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Instrumentation des codes ISM et ISPS

 
Par notre collègue Raphael BAUMLER, actif navigant, qui prépare une thèse de Doctorat sur l’approche globale de la gestion des risques.



       L'introduction de méthodes de management de la sécurité, identiques et souvent intégrées à des politiques qualité, bouleversent la régulation de la sécurité en la sortant d’un cadre culturel pour entrer dans un cadre normatif technique.
  L'idée des codes de management est de palier aux déficiences humaines en décrivant pas à pas les taches à exécuter ainsi qu’en influençant tous les niveaux de l’entreprise. L’application de procédures fixes suffit, théoriquement, à l’exécution sans risques toutes les taches d'exploitation et de production. Ces instruments de management connaissent une accélération de leur développement dans toutes les activités depuis leur normalisation.

       La formalisation des normes de management en un bloc méthodologique homogène(1) par l’International Standard Organization (ISO), permet la diffusion d’une multitude de codes dans tous les secteurs industriels. Ces systèmes normatifs s’attaquent indifféremment à la qualité, la sécurité, l’environnement ou l’éthique. Outil de management global, les codes certifiés se veulent la réponse absolue pour la gestion des domaines précités. La communication autour de ces outils et valeurs qu’ils revendiquent, démontre la volonté des industries de ne plus se limiter à un rôle économique. La poursuite de valeurs positives (sécurité ou qualité), et de valeurs sociales (éthique, environnement) indique le rôle essentiel que l’entreprise souhaite jouer dans la société, en devenant acteur social, culturel, moral.
       La tentative de répondre à des problèmes collectifs (sécurité industrielle, instabilité sociale, morale…), et l’implication dans la gestion de la société participent à l’appropriation d’une part du processus normatif par les entreprises. Ce phénomène de substitution de l’entreprise à l’État, comme gestionnaire du social et de la sécurité collective, est un phénomène récurent. Le paternalisme au XIXème siècle et le rôle des sociétés de classification dès la fin du XVIIIème siècle, l’attestent de manière différente. (I.)

       Les techniques d’intervention évoluent. Les codes, véritables tables des lois, se généralisent et se constituent dans les instances dirigeantes des entreprises(2). Initiatives volontaires, codes éthiques et autres certifications marquent le souci constant des entreprises de s’affranchir des réglementations de l’État. (II.)

       La spécificité du code ISM, et plus tard du code ISPS, réside dans l’application obligatoire du même ensemble méthodologique, partout dans le monde. Ces codes véhiculent une vison unique et indiscutable pour l’amélioration de la sécurité en mer ou le règlement de la sûreté des navires. Dans le cadre du transport maritime et de la gestion de sa sécurité, les codes, tels qu’ils se pratiquent, contribuent à une vision techniciste et unilatérale de la sécurité, et participent largement au mal être des équipages. (III.)

  1.       
  2. La maîtrise normative reste un enjeu essentiel(3) dans les sociétés industrielles depuis le XIXème siècle. Dans les périodes antérieures, le processus normatif est l’œuvre du Prince, et l’expression de la volonté divine(4). La "structure du quotidien"(5) de l’humanité se fond dans le local. L’immense majorité de la population humaine, vit, produit et consomme dans l’unité de base de la société qu’est le village.

           La révolution politique et industrielle du XIXème bouleverse tous les paradigmes.

           L’immuable société figée dans le local se modifie profondément. Économie politique et entreprises industrielles deviennent le centre de la société. La prédominance de la doctrine libérale renforce la conception économiste de la société(6)

           Par considération économique, politique ou morale, les capitaines d’industrie développent des moyens de gérer les disfonctionnements nés de la brutalité sociale et sécuritaire du libéralisme économique. Une réponse sociale apparaît avec le développement du paternalisme. "Né au XIXème siècle, le paternalisme a donc pour objectif essentiel de moraliser les ouvriers dans le but de les fixer dans l’entreprise, de les détourner du syndicalisme et du socialisme, à travers un réseau d’institutions sociales qui leur assure un minimum de bien-être. L’entreprise veut apparaître comme une grande famille dont le patron est le père et les ouvriers ses enfants. Le patronat fait ainsi le bonheur de ses salariés contre leur gré si nécessaire à travers sa propre morale."(7)

           Bien avant la révolution des transports terrestres (au XIXème siècle, notamment avec le chemin de fer), le transport par mer atteint, d’après Fernand Baudel, sa "perfection propre" dès le XVIIIème siècle. Au siècle suivant, l’industrie maritime explose et s’autonomise(8). Activité à haut risque, la nécessaire gestion de sa sécurité s’exprime dans la volonté des exploitants et assureurs d’évaluer la qualité des navires, afin de préserver le capital, parallèlement à une timide intervention administrative. Nées de la rencontre d’assureurs, de courtiers et d’armateurs, les premières sociétés de classification apparaissent. Au départ, expertes du risque pour l’assurance, les sociétés de classification s’émancipent. Elles diversifient leurs activités et relations, pour devenir d’indispensables conseillers techniques dans l’industrie maritime.

           Grâce aux sociétés de classification, l’industrie bénéficie dès le XIXème siècle d’entreprises spécialisées dans la production normative, totalement intégrées dans un rapport marchand.

    Résumons : Ces deux exemples (paternalisme et sociétés de classification) illustrent le souci des industriels de maîtriser par eux-mêmes, les disfonctionnements de la société (misère sociale et insécurité industrielle), en s’affranchissant de toute tutelle administrative. Dès le début de l’ère industrielle et en phase avec l’idéologie libérale, l’entreprise capitaliste expose son implication sociétale par le développement de son arsenal normatif. Aucun secteur n’échappe à ce principe d’intervention du secteur privé dans la société : social, sécurité, mais aussi culturel ou éthique. L’autorégulation reste le maître mot.

           Dans la seconde partie du XXème siècle surtout, un nouveau bouleversement s’opère, l’État s’organise comme régulateur de la société. Au niveau national comme international, les gouvernements garantissent et produisent de nombreuses lois sociales et encadrent les activités à risques.

           Le social et la sécurité collective échappe des mains de l’industrie. Celle-ci se repositionne stratégiquement. Elle abandonne sa prétention à gérer le social dans les mains de l’État, pour se concentrer dans la recherche de la performance économique.


  3.       
  4. La crise de l’État providence annonce une nouvelle ère. La légitimité de l’État national et sa capacité de gestion sont contestées, à l’intérieur comme à l’extérieur par la mondialisation des dogmes de l’économie libérale. La vision traditionnellement occidentale de l’État providence comme garant de l’ordre, de la paix sociale et de la sécurité collective s’estompe peu à peu.

           Parallèlement, les dégâts humains et environnementaux appellent une réponse de la société et des ses acteurs "organisés "(9) Comme le souligne A. Supiot : "pas de régulation sans régulateur", la crise de l’État en annonce l’avènement de nouvelles formes.

           F.Périgot (1990), ancien président du CNPF, prenant prétexte de l’internationalisation et de la décentralisation, affirme le nouveau rôle sociétale de l’entreprise et résume l’offensive des entreprises: "dans ce contexte [de réduction de l’État] l’entreprise, atout majeur de la nouvelle donne, va devoir affronter une demande accrue. Valeur sûre, valeur refuge, elle hérite de problèmes que l’État et les hommes politiques seuls ne peuvent plus prétendre maîtriser et résoudre. Ce déplacement du pouvoir sera pour nous un challenge. Pour décrisper une société "bloquée", on attend de l’entreprise une réponse globale et multiforme qui dépasse son seul rôle économique. Nous ne pouvons refuser ces nouvelles responsabilités. Ce sont elles qui consacreront notre réhabilitation et nous donneront notre pleine légitimité"(10)

           Normes éthiques, assurance qualité, affirmation de principes écologiques et de maîtrise de la sécurité des installations industrielles, forment, sur des bases positives, les prémisses de l’intervention des entreprises.

           Projet de légitimation et d’affirmation des sociétés, les objectifs des "codes de bonne conduite" sont triples : prouver l’implication sociétale de l’industrie, développer une politique de communication(11) à l’égard de toutes les parties prenantes (actionnaires, salariés, citoyens, états, associations…) et éviter l’imposition de réglementations étatiques.

           Depuis le milieu des années 80, l’industrie chimique fortement perturbée par la catastrophe de Bhopal en Inde tente, en multipliant les "approches volontaires"(12) pour la sécurité et l’environnement, de retrouver la confiance de l’opinion publique(13). Les codes de conduite volontaires se déclinent en trois axes : la "gestion responsable", les normes certifiées (issues principalement du cadre ISO) et les accords environnementaux. Le changement culturel initié par les initiatives volontaires dans l’entreprise passe par des méthodes de gestion alternatives allant au delà des prescriptions réglementaires : "l’ICCA cherche à faire en sorte que les gouvernements comprennent le travail que nous (les industries chimiques) réalisons et qu’ils se convainquent de l’importance majeure des initiatives volontaires prises par l’industrie pour compléter, et le cas échéant, remplacer les règlements et, ainsi, protéger la santé de l’homme et l’environnement"(14). L’idée sous jacente demeure que l’autorégulation devrait permettre un meilleur ratio coût / efficacité en éliminant progressivement l’intervention de l’État.

           L’activité maritime, loin d’ignorer ces pratiques d’autorégulation constitue probablement le secteur les globalisant le plus. Si "codes éthiques et initiatives volontaires" apparaissent tardivement dans le monde maritime, l’acceptation d’un processus normatif privé côtoyant et complétant les règles des Eats est largement intégré dans le monde maritime. La conception des navires nous offre un cas bien précis de la maîtrise technique et normative des sociétés de classifications : "Il n’y a pas aujourd’hui, de normes juridiques internationalement reconnues concernant cette question d’une importance parfois vitale. L’intégrité de la surveillance de la solidité des structures de coque se trouve donc ainsi de fait, au moins sur le plan technique, entièrement sous-traitée par les sociétés de classification."(15)

           La substitution de ces mêmes sociétés aux administrations des Eats du pavillon illustre mieux encore la généralisation de l’autorégulation de la sécurité dans le domaine maritime. En jouant sur l’absence d’administrations structurées et intègres, les opérateurs de la marine marchande peuvent aisément trouver sur le marché international, des pavillons peu regardants. Du marché des pavillons au marché des sociétés de classification, l’exploitant de navire utilise toutes les possibilités de devenir le seul gestionnaire de la sécurité de sa flotte. Et comme, le principe de la compétence juridique de l’État du pavillon, ne peut entraver la mise en jeu de la responsabilité devant les juridictions d’un autre État, et que tout certificat délivré par un État (ou au nom de cet État) obtient automatiquement une validité internationale, l’activité maritime possède le loisir légal et sans risque de s’auto réguler.

           Mais dans ce jeu ou la nationalité du navire se vend et s’achète, l’ensemble du droit maritime axé sur la prévalence de l’État du pavillon perd les fondements de sa légitimité(16). La concurrence entre pavillons nationaux et pavillons de complaisance amorce la crise de l’État du pavillon.

           Intéressons nous, maintenant, plus particulièrement au code ISM. Des différences majeures existent entre celui-ci et les pratiques normatives développées par les industries terrestres. Première constatation : le code s’applique à tous les navires du monde. Il n’est ni volontaire, ni contractuel mais obligatoire et international. Son intégration comme chapitre IX de la convention SOLAS, oblige tous les exploitants de navires à se conformer aux prescriptions du code et à l’appliquer sur les navires. Seconde constatation : le code a comme premier objectif d’assurer et d’encadrer essentiellement la politique sécurité de la compagnie et du navire(17)

           Ces deux observations ne sont pas anodines et montrent qu’au niveau international, un consensus s’est dégagé pour imposer à toutes les entreprises et travailleurs d’une même industrie un cadre commun pour penser la sécurité. Ainsi, le dilemme évoqué par le sociologue Frederik Mispelblom Beyer est tranché: "La notion de maîtrise des risques est l’occasion d’un débat pour savoir s’il fallait tenter de faire reposer cette maîtrise sur les procédures et leur contrôle strict, ou sur la "compétence" (la formation, les qualifications) du personnel."(18).

       Dans le glissement du processus normatif de l’État vers le secteur privé, le code ISM tient une place bien spécifique. Les organisations intergouvernementales définissent des objectifs globaux de sécurité en offrant un cadre de travail, mais laissent aux partenaires sociaux le soin de les préciser(19). La dénomination même du code : ISM pour International Safety Management, ne laisse planer aucun doute quand à la vision techniciste qu’il présente.
    L’outil de gestion du facteur humain(20) sur les navires, directement inspiré des méthodes de l’ISO, est donc définitivement une "méthode".

           Étrange paradoxe du système de sécurité maritime, conscient que c’est au niveau humain(21) que l’on peut apporter le plus d’amélioration mais qui se borne à produire des normes sur le matériel, le navire, ses équipements et maintenant l’humain.


  1.       
  2. Les termes "facteurs humains" ne se cantonnent pas uniquement à l’action directe de l’homme. Beaucoup d’évènements de mer produits par des défaillances techniques ou structurelles, trouvent leurs origines dans des manques de maintenance, d’organisation, des erreurs lors de l’élaboration ou de la construction(22) …

           Les concepteurs des systèmes, maritimes ou autres, considérant que c'est l'homme qui se trompe et non la machine, ont cherché à diminuer la place du premier au bénéfice de la seconde. Après des décennies de travail sur l’amélioration du matériel, la recherche d’un illusoire risque zéro(23) se porte maintenant sur l’homme. Les analyses statistiques démontrent que le facteur humain intervient majoritairement dans la survenance des catastrophes maritimes. L’objectif depuis les années 90, n’est plus d’éliminer l’homme mais de lui éviter les attitudes déviantes. Pour Reason, l’erreur est le "prix à payer "à l’intelligence humaine. L’homme et l’erreur sont directement associés, comment concilier cela dans un système à risque ? S’agit-il d’éliminer tous les niveaux d’erreurs humaines ou de savoir les détecter et ainsi les corriger ?

           L’homme s’analyse depuis peu comme facteur de stabilité(24) des grands systèmes techniques. Renée Amalberti propose une double approche de l’erreur, qualitative et quantitative : "[…] "les erreurs humaines"[…] la dernière frontière à franchir pour atteindre le "Graal" de la sécurité totale. […] La plus ancienne et la plus classique évaluation de la sécurité et du risque repose sur la mesure de la fréquence objective des accidents et incidents. Cette sécurité "quantitative" est maintenant dépassée par une sécurité "qualitative" ; le risque lié aux conséquences et à la sévérité de chaque accident devient la variable essentielle à considérer."(25) . Du même auteur, nous apprenons que l’erreur participe au réglage cognitif de l’individu(26), et contribue à l’appréciation de sa capacité de gestion des situations et de son état de vigilance. Dans cette optique, il est primordial, non de poursuivre un mythe du zéro erreur, mais de chercher la détection de l’erreur pour la corriger.

           Erreur à annihiler ou encourager l’opérateur à déceler et corriger ses propres erreurs par des dispositifs techniques ou humains, afin d’en minimiser les conséquences sur le systèmes. Ces deux représentations conditionnent les choix dans l’organisation du travail.

           Suivant l’option, les solutions se déclinent différemment : la première, procédures et contrôle strict des opérateurs (ISM), et la seconde, cognitive et sociale (que nous rapprochons, bien qu’incomplètement, des travaux sur la fatigue de l’OIT et l’OMI).

           Dans l’industrie maritime, l’analyse réduite du facteur humain à l’interprétation de statistiques d’accidents et incidents, sans prendre en considération le potentiel de stabilité des hommes sur le système, criminalise le déjà suspect opérateur, pour aboutir à un système normatif basé sur le contrôle du travail en négligeant les aspects cognitifs.

           Principal outil de travail pour améliorer les conditions d’exploitation des navires, le code ISM se veut la réponse globale au problème des risques générés par les hommes dans l’activité maritime. Le concept de ce code, axé sur une structure similaire au code international de gestion de la qualité développé par l’ISO se propose d’agir dans quatre directions ; le management, les hommes, le matériel et les équipements, et les méthodes(27). Le code ISM, composé d’une trentaine de pages, et utilisant largement le conditionnel, offre aux compagnies chargées de son développement toute latitude quant au contenu. Sa création nécessite l’investissement de la direction et souvent le recours d’entreprises "expertes". Le rôle des administrations se limite à l’approbation des codes, directement ou avec l’assistance de ces mêmes sociétés d’expertises(28).

           Ce code, comme tous les systèmes de management issus de la qualité, a le mérite de bénéficier de l'aura de la nouveauté. La publicité autour de son avènement témoigne des espérances des toutes les parties prenantes. Il a surtout plusieurs vertus immédiates pour l'industrie maritime : il rassure citoyens, États et assureurs ; il permet de conserver intact le statut quo social et la pérennisation des pratiques de recrutement et d’immatriculation des armements ; et finalement, il offre la possibilité d’un réel contrôle sur une activité qui se pratique loin des dirigeants.

           La confiance absolue de l’amateur dans ses préposés, le Capitaine en tête, s’est muée en une défiance systématique. Les multiples procédures, rapports d’activité et audits assurent une pression constante sur les équipes de travail, ainsi que la permanence des consignes et directives de la direction à bord. Ces aspects se renforcent avec le recours aux nouveaux outils de télécommunication instantanés et la multiplication des contrôles externes.

           Si le code ISM apporte indéniablement un certain nombre d’amélioration de la sécurité (personne désignée, clarification des rôles, planning d’entretien, préparation aux situations d’urgence …), il entraîne également un grand nombre d’interrogations sur le sens de sa pratique.

           Basé sur la description "objective" des taches d’exploitation, le code découpe l’activité complexe(29) du navire en une multitude de fiches devant assurer la lisibilité de l’ensemble.

           La simplification du travail aux hommes, l’accessibilité du système aux non initiés et la définition des "bonnes pratiques" en constituent les principaux objectifs. Mais ce découpage du navire en fiches et schémas de fonctionnement réduit celui-ci à un ensemble déterministe stable, et insiste sur une vision purement tayloriste du travail humain. En effet, les interrelations multiples et évolutives, qui règnent sur le navire, demeurent indescriptibles dans leur intégralité.

           Culturellement, l’homogénéisation des pratiques et de réflexion sur la sécurité, renforce la prévalence d’une image unique et identique pour tous. Le code est unilatéral, et ne tient compte d’aucun déterminisme culturel, national ou social. C’est faire abstraction de la réalité humaine et de la complexe coordination des équipages composites multinationaux.

           "Bonnes pratiques", "mauvaises pratiques", le pouvoir d’en décider appartient aux rédacteurs des normes. En d'autres termes, l'utilisation d'un personnel ayant acquis connaissance, culture de la sécurité et expérience n'est pas considérée comme nécessaire. Implicitement, "avant" n’existe pas, maintenant, tout est définit par ceux qui savent. La négation des expériences individuelles et collectives perturbe fortement une profession dans laquelle chaque poste hiérarchique dépend directement de sa compétence et de son expérience. Le brevet permettant l’accès à une fonction se délivre systématiquement en additionnant : diplôme acquis dans un centre de formation plus temps de navigation minimal après son obtention.
           Dressé comme une machine, l’homme est programmé pour effectuer un certain nombre de gestes dans un ordre défini. Ses capacités d’adaptation à son environnement et ses changements, son intelligence et son imagination sont niées. Que se passera t-il si soudainement, un élément hors de sa volonté perturbe le déroulement de son travail, saura t-il s’adapter en faisant preuve d’imagination, en sortant ainsi du schéma de la procédure, ou bien appellera t-il au secours comme la machine émet une alarme de dysfonctionnement ? (30)

       Prouver que l’on travail dans les normes du code, voici un objectif bien louable, car la traçabilité des opérations à bord permet en temps réel de connaître l’avancement du travail, et que celui-ci s’effectue bien dans les schémas prescrits. Ce processus de contrôle systématique du travail d’autrui n’est il pas une tentative inquisitoire de soumettre le personnel ?

       La dérive de l’ISM, comme outil de contrôle, s’accentue avec son intégration dans le bloc des politiques "qualité-environnement". Cette intégration
    "qualité-sécurité-environnement" est largement facilitée par un socle initial commun, l’ISO. La fusion de codes contractuels (qualité-environnement) avec un code obligatoire (sécurité qui comporte déjà un volet environnement) ne semble surprendre aucune instance administrative.

           Confusion des genres, orchestrée sous le prétexte de travailler sur des bases méthodologiques identiques : la finalité des politiques qualité reste la rentabilité de l’entreprise ; quand aux politiques "environnement" issue de l’ISO, elles participent à une opération de communication vers les parties prenantes de l’entreprise : "[…] les intérêts des grandes entreprises dominent. T.Reverdy (2001) l’a montré récemment pour les nouvelles normes environnementales ISO14000, qui sont le résultat de l’intervention de groupes de pression d’entreprises pour empêcher la généralisation d’un autre dispositif de contrôle de l’environnement beaucoup plus contraignant pour les entreprises que les actuelles normes environnementales. […] Exit les règlements éco-audit pour faire place a ces normes ISO 14000 qu’on peut résumer de la façon suivante : le passage qui se fait est celui du public au privé, c'est-à-dire des instances publiques de vérification à des organismes d’audit privé comme pour les normes ISO. C’est le passage de la transparence pour l’extérieur au management environnement interne (ce que les normes ISO 14000 certifient, c’est le système de fonctionnement de la gestion de l’environnement à l’intérieur de l’entreprise), de la préoccupation des coûts et des risques pour les habitants à la préoccupation des coûts pour les entreprises, de l’engagement public à l’audit, avec une vérification de la qualité du travail de formalisation des procédures."(31)

           En plus des conflits possibles et de la confusion entre des politiques intégrées et poursuivant des objectifs différents, une autre interrogation se pose : la complexité des codes et leur accès pour les opérateurs. Dans leur volonté d’être exhaustifs, les codes deviennent compliqués, délicats d’accès et difficiles à manier. Couramment constitués de centaines voire de milliers de pages, ils sont quasiment impossibles à maîtriser pour les opérateurs déjà investis dans leurs taches d’exploitation. L’outil informatique, rend leur accès plus simple (avec des fonctions "recherche") mais aussi plus élitistes, car il condamne certains personnels à l’ignorance. Il n’est pas rare que sur des navires multinationaux (ou non), les membres de l’équipage (hors officier) ne maîtrisent ni la langue ni les supports informatiques des codes. Une partie non négligeable des équipages se trouve systématiquement exclu de codes censés encadrer, à l’origine, leur sécurité.

           La généralisation des codes dans le transport maritime a durablement bouleversé les pratiques et relation ancestrales du travail. Ils sont également le reflet d’une représentation simpliste de l’homme au travail et réductrice de la complexité du système "navire". Pourquoi s’embarrasser de personnels coûteux et compétents lorsque l’on imagine qu’un découpage en tranche de l’activité suffit pour assurer l’exploitation du navire ?

           Comme nous l’avons abordé, la sphère d’intervention du privé dans la régulation de la sécurité se généralise au même titre que son intervention culturelle et sociale. Ce phénomène n’est pas nouveau. Mais les codes multiples répondant à toutes sortes d’interrogations, forment un puissant outil et le véhicule idéal pour concevoir de nouvelles formes de régulations et de pratiques. Homogénéisation des pratiques de travail, homogénéisation des cultures de travail, homogénéisation de la langue de travail et hétérogénéité des équipes de travail, le mélange pose de nouvelles interrogations, et de nouvelles sources d’insécurité. L’homme comme animal social n’a pas sa place dans cette nouvelle matrice cognitive, n’est-il plus considéré que comme une marchandise mécanique, programmable sans âme ni besoins physiologiques ?

           La crise de l’État et son incapacité de fixer des objectifs clairs, laisse aux sociétés expertes le soin de réguler la sécurité maritime. Ce désengagement pose de fortes interrogations sur l’avenir de la maîtrise de la sécurité collective. Les sociétés de classification comme celles de sécurité privée accentuent leur pression pour devenir les nouveaux garants de la société mondialisée.

           Le code ISPS (32) annonce, lui, la création d’un gigantesque marché de la sûreté maritime privée. Ce sont des entreprises qui évaluent les besoins de sûreté des navires et des ports, et qui, en accord avec les directions sont chargées de l’élaboration des codes internes.

           Dans les faits, les marins sans personnel supplémentaire se transforment en vigiles de leurs navires. Pour les syndicats de marins britanniques, cette nouvelle réglementation constitue une nouvelle surcharge, rendant le travail en mer insupportable. Les marins doivent remplir les nouvelles obligations du code sous la menace permanente de contrôles, avec des inspecteurs ne s’intéressant qu’à la bonne application des règles, sans se soucier des coûts sociaux de leur application.

       L’ISPS, malgré des mesures de protection incluses dans le texte(33), laisse aux rédacteurs le soin de déterminer les personnes pouvant accéder au navire(34). Les entreprises privées deviennent les relais de l’État pour leur sûreté. Comment ne pas s’interroger sur la validité et l’utilité de l’ISPS lorsque l’on sait que le bâtiment de la marine américaine USS Cole a été incapable de prévenir une attaque terroriste ?

           Face à la menace terroriste et à la multiplication des actes de piratage, les sociétés de sécurité imposent leur expertise et présence(35). Sociétés de gardiennage, marins transformés en vigiles… correspondent à une tentative réactive simpliste de répondre à des problèmes globaux complexes.

           A la recherche de nouveaux horizons à conquérir, les entreprises privées grignotent tous domaines autrefois réservés de l’État, en opposant systématiquement, à tort ou à raison, l’inertie de l’administration à l’efficacité supposée du secteur privé. La sécurité n’échappe pas à ce mouvement et devient ainsi un nouvel enjeu des politiques libérales mondiales, avec pour espoir la conquête de nouveaux marchés lucratifs(36) abandonnés par l’État. Pour les entreprises soumises à un contrôle réglementaire, la contestation des capacités de l’État permet aussi de se soustraire aux contrôles et règlements contraignants. L’objectif est de pouvoir négocier directement avec des prestataires de services des contrats liés à l’obligation de sécurité.

           Ne serait-il pas temps de penser la sécurité et la sûreté en utilisant les pistes que propose Michel Crozier dans la crise de l’intelligence(37) : "Tous les métiers souffrent du : "Ne sous-estimez pas nos problèmes, vous les traitez sans les comprendre, vous nous méprisez, vous nous considérez comme des exécutants sans voix au chapitre et incapable d’avoir une vision d’ensemble de nos taches. Écoutez nous au moins. "[…] "L’image des solutions dicte trop souvent le choix du problème. Il est tentant de raisonner à l’envers et d’adapter le problème à la solution définie au préalable, au risque d’oublier le problème réel, […] Ce qui parait essentiel pour répondre à ces problèmes nouveaux de société, c’est de savoir diagnostiquer à temps les ruptures, d’anticiper les risques et de se préoccuper de l’application des solutions […]L’important n’est pas de dénoncer des coupables mais de s’attacher à rénover un système qui a déjà produit des résultats désastreux et risque d’en produire d’autres encore."
Cdt R. BAUMLER



  1. Courte définition des normes de managements issues de l’ISO d’après le Professeur de Sociologie Frederik Mispelblom Beyer : "Les normes ISO forment un "espéranto organisationnel", qui propose à toutes les organisations, entreprises et institutions du monde entier une grille de description générale (formulaires ISO) comportant une vingtaine de rubriques (ex : "gestion documentaire", "politique qualité") que chaque candidat à une certification doit remplir à partir d'une description de ses propres processus de production. Cette dimension écrite des normes s'inscrit dans un dispositif aux vastes ramifications qui comprend notamment : les commissions internationales d'élaboration des normes, les organismes de certification (ex :Afaq, sociétés de classification) et leurs auditeurs, des entreprises de conseil, des subventions gouvernementales et locales aux entreprises candidates, et ces dernières. A l'origine ces normes étaient destinées à fournir aux grands donneurs d'ordre ou aux tutelles d'institutions (ex : du secteur sanitaire) des documents écrits certifiés (manuel qualité) leur donnant une visibilité "garantie" du fonctionnement interne de leurs sous-traitants."
    Sur le sujet lire : AU-DELÀ DE LA QUALITE Démarches qualité, conditions de travail et politiques du bonheur, Frederik Mispelblom Beyer, édition la Découverte & Syros, Paris 1999


  2. "Les mots ne sont pas neutres; le code comme la charte sont juridiquement connotés. Le premier trouve sont origine dans le codex romain apparu à la fin du IIIe siècle […]. La notion moderne de codification s’entend comme la fixation, dans un document écrit, de lois, de normes, de règles, généralement édictées par l’État. […] Code ou charte, il s’agit toujours d’un acte juridique unilatéral qui émane donc de l’autorité centrale : roi, gouvernement… pour une nation, dirigeant pour une entreprise.", L’entreprise et l’éthique, Jérôme Ballet et Françoise de Bry, édition du seuil, décembre 2001, p367-368


  3. "[…] la mondialisation de l’économie, la normalisation de la production et des échanges prend une dimension internationale. […] Les entreprises transnationales deviennent les véhicules de ces changements. […] Chaque groupe social construit ses propres normes. […] la norme est source de contrôle social. La recomposition normative est un enjeu des luttes sociales. Dans un espace social hiérarchisé, la production normative est au fondement des inégalités. Le système de norme participe à la "naturalisation des inégalités sociales". LA PUISSANCE DES NORMES, Sous la coordination de Claude Durand et Alain Pichon, collection Logiques Sociales, édition L’Harmattan, 2003, p14


  4. VERS UN ORDRE SOCIAL INTERNATIONAL ? OBSERVATIONS LIMINAIRES SUR LES NOUVELLES REGULATIONS DU TRAVAIL, DE L’EMPLOI ET DE LA PROTECTION SOCIALE ; Alain Supiot, Conférence sur l’avenir du travail, de l’emploi et de la protection sociale, Annecy, 18-19 janvier 2001


  5. Titre du tome 1 de, Civilisation matérielle, économie et capitalisme XVe-XVIIIe siècle, Fernand Braudel 3 Tomes, Armand Colin, Paris, 1979


  6. L’économie se constitue "comme le fondement de la société et le marché comme opérateur de l’ordre social "dans" le libéralisme économique : histoire de l’idée de marché", Pierre Rosanvallon, collection Points politique, 1979-1989, p70


  7. L’entreprise et l’éthique, Jérôme Ballet et Françoise de Bry, édition du seuil, décembre 2001, p94-95


  8. "L’épopée coloniale et la dynamique de ce qu’on a appelé la "première mondialisation" (1870-1914) suffisent à sortir l’offre maritime de l’emprise des négociants pour se constituer en industrie propre. Tout au long du XIX° siècle, les dernières étapes du partage colonial du monde favorisent la naissance des armements modernes, avec l’aide de leurs États respectifs. Les compagnies de navigation accompagnent la conquête, et la "mise en valeur" économique de ces possessions nouvelles, véritables "niches" des métropoles coloniales.", dans Transport maritime Danger public et bien mondial, François Lille et Raphaël Baumler, ÉDITIONS Charles Léopold Mayer, à paraître automne 2005, p33


  9. Administration, entreprises, organisations de services, associations, partis politiques…


  10. Cité dans L’ENTREPRISE ET L’ÉTHIQUE, Jérôme Ballet et François De Bry, édition du Seuil, 2001, p34


  11. "Les codes de conduite sont d’une redoutable subtilité. A la différence des lois, ils ne sont pas applicables. Et à la différence des contrats syndicaux, ils n’ont pas été rédigés en collaboration avec des administrateurs d’usine pour répondre aux exigences et aux besoins des employés. Tous sans exception, ont été rédigés par des services de communication, […], au lendemain d’une embarrassante enquête médiatique", No Logo, Naomi Klein, Actes Sud, 2001


  12. Voir document "les approches volontaires dans les politiques de l’environnement", publication OCDE, 2003. Le BIT, lui utilise les termes "initiatives volontaires".


  13. "L'aggravation de la pollution chimique dans beaucoup de parties du monde et une série de catastrophes qui ont fait les gros titres - Seveso, Bhopal, Bâle - n'ont fait que renforcer cette conviction. De ce fait, les industries chimiques avaient tout lieu de craindre un durcissement des réglementations, un rejet de plus en plus marqué de la part de l'opinion publique, des difficultés à trouver du personnel de qualité; elles risquaient même des poursuites dans certains pays.", Rapport de l’OIT :"LES INITIATIVES VOLONTAIRES AYANT UNE INCIDENCE SUR LA FORMATION ET L’EDUCATION EN MATIÈRE DE SECURITE, DE SANTE ET D’ENVIRONNEMENT", Peter Hurst, BIT, Programme des activités sectorielles, Genève 22-26 octobre 1999, p8


  14. Déclaration de L’ICCA (Conseil international des associations de l'industrie chimique) en 1996 au forum intergouvernemental sur l’industrie chimique, dans Rapport de l’OIT :"LES INITIATIVES VOLONTAIRES AYANT UNE INCIDENCE SUR LA FORMATION ET L’EDUCATION EN MATIÈRE DE SECURITE, DE SANTE ET D’ENVIRONNEMENT", Peter Hurst, BIT, Programme des activités sectorielles, Genève 22-26 octobre 1999, p10


  15. LE REGLEMENTATION SECURITE A BORD DES NAVIRES MARCHANDS, Rémy Cuisigniez, édition Infomer, 2004, p154


  16. "L’article 217 de la convention de 1982 sur le droit de la mer rappelle trois points essentiels.
    • L’État du pavillon doit veiller à ce que les navires figurant sur ses registres respectent les normes et règles internationales applicables et à ce qu’elles soient effectivement appliquées quel que soit le lieu de où il se trouve.
    • Il doit prendre les mesures appropriées pour interdire à ses navires d’appareiller, tant qu’il ne sont pas conformes aux règles en vigueur, y compris les disposition concernant la conception, la construction et l’armement des navires.
    • Il doit veiller à ce que ses navires soient munis de certificats requis et délivrés en application des réglementations et qu’ils soient inspectés périodiquement pour vérifier que les mentions portées sur les certificats sont conformes à l’état effectif du navire. », dans : Philippe Boisson, Politiques et droit de la sécurité maritime, Éditions Bureau Veritas, Paris 1999, p.475


  17. Depuis le 1er juillet 2002, tous les navires de plus de 500tx doivent se soumettre au chapitre IX de la convention SOLAS, portant à la création du "code international de gestion pour la sécurité de l’exploitation des navires et de la prévention de la pollution"


  18. LA PUISSANCE DES NORMES, Sous la coordination de Claude Durand et Alain Pichon, collection Logiques Sociales, édition L’Harmattan, 2003, p169-170


  19. A.Supiot : résume, à propos des nouvelles formes de régulation sociale, ce principe, dans Vers un ordre social international ? Observations liminaires sur les "nouvelles régulations" du travail, de l'emploi et de la protection sociale, Conférence sur L'avenir du travail, de l'emploi et de la protection sociale Annecy, 18-19 janvier, 2001, p11-12


  20. Les analyses d’accidents nautiques font apparaître que le facteur humain reste responsable de la grande majorité des sinistres, le code ISM, a entre autre été créer pour palier aux problèmes humains et organisationnels.


  21. OMI Comité de la Sécurité maritime. Rôle de l’élément humain dans les accidents maritimes. Document présenté par les États-Unis. MSC 65/15/1, 10 février 1995


  22. L’OMI propose une grille d’analyse en 9 points, voir OMI FSI. Rapport du groupe de travail sur les statistiques d’accident et les enquêtes sur les accidents. FSI 4/WP, 19 mars 1996, annexe 1


  23. Lire, LA FIN DU RISQUE ZERO, Xavier Guilhou, Patrick Lagadec, Eyrolles société, 2002


  24. "Cette opinion de l’homme "point faible des systèmes" est maintenant si largement répandue que les opérateurs sont partout considérés comme limiteurs de performance et de sécurité, et de ce fait, sont plus volontiers décrits en termes négatifs que positifs. […] Les mentalités ont changées, et les théories aussi. On vient de voir que les erreurs humaines sont jugées inéluctables, même si elles peuvent partiellement être prévisibles. Elles sont, comme le dit Reason, le "prix à payer" à l’intelligence humaine. Fort logiquement, les solutions qui espéraient supprimer les erreurs sont donc en perte de vitesse : automatisation outrancière, procéduralisation extrême des métiers de conduite, surveillance externe, et même certaines logiques de formation recherchant l’absence d’erreur chez l’élève comme résultat idéal. Il faut au contraire trouver les moyens d’accepter toutes les erreurs en cherchant à en diminuer les conséquences. "LA CONDUITE DES SYSTEMES A RISQUES", René Amalberti, Collection le travail humain, PUF, 2nd édition juillet 2001, p33


  25. Ouvrage cité, p13


  26. Le texte se propose de montrer que l’erreur peut être acceptée, voire quasiment prévue par l’opérateur et qu’elle joue dans tous les cas – à partir du moment ou elle est détectée – un rôle fondamental de signal afin de régler le compromis cognitif ; ce rôle est trop souvent sous-estimé ou mal interprété dans les perspectives de sécurité qui ne voient dans l’erreur qu’une manifestation négative des comportements humains. "LA CONDUITE DES SYSTEMES A RISQUES, René Amalberti, Collection le travail humain, PUF, 2nd édition juillet 2001, p12

  27. CHAUVEL (A.M), "Sécurité en mer Le code ISM", édition préventique, 1996


  28. “[…] This document shall be issued by the Administration, by an organization recognized by the administration, or at the request of administration by an another Contracting government” Regulation 4 : certification, ISM code, 2002 edition, IMO, London, 2002


  29. "Il est nécessaire de distinguer un système compliqué d’un système complexe. Un système compliqué est un système qu’il est possible de comprendre en le décomposant, en l’analysant. Il a un comportement déterministe. Les systèmes techniques sont compliqués, mais maîtrisables. Il est généralement possible de prévoir leur réaction en éliminant l’aléa. A l’inverse, un système complexe ne peut être compris simplement en le décomposant. Il est par essence même non déterministe. La somme des fonctions de chacune des parties est le plus souvent différente de la somme des fonctions du système global. Un système comprenant des hommes est par essence un système complexe. C’est le cas des systèmes de transport, des systèmes bancaires, des systèmes politiques…dont on ne peut pas a priori connaître toutes les réactions.", "ET SI LES RISQUES M’ETAIENT COMPTES ?", Guy Planchette, Jean-Louis Nicolet, Jacques Valancogne, Octares, février 2003, p19


  30. La règle est démunie face à l’urgence et à l’aléa (De Coninck, 1995). Les acteurs n’ont donc pas d’autres choix que de contourner les règles, en les ajustant, en les modifiant tacitement, de manière à répondre aux taches qui sont attendues d’eux. Ce problème que l’on rencontre dans tous les univers de travail prend un relief particulier dans le cas des organisations à haut risque. A la fois, l’intervention de l’homme y est requise pour palier les manques des prescriptions et dans le même temps ses improvisations sont redoutées car elles sont le milieu naturel de production d’erreurs. "LA PUISSANCE DES NORMES, Sous la coordination de Claude Durand et Alain Pichon, collection Logiques Sociales, édition L’Harmattan, 2003, p136-137


  31. LA PUISSANCE DES NORMES, Sous la coordination de Claude Durand et Alain Pichon, collection Logiques Sociales, édition L’Harmattan, 2003, p165-166


  32. Le code ISPS (International Ship and Port facility Security), imposé sous la pression des États-Unis en référence directe au 11 septembre 2001, est en vigueur depuis le 1 juillet 2004. Il a pour objectif la prévention des actes criminels et terroristes dans le domaine maritime. Il s’agit "d’établir un cadre international dans lequel les Gouvernements contractants, les organismes publics, les administrations locales et les secteurs maritimes et portuaires puissent coopérer en vue de détecter et évaluer les menaces pour la sûreté et pour prendre des mesures de sauvegarde contre tout acte ou circonstance suspect qui menace la sûreté des navires ou des installations portuaires" (avant-propos du Code ISPS).


  33. ISPS Code Part B: “8.11. The CSO and ship security officer (SSO) should always have regard to the effect that measures may have on ship’s personnel who will remain on the ship for long periods. When developing security measures, particular consideration should be given to the convenience, comfort and personal privacy of the ship’s personnel and their ability to maintain their effectiveness over long periods.” ISPS code part A: “14.1. A port facility is required to act upon the security levels set by the Contracting Government within whose territory it is located. Security measures and procedures shall be applied at the port facility in such a manner as to cause a minimum of interference with, or delay to, passengers, ship’s personnel and VISITOR, goods and SERVICES.”


  34. Dans la pratique, l’affaire France Telecom Marine est riche d’enseignement à cet égard mais ce n’est pas la seule. Le Capitaine et un matelot ont été débarqués pour avoir permis l’accès au navire à des journalistes.


  35. “With the lack of effective protection from the coastal states, some ship owners have turned to private security firms in an effort to ensure their vessels are not the target for attack. “Legally speaking, there are no laws to say you cannot carry guns onboard ships,” an industry consultant says.”, Lloyd List 02-06-2005, article : Time to stand and deliver over anti-piracy initiatives,


  36. Kofi Anan alors secrétaire général Adjoint chargé des opérations de paix avait déclaré après le génocide du Rwanda : "Quand nous avions besoin de soldats aguerris pour séparer les combattants des réfugiés, j’avais envisagé la possibilité d’engager une firme privée. Mais le monde n’est peut être pas prêt á privatiser la paix. "Cité dans "Private military companies : option for regulation", rapport de la chambre des communes 12 février 2002, repris par Pierre Conesa dans "Modernes mercenaires de la sécurité", Monde Diplomatique Avril 2003


  37. LA CRISE DE L’INTELLIGENCE, essai sur l’impuissance des élites à se réformer… Michel Crozier avec Bruno Tilliette, édition point essais, 1995
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