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La vie à bord au temps du coronavirus.



La crise du coronavirus a surpris tout le monde, compagnies maritimes et marins compris. Au début de l'embarquement je lisais à peine les circulaires décrivant les précautions à prendre pour les navires escalant en Chine, naviguant sur l'Atlantique je ne me sentais pas concerné. Puis soudain tout s'est emballé. Nous étions plusieurs à devoir débarquer aux États-Unis, mi-mars, après trois mois et demi de bord. Juste avant d'arriver M. Trump interdit les vols en provenance d'Europe puis la compagnie annule toutes les relèves pour au minimum un mois et la France entre en confinement. Nous voici coincés à bord, sans possibilité de relève et pour une durée indéterminée.

La compagnie met en place des procédures strictes pour limiter au maximum le risque de contamination par l'extérieur lors des escales. En effet, le navire est le lieu de confinement parfait, à condition qu'il reste en mer. Or, comme il faut bien approvisionner les pays, les navires continuent de travailler ce qui signifie faire escale régulièrement et donc faire venir des gens à bord (pilotes, autorités, agents, surveyors, loading master etc.). Selon les pays et le degré de sensibilisation (ou de désinformation) les consignes sont plus ou moins respectées. Lors d'une escale récente deux brancheurs sont venus pour connecter les bras de chargement. Ayant expliqué à l'agent qu'une seule personne était suffisante pour ce travail lors de la déconnection un seul brancheur est venu. Voyant qu'il n'y a plus qu'une personne l'équipage prends peur et la rumeur se repend à bord que le second brancheur n'est pas venu car il est à l'hôpital pour cause de coronavirus et que donc il nous a peut être contaminé la veille. Il a été long et difficile d'obtenir l'information comme quoi il n'était pas malade et de faire désenfler la rumeur. Du fait du confinement, de l'impossibilité de débarquer, de l'impossibilité de rejoindre sa famille en cas de problème à la maison les esprits sont chauffés à blanc et il est bien compliqué pour le capitaine de maintenir le calme à bord. D'autant que pendant ce temps il faut continuer de faire fonctionner le navire comme d'habitude et en plus mettre en place les procédures relatives au covid 19 et essayer de s'approvisionner en masques, gel hydroalcolique et autres protections en rupture de stock partout et donc quasi impossible à trouver pour un navire.

Comme l'a dit le premier ministre Edouard Philippe, cette crise va nous montrer ce que l'humanité a de pire et de meilleur. Le navire étant une mini société vivant en vase (presque) clos, tout est exacerbé et les capitaines vont devoir gérer des situations difficiles allant des problèmes techniques (dus aux difficultés d'approvisionnement) aux détresses psychologiques.

Cdt Pierre Blanchard
Président de l'AFCAN


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