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Le BEAmer a 10 ans …


       Le BEAmer vient de fêter ses dix années d’existence et a publié un fascicule d’une vingtaine de pages dont voici de larges extraits.



       Créé par un décret du 16 décembre 1997 dans le but de systématiser et centraliser les enquêtes, normaliser les procédures, renforcer la formation et l’expérience des enquêteurs et permettre la comparaison des résultats afin d’en faire ressortir les récurrences. La loi du 3 janvier 2002 a institué un cadre légal pour les enquêtes techniques en définissant leur objectif, a donné certains pouvoirs aux enquêteurs et a codifié les relations avec l’action judiciaire.

         Le décret du 26 janvier 2004 a défini les missions et principes d’organisation des bureaux d’enquête après accidents, et l’arrêté du 1er juillet 2004 a défini l’organisation du BEAmer.

       Durant cette période son activité s’est développée et diversifiée et on arrive a l’exploitation moyenne annuelle de 8 à 10.000 comptes-rendus d’intervention des CROSS, qui génèrent l’ouverture d’une cinquantaine d’investigations préliminaires et une quinzaine d’enquêtes techniques après accident.

       Dans l’avenir l’entrée en vigueur du Code OMI et de la directive européenne sur la conduite des enquêtes après évènement de mer va sans doute amener une évolution du cadre juridique national. L’obligation d’enquêter sur les accidents les plus graves et les contraintes de délais imposées sur la publication des rapports d’enquête vont accroître les charges sur le BEAmer.

10 ANS D’ENQUÊTES

Pêche
       On estime à 15 millions le nombre de marins pêcheurs répartis sur 3,8 millions de navires dans le monde. C’est un des métiers les plus dangereux.

       Les statistiques de l’OMI font état de 300 à 400 pertes totales entre 1994 et 1999, la moitié concerne des navires de moins de 12 mètres, les navires de plus de 24 mètres ne représentant que le dixième, les pertes en vies humaines étant d’une centaine par an.

       Outre les pertes de navires il y a aussi les accidents liés à l’exploitation qui entraînent la perte d’une centaine de vies humaines par an dont les causes principales sont chute à la mer et manutention du train de pêche.

       En France il y a environ 6000 navires de pêche dont 5000 de moins de 12 m et 150 et plus de 24m, nombre en diminution. Le nombre de pêcheurs est de l’ordre de 14.500 en baisse lui aussi. Le taux de décès et de 19,6 pour 100.000, à terre il est de 3,57 pour 100.000.

       Il y a corrélation entre le nombre d’évènements de mer ayant donné lieu à enquête et le nombre de victimes consécutives. On constate toutefois que depuis 2005 le nombre de victimes diminue par rapport au nombre d’accidents en raison du nombre croissant d’abordage qui ne génèrent pas toujours des victimes.

       Les abordages constituent la cause d’accident la plus importante et sont en croissance sur les dernières années. On constate aussi une augmentation des chutes à la mer dont il faudra affiner les causes, la majorité se produisant toutefois sur les navires de moins de 12m coquilliers ou fileyeurs pour lesquels une étude spécifique a été lancée.

Abordages impliquant les navires de pêche

       Depuis la naissance du BEAmer jusqu’en août 2007 il y a eu 54 abordages qui ont fait l’objet d’investigations suivies de publication soit de synthèse d’évènement de mer soit d’un rapport complet après ouverture d’une enquête technique et administrative. L’objectif est de faire un bilan des tendances générales sans entrer dans les détails.

       Le nombre total d’abordages tourne en moyenne autour de la dizaine annuelle. Cela a pu faire naître chez les marins pêcheurs un sentiment d’insécurité exacerbé lorsque le navire de commerce impliqué ne s’arrête pas pour porter secours ou nie les faits.

       Toutefois si les abordages représentent la proportion d’accidents la plus élevée ils ne sont pas la première cause de décès en mer pour les marins pêcheurs.

       On note aussi le nombre croissant d’autres types de collisions tels que : abordage entre navires de pêche, abordage navires de pêche avec voiliers en route sous voile, navires de pêche avec navires de commerce au mouillage ou à quai. La moitié des abordages avec navires de commerce en zone de mouillage, ou avec pilote, ou en rivière sont dus à des pêcheurs abordant ces derniers au mouillage ou à quai.

       Les abordages se produisent autant dans ou à proximité des DST qu’au large (en dehors de ces zones)

       Il y a presque deux fois plus d’abordages navire de commerce / navire de pêche lorsque ce dernier est en route (27) que lorsqu’il est en action de pêche (16). Ce qui pose clairement le problème de la réalité de la veille sur les bateaux de pêche à l’instar de la navigation commerciale.

       Abordages entre navires de pêche : 7 entre navires en pêche et en route, 2 avec bateaux en route. Outre le défaut de veille, la différence de métier peut avoir joué un rôle.

       Si autrefois les collisions étaient l’apanage des navires de commerce, depuis 2000 il y a eu un nombre croissant de collisions entre navires de commerce et de pêche, et depuis 2004 sont apparues les collisions entre navires de pêche dues sans doutes à la fatigue, à l’insuffisance des effectifs, à l’absence de priorité donnée à la veille nautique etc.

       Les échouements, seconde cause d’accident liée au facteur humain, sont aussi liés aux sous-effectifs et à la fatigue qui induisent des défauts de vigilance dans la conduite nautique des navires.

       Les voies d’eau sont souvent dues à une rupture dans les circuits d’eau de mer ou de réfrigération du moteur de propulsion. Leur nombre a conduit le BEAmer à lancer une étude spécifique des circuits d’eau de mer des navires de pêche.

       Le risque d’incendie reste relativement constant, mais l’analyse de ces accidents a incité le BEAmer à lancer une étude sur les systèmes d’extinction fixe à bord des navires de pêche en vue d’améliorer la prévention

       Les accidents liés à la stabilité, auxquels on peut lier le phénomène de croche pour les chalutiers, reste stable dans le temps.

       Le BEAmer a lancé une étude pour améliorer la stabilité dynamique des chalutiers et sa prise en compte au niveau opérationnel. Le gros temps est aussi un facteur de risque, les chalutiers étant notamment vulnérables à l’entrée d’eau sur la plage arrière par mer de l’arrière. Dans ce cas la situation d’étanchéité des navires devient un facteur primordial.
Commerce
       D’une manière générale le nombre d’accidents diminue. Le BEAmer n’a cependant pas de données suffisantes sur les 10 ans d’existence pour dégager une tendance fiable. En utilisant les données au niveau mondial on constate que les avaries machine sont la cause principale d’accidents graves d’origine mécanique ou technique nécessitant prise en remorque ou refuge en eaux abritées.

Abordages

       Nombreux cas de collisions entre navires de commerce et entre navires de commerce et de pêche (voir ci-dessus).

       Les abordages entre navires de commerce sont soit dus initialement à des problèmes techniques soit dus au seul facteur humain.

       Pour le facteur humain le plus important que le BEAmer a eu à traiter est celui du TRICOLOR avec le KARIBA, le CLARY étant aussi impliqué et des NICOLA et VICKY sur l’épave du TRICOLOR (pouvant être assimilés à des échouements)

       Les abordages dus au facteur humain peuvent être dus à une mauvaise interprétation d’une situation conduisant à des décisions inappropriées ou à une application erronée des Règles de barre.

       Dans la majorité des cas ils sont dus à une veille défectueuse :
  • soit par manque de vigilance vis-à-vis des navires qui ne suivent pas le flux dominant, traversiers ou pêcheurs, notamment dans les DST,
  • soit par mauvaise gestion des ressources passerelle,
  • soit par augmentation des tâches sans rapport avec la conduite du quart, soit par excès de fatigue, ces deux derniers points souvent liés à des effectifs insuffisants
Échouements


       Comme pour les abordages ils peuvent avoir une cause mécanique ou humaine. Les échouements pour cause purement technique sont peu nombreux. Ceux ayant pour origine le facteur humain sont plus nombreux, soit pour un problème de gestion des ressources à la passerelle, soit liés au problème de fatigue.

       Comme pour les abordages il apparaît très clairement que l’aptitude à assumer le quart est souvent liée à la faiblesse des effectifs et aux tâches administratives ou commerciales effectuées pendant le quart.

Accidents dus à la cargaison

       Pertes de cargaisons à la mer :
  • celles de porte-conteneurs qui posent le problème du saisissage, du comportement des porte-conteneurs à la mer, du traitement des conteneurs tout au long de la chaîne de transport.
  • celles aussi de ripage de pontées à la suite de problèmes de saisissage, pouvant entraîner des pertes de réserve de stabilité.
       Dangerosité de certaines cargaisons :
  • combustion de chargement de fer obtenu par réduction directe (DRI)
  • d’autres accidents liés au type de cargaison comme soufre liquide, engrais à base de nitrates, le sucre ou l’essence en fûts ont fait l’objet d’enquêtes du BEAmer.
Explosion

       Enquête concernant le CHASSIRON caboteur pétrolier à la suite de l’explosion de 3 citernes au large de Bayonne. A posé le problème de l’inertage des pétroliers de moins de 20.000 tonnes de PEL.

       Accident similaire sur le METANOL explosion de citerne en déchargement de méthanol à Lavéra.

Incendie

       Enquêtes sur incendies comme les feux de machine, notamment sur vedettes à passagers, ou d’emménagements.

Défaillance structurelle

       Enquêtes complexes sur l’ERIKA et dans une moindre mesure sur le PRESTIGE.

       Le cas du IEVOLI SUN a mis en évidence un envahissement progressif des ballasts par leurs dégagements d’air, peut être assimilé à une défaillance structurelle car mettant en cause l’intégrité du flotteur.

       En Polynésie française TAHITI NUI IV dont l’exploitation conduisait à des échouages fréquents sur des récifs coralliens affaiblissant ainsi la structure.

Synthèse

         Les deux premières causes d’accidents, abordages et échouements, sont quelquefois dus à une défaillance technique mais le plus souvent au facteur humain.

       Les accidents dus aux cargaisons sont nombreux aussi. Ils ont donné lieu à des actions de l’OMI telles que : modification du recueil BC (cargaisons solides en vrac) pour le sucre ou le DRI (fer obtenu par réduction directe) ; ou proposition d’inertage des petits pétroliers. Une action va être menée avec d’autres pays notamment le Royaume Uni, sur le transport des conteneurs.

       Les cas d’incendie ou d’explosion ayant donné lieu à enquête par le BEAmer sont souvent liés à la nature de la cargaison.

       Une proportion importante d’accidents se produit en zone européenne, cela devrait conduire à une étude et une analyse de grande ampleur afin d’en déduire des mesures d’amélioration possibles.

10 ANS D’ETUDES

Réalisées :
  • Abordages entre navires de pêche et de commerce (2001)
  • Evacuation de navires de pêche (2002)
  • Échouement des navires de pêche (2003)
En cours :
  1. Stabilité des navires de pêche :


  2.        Un certain nombre de naufrages a fait ressortir les difficultés à analyser, avec les moyens de calcul actuellement disponibles, le comportement d’un bateau de pêche lorsqu’il est soumis à de contraintes extérieures telles que la houle de l’arrière du travers ou une traction du train de pêche.

           Une société spécialisée dans l’hydrodynamisme est chargée, par le BEAmer et les Affaires Maritimes, de réaliser un simulateur de stabilité dynamique, dans lequel, après avoir entré les données d’un navire, il sera possible de faire varier un certain nombre de paramètres : hauteur, période et direction des houles, effet du vent, masses et répartition des poids, carènes liquides, efforts exercés par le train de pêche, poussée de l’hélice, action du pilote automatique.

           Ce simulateur permettra de modéliser les conditions réelles d’un accident dans lequel la perte de stabilité du navire a pu jouer un rôle. Il permettra aux services chargés de la réglementation et de la sécurité des navires d’affiner les critères réglementaires de stabilité statique. Il pourra être utilisé pour améliorer la conception des bateaux de pêche. Il permettra d’établir pour chaque navire les conditions de mer ou de vent pour lesquelles le patron devra prendre des mesures de précaution. Il pourra aussi servir à l’établissement de cours de formation sur la stabilité adaptés à divers types de navires et à leurs conditions d’exploitation.

  3. Sécurité des navires de pêche et des vedettes à passagers :


  4.        L’analyse d’accidents ou d’incidents à bord de navires de pêche de moins de 24 m et de vedettes à passagers résultant d’une voie d’eau ou d’un incendie, principalement à la machine, et les recommandations qui en sont issues, a conduit le BEAmer à mener une réflexion sur ces deux causes majeures de sinistre, sur les moyens de les prévenir et d’en minimiser les conséquences.

           Deux actions sont engagées :
    • l’une portant sur l’étude d’un système centralisé de détection et de lutte contre le feu.
    • l’autre concernant l’étude d’un système centralisé de détection et de lutte contre les voies d’eau.
           Elles comportent deux phases avec participation d’un bureau d’études spécialisé.

           La première phase (achevée) a consisté en :
    • définition de la problématique à partir de l’analyse des causes et des circonstances qui ont conduit à de graves dommages, voire à la perte totale du navire,
    • description des systèmes présents à bord,
    • évaluation de la fiabilité par rapport à la technologie employée.
    • esquisse de typologie, avec notions de prix, en considérant les aspects de fonctionnement en service et d’entretien.

           Les rencontres avec les patrons pêcheurs et les exploitants de vedettes à passagers ont permis :
    • une meilleure connaissance des différentes causes des avaries et des conditions initiales,
    • une évaluation de la fiabilité des produits utilisés et des problèmes de fonctionnement en service et d’entretien de l’installation,
    • l’établissement d’un cahier des charges d’un système de surveillance.

           A l’issue de cette première phase, une analyse complémentaire sera réalisée par un groupe de travail comprenant les professionnels, les chantiers de construction et équipementiers, l’Administration et les sociétés de classification. Le but étant de revoir les systèmes dans leur ensemble et d’éliminer les sources de défauts possibles. Ce qui pourrait conduire à la définition et à l’homologation de nouveaux systèmes et/ou matériels les mieux adaptés, incluant emplacement, ergonomie, contrôle périodique du système (actif ou passif).

       L’étude pourra aller jusqu’à la proposition d’un cahier des charges pour un système de surveillance. Celui-ci pourrait intégrer détection incendie et voie d’eau sous la forme d’une centrale de surveillance homologuée CE à partir de laquelle des actions automatiques pourraient être réalisées ou exécutées par une seule personne et adaptable aux navires existants comme aux navires neufs.

10 ANS DE RECOMMANDATIONS DE SECURITE

En 10 ans de nombreuses recommandations ont été émises.

       Beaucoup ont été prises en compte :
  • équipement des grands navires d’enregistreurs de données de voyage « boîtes noires »,
  • inertage des navires citernes de moins de 20.000 tonnes transportant des marchandises dangereuses,
  • modification apportées par l’OMI aux fiches relatives au sucre et au DRI dans le recueil BC,
  • prise en compte des résultats des organismes d’enquête, dont le BEAmer, dans l’élaboration de la nouvelle Convention Internationale du Travail Maritime,
  • la mise en place d’alarmes voies d’eau à sécurité positive,
  • l’embarquement et le port du VFI (vêtement flottant individuel),
  • l’élaboration de la classe V-PRO en matière de radeaux de sauvetage,
  • le renforcement du MRCC de Nouméa.
       Aujourd’hui d’autres sont encore à satisfaire. Parmi celles-ci, le BEAmer tient particulièrement
  • à la priorité absolue de la veille nautique ;
  • au maintien des ouvertures en position fermée à la mer ;
  • à l’adaptation de la conduite des navires (pêche, plaisance) aux conditions de mer rencontrées ;
  • au port effectif des VFI ;
  • à la formation à la sécurité à la pêche ;
  • à la préparation des équipages aux situations d’urgence.


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