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Colloque international sur " Le Pavillon "
Paris, 2 et 3 Mars 2007
 
Nos collègues J.P Declercq et Ph. Sussac ont assisté à ce colloque et nous rendent compte.



       L'Institut du Droit Économique de la Mer et l'Association Internationale du Droit de la Mer ont réuni sur trois demi-journées plus d'une centaine d'éminents professeurs d'Université (jeunes et moins jeunes), juges auprès de tribunaux nationaux, européens, et internationaux (Tribunal International du droit de la mer), avocats, étudiants et juristes divers, fonctionnaires européens, et internationaux (ONU, UE, OMI), responsables juridiques de sociétés et d'associations, attachés de ministères, journalistes maritimes .., pour un colloque international sur "Le Pavillon".

         Vaste programme : l'État et le Pavillon, la question du lien substantiel, le lien entre État du pavillon et société de classification, la place du juge interne et celle du juge international, le lien entre pavillon et entreprise maritime, la question du pavillon de complaisance et celle des pavillons bis, l'aspect nouveau de la défense de l'environnement, la question du contrôle de la pêche dans une période de raréfaction des ressources halieutiques, la possibilité d'un nouvel équilibre qui remplacerait la situation "anarchique" actuelle, la coopération entre les États et l'action des organisations internationales.


       Les interventions montrent les étapes suivantes :
       A noter, comme d'habitude dans ce genre d'assemblée, le peu de temps laissé aux échanges. Ce qui n'enlève rien à la richesse des interventions.


Quelques points forts :

           L'État du pavillon est maintenant en concurrence, pour le contrôle du navire, avec l'État côtier et l'État du port, qui ont fait valoir un "droit d'intervention préventive" pour les questions de pollution dans un premier temps, et de lutte contre le terrorisme ensuite. Un intervenant a cité le cas des nouvelles règles édictées par les USA dans la lutte contre le terrorisme : Demande d'autorisation d'intervention à l'État du pavillon avec un délai de réponse de 4 heures (c'est tout vu s'il n'y a aucun lien entre le navire et l'État du pavillon.)

       Je n'insiste pas sur les interventions concernant la pollution, qui n'ont rien apporté de nouveau à ce que nous connaissons trop bien. L'étape suivante sera sans doute la remise en cause du droit de passage pacifique.
           Je suis intervenu pour donner le point de vue que nous pouvons avoir, vu de notre passerelle, sur la question : quelle est l'autorité ? En précisant bien que je ne parlais pas dans le cas du pavillon français classique, avec armateur français et équipage français, mais de notre position comme capitaine à bord d'un navire sous pavillon de complaisance.

       L'autorité, ce n'est pas le pavillon : la capitaine n'a aucun contact avec lui.
       Par certains côtés, l'autorité, c'est la société de classification, qui agit pour le compte de l'État du pavillon. L'autorité, c'est surtout le gestionnaire du navire, ainsi que l'affréteur, c'est à dire les donneurs d'ordres.
       L'autorité, c'est parfois l'État d'origine de l'équipage, lorsqu'il s'agit d'États qui contrôlent et réglementent les conditions d'embarquement des marins, comme les Philippines.


En conclusion

       Colloque de haute tenue, qui permet d'y voir un peu plus clair sur la question du "lien substantiel", et sur son application :
  1. La Convention internationale sur le pavillon, qui édicte qu'il doit exister un lien substantiel entre le navire et le pavillon, et donne les éléments de définition du lien substantiel, permettant ainsi de classer certains pavillons comme pavillons de complaisance (ou "pavillon de tolérance", selon la traduction que l'on fait du mot anglais 'convenience'), n'a jamais été appliquée.


  2. Par contre la convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 (convention de Montego Bay) indique dans son article 91 qu'il "doit exister un lien substantiel entre l'État et le navire". L'article 94 traite des obligations de l'État du pavillon, et en particulier (art. 94-2-b) de l'exercice de la juridiction de l'État à bord conformément à son droit interne.


  3. Il y a accord entre l'ensemble des participants à ce colloque pour estimer que la définition du lien substantiel n'est pas une compétence communautaire, mais une compétence exclusive de l'État. Il appartient donc à l'État de déterminer quelles sont les conditions qu'il considère comme nécessaires pour lui permettre d'exercer sur le navire les obligations qui sont les siennes en application de l'article 94.


  4. Les obligations de l'État découlent des diverses conventions internationales, et concernent en particulier la sécurité du navire, des biens, des hommes, et la préservation de l'environnement.


  5. Le Capitaine est responsable à bord de l'application des diverses Conventions internationales, en particulier la sécurité du navire, des biens, des hommes, et la préservation de l'environnement.


  6. Le rapprochement des obligations de l'un et de l'autre montre bien que le Capitaine est à bord celui qui est chargé de faire respecter les obligations de l'État, telles qu'elles découlent des diverses Conventions.


  7. En application de la convention de Montego Bay, un État peut donc décider des qualités que doit remplir le capitaine afin de lui permettre d'assurer à bord ses responsabilités.


  8. L'État Français peut donc ainsi plaider devant la Cour Européenne de justice que l'article de la loi selon lequel le Capitaine et son suppléant doivent être français découle de son droit (de son devoir) à établir les conditions nécessaires pour assurer ses obligations dans l'application des conventions internationale. Ceci en faisant savoir que ce choix est pour lui un des éléments du lien substantiel entre État et Navire qu'il doit assurer en application de l'article 91 de la Convention des nations unies sur le droit de la mer.


  9. En plaidant comme cela a été fait dans les affaires des navires de pêche sur l'application du droit interne (État civil ...), ou en mettant en avant d'autres tâches du Capitaine, sans pouvoir montrer en quoi il est nécessaire que le Capitaine soit Français pour qu'elles puissent être correctement effectuées, il y a risque de voir la Cour repousser ces arguments.


  10. Ces arguments peuvent être avancés, mais je pense que l'argument tiré de l'application des Conventions internationales, où la légitimité de la nationalité du capitaine tient du seul choix régalien de l'État d'appliquer comme il le juge nécessaire le principe du lien substantiel, est le seul que la Cour Européenne ne peut rejeter.


  11. Sauf qu'il est peut-être trop tard, dans la mesure où le Conseil Constitutionnel a décidé que le navire n'est en aucun cas une "portion du territoire".
Cdt Jean-Paul Declercq - Cdt Philippe Sussac
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