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Envahissement et incendie - l'heure du test

 
Traduction libre par le Cdt J.P. DALBY du MAIB Safety Digest 3/2009



Les faits



         Avant d'appareiller, juste après minuit, le capitaine d'un porte-conteneur Panamax avait reçu un bulletin météo. Les vents force 5 à 6 étaient prévus augmenter, mais cela ne l'a pas inquiété. Après avoir débarqué le pilote, le commandant donna l'ordre au bosco de saisir les ancres. Les saisines furent mises en place, et la goupille conique du croc à échappement de la saisine montée à la main. Les stoppeurs à guillotine furent baissés et le frein de guindeau considéré comme serré à fond. Après que le bosco ait informé la passerelle que les ancres étaient saisies, le commandant augmenta l'allure. Il n'y eut pas de ronde de mauvais temps.

       Durant la nuit, le temps se détériora, et la vitesse du navire dut être réduite. Vers 08H00, le second capitaine interdit l'accès au pont principal en raison des conditions météo, ce qui fit qu'aucune ronde de mauvais temps ne fut faite. Toutefois, il prévint la machine et le service restaurant de vérifier et prendre les dispositions de mauvais temps dans leurs services respectifs. Une succession rapide d'évènements allait survenir.

       Vers 12H00, le vent avait encore augmenté pour atteindre force 8 à 9, mer forte. A 12H15, alarme au PC machine. Une odeur de brûlé se répandait autour des tableaux électriques, plusieurs masses furent détectées ainsi qu'une alarme température haute du moteur du propulseur d'étrave, bien que celui-ci soit arrêté. Les symptômes n'étaient pas très clairs. Quelques instants plus tard apparaissait une alarme incendie au local propulseur.

       Le commandant changea de route pour permettre d'accéder au pont en toute sécurité. En pénétrant dans le local du propulseur d'étrave, la raison de l'ambiguïté des alarmes apparut aussitôt. Dans la tôle de bordé bâbord du local, plusieurs trous furent découverts, par lesquels l'eau se déversait dans le local. L'équipage boucha les trous avec des coins et du néoprène et cela endigua l'entrée d'eau. On constata que le saisissage de l'ancre bâbord avait largué et que l'ancre était descendue jusqu'au niveau de l'eau, malgré le frein du guindeau. Sous l'effet du tangage, l'ancre avait frappé contre le bordé, provoquant de nombreux enfoncements, des trous, et l'envahissement des compartiments adjacents.

       Après avoir repris la saisie de l'ancre, la traversée put reprendre jusqu'au port suivant, où les réparations organisées par l'armement seraient effectuées. Malgré les efforts de l'équipage pour limiter les dégâts et l'utilisation permanente de la pompe de cale, le niveau de l'eau dans le local propulseur finit par atteindre le niveau de la mer en raison de trous non découverts dans le bouchain. Le temps s'améliora ensuite au cours de la traversée, et le navire arriva au port trois jours plus tard pour réparations et opérations commerciales.

       En arrivant au poste d'attente, l'inspection montra qu'il fallait mettre en place 23 doublantes. Les autorités portuaires autorisèrent le travail à chaud à condition que le chantier applique les Règles et conditions de Sécurité du Navire (SMS – Safety Management System). Les instructions étaient en langue étrangère et non comprises par l'équipage, et ils ne cherchèrent pas à s'informer.

       Le navire fut mis à son poste de déchargement de sa cargaison de conteneurs. En ce qui concerne l'équipage, les gens du chantier mettaient leur matériel de réparation à bord, dont 15 bouteilles d'acétylène et 16 d'oxygène stockées sur le gaillard en vue du travail à chaud prévu pour être effectué au retour au poste d'attente. Cependant, ce plan n'était pas celui sur lequel travaillaient le superintendant, qui suivait les réparations et le chantier.

       A 19H30, le navire était au poste à conteneurs et à 20H45, à l'insu de l'équipage, le chantier commença à découper les parties endommagées de la coque dans le peak avant et dans le local propulseur. Après un petit arrêt casse-croûte, le chantier reprit le travail à 23H45. A 00H55, le pompier sécurité du chantier quitta le gaillard pour se rendre dans les emménagements, sans prévenir le contremaître. Peu de temps après, le découpage au chalumeau fut arrêté pour permettre le meulage des bords des trous découpés. A 01H10, le contremaître décida de quitter le peak avant pour aller voir l'avancement des travaux dans le local propulseur. Sur le point d'arriver sur le gaillard, il ne put sortir en raison d'une pluie d'étincelles. Du fait que les ouvriers du chantier n'étaient pas équipés de VHF, le contremaître utilisa son téléphone portable pour demander au pompier de sécurité quelle était l'origine du feu. Le pompier, pensant qu'il s'agissait d'une blague, ne revint pas vers le gaillard.

         Pendant ce temps là, le soudeur dans le local propulseur essaya de rallumer son chalumeau et constata que la pression d'acétylène était trop faible. Lui et son aide se rendirent vers le stockage des bouteilles d'acétylène, mais furent arrêtés par un feu violent provenant de l'aussière polypropylène bâbord et des bouteilles d'acétylène. Ils essayèrent de fermer les vannes des bouteilles d'acétylène, mais le feu était trop violent. Il faut reconnaître qu'ils mirent en place une lance à incendie, mais du fait que le navire n'avait pas de collecteur incendie sous pression leurs efforts furent inutiles. L'alarme fut donnée lorsque le pompier de service revint sur place. L'équipage se rendit aussitôt aux postes d'incendie, et peu après, deux bouteilles d'acétylène et une d'oxygène explosèrent. Deux équipes d'incendie attaquèrent les feux en s'abritant derrière le brise lame. Ils éteignirent le feu dans l'aussière et mettaient en place un refroidissement des bouteilles de gaz lorsque les pompiers de terre arrivèrent. Un des ouvriers du peak avant réussit à s'échapper vers le gaillard, et quatre autres s'échappèrent sur un remorqueur du port par les trous qu'ils avaient découpés dans la tôle de bordé du peak avant. Vers 04H00 le feu avait diminué, et à 05H46, il était totalement éteint.

       Heureusement, il n'y eu pas de pertes humaines, et les dégâts se limitèrent à la zone du gaillard où l'on trouva du chiffon brûlé. Si l'équipe d'incendie du bord n'avait pas commencé à refroidir les bouteilles d'acétylène, d'autres bouteilles auraient pu facilement exploser, provoquant des dommages structurels et des blessures corporelles. Toutes les bouteilles d'acétylène et d'oxygène étaient très endommagées, la tôle de pont était déformée et l'alimentation électrique du treuil d'amarrage ainsi que le treuil étaient brûlés.

Les leçons du mauvais temps

       Les avaries dues au mauvais temps résultent du fait que la goupille de sécurité du croc à échappement de la saisine n'a pas été mise correctement. Avec le tangage du navire dans la mer formée, des vibrations et des secousses se sont produites, renforcées par les chocs de l'eau s'engouffrant dans l'écubier dont les tapes n'avaient pas été mises en place. Lorsque la goupille s'est dégagée, le croc à échappement s'est libéré permettant à la saisine de tomber dans l'écubier. La chaîne à commencé à descendre sous l'effet des accélérations dues au tangage, qui dépassaient la force de retenue du frein qui n'avait pas été serré à fond. Sous l'effet du tangage, l'ancre est venue frapper contre le bordé, provoquant des enfoncements et des perforations.
  1. Tenir compte des prévisions météo pour effectuer des rondes de sécurité de mauvais temps – il faut le faire assez tôt car lorsque le temps change, il peut être trop tard.
  2. S'assurer que la check-list pour mauvais temps est suffisamment détaillée et adaptée aux spécificités du navire. Beaucoup ne le sont pas, et peuvent conduire à l'omission de certaines vérifications.
  3. S'assurer que l'équipage est familiarisé avec les procédures de saisissage. Les ridoirs doivent être serrés après la mise en place de la saisine, afin d'avoir un saisissage correct. Trop souvent, le ridoir est considéré comme étant en bonne position lorsque la saisine peut être crochée. Les forces crées par les accélérations sont importantes et elles trouveront tout défaut dans le système.
  4. Dans ce cas, la sécurité du croc à échappement était une goupille conique, et on pourrait discuter du fait que ce n'était pas la meilleure pour cet usage. Un mouchetage ou le remplacement par une goupille à embout basculant aurait été plus sûr.
  5. Le frein de guindeau doit être serré à fond. Tenez compte de la stature de celui qui est chargé de serrer le frein. L'utilisation d'une clé à volant ou d'une rallonge pour augmenter la force de serrage peut être nécessaire.

Les leçons de l'incendie

       Il est très probable que l'incendie a été provoqué par un mégot de cigarette jeté négligemment, qui a mis le feu à des chiffons trouvés à proximité de l'aussière et des tuyaux d'acétylène. L'acétylène s'est enflammé parce que les robinets des bouteilles de gaz étaient ouverts. Du fait que les bouteilles en service se trouvaient à côté de celles en réserve, le feu s'est propagé aux autres bouteilles et ainsi a pris de l'ampleur.

       Malheureusement, aucune des mesures de contrôle et de surveillance du Permis de Travail à Chaud n'était en place, et il n'y avait pas eu de réunion avec les ouvriers du chantier sur les procédures de sécurité parce que l'équipage n'était pas au courant de l'exécution des travaux à chaud. Dans cet accident, les communications efficaces ont été les premières victimes.
  1. L'état-major du navire doit être totalement informé de ce que les ouvriers du chantier vont faire.
  2. Si c'est le service technique à terre qui décide des travaux et en assure la supervision, il n'en reste pas moins que la sécurité du navire et de son équipage reste du ressort du capitaine.
  3. Lorsqu'il y a des travaux à hauts risques, il peut être judicieux de mettre le collecteur d'incendie sec, sous pression. Une analyse des risques aidera à prendre la décision.
  4. Lorsque des autorités portuaires donnent une autorisation de travail à chaud dans une langue étrangère, obtenir que ce soit traduit de façon que les responsabilités du navire soient entièrement comprises.
  5. Lorsque c'est le chantier qui fournit le pompier de sécurité, insister pour qu'il/elle soit toujours à son poste.
  6. Effectuer des rondes régulières sur le lieu des travaux, et ne pas hésiter à les faire cesser si la sécurité parait compromise.

Rappelez-vous qu'il est sage de séparer les bouteilles de gaz "en service" de celles en stockage afin de réduire les risques d'extension du feu.

 


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