États considèrent que l’obligation de lien est satisfaite par la simple existence d’une relation commerciale, rémunérée à l’acte, entre le propriétaire du navire et l’État du pavillon. Les registres maritimes auxquels les navires doivent être immatriculés exigent en principe que certains renseignements concernant la propriété soient fournis au moment de la demande d’immatriculation; cependant, certains registres prônent l’anonymat comme un attrait propre au registre. A cela s’ajoute des mécanismes juridiques complexes, disponibles au niveau international (les actions au porteur) n’ayant rien a voir avec la navigation qui sont utilisés pour créer un écran efficace garantissant l’anonymat des propriétaires effectifs.

       Pour améliorer la transparence en ce qui concerne la propriété et le contrôle des navires, l’OCDE recommande de favoriser la confidentialité plutôt que l’anonymat qu’elle voit comme le compromis utile entre les impératifs de sécurité et les considérations commerciales.
L’OCDE recommande également que les États du pavillon s’abstiennent d’enregistrer des navires dont les armateurs prennent des précautions pour cacher leur identité, par exemple en utilisant des mécanismes complexes de raisons sociales. Voir rapport OCDE de mars 2003, www.oecd.org et A/59/62/add.1 par 72)

       Si l’on veut trouver au niveau international le moyen de mieux contrôler les États du pavillon, il faut élargir le débat afin de trouver des mécanismes pour intervenir lorsqu’il est prouvé que l’État du pavillon a manqué à ses obligations vis à vis des navires battant son pavillon. L’OMI par exemple devrait compléter ses travaux sur les critères à respecter en matière de partage d’information dans l’application du code ISPS qui exige des navires qu’ils soient toujours munis d’une fiche synoptique indiquant tous les changements de propriété et de contrôle.

       Certes de nombreux efforts ont été entrepris pour créer une atmosphère de confiance et de transparence dans la gestion par les États du pavillon des navires immatriculés à leur registre. Cependant, de trop nombreux navires continuent à battre des pavillons permettant d’échapper à un contrôle efficace.

       Le transport maritime étant la courroie de transmission du commerce international et d’une économie mondialisée, il convient de rechercher des solutions permettant de réaliser un équilibre entre plusieurs éléments de nature différente. L’équilibre doit parvenir à, d’une part, mettre en place une organisation rationnelle et viable à long terme du secteur des transports maritimes en balançant les intérêts des armateurs, banquiers, assureurs d’un côté, et des gens de mer, de l’autre ; et d’autre part à responsabiliser les États dans l’octroi de leur pavillon afin que cessent les déviances qui coûtent cher, en termes de vies humaines, de pollution de l’environnement marin, et de pertes économiques.

       L’approche suivie par le processus consultatif réunissant tous les acteurs, qu’ils appartiennent aux représentants des États et aux organisations internationales, ou qu’ils représentent les intérêts privés, armateurs, affréteurs, banquiers, est peut être le type de mécanisme le plus approprié pour trouver les compromis pouvant satisfaire l’ensemble des parties prenantes. Sortir de la distinction droit privé - droit public, comme le suggérait Rodière ainsi que se départir d’une approche sectorielle, ce mal qui empoisonne la préhension des sujets touchant aux questions maritimes, pour chercher les solutions aptes à résoudre certains maux qui affectent les transports maritimes. Là, réside le défi à relever afin de faire en sorte que la mondialisation devienne une force positive pour l’humanité tout entière. (Déclaration du millénaire, résolution 55/2, par 5)


Annick de Marffy-Mantuano
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