Retour au menu
Retour au menu
Compte Rendu de l'Assemblée Générale Annuelle de l'IFSMA
International Federation of Shipmasters' Associations - Buenos Aires 6 & 7 Mai 2004



      Cette trentième assemblée de la fédération s'est tenue dans les salons de l'hôtel Sheraton Libertador, situé en plein centre de Buenos Aires. Elle a réuni 45 capitaines participants dont bien sûr une forte délégation de Capitaines Argentins (14). La France n'était pas en reste, la deuxième par son importance et ce malgré l'éloignement (11.000 Km et 13 heures de vol), puisque notre représentation était composée de quatre Capitaines dont trois de l'ACOMM (Lauri, Le Pretre & Havelka) et moi-même de l'AFCAN.

      La gent féminine n'étant représentée que par une seule Capitaine, la Suédoise Jeannette Nihlen commandant le ferry Peter Pan de la TT Line, déjà présente à Londres l'an passé.

      Manifestement nos collègues argentins avaient bien fait les choses, mettant un point d'honneur à nous faire oublier les péripéties qui avaient fait douter, l'an passé à Londres, du bon choix de la capitale argentine comme siège de la 30ème AGA : Reprise économique lente et difficile d'un pays qui avait frôlé le chaos il y a deux ans, cotisations impayées des "Capitanes de Ultramar" (Capitaines au Long Cours), régularisées in extremis pour sauver la candidature de Buenos Aires. Il y avait de quoi à être sceptique.

      Et le miracle se produisit à B.A (abréviations très employées pour désigner la capitale argentine comme L.A pour Los Angeles…). Toute l'organisation fut parfaite de bout en bout.

      De plus, le beau temps était au rendez-vous en cet automne austral, le soleil inondant les rues piétonnes où se produisent chaque jour les écoles de Tango de la ville.

      Dans son discours d'introduction, le Commandant Marcos Castro, président de l'Association des Capitaines Argentins, nous fit part de son grand espoir de voir enfin la flotte marchande de son pays se reconstituer sous pavillon national après 14 années de déclin au profit des flottes sous pavillons de complaisance (banderas de conveniencia). Frappé de plein fouet par cette concurrence déloyale, le Long cours argentin a complètement disparu des océans. Un projet de taxation au tonnage et de défiscalisation des officiers et marins pourrait aider au renouveau de ce pavillon que nous étions habitués à voir dans les ports français dans les années 60 et 70, flottant fièrement à la poupe de cargos dont les noms commençaient invariablement par Rio qui escalaient régulièrement au Havre tel que les Rio Corrientes, Rio Parana etc. Étant au creux de la vague avec seulement une vingtaine de caboteurs sous la " bandera nacional ", la flotte argentine ne peut que remonter la pente. Le plan de redressement espéré prévoit un unique registre d'immatriculation sous pavillon national avec officiers argentins et équipage d'Amérique Latine pour une unité de langage, ce qui est de bon sens… marin.
      Le Commandant Castro termina son allocution par une note d'humour qui fit sourire son auditoire, en nous exhortant à dépenser beaucoup à B.A lors de notre séjour pour aider au renouveau de son pays !..
      Le Président Suédois de l'IFSMA, Christer Lindvall, lui répondit que nous espérions passer du bon temps et pas seulement dépenser de l'argent…
      Il insista sur le sérieux des travaux qui nous attendaient tout au long de ces deux jours de conférences, notamment sur le sujet des Codes ISPS & ISM, la criminalisation du Capitaine (hélas toujours et plus que jamais d'actualité), la Maritime Law Convention 2005 etc.

      Puis vint le tour du Ministre du travail argentin, Carlos Tomada, de prendre la parole. Il se montra décidé à redresser la barre, confirmant le changement de cap qu'il négociait pour promouvoir la Marina Mercante Argentina. Il insista sur sa détermination pour suivre cette voie du renouveau. Tous les discours étaient traduits en anglais/espagnol par une interprète très douée, très au fait du jargon maritime ce qui est rare et mérite d'être signalé. Notons que le Ministre du Travail fut chaudement applaudi par toute l'assemblée et en particulier par les Argentins présents, on a frôlé la standing ovation ! Il est vrai que ces derniers ont mis en lui tous leurs espoirs pour ce renouveau tant attendu. Il faut remarquer que Carlos Tomada fut par le passé avocat de la compagnie de navigation argentine nationale (EMLA). Il doit donc connaître son sujet, c'est un bon point.

      Ce même ministre revint parmi nous au repas de gala de l'IFSMA qui eut lieu le lendemain au siège de l'Association des Capitaines, c'est dire son attachement pour les choses de la Mer.

      Bien évidemment, du fait de la notoriété de ces invités, la Presse argentine a couvert l'évènement et relaté abondamment dans les journaux cette réunion des capitaines du monde à Buenos Aires.

      Il y avait en effet un parterre de hautes personnalités maritimes locales et nationales argentines et politiques à l'ouverture de cette AGA à Buenos Aires, telles que (de gauche à droite sur la photo):

  • le Capitaine Sergio Dorrego, Directeur de la Marine marchande Argentine.
  • Luis A. Diez, Administrateur des Ports.
  • Le Préfet Général des Gardes Côtes, Carlos E. Fernandez.
  • Carlos Tomada, Ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité Sociale.
  • Marcos Castro, président de l'Association des Capitaines Argentins.
  • Christer Lindvall, président de l'IFSMA.
  • Le Contre Amiral Ernesto Gaudiero, Sous Chef d'État-Major de la Armada Argentina.
  • Omar Suarez, Secrétaire Général du Syndicat des Marins (SOMU).

  •       Comme à Londres il y avaient des absents, ceux qui n'adhèrent toujours pas à l'IFSMA, tels que les capitaines Indiens, Philippins, Grecs , Anglais, Chinois !.. Cela fait du monde qui manque à l'appel !

          Regrettons aussi le départ des Japonais de l'IFSMA, qui ont toujours été réalistes et étaient des alliés objectifs dans les prises de décisions dans les AGA !
      Sale coup pour les finances de la Fédération car les Capitaines Nippons de la Japan Captain's Association (JCA) pesaient lourd grâce à leurs 880 adhérents ! Des difficultés financières qui les avaient amenés récemment à réduire la toile et à ne payer leurs cotisations à l'IFSMA que pour 50 Capitaines… comme beaucoup d'autres associations !
      Il reste quand même quelques Livres Sterling dans les caisses car à l'occasion de ce trentième anniversaire une nouvelle cravate de l'IFSMA a été distribuée à tous les participants, cravate que nous arborons fièrement sur la photo de groupe prise par le photographe officiel.
      Le Secrétaire Général de l'IFSMA fait semblant d'être confiant en l'avenir et espère que de nombreux Capitaines Japonais viendront adhérer à l'IFSMA en tant que membres individuels comme l'a déjà fait le capitaine K.Akatsuka toujours vice président de l'IFSMA mais qui n'était pas présent à B.A .
      Moyennant quoi les finances de l'IFSMA sont saines avec un léger excédent. Les dépenses ont été réduites. La dernière assemblée générale à Londres a coûté plus de 8.000 £ ce qui a grevé fortement le budget de 2003. C'est pour cette raison que l'IFSMA, ayant moins de ressources, ne souhaite pas organiser de nouveau une AGA à Londres et préfère laisser ce soin à toute association volontaire ! Dans ce cas tous les frais d'organisation et de repas sont à la charge de l'association organisatrice. Il faut donc que cette dernière ait les reins solides financièrement parlant.
      En réunion du bureau exécutif de l'IFSMA, la candidature éventuelle de la France a été évoquée par le Capitaine Lauri de l'ACOMM, Brest ou Bordeaux tiennent la corde ! Il espère que l'AFCAN donnera un grand coup de main si cette candidature est entérinée fin Juin.
      Odessa et Chypre étaient sur les rangs mais n'avaient pas payé leurs cotisations et ne donnaient plus signe de vie depuis quelques mois… Affaire à suivre.
      Dans son rapport moral le président de l'IFSMA fit état de la nomination de Mr Mitropoulos, nouveau Secrétaire Général de l'OMI, comme Membre Honoraire de l'IFSMA, tout comme ses prédécesseurs l'ont été par le passé. Titre honorifique qui espérons le, permettra à l'IFSMA de mieux se faire entendre auprès de cette institution internationale puisque notre fédération y siège avec voix consultative.
      Notons aussi que le Président de l'IFSMA, C. Lindvall, représente son pays, la Suède, à l'OMI. Il semble bien connaître et apprécier Mr Mitropoulos et nous dit "qu'un air frais de changement souffle dorénavant sur l'Organisation Maritime Internationale "… A voir, on jugera sur pièces !
      Ensuite le Secrétaire Général fit état des actions de l'IFSMA au cours de l'année passée :
Un certificat a été remis aux 5 associations fondatrices de l'IFSMA il y a trente ans.

      L'association des Capitaines Lithuaniens qui vient de s'affilier à l'IFSMA a elle aussi été récompensée pour sa venue. Deux Capitaines de cette association avaient fait le déplacement à B.A.


Le président de l'IFSMA accueille les deux capitaines Lituaniens.


      L'après midi de la première journée fut consacrée à la présentation du code ISPS et la nouvelle règle SOLAS XI-2/9, résolution de l'OMI devant entrer en application en Juillet 2004, par le Capitaine norvégien Bjorn Haave. Ce dernier est chargé de l'enseignement de ce nouveau code aux personnels des navires de sa compagnie. Sa vidéo projection montrait bien le rôle des uns et des autres dans ce code complexe exigé par les USA et repris par l'OMI.
      L'intervenant manquait d'enthousiasme dans son exposé surtout quand on sait qu'il est instructeur sur ce sujet difficile, insistant sur le fait que ce code était d'avantage fait pour garantir plus la sécurité des installations portuaires que celle des navires et des équipages ! Le danger viendrait de la Mer donc aux marins de faire en sorte que leur navire soit safe ship.
      On lui a fait remarquer que dans le contexte actuel de grands dangers terroristes, ce code, même s'il est loin d'être la panacée, a au moins le mérite d'exister et fera peut-être réfléchir des terroristes potentiels qui voudraient utiliser un navire pour leurs sinistres desseins.
      Un Commandant anglais de la Maersk, Nick Cooper, individual member, navigant sous pavillon égyptien, relatait son expérience en la matière insistant sur le fait qu'il appréciait de savoir que les navires qui l'entouraient répondaient eux aussi aux exigences de ce code. Son papier fut sans aucun doute le meilleur du jour, passant en revue tous les aspects du code avec l'œil exercé du Capitaine. Il traite notamment des problèmes qui peuvent surgir entre le Capitaine et le PFSO (Port Facility Security Officer) en cas de crise, menace de niveau 3. Qui dans ce cas a pouvoir sur l'autre pour les mesures à prendre en vue d'assurer la sauvegarde des installations portuaires, du navire et de son équipage, quelle priorité: attendre au mouillage déhaler, appareiller ou pas, évacuer ou non le navire !
      La question du jour était de savoir s'il fallait que le Commandant soit désigné comme SSO (Ship's Security Officer), la réponse est Non pour l'ensemble des Capitaines en activité présents, le capitaine ayant suffisamment de travail et autres charges sur les épaules pour laisser cette fonction a un autre membre de l'équipage, officiers ou maître d'équipage, voire le cuisinier… Ce qui est possible dès l'instant ou ils possèdent l'ID, un nouveau seaman's book garant de l'identité, de l'expérience et de la moralité du marin ! Ce qui est un peu surprenant et me laisse rêveur car de nos jours toutes les manipulations semblent possibles avec ces équipages multiethniques fournis par des marchands d'hommes qui n'ont pas tous pignon sur rue à Manille, Gdansk ou ailleurs !
      Ce refus de voir le Capitaine exercer aussi la fonction trop prenante de SSO sera notifié dans la résolution finale de cette AG.
      Certaines petites compagnies de cabotage à un seul navire, genre capitaine-armateur, se groupent ensemble pour avoir un CSO (Company Security Officer) commun ce qui est une bonne chose.
      D'après le Capt Cooper le code ISPS a tendance à faire diminuer le nombre de clandestins sur les navires du fait du degré de vigilance devenu habituel à bord. Voilà donc un point positif. Il relatait aussi en anecdote les tentatives de certains Coast Guards U.S qui, déguisés en civils, essaient de monter à bord pour tester le dispositif de sécurisation et filtrage des accès mis en œuvre par le Commandant du navire ! Les problèmes sont dans les ports c'est bien connu mais de là à supprimer les "shore passes" et interdire aux équipages d'aller se dégourdir à terre comme cela semble se passer dans certains ports, c'est un peu too much.(Ce sera la troisième résolution de cette AG).
      On connaissait le Fatigue Factor touchant les équipages en nombre insuffisant, on pourrait parler aussi du Fear Factor qui caractérise de plus en plus ce code ISPS ! Safety First and Security Now !
      Les ports semblent à la traîne pour la mise en œuvre de ce code et on a l'impression que les autorités portuaires veulent faire porter le chapeau au bord en cas de pépin.
Nota : L'intervention du Capitaine Cooper intitulée " The ISPS code - a serving shipmaster's perspective " est disponible au siège de l'AFCAN pour nos adhérents intéressés.

      La séance fut interrompue à 16H30 pour permettre à chacun de prendre ses dispositions en vue de se rendre en car au centre de villégiature "Villa Verde" présenté comme propriété des Capitaines Argentins et situé à 65 km de Buenos Aires !

Nous allions d'agréables surprises en agréables surprises quant à la parfaite organisation, et ce n'était pas fini...
      Comment est-il possible que nos hôtes possèdent un centre de repos avec piscine, terrains de tennis, de basket et de hand-ball.
      Nos Capitaines Argentins paraissent décidément très argentés…
      La soirée barbecue fut à la hauteur de nos espérances, nous permettant de goûter aux spécialités argentines dont le fameux lomo en tournedos, le tout arrosé d'un bon vin du pays, avec modération bien sûr, sans noyer les marques "Hiver Atlantique Sud"... .

Un orchestre et son chanteur, genre crooner argentin, nous charma après les discours et toasts d'usage puis vint le tour de la leçon de tango pour divertir le marin en escale avec un couple de danseurs très toniques. C'est très technique le tango mais très agréable à regarder ! Sacré soirée…
      Retour à l'hôtel en milieu de nuit car la journée suivante sera longue et studieuse.
      La matinée du 7 Mai est consacrée aux interventions de Capitaines sur des sujets très variés avec en préambule un discours imposé du représentant syndical des marins argentins toujours sur le sujet du renouveau espéré de la flotte marchande argentine.
      Havelka de l'ACOMM prit ensuite la parole pour nous parler des Port State Controls (PSC).
      Sujet difficile s'il en est. Les commentaires et questions furent intéressants, le Captain Cooper affirmant que les PSC made in Italy étaient considérés comme nuls par les Maltais, ayant eu 2 PSC à suivre en deux jours sur son porte conteneurs ! Même chose en Australie quand vous venez du Japon ce qui est pour le moins surprenant !
      De nombreux capitaines se plaignent du manque d'expérience de nombreux inspecteurs du MoU.
      J'ai fait remarquer qu'en France il y avait des contrats qui liaient certains capitaines retraités de la Marine Marchande avec les autorités maritimes concernées, renouvelables tous les ans mais nous déplorons il ne soit pas fait souvent appel à ces renforts de choix.
      Le Captain Cooper rapportait que ces contrôles par l'Etat du Port à Malte étaient effectués avec le plus grand sérieux par 3 personnes minimum, la plupart du temps la brigade étant constituée d'anciens navigants dont un Chef Mécanicien. Cela surprend agréablement de la part du nouvel adhérent à l'Union Européenne, enfin une note d'espoir de ce côté de la Mare Nostrum…
      Ensuite le Capitaine Hollandais Frederik Van Wijnen discourut sur la rivalité entre l'IMO et la Commission Européenne, la première reprochant à la seconde de prendre des mesures unilatérales , relatant lors d'un meeting une discussion entre Mr Mitropoulos, Secrétaire Général de l'OMI et Mme Loyola de Palacio. Mr Mitropoulos reconnaissait que l'OMI est moins prompte à réagir que la Commission Européenne cherchant plus le consensus de la majorité de ses membres et il admettait que l'Europe a raison de vouloir mieux protéger ses propres Etats Côtiers. N'est-il pas lui même citoyen européen !
      Ces hautes personnalités semblent conscientes aussi qu'il y a des mesures d'urgence à prendre si on veut rendre le métier de marin attractif !
      Le Parlement Européen a récemment demandé à la Commission de présenter le plus rapidement possible une proposition de création d'une Euro Coast Guard.
      Notons aussi que l'orateur est favorable à la création d'une Garde côtes Européenne, tout comme les Allemands ! On y vient tout doucement… Encore quelques foyers de résistance, en France notamment, mais le Bon Sens Marin finira bien par l'emporter. Le plus tôt sera le mieux !
      Dans le même ordre d'idée que cette dernière intervention, un papier intitulé "International Law is the Law of the Jungle" écrit par le Capt Bansal, individual member , qui s'en prend aux Etats Côtiers qui méprisent les lois internationales, the freedom of the seas, en édictant leurs propres lois unilatérales et pas toujours de bon sens, critiquant la France et l'Espagne qui obligent manu militari les pétroliers chargés de fuel lourd à prendre du tour, le grand large (200 milles de terre) entre Ouessant et Gibraltar. Il insiste aussi sur ces deux pays qui ont refusé un lieu de refuge pour l'Erika (Donges) et pour le Prestige (Vigo) quand ces deux navires étaient en détresse et avaient besoin d'aide...et qui se sont empressés d'emprisonner les capitaines.
      D'autres exemples semblables de par le monde alimentent sa colère et il termine en disant : "Quel genre de loi est-ce si ce n'est La Loi de la Jungle" !
      Notons, pour tempérer ces propos très remontés, que les Etats Côtiers appliquent les possibilités d'intervention et de prévention en matière de pollution qui leur sont offertes par la convention de Montego Bay 1982, UNCLOS, Convention des Nations Unies sur le droit de la Mer. Rappelons quand même que cette convention dans son article 73 ne prévoit pas la légalité d'une sanction d'emprisonnement suite à une pollution survenue dans la zone économique exclusive d'un pays riverain…
      Après le déjeuner la projection d'un film japonais de 30 minutes sur la manœuvre des navires dans les ports est proposée aux Capitaines intéressés avant la reprise des travaux.
      Le Capitaine Akatsuka l'a fait parvenir à l'IFSMA mais du fait de son absence, le film ne sera pas commenté en assemblée plénière. Le film est bien fait et très instructif : voir le résumé qui en a été fait dans les pages de notre revue.
      Un dernier texte est programmé et développé par le Capitaine Argentin Eduardo Baglietto, traitant des cargaisons en pontée et du rôle des P&I Clubs en matière d'assurance de ces pontées vis à vis des règles de La Haye et La Haye-Visby, insistant sur le fait que le Capitaine et ses officiers Pont doivent avoir une bonne connaissance de ces règles quand ils chargent une pontée sur leur navire. L'orateur maîtrisait bien son sujet et la langue anglaise.
      Un coup de g… surprenant du Capitaine Néerlandais Van Wijnen vint réveiller ceux qui avaient eu tendance à s'assoupir durant l'exposé précédent ! L'objet de sa grogne : Il réclamait un retour de l'IFSMA vers sa mission de base, la défense du Capitaine, estimant que les associations paient assez cher leurs cotisations à l'IFSMA pour avoir en retour des résultats tangibles dans les actions de lobbying entreprises au prés de l'OMI ! Les réponses du Président de l'IFSMA et de son Secrétaire Général furent teintées de surprise et de gêne, ils tentèrent de démontrer les efforts de la fédération tout au long de ces dernières années pour promouvoir la Sécurité sur mer, déplorant aussi le manque de moyens financiers pour faire plus, insistant sur les efforts déployés aussi pour libérer les commandants de l'Erika et du Prestige etc. Le Capitaine Van Wijnen ne parut pas convaincu…
      Vint ensuite le tour du Capitaine Allemand Willi Wittig de nous présenter le Management de Crise ; Il dispense ce type de cours (38 heures) en Allemagne.
      Profitant d'un temps mort de 10 minutes en abordant la rubrique "Other Business" je prenais la parole pour présenter le papier écrit par les Cdts Loiseau et Loudes sur "les Rejets d'Hydrocarbures au large de nos côtes, EEZ et les peines encourues par les Capitaines", "Illegal Oil Discharges". J'ai insisté sur la nouvelle loi Perben avec un exemple d'amende encourue qui peut atteindre 4 fois la valeur de la cargaison ! Ce qui veut dire que l'armateur d'un Porte conteneurs de 6.000 boites éventrant ses cuves à HFO (3.000t) sur nos côtes pourrait avoir à payer la somme de 480.000.000 $ (quatre fois la valeur des 6.000 conteneurs # 4 x 120.000.000 $), alors qu'un pétrolier chargé de 30.000 tonnes de fuel lourd qui polluerait et provoquerait une pollution 10 fois plus importante, aurait à payer une amende 20 fois moins lourde du fait de la moindre valeur de sa cargaison !.. Ces chiffres ont impressionné l'auditoire par leur énormité et, nul doute que les capitaines présents feront très attention en doublant Ouessant ! En espérant qu'ils mettent aussi en garde leurs collègues quant au fonctionnement hasardeux de leurs séparateurs à eaux mazouteuses 15 ppm, appareil qui pose toujours problème quand il n'est pas surveillé de près et bien entretenu.
      Pressé par le temps j'ai abordé rapidement le sujet de la responsabilité de l'Etat du Pavillon qui n'est pas assez mise en avant dans toutes les fortunes de mer. Qu'elles soient des catastrophes dramatiques ou des marées noires de grande ampleur voire simplement des rejets d'hydrocarbures mineurs, il y a mieux à faire que de criminaliser continuellement le Capitaine. Pauvre marin, paria moderne traité de voyou des Mers, hooligan of the Seas, barra Brava de Ultramar !
      Bad weather to be a Captain comme faisait remarquer un intervenant.


Le siège de l'association des Capitaines Argentins
      Le dîner de gala clôturant ces deux jours de réunion eut lieu au siège de l'association des Capitaines Argentins. Et là nouvelle surprise, leur siège est un immeuble neuf de 2 étages avec patio et sous sol ! Le rez-de-chaussée étant aménagé en musée maritime avec maquettes, sextants, tête de veau, compas magnétiques, barres à roue etc. Les tables somptueusement dressées dans ce local laissaient présager un très agréable dîner. Nous ne fûmes pas déçus. Le Ministre du Travail et d'autres autorités étaient présents.
Roberta Hawlett, secrétaire de l'IFSMA

Par l'intermédiaire de Marcos Castro, président des Capitaines Argentins, j'en profitais pour prendre rendez-vous avec le Sous-Préfet des Gardes Côtes Argentins dès lundi !       Après ce RDV qui m'intéressait au plus au point (Les Coast Guards, c'est mon dada c'est bien connu ! voir l'article sur la GuardaCostas), je me rendais de nouveau au siège des Capitaines Argentins bien décidé à mener mon enquête et tâcher de comprendre comment ils faisaient pour être si argentés ! La réponse fut rapide quand je vis à l'étage une douzaine de secrétaires très affairées à traiter des feuilles de maladie ! La réponse à mes questions était donc là : l'association des Capitaines et Officiers de la Marine Marchande Argentine gère aussi la mutuelle/caisse de prévoyance des marins ! Et cette caisse, l'OSCOMM (Obra Social de los Capitanes y Oficiales de la Marina Mercante) est tellement bien gérée que 20.000 adhérents extérieurs au milieu maritime ont rejoint ses rangs !..


Puerto Madero, ancien port de Buenos Aires
      En résumé de cette 30ème AG de l'IFSMA à Buenos Aires disons que ce fut un cru moyen, l'IFSMA devrait à mon avis forcer chaque association adhérente et les membres individuels volontaires à rédiger un papier sur un sujet d'actualité maritime certaine : un exposé sur l'affaire du Prestige par le représentant espagnol aurait été le bienvenu, mais toujours rien sur ce sujet. La navigation des pétroliers en Mer Baltique et dans les Belts serait aussi digne du plus grand intérêt, (faut-il par exemple mettre des pilotes hauturiers sur leurs passerelles) etc.
      C'est difficile de critiquer puisque les papiers de l'AFCAN ne furent pas prêts dans les délais mais on peut mieux faire la prochaine fois, surtout si ça se passe en France…
      Les discussions entre capitaines en aparté sont par contre très enrichissantes et c'est un point fort de ces réunions : savoir que sur les caboteurs argentins comme sur bien d'autres d'ailleurs, l'officier de quart est seul de nuit nous démontre que STCW n'est pas respecté et c'est grave, on en a fait les frais en baie de Douarnenez récemment avec un certain cargo turc...
Savoir que les Espagnols n'ont plus que 20 navires sous premier registre et que 3 officiers (dont le Cdt) espagnols sont obligatoires sur le 2ème Registre Canaries, nous montre ce qui se passe sous d'autres pavillons, tel que chez les Danois qui n'ont plus qu'un seul registre, le bis, avec 90% d'officiers danois et 70% globalement de marins nationaux embarqués.
      Les Belges semblent aussi tirer leur épingle du jeu, le pavillon 1er registre redevient attractif, la taxe au tonnage et défiscalisation des marins suffisent aux armateurs pour rapatrier leurs navires sous pavillon national avec tous les officiers de nationalité Belge alors que seul le Cdt doit être Belge. Les effectifs dans les écoles ne cessent d'augmenter, CMB vient d'acheter 4 ULCC double coques neufs de 400.000 tonnes DWT à l'armateur grec Papachristidis.
      Comme quoi il y a un bel avenir pour les armateurs sérieux. Les US Coast Guards voient arriver d'un bon œil dans leurs eaux ces bons armateurs avec de bons navires. Ce renouveau ne serait-il pas dû au nouveau code ISPS ?

Résolutions prises par la 30ème Assemblée de l'IFSMA :

  1. Criminalisation du Capitaine :

  2.       L'IFSMA constate et déplore qu'il n'y ait pas eu de progrès notable dans ce domaine depuis la 29ème assemblée. Elle réitère sa demande auprès de l'OMI et de l'International Labour Organisation (ILO) pour faire respecter les droits du capitaine.
  3. Code ISPS. Ship's Safety Officer :

  4.       L'IFSMA recommande que le Capitaine ne soit pas désigné SSO. Il est préférable qu'il demeure dans son rôle de superviseur de la mise en œuvre et l'application en étant garant du respect de ce code à bord de son navire. Il est déjà surchargé de travail par ailleurs avec un "fatigue factor" toujours à la hausse au détriment de la Sécurité. L'IFSMA propose d'embarquer un officier supplémentaire sur la décision d'effectif pour faire face au surplus de travail réclamé par ce code.
  5. Le Code ISPS face aux Social Need and Rights des Marins :

  6.       L'IFSMA s'élève vigoureusement contre les habitudes prises dans certains ports de refuser l'accès à terre aux marins en escale sous couvert de mesures préventives en relation avec le code ISPS mais tout à fait en contradiction avec SOLAS Résolution 11 et l'ILO convention 108.
  7. Déclaration de Buenos Aires :

  8.       L'IFSMA prend à son compte la déclaration des Capitaines Argentins pour le renouveau de la flotte argentine sous pavillon national et appuie tous les efforts qui tendent à ce renouveau notamment l'abrogation du décret 1772/91 qui permettait aux armateurs argentins d'immatriculer leurs navires sous pavillons de complaisance.

Cdt Michel Bougeard
Retour au menu
Retour au menu