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40ème Assemblée générale de l'IFSMA à Sandefjord (Norvège)
5 et 6 juin 2014.
 

       Cette Assemblée générale se tenait pour la deuxième fois en Norvège. La précédente, la 39ème eut lieu l'an passé à Melbourne. La prochaine se tiendra au Chili en 2015, selon le principe alternatif d'une fois dans l'hémisphère Nord puis l'année suivante dans l'hémisphère Sud, pour satisfaire les susceptibilités des uns et des autres.

 
       Sandefjord est une ville de 45.000 âmes, située dans le comté de Vestfold, à une centaine de kilomètres dans le sud d'Oslo, au fond du fjord éponyme. Cette ville portuaire fut la capitale de l'industrie baleinière jusqu'en 1950. Son passé «viking» prédisposait cette ville à ce destin maritime de première importance. Le blason de la cité n'a-t-il pas un drakkar et une baleine comme armoiries !
En 1920 il n'y avait pas moins de 12 navires-usines et près d'une centaine de bateaux harponneurs ayant pour port d'attache Sandefjord. Trois mille marins originaires de ce comté armaient cette flotte spécialisée traquant cachalots, rorquals communs et autres balénoptères dans les mers froides, que ce soit en Arctique ou en Antarctique.
On ne peut parler de Sandefjord sans évoquer le souvenir du grand armateur Anders August Jahre (1891-1982). Il fut en son temps le plus important shipowner de Norvège. Anders Jahre contribua grandement au développement de Sandefjord, finançant la construction de la mairie, commençant à bâtir sa fortune dans l'industrie baleinière. Notons qu'il fut un ami intime d'Aristote Onassis.
L'armateur grec fut reçu de nombreuses fois dans la magnifique propriété du magnat norvégien, bâtie sur les hauteurs de Sandefjord. Villa transformée depuis peu en restaurant-musée par la municipalité.

       Le Rica Park Hotel qui hébergeait la quarantième assemblée de l'IFSMA appartenait lui aussi à Anders Jahre. Les nombreuses maquettes de navires de tout tonnage, tant cargos que pétroliers, dont les noms avaient la particularité de commencer par «Ja», tels les Jakara, Jarena, Jarlanda et bien d'autres, en font un véritable musée maritime des plus intéressant. Citons à ce titre le Jalna qui n'était autre que l'ancien pétrolier français de 26.500 dwt, «Champs-Elysées», construit en 1955 pour la CTMP, vendu à l'armement norvégien en 1960.
Un modèle réduit du Jahre Viking, de près de deux mètres de long, trônait bien en évidence dans le hall d'entrée de l'établissement. Cet ULCC fut en son temps le plus long (458m) et le plus gros pétrolier du monde avec ses 565.000 tonnes de port en lourd ! Il dépassait de 10.000 tonnes de dwt les quatre «mousquetaires» français Batillus, Bellamya, Prairial et Pierre Guillaumat. Cette imposante et belle maquette du méga-pétrolier annonçait d'emblée aux clients que le propriétaire de l'hôtel fut un grand armateur.
Construit en 1979 chez Sumitomo Heavy Industries de Yokosuka pour le compte d'un armateur grec (Nomikos), celui qui devait s'appeler Porthos fut refusé à la livraison et racheté par l'armateur hong-kongais C.Y Tung (Orient Overseas Container Line) et renommé «Sea Wise Giant» (sea wise pour C.Y...). Son deadweight de 418.000 tonnes fut porté à 565.000 tonnes après jumboïsation. Chargé de crude iranien il fut touché à mort par un exocet irakien dans le détroit d'Ormuz durant la guerre Iran/Irak.
Déclaré perte totale et laissé à l'abandon près de l'île Larak pendant de nombreuses années, le Sea Wise Giant fut acheté en 1991 par Jorgen Jahre héritier d'Anders. Il fut remorqué à Singapour, remis en état au chantier Keppel et devint le presque flambant neuf Jahre Viking ! Notons que ce mastodonte escala plusieurs fois à Antifer.
En 2004 il changea de propriétaire et de nom pour être ferraillé fin 2009 sur la plage d'Alang. Tout comme la vie mouvementée du Jahre Viking, la carrière armatoriale de l'emblématique bienfaiteur de Sandefjord ne fut pas de tout repos. Le riche armateur eut de graves ennuis avec l'administration fiscale norvégienne pour dissimulation des revenus d'une partie de sa flotte derrière des sociétés écrans hébergées dans des paradis fiscaux... Des amendes colossales sanctionnèrent cette fraude fiscale.

       Mais fermons cette parenthèse «Jahre» et revenons à la quarantième Assemblée générale de l'IFSMA qui se tint sur deux jours les 5 et 6 juin.
La réunion du conseil d'administration de l'IFSMA eut lieu la veille.

 

       Le CA fut suivi en fin d'après-midi par une balade dans le fjord à bord d'un ancien navire harponneur de baleines, le «Southern Actor». Ce whale-catcher de 48 mètres de long fut sauvé de la démolition et remis en état par une équipe de passionnés, nostalgiques de ce passé baleinier. Une merveille ce navire mû par une machine alternative avec un appareil à gouverner à vapeur ! Il y avait de quoi faire à pâlir de regrets le capitaine au long cours que je suis, ayant raté de peu (deux ans, je crois) les débuts hésitants de la polyvalence à la fin des années 60...

   
La découverte des alentours maritimes de Sandefjord fut bien agréable; cette mini-croisière organisée par la Norwegian Maritime Officers' Association (NMOA) permit aussi de faire connaissance de manière très sympathique avec nos hôtes et retrouver quelques amis, habitués des AGA de l'IFSMA, dignes représentants des associations de capitaines de la planète bleue.
Après un accostage «à l'amiral», par le pacha du «Southern Actor», les croisiéristes-d'un-soir n'eurent qu'à traverser le quai pour se rendre au «Kokeriet», au bord de la marina, la brasserie renommée où nous étions attendus. Entre autres plats délicieux il nous fut servi un surprenant carpaccio de...baleine ! Vins et bières à discrétion aidèrent à la manœuvre pour créer une chaude ambiance de retrouvailles chaleureuses entre marins du monde et faire de cette soirée un moment unique ! La NMOA avait bien fait les choses ! Le quarantième rendez-vous de l'IFSMA démarrait sous les meilleurs auspices.

Mais le lendemain, une petite déception vint tempérer le bel enthousiasme de la veille ! Un fait me choqua : l'ouverture des travaux de cette assemblée quarantenaire s'effectua dans la discrétion la plus totale ! Aucune personnalité locale et encore moins nationale n'était invitée ! Surprenant pour un tel anniversaire, en terre viking de surcroît...La Norvège n'est-elle pas la nation la plus maritime du monde ?
Comme aucun autre des trente cinq participants à cette AGA ne releva ce manque de solennité manifeste pour cet événement, je ne fis pas part de mon étonnement. Je me consolais en me disant que la teneur des papiers qui allaient être présentés et des débats qui suivraient me feraient oublier ce «détail». Il est vrai que bon nombre de personnalités norvégiennes dont le roi Hakon V, étaient en Normandie ce jour là, commémorant le 70ème anniversaire du débarquement. Mais bon, on ne réclamait pas une royale présence, on se serait contenté d'un ministre de la marine et/ou des transports pour ouvrir la séance, comme ce fut le cas à Buenos Aires lors du trentième anniversaire.
A défaut d'une personnalité marquante, Hans Sande, président de la NMOA, souhaita la bienvenue aux représentants des associations de capitaines venant de tous les horizons et continents : présence de commandants chilien, singapourien, australien, turc, canadien, japonais, pakistanais, venant de contrées lointaines, sans oublier bon nombre de capitaines de la plus proche Europe.

Un petit rappel utile avant de continuer :
L'IFSMA fut fondée en 1975 par huit associations de capitaines dont l'ACOMM française, le CNPC italien, l'IIMM irlandais, le KBZ belge, le NVKK hollandais, le NSF norvégien, la SMMSA sud-africaine et le VDKS allemand.
L'IFSMA groupe à l'heure actuelle 65 pays, représentant 11.195 capitaines plus 131 membres individuels et 8 membres honoraires (chiffres au 27/05/2014). Son siège est à Londres, situé à quelques encablures de l'Organisation Maritime Internationale (OMI).
Dès 1975 l'IFSMA bénéficia du statut consultatif auprès de l'OMI, au titre d'organisation non-gouvernementale. Elle participe aux quatre comités les plus importants : Maritime Safety, Maritime Environmental Protection, Legal and Facilitation committees. L'IFSMA est également active par sa présence dans 9 Sous-comités de l'OMI, réunions de préparations et autres assemblées. Notons aussi que cette fédération détient depuis 1993 un consultative status auprès de l'International Labour Organization (ILO).

       Revenons à notre AG de Sandefjord. Hans Sande, candidat à la présidence de l'IFSMA, donna ensuite la parole au suédois Christer Lindvall, président sortant après 16 années de mandat. Ch. Lindvall fut un bon président, bien secondé par une équipe londonienne de qualité. Il fut actif sur tous les fronts maritimes, confronté tout comme l'AFCAN depuis 1979, aux problèmes de sécurité de la navigation, des droits des marins, de la criminalisation des capitaines etc. La liste est longue. Trop longue !
Le compte-rendu de la dernière AG de Melbourne fut adopté à l'unanimité.


 
Après l'énoncé de son rapport moral, le président de l'IFSMA donna la parole à John Dickie, secrétaire général et trésorier honoraire. Ce dernier présenta le rapport d'activité et les comptes de la fédération. Le moins que l'on puisse dire est que les finances sont saines. Le bilan fait apparaître un + 44.000 £ ! Les rentrées des cotisations sont en hausse. L'IFSMA fait le forcing pour que les associations déclarent le nombre exact de leurs adhérents...et non plus le strict minimum en fonction des voix qui leur sont allouées ; 11.195 capitaines, sont déclarés au lieu des #15.000 adhérents réels des associations.

Selon les statuts en vigueur (art.9), les droits de vote sont définis ainsi :
– 1 voix pour une association réunissant de 1 à 250 membres actifs.
– 2 voix de 251 à 500.
– 3 de 501 à 750.
– 4 de 751 à 1000.
– 5 de 1001 à 1250.
– 6 voix au-delà de 1251.
L'ACOMM déclare 50 capitaines et l'AFCAN 158...

L'IFSMA démarre une campagne d'adhésion vers les jeunes capitaines, et, modernité oblige, va améliorer son website et utiliser intensément les réseaux sociaux, Facebook, Twitter.

       Puis vint le temps du renouvellement du bureau exécutif pour les quatre années à venir : président (un candidat) et deputy president (deux candidats) ainsi que sept vice-présidents (douze candidats dont votre serviteur présenté par l'AFCAN).
Rémi Boissel Dombreval (ACOMM), présent à Sandefjord, ne se représentait pas au poste de vice-président. Manifestement l'ACOMM tenait absolument à conserver cette vice-présidence et présentait le capitaine Dominique Perrot, jeune retraité de Maersk Tankers également présent à cette 40ème assemblée.
Les résultats des votes sont les suivants :
Président : Hans Sande, Norvège (NMOA).
Deputy president : Willi Wittig, Allemagne ( VDKS).
Vice-présidents : Koïchi Akatsuka, Japon. (JCA) .
Marcel Van Den Broek, Pays-Bas, (Nautilus Int. NL).
Marcos S Castro. Argentine, (CCUMM).
Fritz Ganzhorn. Danemark, (DMO).
Calvin C.Hunziger, USA. (CAMM).
Jörgen Lorén, Suède. (MOA).
Dominique Perrot, France. (ACOMM).
Intervention du capitaine chilien Juan Gamper proposant que la prochaine AGA se tienne dans son pays et plus précisément à Punta Arenas. L'idée d'affréter un petit paquebot et d'appareiller pour une croisière visitant les canaux et glaciers chiliens avec une escapade possible au Cap Horn, ne semble pas réunir tous les suffrages : trop long (5 nuits à bord) et trop cher (1.200 US$). Affaire à suivre. Valparaiso, port mythique s'il en est, pourrait être une solution de repli intéressante.
L'après-midi nous remontâmes le temps grâce à Anne Doksrod, la blonde fille du viking... qui nous retraça l'histoire de ses lointains ancêtres.
Retour au présent ensuite avec un papier sur l'erreur humaine dans les accidents et near-misses sous dymamic positionning.
Puis une intervention intéressante nous fit découvrir SARINOR, le Search And Rescue in the High North. Et pour clôturer cette première journée un papier retraçant les différents modes d'investigations après un accident de mer fut présenté par Allan Graveson (Nautilus Int.) : «Resources and transparency in marine accident investigations». Il ne semble pas que toutes les nations maritimes possèdent leur BEAmer.

Le dîner de gala eut lieu au Rica Park Hotel où nous étions hébergés. L'éloge par de nombreux délégués du président sortant, Christer Lindvall, fut omniprésente et méritée. Les discours se suivirent et se ressemblèrent !

Le lendemain des interventions très diverses se succédèrent, présentant des intérêts pas toujours évidents du fait de textes lus par les orateurs. Je pense qu'à l'avenir il faut enregistrer l'intervention et l'illustrer de photos, films, DVD etc. pour la rendre plus attractive voire passionnante. Quitte au présentateur d'assurer ensuite le débat avec les délégués présents en intéressant son auditoire.

 
En matinée présentation du site web de l'IFSMA par l'Allemand Willi Wittig, nouveau deputy president, et distribution de quatre très intéressantes et luxueuses brochures éditées tout récemment : Statutes & Bye-Laws, About IMO, Compilation of IFSMA resolutions & statements, Guidance for delegates representing IFSMA.
Présentation à suivre d'un petit film intitulé «Bridge team management. Pilot on board». Une impression de déjà vu concernant les relations entre les informations et les bonnes communications entre le pilote et le commandant lors des manœuvres d'entrée et de sortie de port.
Les «Realities of risk de Michael Grey nous fit remonter au temps des Phéniciens, relatant les dangers de la navigation. Il me revint alors à l'esprit ce conseil : «Que celui qui veut naviguer sans danger, n'aille jamais en pleine mer !»
L'ACOMM présenta un papier préparé il y a quelque temps par George Havelka : la ratification par la France de la Convention du travail maritime (MLC 2006), 35ème État membre de l'OIT et 13ème État membre de l'UE à ratifier cette convention historique.
Le commandant néerlandais Scherpenzeel (NVKK) présenta une étude, intitulée «Maritime Spatial Planning And Safe Distance» traitant des distances de sécurité à respecter lors de croisement entre navires ou en approche lors de passage près de sites pétroliers en mer ou de fermes éoliennes.

Nous prîmes intérêt à écouter le capt Sudhir Subhedar insistant sur la nécessité de développer le cabotage le long des côtes de l'Inde pour diminuer notamment la pollution. Vaste programme.
Le capitaine bulgare Dimitar Dimitrov développa sa vision des bienfaits d'avoir un équipage national plutôt qu'un «multi national crew»... Ce qui est facile à démontrer !
Koicho Akatsuka proposa une résolution concernant les ports refuge suite au refus du Japon et de la Corée du sud d'accueillir dans un de leurs ports les plus proches un chimiquier en avarie après collision, le «Maritime Maisie». Entrée acceptée à Pusan après plusieurs mois de tergiversations ...
Il présenta ensuite un DVD sur les opérations de mouillage et les mesures pour prévenir les accidents lors de ces opérations.

Résolutions finales de cette 40ème assemblée :

L'IFSMA est concernée, déplore et s'insurge contre :
– le non-respect de la résolution de l'OMI A.949(23) concernant l'accès aux ports refuge.
– La criminalisation du capitaine toujours présente. Dernier cas en date celui du commandant du ferry sud-coréen «Sewol» qui risque la peine de mort lors de son jugement après le naufrage de son navire causant la mort de 300 passagers.
– Le manque de sérieux et d'indépendance lors d'investigations d'accidents de mer, pourtant définies par le «Casualty Investigation Code», résolution MSC.225(84). Rapports d'enquête à rendre public.
– La sécurité incertaine de nombreux ferries ; cas du naufrage du Sewol révélé par les premières investigations.
Cdt Michel Bougeard




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