Comme toute personne, le marin est sensible au fait qu'il est
respecté. Plus peut-être d'ailleurs, car le lieu de vie et le lieu de travail est ici le même, et
pendant parfois une année complète. Le respect, c'est en premier lieu un logement correct, une nourriture correcte en qualité et en quantité, les salaires payés en toute justice, l'accès aux soins médicaux. L'expérience de 3 siècles sur les mers avait permis aux grandes compagnies maritimes de comprendre cette réalité. La France comme la Grande Bretagne ont des tableaux légaux indiquant quantités minimales de viande, poisson, légumes, ou équivalents. Les armateurs considéraient comme normal d'offrir aux marins des cabines correctes. Les piscines et salles de sport étaient considérées comme utiles. Tout cela est terminé. Les nouveaux armateurs font des économies sur l'équipage, et sur tous les frais d'équipage, agissant ainsi d'ailleurs contre leur intérêt, qui est de permettre aux travailleurs de renouveler chaque jour leur force de travail. |
Je vais terminer par ce qui est sans doute le problème
principal, parce qu'il est la cause de la plupart des accidents, la quantité et la qualité du
personnel embarqué. Je ne connais pas les effectifs du Melbridge Bilbao, mais je parlerai du cargo Kini Kersen, qui s'est échoué le ler janvier 1987 sur la plage de Rozel. Ce navire, armé en principe avec 11 hommes, n'avait à bord que seulement 9 hommes de 4 nationalités différentes. Il manquait un officier pont. Le quart était partagé entre le capitaine et le second à raison de 12 heures chacun. J'ai navigué il y a quelque temps à bord d'un porte conteneurs dont les effectifs à la sortie de chantier avaient été fixés à 24 hommes, nécessaires, disait la décision d'effectif, pour assurer la sécurité. Vingt ans après, le même armateur, pour raisons d'économie, a décidé d'un effectif de 17 hommes. Accepté par les syndicats, à qui le choix avait été donné entre cette solution ou le pavillon de complaisance. Face à cette situation, le capitaine, responsable de la sécurité, ne doit quitter le port que si le navire est convenablement armé et équipé. Mais que peut-il faire lorsque les autorités du pavillon ont donné leur visa ? |