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A l'inverse d'autres professions d'experts telles que les Experts-Comptables, Fonciers,
Forestiers ou Automobile régies par des lois spécifiques, l'Expertise Maritime est une profession
libérale non réglementée, exercée généralement par d'anciens Officiers de la Marine Marchande,
titulaires des plus hauts brevets de commandement ou techniques ou par des Ingénieurs de l'Ecole
Navale ou du Génie Maritime ou par des anciens Cadres Supérieurs de Sociétés de Navigations,
d'Affrètement ou de Transit, qui mettent à la disposition du commerce et de l'industrie maritimes
nationales, européennes et internationales leurs compétences et expériences acquises pendant de
nombreuses années à bord de navires de commerce de tous types, ou encore au sein de grandes
sociétés d'armement, de transit ou de commerce ou enfin dans la construction et la réparation navale.
Ils donnent un avis technique sur les affaires qui leur sont soumises par des Assureurs, Armateurs,
Affréteurs, Banques, Constructeurs ou Réparateurs de navires, sans oublier les Ports et leur
environnement. Lors d'un sinistre, ils sont les premiers à intervenir et de la qualité de leur intervention
dépend le succès final des intérêts dont ils ont été chargés. Ils sont en quelque sorte des avocats
techniques.
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La Justice, quant à elle, peut avoir besoin d'un avis technique dans des affaires pénales,
civiles ou commerciales. Elle fait alors appel à un technicien qui peut être un salarié, un retraité, un
fonctionnaire ou un membre d'une profession libérale qui, lorsqu'il est nommé par un Juge ou un
Tribunal, devient Expert Judiciaire; sa compétence est limitée, techniquement et dans le temps, à
l'affaire qui lui est confiée. Pour ce faire, il existe auprès de chaque Cour d'Appel une liste appelée
"Liste des Experts auprès de la Cour d'Appel" recouvrant le plus largement possible toutes les
spécialités. Elle est dressée tous les ans et ceux qui y sont inscrits le sont pour un an, renouvelable
par tacite reconduction. C'est donc une Liste de Techniciens, sélectionnés par chaque Cour d'Appel et
à qui la Justice devrait faire appel quant elle en a besoin dans une affaire pénale, civile ou
commerciale. Le Décret 74-1184 du 31 décembre 1974 définit les règles à suivre pour son
établissement, les obligations des experts, la durée de leur inscription, etc. Ce n'est donc pas une
profession. A noter que, selon l'article 3, les personnes morales peuvent être inscrites "à l'exception
de celles qui se donneraient pour objet principal ou accessoire l'exécution de mission d'expertise...".
L'inscription sur une Liste de Cour d'Appel se fait en deux temps: la candidature doit être
adressée avant le 28 février au Procureur de la République du lieu de résidence du demandeur. Il
instruit la demande et la transmet pour avis de l'Assemblée générale des juridictions respectives du
lieu (Tribunal de Grande Instance, d'Instance, de Commerce et Conseil de Prud'hommes). Ensuite le
Procureur adresse le dossier avec les différents avis au Procureur Général qui en saisit le Premier
Président aux fins d'examen par l'Assemblée générale de la Cour. La liste est établie au cours de la
première quinzaine de novembre et le postulant est informé du succès ou du rejet de sa demande
dans le courant de janvier; en cas d'échec, aucun motif n'est donné. Bien entendu, il est naturel que
ceux dont l'expertise est le métier, cherchent à mettre au service de la Justice leurs compétences et
expériences en demandant leur inscription sur une Liste de Cour d'Appel.
Ces Listes d'Experts près de Cour d'Appel sont dressées pour l'information des juges. S'il
semble obligatoire pour la Justice pénale de choisir sur cette liste les experts dont elle a besoin, cela
ne semble pas le cas pour la Justice Commerciale ou Civile qui peuvent choisir les experts qu'elles
veulent.
La Loi 71-498 du 29 juin 1971 relative aux Experts judiciaires, dans son article 3, dit "les
personnes inscrites sur une des listes instituées par l'article 2 de la présente loi et l'article 157 du code
de procédure pénale, ne peuvent faire état de leur qualité que sous la dénomination : "d'Expert agréé
par la Cour de Cassation ou d'Expert près la Cour d'Appel de...". Elle précise également dans son
article 4, que "toute personne, autre que celles mentionnées à l'article 3, qui aura fait usage de l'une
des dénominations visées à cet article, sera punie des peines prévues par l'article 259 du Code pénal.
Sera puni des mêmes peines celui qui aurait fait usage d'une dénomination présentant une
ressemblance de nature à causer une méprise dans l'esprit du public avec les dénominations de
l'article 3".
Enfin, une des conditions requises pour être inscrit sur une Liste de cour d'Appel est "de
n'exercer aucune activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions
judiciaires d'expertise" (article 5 du décret du 31 décembre 1974).
Or, nous constatons que, dans le domaine maritime commercial, comme vraisemblablement
dans d'autres domaines (architecture par exemple), beaucoup d'experts inscrits exercent la profession
libérale d'expert maritime indépendant d'une part et que d'autre part des Experts Maritimes,
indépendants, non inscrits sur une Liste de Cour d'Appel, se croient autorisés à inscrire sur leurs
documents commerciaux la mention "Expert Près des Tribunaux", ce qui est interdit par la Loi. De
plus, des Experts inscrits sur la Liste, qui sont également experts indépendants, se croient obligés
d'écrire "Expert agréé près la Cour d'Appel de...", ce qui, à notre sens, contrevient à l'esprit de l'article
3. Ce qui a pour résultat que, en dehors du judiciaire, beaucoup d'utilisateurs d'Experts Maritimes
indépendants pensent qu'en choisissant un Expert inscrit sur une Liste de Cour d'Appel, leurs
dossiers auront plus de valeur auprès des différents intervenants que s'ils choisissaient un Expert
indépendant : ce qui nous semble strictement contraire à l'esprit de la Loi, et, à notre humble avis,
l'indépendance de la Justice n'y trouve pas son compte. Il nous faut aussi mentionner que des Experts
non inscrits sur une liste, souvent nommés par les Tribunaux de Commerce, se croient autorisés à
inscrire "Experts auprès des Tribunaux" sur leurs documents ou cartes professionnelles, ce qui est
carrément illégal. Nous considérons que ces pratiques constituent une concurrence préjudiciable,
déloyale et illégale.
Cdt J. LOISEAU