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Stratégies maritimes en zone polaire
Colloque à l'ENSM du Havre les 6 et 7 février 2012


Organisé par l'ENSM du Havre, le colloque a réuni une centaine de personnes dont une cinquantaine d'élèves de 5ème année.
Claude Peltier, membre associé de l'Afcan, nous en fait le compte-rendu en reprenant largement des résumés d'intervention remis aux participants.



Paul-Louis PAOLI.

Spécialiste de l'histoire des explorations polaires.
Ancien élève de l'ENMM de Sainte Adresse et même premier Grand Mât de l'école, désigné par ses collègues non pas grâce à ses mérites dit-il mais parce qu'il portait déjà la barbe et que de ce fait, il ferait un bon Neptune.
       En 1534, François 1er donnait des instructions à Jacques Cartier pour qu'il trouve une route plus directe vers la chine, par le grand Nord. En 1740, J-B Bouvet de Lozier découvrait dans le Sud du monde connu, une île qu'il croyait être l'avant-garde d'un supposé continent austral. Cent ans plus tard, le capitaine de vaisseau Dumont d'Urville abordait la Terre-Adélie.
       Mais, alors qu'au début du XXe siècle, pendant que les américains se disputaient le pôle Nord et que sous l'impulsion de la Société Royale de Géographie de Londres, toutes les grandes nations occidentales se lançaient dans une énorme course vers le pôle Sud encore inviolé, la France tournait le dos à cette compétition.
       Découvrir les régions polaires était alors une aventure héroïque, conduite par des hommes peu équipés et livrés à eux-mêmes : Borchgrevink, Nordenskjöld, Drygalsky, Scott, Amundsen, Mawson, Shackleton… La France - ses gouvernements de l'époque – se désintéressait du monde polaire mais pas les Français.
       Avec des moyens privés, Jean-Baptiste Charcot est venu, à partir de 1903, orienter autrement les expéditions polaires. Aux côtés des scientifiques qui l'accompagnaient, ce marin hors pair, a donné un sens au soutien de la recherche fondamentale dans ces zones inhabitées. Avec deux campagnes d'exploration en Antarctique et une douzaine d'expéditions vers l'Arctique, le commandant
       Charcot a repris le flambeau de Dumont d'Urville pour le passer à Paul-Emile Victor, Jean Malaurie, Jean-Louis Etienne. Lorsque Charcot disparaît, Paul-Emile Victor prend place dans la courte liste des explorateurs polaires français. Ethnologue de formation, écologiste avant l'heure, mais surtout homme de terrain, logisticien, il sait se faire connaître par ses raids au Groenland dès 1934. Fondateur et directeur des Expéditions polaires françaises, PEV, comme l'appellent ceux qui l'ont côtoyé, permet par son action de donner une structure pérenne aux recherches polaires françaises : l'Institut Paul-Emile Victor.
       Avec beaucoup d'enthousiasme, de générosité, d'abnégation, la France s'est maintenant construit un savoir-faire polaire de haut niveau, mondialement apprécié. Au Nord : depuis 1948, de très nombreuses expéditions scientifiques sont organisées au Groenland et plusieurs centaines de personnes ont participé à l'exploration de la "Grande île du Grand Nord". Au Sud : grâce à l'observatoire qu'est devenue notre base Dumont d'Urville en Terre-Adélie, (depuis l'Année Géophysique Internationale de 1957-1958), nous sommes en permanence présents en Antarctique.
       Après avoir été prometteur et plus tard inexistant, depuis Charcot, pour la France, l'avenir polaire est assuré.

Jérôme WEISS.

Directeur de recherche CNRS au laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l'Environnement, Grenoble.

Les glaces de mer arctique : évolution actuelle et projections possible pour le XXIIe siècle.
       Il faut distinguer deux types de glace, les glaces continentales et les glaces de mer. Le déclin avéré de la banquise arctique au cours de ces dernières décennies, tant en terme d'extension spatiale que d'épaisseur moyenne, s'accompagne d'une évolution spectaculaire de son comportement mécanique et dynamique. Les glaces de mer amincies se fracturent et se fragmentent plus aisément ce qui favorise leur dérive et donc un export accéléré hors du bassin arctique. La conséquence est un déclin bien plus rapide que prévu par les simulations climatiques, ce qui suggère un océan Arctique quasiment libre de glace à la fin de l'été boréal bien avant la fin du XXIe siècle. Ces évolutions pourraient ouvrir des opportunités en terme de routes maritimes, au moins au cours de l'été, ou d'exploitation offshore? Ce constat doit toutefois être tempéré par le regel de la banquise arctique la majeure partie de l'année. Néanmoins, ce basculement d'une banquise pluriannuelle, épaisse et consolidée, à une banquise saisonnière plus mince et fragile pourrait diminuer les efforts mécaniques engendrés par les glaces dérivantes sur les structures offshore ou les navires brise-glaces.
       En Antarctique on constate qu'il n'y a pas de perte de glace de mer ou dans des quantités très limitées.

Pascaline BOURGAIN.

Doctorant en océanographie arctique à l'université Pierre et Marie Curie, Paris.
Suivi d'un océan pas comme les autres.
       L'océan Arctique a la particularité d'être recouvert (au moins partiellement) d'une glace de mer tout au long de l'année ce qui en fait un système particulièrement sensible aux fluctuations climatiques. Les observations satellites de ces dernières décennies révèlent une diminution accrue de l'extension estivale de la banquise. Quel rôle joue l'océan Arctique dans ce bouleversement ?
       Le changement climatique dans les zones polaires est prévu être le plus important et le plus rapide de toutes les régions du globe. Ceci apportant des bouleversements qui atteindront :
les systèmes physiques :
  • fort retrait de la glace de mer l'été
  • diminution de la couverture neigeuse
  • augmentation des précipitations
  • augmentation du débit des rivières
  • modifications de la salinité des océans
  • fonte du permafrost
  • fonte des glaciers du Groenland
les écosystèmes :
  • modifications de la végétation/zones inondées
  • fragilisation des forêts : augmentation des feux et des insectes
  • migration des espèces nordiques
la population :
  • perte des cultures traditionnelles (chasse, régime alimentaire, habitat)
  • difficulté à se déplacer à terre
  • développement de routes commerciales
  • accès aux ressources naturelles
  • développement de la pêche en mer et de l'agriculture.
       L'effet d'albedo peut se résumer ainsi : sur la banquise, 80% des rayons solaires sont réfléchis et 20% sont absorbés alors que sur l'océan c'est l'inverse, 20% des rayons solaires sont réfléchis et 80% sont absorbés. Il est également fait mention de l'oscillation de l'Arctique et de l'effet que cela peut avoir sur le climat.

Elena MAKSIMOVICH.

Docteur en météorologie arctique à l'université Pierre et Marie Curie, Paris.

Les conditions météorologiques en Arctique : importance pour la navigation ? Quels sont les dangers spécifiques en Arctique ? (résumé).
       La température de l'air et les vents en Arctique (comme dans le reste du monde) sont contrôlés par les différences thermiques de surface. En présence de glace de mer, la température de l'air est d'environ entre -5° et -15°C en été et -30 et – 45°C en hiver au-dessus de la glace de mer alors qu'en mer ouverte la température de l'air fluctue entre -10° et + 10°C toute l'année. La survenance ou l'occurrence de grandes différences de température (10 à 20°C) sur des distances de 100 à 500 kilomètres est une indication majeure sur l'intensité des phénomènes météorologiques dans la zone. Les cyclones tendent à se former et à se creuser là où les températures de surfaces diffèrent le plus. La formation et la convection de nuages et de forts cyclones et de dépressions polaires (polar lows) ne peut prendre que quelques heures à la limite des glaces. En été (mai – août) les différences de température de surface faiblissent mais la température de l'air reste en dessous de 0°C. En été, les cyclones sont en général plus faibles et se déplacent plus lentement mais leur durée de vie est plus longue, créant un ciel couvert avec des nuages très bas (100 m) associés à du brouillard à la surface de l'eau ou de la glace. Un autre aspect non négligeable pour la navigation est l'accumulation de glace sur les structures telles qu'antennes, radars, mettant en danger tous les instruments externes.

Jean-Pierre BEURIER.

Professeur émérite en droit à l'université de Nantes.
Le régime juridique des pôles géographiques.
       Les pôles n'ont été atteints par l'homme qu'au XXème siècle, au terme d'expéditions longues et difficiles : l'américain Peary a atteint le pôle Nord géographique le 6 avril 1909 et le norvégien Amundsen gagne le pôle Sud le 14 décembre 1911. Au XXIème siècle, des brise-glace russes se rendent régulièrement au pôle Nord en été pour des voyages touristiques, et les États-Unis entretiennent une base scientifique permanente (Amundsen-Scott) au pôle Sud. Les régimes juridiques de l'océan Arctique d'une part, du continent Antarctique et de l'océan Austral d'autre part sont très différents.
  1. Le régime de l'océan Arctique.
    1. Des velléités d'appropriation abandonnées.

    2.        En droit international, la revendication d'un territoire sans maitre suppose l'occupation effective de celui-ci après la prise de possession et doit se traduire par des activités étatiques. Cependant, pour un territoire très difficile d'accès un faible degré d'effectivité est acceptable (sentence arbitrale sur l'atoll de Clipperton le 28 janvier 1931; arrêt de la CPJI sur le Groenland oriental du 5 avril 1932).
             Afin d'éviter ce type de contentieux, le président de la Cour suprême du Canada proposa en 1909 la théorie des secteurs, inspirée du principe de la contiguïté : un territoire sans maitre adjacent est considéré comme le prolongement naturel d'un territoire étatique (l'accessoire suit le principal). Ainsi, tout État possédant un littoral arctique doit recevoir au titre de la contiguïté toute terre située dans un secteur compris dans le triangle sphérique dont la base est constituée par ce littoral, dont les côtés sont les méridiens Est et Ouest des extrémités de ce littoral et dont le sommet est le 90° de latitude Nord. L'Union soviétique avait soutenu cette prétention en 1926, mais les autres riverains – Danemark – Norvège – États-Unis – s'y sont toujours opposés. Cette théorie n'a donc pas été acceptée par la communauté internationale.
             Dès lors, l'océan Arctique n'a pas de régime spécifique et son régime juridique est celui issu de la convention des Nations-Unies sur le droit de la mer signée à Montego Bay, le 10 décembre 1982. Les riverains exercent leur souveraineté sur la mer territoriale jusqu'à 12 milles des lignes de base au-delà de leur territoire et disposent de droits exclusifs sur les ressources naturelles dans la zone économique exclusive jusqu'à 200 milles des lignes de base. Au-delà s'étend la haute mer non susceptible d'appropriations nationales et soumise à un régime de liberté d'accès dans le respect de la CMB et du droit international en général.
    3. Un régime particulier pour la navigation.

    4.        Les passages, du Nord-Est ouvert par l'explorateur Nordenskjöld en 1878, et du Nord-Ouest découvert par Amundsen en 1906, sont-ils des voies particulières de navigation ?
             L'URSS a considéré le passage du Nord-Est comme quasi privé, ne reconnaissant pas la liberté de passage dans les détroits qui le bordent et imposant une autorisation préalable à un navire civil étranger pour se joindre au convoi suivant un de leurs brise-glaces. Si les Canadiens avaient une attitude voisine, elle était fondée moins sur des raisons politiques que sur des motifs environnementaux. Après la traversée du pétrolier brise-glace américain Manhattan (sur ballast) dans le passage du Nord-Ouest en 1969, les Canadiens avaient adopté en 1970 une loi sur l'Arctique d'après laquelle, compte tenu de la dangerosité de la navigation, de la difficulté à organiser des secours et des risques environnementaux, le Canada revendiquait une zone de 100 milles de protection de l'environnement au-delà de ses territoires bordant l'Arctique. Selon cette loi, le droit canadien s'applique et la navigation est soumise à autorisation. Les États-Unis rejetant cette revendication exorbitante au regard du droit en vigueur, envoyèrent dans le passage leur brise-glace Polar Sea de leurs garde-côtes en 1985, sans prévenir Ottawa. A la suite des protestations du Canada, les deux États signèrent l'accord d'Ottawa en 1988 selon lequel les deux États décident de coopérer pour la sécurisation du passage et la protection de l'environnement. Les États-Unis ont cependant reconnu que les déplacements de leurs brise-glaces devaient s'effectuer avec le consentement préalable du gouvernement canadien.
             Également, a été signé à Ottawa en 1992, un accord de coopération russo-canadien considérant l'Arctique comme une zone spéciale du fait de sa dangerosité, appliquant en cela l'article 234 de la CMB sur les zones recouvertes par les glaces et autorisant les États côtiers à adopter des législations particulières pour protéger l'environnement dans la limite de leur ZEE. Aujourd'hui le Canada qui craint que les États-Unis ne cherchent à évacuer le pétrole de la mer de Beaufort par le passage du Nord-Ouest, reste vigilant. En revanche, la Russie cherche à attirer dans ses convois, les navires européens mais le prix du passage reste prohibitif. On peut craindre que le réchauffement de la planète n'ouvre à terme ces deux passages, ce qui entraînerait une ruée des navires à destination du Pacifique avec des conséquences économiques importantes mais surtout des risques considérables pour un environnement déjà en danger.
  2. Le régime de l'Antarctique et de l'océan Austral.

  3.        Le navigateur français Jean Dumont d'Urville a été le premier à débarquer sur le continent Antarctique en 1840, permettant à la France de fonder sa prétention territoriale concernant la Terre-Adélie sur le principe de la découverte, comme pour le Royaume-Uni et la Norvège. D'autre États comme le Chili et l'Argentine ont fondé leurs revendications sur la continuité – la péninsule antarctique prolongeant la Terre de Feu. C'est ainsi qu'aujourd'hui sept États (Argentine, Australie, Chili, France, Norvège, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni), dits "possessionnés", revendiquent des secteurs triangulaires à partir d'un linéaire de côte jusqu'au 90° de latitude Sud. Seules des expéditions temporaires de découverte ont eu lieu en Antarctique jusqu'en 1947. Après cette date, des expéditions scientifiques ont été régulièrement menées en été puis, à la fin des années 1940, une occupation scientifique permanente est devenue possible grâce à la construction de bases ouvertes toute l'année. En plus des "possessionnés", d'autres pays se sont livrés à des recherches sans revendications territoriales (Belgique, États-Unis, URSS) en installant toutefois des bases permanentes.
           L'Année Géophysique Internationale lancée par l'Unesco en 1957-1958 a bouleversé cette situation en proposant une coopération internationale à des fins scientifiques. Elle a conduit à la signature à Washington en 1959 du traité de l'Antarctique instaurant un régime particulier non seulement sur le continent mais également sur le Sud de l'océan Austral jusqu'au 60° de latitude Sud. Ce vaste ensemble a été reconnu comme une vaste zone de paix et de science où tout État adhérent au traité et se livrant réellement à des recherches peut installer des bases où bon lui semble, sans tenir compte des revendications territoriales qui, pendant la durée du traité, ne sont ni abandonnées par les "possessionnés" ni reconnues par les autres parties contractantes.
           En revanche, aucune extension de revendication ou aucune nouvelle revendication ne peut être faite pendant la durée du traité. Les parties contractantes s'interdisent toute explosion nucléaire où tout dépôt de déchets radioactifs dans la zone du traité, reconnaissant la liberté des recherches scientifiques, et coopérant à cette fin. Les États-parties s'engagent à protéger et conserver la flore et la faune et organisent des inspections des installations par des observateurs pour vérifier la bonne application du traité. La conférence des parties contractantes gère la mise en œuvre du traité, notamment les zones de protections spéciales de conservation où les activités scientifiques peuvent être limitées.
           Des conventions additionnelles complètent le régime juridique, ainsi la Convention de Londres de 1972 sur la protection des phoques, la Convention de Canberra de 1980 sur la protection de la faune et de la flore et surtout, le Protocole de Madrid adopté en 1991 relatif à la protection de l'environnement qui qualifie la zone du traité de "réserve naturelle consacrée à la paix et à la science". Ce texte interdit pour 50 ans toute exploitation des ressources non vivantes, instaure un régime de contrôle permanent des activités et crée des aires spécialement protégées soustraites aux activités anthropiques. Les parties doivent prévenir les pollutions et les nuisances, évaluer l'impact de leurs activités sur l'environnement, éliminer et gérer les déchets et prévenir la pollution marine. Toute activité doit maintenant faire l'objet d'une évaluation préalable.
           Enfin, le nombre de touristes augmentant régulièrement autour de la péninsule antarctique, la conférence des parties a fait part de ses inquiétudes à l'association des Tour-opérateurs en Antarctique, tant pour la sécurité des touristes que pour le dérangement causé par les visiteurs aussi bien dans les bases que pour les animaux. L'association a signé en 2002 un code de bonne conduite tant pour leur pratique commerciale que pour le comportement de leurs clients, code qui a été accepté par la conférence des parties. Les États concernés devaient se doter de législations nationales afin d'imposer à leurs ressortissants des mesures de protection de l'environnement en Antarctique. C'est ainsi que la France a adopté la loi du 15 avril 2003 mettant en œuvre les principes du protocole de 1991, applicable aussi bien pour toutes les personnes se trouvant dans le district de la Terre-Adélie que pour celles qui, disposant de la nationalité française, se livrent à des recherches scientifiques dans la zone du traité mais en dehors de la Terre-Adélie (sur la base Concordia par exemple).

Anastasiya KOZUBOVSKAYA- PELLÉ.

Docteur en droit de l'université de Nantes. Chef de projet juridique ERINCON-Aurora Borealis.

       L'idée de construire un brise-glace de recherche européen, Aurora Borealis, est né dans le contexte actuel du réchauffement climatique et de la connaissance relativement pauvre des bassins océaniques polaires par la communauté scientifique.
       L'Aurora Borealis a été imaginé par Wartsila Ship Design Germany (WSDG) à la fois comme un navire de recherche polyvalent pour tous types de recherches marines, navire de forage et brise-glace Diesel-électrique comparable aux brise-glaces les plus puissants.
       Ses caractéristiques principales sont ; L 200 m. l 49 m. TE 13 m. Déplacement 65 000 t. environ. Vitesse 15,5 nœuds. T° extérieures admissibles : en fonctionnement : - 50°C. En recherche : + 45°C - 30°C. double coque, propulsion électrique, double commandes, positionnement dynamique.
       Une plate-forme scientifique européenne commune de cette envergure permettrait, non seulement la mutualisation des moyens financiers pour la construction (environ 800 millions d'euros) et l'exploitation du navire (environ 40/45 millions d'euros), mais favoriserait également la coopération scientifique et le partage du savoir-faire aussi bien européen qu'international.
       Suite au financement obtenu par le biais du Programme –cadre européen pour la recherche et le développement économique le consortium ERICON AB regroupant onze pays (dont l'Allemagne, la Finlande, la France, la Norvège etc…) a été mis en place en vue de préparer les volets : stratégique, scientifique, juridique et financier pour la construction et l'exploitation commune du navire.

Daniel SILVESTRE.

Administrateur civil.
Introduction au thème Code glace. (Code polaire).
       La fonte des glaces polaires, même relative, rend les zones arctiques et antarctiques plus accessibles à l'activité humaine. Bien que relevant de situation géographique et de statut juridique différents, l'activité déjà existante ou potentielle de ces zones se caractérise notamment, avec cependant des différences entre Arctique et Antarctique, par la recherche et l'exploitation de matières premières (Arctique), l'extension éventuelle de zones de pêche (due également à des migrations halieutiques), l'ouverture éventuelle de nouvelles routes maritimes (Arctique), des dessertes "domestiques" accrues, un développement de l'activité de tourisme, l'accroissement de la recherche scientifique. Cette nouvelle donne est également le théâtre d'affrontement entre grandes puissances en matière de souveraineté.
       Une grande partie de cette accessibilité et de l'exploitation de ces potentialités économiques implique un développement de la navigation maritime dans des zones où le risque pour la vie humaine, la sécurité maritime et les dommages potentiels causés à l'environnement sont loin d'être négligeables. Des évènements de mer récents ont illustré les risques encourus à cet égard (notamment celui du MS Explorer).
       C'est la raison pour laquelle la communauté internationale s'est employée au cours de la dernière décennie à apprécier les moyens pour parvenir à une meilleure sécurité de la navigation dans ces zones, notamment au moyen du Code Polaire en cours d'élaboration dans le cadre de l'OMI, Code qui devrait être finalisé fin 2012.
       Ce Code, de portée multilatérale, ne peut répondre à toutes les questions posées, dont certaines peuvent relever d'accords régionaux. Bien qu'il traduise également des lignes de fracture entre grandes puissances quant à leurs intérêts et leur interprétation du droit de la mer, il entend cependant améliorer de façon substantielle les conditions de sécurité dans des zones peu hospitalières, et devrait représenter une avancée certaine en matière de protection de la vie humaine, de sécurité maritime et de protection de l'environnement.

Marie-Hélène ROUQUETTE.

Directeur des marchés armateurs. GROUPAMA.
L'assurance maritime dans les zones de glaces, les dispositions contractuelles spécifiques, l'évaluation des risques et leur garantie.
       Les principaux marchés de l'assurance maritime concernent essentiellement les Américains, les Britanniques, les Français et les Scandinaves. Ils proposent tous leur propre police d'assurance maritime sur Corps de navires couvrant : les pertes et dommages matériels, les recours de tiers, les dépenses résultant de fortunes de mer et d'accidents qui surviennent aux navires assurés. Ces polices incluent des clauses précisant les zones dans lesquelles le navire n'est pas garanti (sauf si obligation d'y pénétrer par force majeure ou pour assistance).
       Le principe de l'assurance est basé sur le fait, que pour être assuré, un risque doit être aléatoire. Or, la présence de glace régulièrement observée dans ces zones retire le caractère aléatoire du phénomène, d'où : exclusion. Il existe d'ailleurs quelques nuances dans les zones d'exclusion selon les polices. Les zones d'exclusion sont au nombre de 9.
       Il s'agit de l'Arctique, les mers nordiques (mer Blanche, mer des Tchouktches), la Baltique, le Groenland, l'Amérique du Nord (côte Atlantique), l'Amérique du Nord (côte Pacifique), l'Antarctique, les îles de Kerguelen et Crozet, l'Asie de l'Est.
       Pour naviguer dans les zones de glace, un armateur doit au préalable contacter son assureur pour savoir s'il est possible, moyennant une surprime de maintenir la garantie de sa police d'assurance. L'assureur vérifie : la capacité du navire à effectuer le voyage (classification glace),la route envisagée, la date du voyage, l'expérience de l'équipage à naviguer dans ces zones, la disponibilité d'un brise-glace pour éventuellement escorter le navire.
  • La surprime est calculée à partir : -1- des tarifs de référence par zone, suivant les périodes, avec des surprimes exprimées en pourcentage de la prime annuelle (avec des réductions en fonction de la classe glace du navire) - 2- des éléments statistiques permettant d'apprécier les risques par zone -3- des éléments recueillis auprès des commissaires aux avaries locaux.
  • Les zones pour lesquelles les assureurs sont le plus souvent interrogés sont la Baltique et l'Amérique du Nord, (côté Atlantique).
  • En 2011, (fin juillet/fin novembre) 34 navires ont emprunté le passage du Nord-Est, escortés par des brise-glaces. 15 tankers, 3 bulks, 4 navires réfrigérés, 2 general cargos, 10 navires sur ballast. En 2010, seulement 4 navires.
  • Exemple pour la zone arctique. Un pétrolier Panamax (ice class 1A), voyage de Mourmansk à Huizou, escorté par le brise-glace à propulsion nucléaire "Yamal", cargaison de 70 000 tonnes de fuel lourd, départ le 04 juillet 2011, arrivée le 20 juillet 2011, gain de 15 jours par rapport au voyage par Suez.
Exemple de cotation (février 2011) :
2011 Baltic Sea Breach of navigating limits for tanker of 18,769 DWT valued US dollars 23,000,000, built in 2007 :
Prime annuelle 123,500 US$ (tx 0,537 %)
Reviewed indication of quote as on 17th february 2011
Area Baltic zone A Baltic zone B Baltic zone D Baltic zone E
Area name Gulf of Bothnia Gulf of Finland A & B & adjacent waters
north 59°24'N
Gulf of Riga & adjacent
waters north 59° N
Option 1 All areas covered : lump sum premium being 54% of annual premium
Surprime 66,700 $  
Option 2 Lump sum premium being 48% of all annual premium
Surprime 59,300 $
Per call : 10% of annual premium
less 70 % Ice class discount
Surprime 3,700 $
Option 3 Per call : 25% of annual premium less 70 % Ice class discount
for the period from 17/02/2011 to 15/04/2011
Surprime 9,300 $17,5% of annual premium less 70% of Ice class discount
for the period from 16/04/2011 to 25/05/2011
Surprime 6,500 $
Lump sum premium
being 36 % of annual premium
Surprime 44,500 $
10 % to be returned to the assured in case "no claim"
WARRANTED Ice Class 1A maintained on vessel.

       Outre les risques d'emprisonnement par les glaces compressives, les dommages les plus courants pouvant survenir sont ceux occasionnés aux hélices par le pack ainsi que les collisions entre deux navires qui se suivent dans les convois.

Annie AUDIBERT-HAYET.

Chargée de la coordination des études Grands Froids du groupe TOTAL.
Opérations dans des conditions de froid extrême : l'expérience de Total.
       TOTAL s'est impliqué depuis 40 ans maintenant dans de nombreux projets d'exploration et plus récemment dans l'exploitation dans des zones froides telles que dans la toundra russe (Kharyaga), dans la mer de Barents (Snøhvit) ou dans les plaines canadiennes. De nouveaux projets comme Shtokman situé en mer de Barents à 500 km offshore, Termokarst situé à Yamalo-Nenets ou Yamal LNG dans la péninsule de Yamal sont en études, dans des zones avec un environnement protégé et des conditions climatiques sévères (température, neige, vent, glace et icebergs, permafrost et nuit polaire). De nombreux challenges doivent être relevés nécessitant un grand savoir-faire technique. Prévoyant de dépasser de nouvelles frontières, Total a demandé il y a quelques années déjà à R&D (Recherche et Développement) d'étudier comment travailler dans un climat de froid extrême.
       Le programme a consisté à identifier les manques technologiques et à proposer les solutions pour que nos futures opérations soient pleinement responsables.
  • Avec un rôle plus actif dans les différents comités internationaux et les programmes R&D comme OGP (International Association Oil and Gas Producers), Barents 2020…, Total apparaît maintenant comme un des leaders de projets en froid extrême et d'études en recherche et développement sur ce sujet avec des opérateurs européens et internationaux.
  • Avec un potentiel immense en hydrocarbures les zones de froid extrême doivent vraiment être considérées comme des zones protégées avec un écosystème très sensible. Il ne faut pas y appliquer les techniques habituellement utilisées dans les autres parties du globe mais les techniques doivent être adaptées au contexte local, ce qui nécessite aussi de renforcer les études et de bâtir de solides partenariats.

Yann ALIX.

Délégué général fondation SEFACIL.
Empreinte de la navigation commerciale sur l'Arctique canadien : gestion de l'occurrence des risques.
       L'intensité des échanges commerciaux entre l'Asie du Nord-Est et l'Amérique du Nord stimule les fantasmes de routes alternatives au segment maritime du Pacifique Nord. L'ouverture du nouveau canal de Panama pour 2015 en est une manifestation, opérationnelle à court terme, alors que les conséquences du réchauffement climatique projettent une autre possibilité : la route Arctique plus courte et plus directe.
       Dans ce contexte de prospective stratégique, il demeure somme toute pertinent de considérer l'actuel développement de la navigation commerciale dans l'Arctique canadien pour mieux soupeser les faisabilités économiques et logistiques d'une route nordique massifiée. La présente contribution fournit une analyse de l'évolution des pratiques maritimes arctiques depuis 2002. L'originalité de la méthode retenue passe par le couplage de trois séries d'information :
  • nombre de voyages dans l'Arctique canadien
  • nombre de voyage en Arctique canadien
  • distances parcourues par les navires en Arctique canadien.
       La quantification des trafics en Arctique canadien en terme de milles marins apporte un nouvel éclairage sur l'empreinte du transport maritime sur l'environnement arctique et aborde la problématique des risques de la navigation.

Philippe CAMBOS.

Bureau Veritas. Section Oil & Gas.
Le réchauffement climatique et la réduction de la calotte glacière dans l'océan Arctique ont conduit au développement de la navigation dans ces zones ce qui a amené le Bureau Veritas à développer des règlements et des notes de calculs pour les navires opérant dans cet environnement.
Arctic benefits.
       Huge oil and gas reserves in the Arctic sea are estimated up to 25% of the world's undiscovered resources. They are in : Kara sea, Barents sea, Chuckchi sea, Pechora sea, Beaufort sea, North Slope of Alaska and Grand Banks of Newfoundland. Rotterdam > San Francisco 6700 miles vs 7300 miles - Rotterdam > Yokohama 7350 miles vs 11250 miles.

Challenges in extreme climate.
  • low temperatures : hard working conditions, materials, equipment
  • Ice : ice loads and ice management, icing
  • specific natural conditions : on navigation, rescue
  • & vulnerable ecosystem due to : emission to air, discharge to water.

Classification Societies Rules approach.
       Ice Class Rules incorporate both theoretical derivations of requirements as well as experiences from ships in service. The very first Russian ocean going icebreaker ERMAK built to BV Class in 1898.
BV Rules for objects in service in Artic region for steel ships are :
  • NR 467 Rules for classification and construction of steel ships
  • NR 257 Rules for the classification of polar Class ships. Feb 2007
  • NI 543 Ice reinforcement selection in different world of navigation areas. Jan 2009
  • NI 565 Ice characteristics and ice/structure interactions. Sept 2010.

Role of classification societies.
       Rules for assessment of key safety parameters and production of the environment for vessels operating in ice and cold waters areas (hull structure resistance, propulsion, stability, safety of the crew, prevention of pollution etc.).
       Refinement of requirements in accordance with prevailing ice and weather conditions and requirements of flag states and authorities.
  • Ice Class (Baltic)
  • IACS Polar Class (Artic)
  • COD notation (winterization)
       Optional class notations to recognize specific features implemented by the ship owner :
  • Improve level of comfort for the people on board (noise, vibrations, protection against effects of cold weather)
  • Improve level of environment protection, especially in sensitive areas.

IACS polar Class Rules approach.
Additional Class notation Polar Class description
Class notation Ice description (based on WMO Sea Ice Nomenclature)
Polar Class 1 Year-round operations in all polar waters
Polar Class 2 Year-round operations in moderate multi-year ice conditions
Polar Class 3 Year round ops in second-year ice which may include multi-year ice inclusions
Polar Class 4 Year-round ops in thick first-year ice which may include old ice inclusions
Polar Class 5 Year-round ops in medium first-year ice which may include old ice inclusions
Polar Class 6 Summer/autumn ops in medium first-year ice which may include old ice inclusions
Polar Class 7 Summer/autumn ops in thin first-year ice which may include old ice inclusions

World Meteorological Organization (WMO) sea ice nomenclature terms.
First-year ice Thickness 30 cm – 2 m
Thin first-year ice/white ice First year ice 30-70 cm thick
Thin first-year ice/white ice first stage 30-50 cm thick
Thin first-year ice/white ice snd stage 50-70 cm thick
Medium first-year ice First-year ice 70-120 cm thick
Thick first-year ice First-year ice cover 120 cm thick
Second-year ice Typical thickness up to 2.5 m and sometimes more
Multi-year ice Old ice up to 3 m or more thick.
       For the reinforcement of vessel's hull structure the different regions are defined in BV N° 527 Polar Class Rules. Design loads is calculated for the governing scenario glancing bow impact and used for scantlings of individual structural elements. Total collision force is calculated as ice crushing force or ice flexural failure force. Impact loads on the fore body are converted to loads on other hull areas by area factor.

Machinery and winterization.
       Bureau Veritas has introduced the COLD (H tᴰᴴ, E, tᴰᴱ) notation for dealing with low ambient temperatures, frozen spray (icing of ships) and reduce effectiveness of components:
  • material class and grade selection for low air temperatures
  • decks and superstructures
  • stability
  • propulsion and other essential services
  • electricity production
  • navigation
  • crew protection and elimination of ice where necessary for safe access
Loading of POD propulsors.
  • rules requirements to be based on realistic formulation of ice load.
  • severity on ice load scenarios depends on a number of factors :
    • ice types found in the geographical areas of operations
    • operational strategy and safety culture of the operator
    • available technical means on board for detecting ice formations during poor visibility and
    • receiving ice charts and information on ice conditions
  • maximum speed and practical speed limit for every ice type
    • prudent navigation
    • experience from full scale tests
  • ice load scenarios for pods :
    • ahead and astern operations
    • longitudinal and transverse load cases :
  • probability of occurrence of each load case
    • low probability : extreme single events which determine the strength of the propeller blades, hull structure and supporting brackets
    • high probability : cyclic loading (dynamic impact and milling loads) and associated fatigue considerations
Conclusion.
  • Growth possibilities for shipping and offshore activities in the Arctic.
  • Protection of crews, ships, cargo and sensitive arctic marine environment is key.
    • ice reinforcement of hull structure
    • ship hull form and engine power
    • propulsion and machinery
    • winterization of ship borne equipment
  • Re-assessment and updating of COLD notation for application to extreme arctic conditions.
  • Development of ice loading scenarios for pod propulsors for derivation of associated loads and strength
  • requirements.
  • Reducing risks associated with ship operation in arctic conditions : enhanced safety environmental
  • protection.

Antoine PERSON.

Secrétaire général de Louis Dreyfus Armateurs S.A.S.
Problématiques des débats sur les routes polaires.
       La grande majorité des armateurs est attentiste, mis à part évidemment les armateurs déjà présents dans les zones arctiques, pour des raisons de proximité géographique. Mais ils sont très peu nombreux pour une raison évidente, trop souvent oubliée : la fonte des glaces de l'Arctique ne va pas ouvrir de nouvelles routes à proprement parler et en tout cas pas à moyen terme. En effet, sur les trois grands trafics que sont les vracs liquides, les solides et les containers, il n'y a pas de logique économique (raccourcir le temps à la mer) à passer par le pôle. Les grands flux d'échange se font essentiellement au niveau de l'équateur et c'est souvent l'Afrique ou l'Amérique du Sud que l'on cherche à éviter, à contourner.
       En revanche, il est clair que les zones nouvellement / prochainement libérées des glaces constituent d'énormes réserves de matières premières minérales. Et le plus simple pour les exporter sera d'aller les chercher avec des navires. Nous n'assisterons pas réellement à l'éclosion de nouvelles routes, au sens où les passages du Nord-Ouest ou du Nord-Est seraient des voies de transit mais plutôt, à la création de ports situés dans ces eaux, aux fins d'exportation. Cette dynamique a déjà commencé avec le pétrole.
       Aujourd'hui, les flux sortants sont trop faibles pour lancer un réel mouvement d'investissement sur les équipements adéquats de la part des armateurs. Néanmoins, certains l'ont en tête et commandent des navires qui pourront naviguer dans les eaux polaires, sans assistance (épaisseur coque, redondance machine…).

Yves GUILLAM.

Directeur adjoint du SHOM, Directeur des missions institutionnelles et des relations internationales,
Membre de la commission hydrographique de l'Antarctique de l'Organisation hydrographique internationale.
Sécurité de la navigation dans les régions polaires : état des lieux de l'hydrographie et de la cartographie marine.
       L'organisation hydrographique internationale (OHI) dont la France et membre fondateur, est une organisation intergouvernementale consultative et technique créée en 1921, pour promouvoir la sécurité de la navigation et la protection du milieu marin. Le but de l'Organisation est d'assurer :
  • La coordination des activités des Services hydrographiques nationaux
  • La plus grande uniformité possible des cartes et documents nautiques
  • L'adoption de méthodes sûres et efficaces pour l'exécution et l'exploitation des levés hydrographiques
  • Le progrès des sciences relatives à l'hydrographie et des techniques utilisées pour les levés océanographiques.
L'OHI dispose de deux instances chargées des régions polaires : la commission hydrographique de l'Antarctique créée en 1988 et la commission de l'Arctique, de création beaucoup plus récente (juin 2010). L'OHI établit les normes en matière d'hydrographie et de cartographie marine, applicables aux régions polaires. Elle entretient également une base de données des connaissances disponibles, afin d'évaluer la qualité et la disponibilité de l'information nautique, des levés hydrographiques et de la cartographie marine dans toutes les régions du monde, et dans les régions polaires en particulier. La couverture des régions polaires en services hydrographiques au sens de la Convention SOLAS (Chap.V, Reg. 9) est-elle satisfaisante face au développement de la navigation ?
       Alors que l'OMI célébrera cette année le 100ème anniversaire du naufrage du Titanic, que le Costa Concordia avec ses 4000 passagers a frôlé la catastrophe humaine en talonnant une roche à proximité des côtes italiennes, que faut-il penser du développement de la navigation dans les eaux polaires, sont-elles suffisamment connues, comment prendre conscience des risques liés à la navigation dans ces régions, quelles sont les dispositions prises au niveau international d'une part, et les recommandations pouvant être formulées au profit des navigateurs d'autre part ?
       L'OMI a naturellement pris conscience des risques qui sont associés au développement de la navigation en zones polaires et adopté la Résolution A.1024(26) du 2 décembre 2009 qui propose de nombreuses recommandations de base. Elle poursuit ses travaux sur le Code Polaire (cf. intervention [supra] de D. Sylvestre), lequel pourrait inclure une annexe spécifique sur l'hydrographie et la cartographie marine. Des initiatives sont prises pour favoriser le recueil de données qualifiées de manière collaborative, par les navires d'opportunité.
       Après avoir alerté les plus hautes autorités, après les études conduites par l'association internationale des tours-opérateurs en Antarctique (IAATO) qui estime la probabilité d'un talonnage d'un navire à 2 % par an en Antarctique et à au moins un navire par an du fait de l'accroissement du trafic, la communauté internationale commence à se mobiliser et à prendre des dispositions pour limiter les risques de pertes de vies humaines en mer et de catastrophes écologiques. En adoptant une navigation responsable et en donnant aux services hydrographiques et aux scientifiques les moyens de combler «l'abyssal besoin de connaissance» (Grenelle de la mer) sur les nouvelles routes empruntées, l'Antarctique et l'Arctique pourront devenir les nouveaux espaces à découvrir de notre belle Planète Océan.

Emmanuel CORNÉE.

Professeur à l'ENSM.
Rédigé par l'AC1AM, François Nadeau, ancien directeur du CROSS Gris-Nez, conjointement avec l'APAM Nicolas Chomard, directeur adjoint du CROSS Gris-Nez.
Le sauvetage en zone polaire. Un peu d'histoire.
       Les premières expéditions polaires organisées et structurées datent du début du 19ème siècle. En 1616, néanmoins, le capitaine Baffin avait identifié une baie située à l'Ouest du Groenland qui permettait de se rapprocher du pôle Nord. Cette baie a d'ailleurs conservé son nom et a ensuite servi de zone de départ pour les expéditions.
       En 1818, le capitaine écossais John Ross est à la tête de deux navires qui feront le tour complet de la baie de Baffin, jusqu'au 77ème parallèle Nord. Les expéditions s'enchaîneront ensuite tout au long des 19ème et 20ème siècles, certaines étant restées célèbres, notamment celles de Peary ou Rasmussen. A cette époque, porter secours aux marins et scientifiques bloqués par les éléments ou un évènement de mer tient de la gageure. Personne ne sait où se trouvent les navires et les seules indications disponibles sont les tumulus de pierres ou cairns laissés par les survivants ou, éventuellement, les renseignements que donnent les Inuits. Les quelques expéditions de secours organisées au 19ème siècle partent une ou deux années après les faits, à l'aveugle, si bien que leur succès est loin d'être garanti. L'expédition Shakleton en Antarctique en 1914, se tire d'affaire par ses propres moyens à l'issue d'une épopée restée célèbre.
       Les zones polaires commencent à être davantage accessibles après la seconde guerre mondiale. Elles représentent à cette époque un enjeu stratégique dans le cadre de l'affrontement Est/Ouest. Des bases militaires et/ou scientifiques sont installées à demeure en Arctique.

Géographie des deux zones polaires et conséquences pour la navigation maritime.
       L'Arctique est un océan entouré de terres froides appartenant à 5 pays : Canada, Danemark, États-Unis, Norvège et Russie. Il comprend une population permanente d'environ 4 millions d'habitants si on considère le cercle polaire défini par la latitude 66°33' Nord. De facto, même si cet océan est en partie gelé, la navigation s'y pratique et on s'attend à plus ou moins long terme à un accroissement du transit maritime du fait du recul de la banquise et du développement du tourisme. Des sinistres maritimes peuvent donc s'y produire, comme on l'a constaté ces dernières années avec en particulier des incidents parfois graves impliquant des navires de croisière. Ainsi en août 2010, en zone canadienne, l'échouement du Clipper Adventurer avec 110 passagers, sur une roche non cartographiée, et l'échouement la même année d'un pétrolier de 9000 t. On peut noter dans cette zone, une implication plus grande des États riverains : déclarations de souveraineté de la Russie, montée en puissance de la garde côtière canadienne…
       L'Antarctique est un continent entouré d'un océan dit Boréal. La situation est donc inverse à celle de l'Arctique et d'ailleurs, il n'y a pas d'habitants permanents. La navigation maritime y est très restreinte dans la mesure où cette partie du globe est largement à l'écart des routes maritimes commerciales. Une activité de découverte des zones polaires à partir de navires de croisière existe néanmoins à partir de la pointe extrême du Chili et de l'Argentine. Des évènements de mer peuvent s'y produire. Ce fut le cas en novembre 2007 avec l'évacuation de l'un de ces navires : le MV Explorer, en grave difficulté après avoir heurté un bloc de glace au Sud de la Terre de Feu. Plus récemment, en décembre 2010, un navire de pêche Sud-Coréen disparaît en Antarctique à la longitude de la Nouvelle-Zélande. Sur 42 marins, seuls 20 seront sauvés.
       Comme en Arctique, la sensibilité des milieux naturels polaires est extrême. Une pollution accidentelle aurait des conséquences très importantes dans la mesure où le milieu évoluant et vivant lentement, il se montre peu capable d'assimiler, d'éliminer un certain nombre de substances.

Organisation du système de sauvetage.
       Mis en place en 1999, le SMDSM couvre les océans mondiaux jusqu'aux 77èmes parallèles Nord et Sud. Les pôles ne sont donc pas réellement couverts par le système même si les États riverains de l'Arctique ont déclaré qu'ils prenaient cette responsabilité. Les cinq États concernés ont donc étendu leurs zones de responsabilité sur l'océan Arctique.
       Les navigateurs, quant à eux, sont soumis à de sévères limites. Les moyens de contacter un MRCC dans les parages sont limités à l'usage des fréquences HF et à la mise en œuvre des balises du système Cospas-Sarsat qui comprend quelques satellites à défilement capables de couvrir ces zones, avec des délais d'alerte relativement élevés.
       Autre limite, celle des moyens capables d'intervenir sur un sinistre puisque l'Arctique est un milieu hostile comprenant peu d'installations humaines. Les États riverains font néanmoins partie de ceux capables de mettre en œuvre une panoplie complète de moyens de secours : MRCC performants, moyens humains entraînés et moyens matériels variés.
       Par ailleurs, les instructions relatives au sauvetage maritime (manuel IAMSAR) prévoient qu'en cas de difficulté d'un État pour intervenir, c'est l'État voisin qui est sollicité. Cette organisation renforce les chances de pouvoir intervenir sur un sinistre même si l'océan Arctique est un endroit très difficile où les conditions de survie d'une part et d'intervention d'autre part sont défavorables, voire impraticables. Rappelons par exemple que dans une eau à 2°C, un homme à la mer a une espérance de vie de 10 minutes.
       L'Antarctique n'est pas couvert du tout par le SMDSM. Les rares navires qui y naviguent peuvent néanmoins compter sur la proximité des diverse zones de responsabilité : argentine, australienne, chilienne, française, néo-zélandaise, sud-africaine. En cas de problème, les navigateurs pourraient se tourner vers les MRCC de ces pays qui utiliseraient des ressources internationales pour tenter une intervention.
       La solution peut aussi venir des SAR point of contact de chaque pavillon ainsi que du CROSS Gris-Nez pour le pavillon français, qui auront la légitimité nécessaire pour contacter tous les acteurs possibles de la zone : bases scientifiques, MRCC des pays proches, navires sur zone etc. Les solutions sont donc limitées mais il en existe.

Brieg JAFFRES.

Ancien second-capitaine de l'Astrolabe, navire polaire français.
La navigation dans les glaces à bord de l'Astrolabe, ravitailleur de la base antarctique française en Terre-Adélie.
  • Le navire:
    • Longueur HT : 65 m
    • Largeur : 12,80 m
    • Tirant d'eau : 4.80 m
    • Jauge brute : 1700 tjb
    • Puissance moteur : 2 x 2300 kW
    • Vitesse moyenne : 12 nœuds
    • Membres d'équipage : 12
    • Capacité passagers : 49
  • Les dangers objectifs :
    • La brume
    • Les growlers
    • La météo difficile
    • Les icebergs
    • Le givrage
  • Autres dangers :
    • Le pack qui se resserre sous l'effet du vent
    • Sondes peu fiables
    • Être pris dans les glaces. Prévoir un avitaillement large
    • Éloignement des secours
    • Mauvais fonctionnement des compas
  • Techniques particulières :
    • Observer la concentration de la glace sur les photos de satellites
    • Observer les icebergs et le pack sur les photos de satellites
    • Possibilité de se protéger du mauvais temps derrière un iceberg
    • Un halo blanc au-dessus de l'horizon indique la présence du pack
    • Une diminution nette de la température peut indiquer la présence du pack
    • Calme plus relatif dans le pack
    • Inspecter la coque régulièrement
  • Calendrier des rotations :
  • Pendant la saison d'été 2010/2011, le navire aura été affrété par les TAAF pendant 138 jours qui se décomposent comme suit :
    • En navigation, 69 jours
    • En escale à la base Dumont d'Urville, 28 jours (5 escales)
    • En escale à Hobart (où les passagers embarquent et le ravitaillement est chargé), 15 jours (7 escales)
    • Missions océanographiques/opérations navales locales, 26 jours
    Les 5 escales à la base Dumont d'Urville ont été réalisées selon le calendrier suivant :
    1. fin octobre à début novembre
    2. mi-décembre
    3. fin décembre à mi-janvier, dont environ 15 jours en mission océanographique
    4. 2ème semaine de février
    5. dernière semaine de février
    - La durée des escales à la base de Dumont d'Urville oscille entre 4 à 7 jours et à Hobart, 2 à 3 jours.
    - Les rotations de la saison été 2010/2011 auront duré 18 jours pour la plus courte et 38 jours pour la plus longue.

Nicolas QUENTIN

Professeur au lycée maritime de Saint Malo.

Matthieu WEBER.

Ingénieur d'étude à l'école Centrale de Nantes.
L'expédition TARA ARCTIC.
       Dans le cadre de l'Année polaire internationale, l'expédition Tara Artic a consisté à laisser la goélette TARA se faire enserrer dans la banquise par 79°53'N et 143°17'E (le 03 septembre 2006) puis à se laisser dériver jusqu'à être libérée des glaces (le 21 janvier 2008) par 74°08'N et 10°04'W. La dérive a été de 2800 milles soit environ 1400 milles ''en ligne droite'', la plus grande dérive ayant été de 27 milles/jour et la moyenne a été de 5,5 milles/jour.
       La mission de Tara a consisté à faire des mesures scientifiques concernant l'ensemble ''atmosphère-banquise-océan'' et a servie de base pour le projet DAMOCLES (Developing Artic Modeling and Observing Capability for Long term Environmental Studies) de l'Union européenne qui a pour but de comprendre et quantifier les changements climatiques en Arctique.
       La goélette Tara est l'ancien Antartica de Jean-Louis Etienne dont les caractéristiques principales sont les suivantes :
Longueur, 36 m
Largeur, 10 m
Tirant d'eau, 1,50 à 2,50 m Poids, 130 tonnes
Voilure, 400 m², 2 mâts de 27 m
Propulsion, 2 x 350 cv
Énergie, 2 générateurs de 22 kW + 40 m² de panneaux solaires et 4 éoliennes
Capacité en fuel, 45 m³
Réservoir d'eau 6000 litres
Réservoir eaux usées, 7000 litres
Autonomie 5000 milles
Classé BV 13/3 (E)
Port d'attache, Lorient
Les deux intervenants ont montré et commenté de nombreuses photos de leur expédition. Nous en avons compris que cela a été une grande aventure humaine.
Claude Peltier.
Membre associé de l'Afcan.

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