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Une session à l'OMI :
Modification du DST existant au large d'Ouessant


       Le rôle de l'OMI (Organisation Maritime Internationale) est d'élaborer et de mettre en œuvre des réglementations maritimes communes aux 168 États membres dont elle est constituée. Le siège de l'OMI est à Londres, seule agence spécialisée des Nations Unies installée au Royaume Uni pour des raisons historiques. Il existe 5 Comités permanents dont un des plus importants est la Sécurité Maritime (MSC) assisté lui-même par le Sous-comité de la Sécurité de la Navigation (NAV). Le commandant René TYL, conseiller technique de la délégation française en tant que membre de l'Association Française des Capitaines de Navires (AFCAN), a participé à la 58ème session du Sous-comité NAV qui a eu lieu à Londres du 2 au 6 juillet 2012. Les nombreux points de l'ordre du jour comprenaient l'organisation du trafic maritime, les questions concernant les travaux de l'UIT, la stratégie en matière d'e-navigation, les aides à la navigation AIS, la visibilité à la passerelle de navigation, les performances pour les clinomètres et les anomalies de fonctionnement dans le cadre des ECDIS. Parmi les propositions des États membres sur l'organisation du trafic maritime, figurait une proposition de la France concernant une modification de la réglementation du Dispositif de Séparation de Trafic (DST) d'Ouessant, dont l'AFCAN est à l'origine. Ce compte-rendu montre comment fonctionnent les sessions de l'OMI.




Demande de modification présentée par l'AFCAN concernant la réglementation du DST Ouessant pour les usagers du port de Brest et pour une amélioration de la sécurité
         En mai 2010, l'AFCAN a soumis à la Préfecture maritime de Brest une demande de modification de la réglementation du passage dans la voie à double sens du DST d'Ouessant, à savoir l'autorisation pour un certain nombre de navires d'emprunter cette double-voie située à 11 milles d'Ouessant. Dès 2008 les agences maritimes du port de Brest avaient sollicité l'AFCAN à ce sujet, et le CROSS CORSEN avait rendu un avis soulignant la nécessité d'une amélioration de la réglementation en vigueur. La demande concernait les navires de jauge inférieure à 3 ou 4000 UMS, ne transportant pas de matières dangereuses, venant de la Manche à destination de Brest ou de Douarnenez ou allant vers la Manche en provenance de Brest ou de Douarnenez.

       L'article 3 de l'arrêté 2003/11 dispose que «la voie à double sens est exclusivement autorisée pour les navires à passagers exploités sur des routes régulières en provenance ou à destination d'un port de la Manche situé à l'Ouest du méridien 1°W et pour les navires en transit entre les ports situés entre le cap Finisterre et le cap de la Hague, à l'exception de ceux transportant des hydrocarbures et des matières dangereuses». Pour autant, peu de navires font route entre le cap de la Hague et Brest, en général ceux-ci proviennent de ports de la Manche situés au-delà du Cotentin. Ainsi, au lieu d'autoriser ces navires se rendant ou venant de Brest ou de Douarnenez à emprunter le chenal du Four sous des conditions aléatoires, le passage en permanence par la voie à double sens éviterait ainsi des croisements dangereux.

       La zone Sud du DST est en effet une zone de croisement des navires des ports du littoral Atlantique français et des flux montant et descendant. Les statistiques communiquées par le CROSS CORSEN pour l'année 2011 font état de 47.441 navires dans le DST d'Ouessant, de 449 transits dans la voie à double sens, dont une part très significative concerne des navires empruntant par mauvais temps la double-voie pour des motifs de sécurité, car non couverts par un régime spécifique d'autorisation, et de 303 navires par les chenaux.

       La zone Sud du DST est aussi une zone très fréquentée par les navires de pêche, qui sont impliqués de par leur activité dans de fréquentes situations rapprochées pouvant engendrer un risque d'abordage avec les navires de commerce. En 2011, Ouessant Trafic a détecté 22 situations rapprochées et 54 situations potentiellement dangereuses - dans lesquelles un navire, du fait de son comportement, peut mettre en danger sa propre sécurité ou celle des navires situés alentour - impliquant un navire de pêche et un navire de commerce.

       La taille des navires à passagers a considérablement évolué, les navires les plus importants ayant emprunté le DST pouvant transporter plus de 4000 personnes, ce qui, en cas de sinistre majeur à bord représenterait des opérations de sauvetage d'une grande complexité. Le passage dans la voie à double sens diminuerait de moitié la distance à parcourir pour les moyens d'intervention et donc le temps d'intervention en cas d'accident (meilleure détection radar pour les secours et meilleure qualité de radiocommunication).

       Ainsi, la demande de modification proposée par l'AFCAN à la demande des usagers du port de Brest, permettrait d'harmoniser toute une petite partie du trafic non dangereux pour diminuer le nombre de croisements et de situations rapprochées et de réduire le trafic dans les chenaux. La réglementation dans la double-voie située dans les eaux territoriales est du ressort de la Préfecture maritime de Brest dont les conclusions, au cas où des modifications étaient envisagées, devaient être soumises à l'OMI pour adoption et diffusion.

       A l'origine, l'AFCAN proposait une demande de modification concernant seulement les navires de jauge inférieure à 3 ou 4000 UMS. Par la suite, les statistiques du CROSS CORSEN ont augmenté la jauge des navires à 6000 UMS.


Proposition présentée par la France à l'OMI de la modification de l'utilisation de la voie à double sens de circulation de l'actuel dispositif de séparation du trafic «Au large d'Ouessant»
         La France propose d'amender les conditions autorisant les navires à circuler dans la voie à double sens de circulation DST d'Ouessant situé dans les eaux territoriales françaises, dont le but est :
  • de limiter les situations rapprochées entre les navires, en particulier dans les approches Sud de ce dispositif où travaillent de nombreux navires de pêche,
  • de rapprocher les navires à passagers des moyens d'intervention basés à terre en cas d'accident,
  • et de permettre aux navires de dimensions modestes de naviguer dans une zone où les conditions de mer sont moins dures.
La double voie de circulation verrait son accès autorisé :
  • aux navires de charge jaugeant moins de 6000 UMS, ne transportant pas certaines catégories de matières dangereuses et touchant un port situé entre le cap de la Hague et le cap Finisterre,
  • et aux navires à passagers, sans condition de port d'escale.

       Le document présenté par la France à l'OMI reprend les principaux arguments de l'AFCAN, en particulier celui concernant les croisements des routes dans le Sud-Ouest du DST, zone dans laquelle se concentrent les points de croisement des principales routes des navires en transit entre la Manche et le golfe de Gascogne, source de risques potentiels pour la sécurité de la navigation maritime. La mesure proposée permettra de réduire les situations de croisement entre les navires transitant vers la voie montante du DST et les navires sortant de la voie descendante pour faire route vers le port de Brest ou un port du golfe de Gascogne.

       Ce document dénonce aussi la concentration des activités de pêche, particulièrement dans le secteur de l'extrémité Sud du DST, secteur relativement restreint, engendrant de nombreuses situations rapprochées entre les navires de commerce transitant par les voies montantes et descendantes du DST et les navires de pêche, peu manœuvrants.

       Les navires à passagers (593 en 2011), contraints d'emprunter les voies montantes ou descendantes du DST, posent des problèmes particuliers en matière de gestion de secours de grande ampleur. L'éloignement des moyens de secours et d'assistance des voies montantes et descendantes est de nature à compliquer les opérations de sauvetage et d'assistance aux navires à passagers, alors que la circulation dans la voie à double sens faciliterait la tâche des autorités en charge du sauvetage, en rapprochant ceux-ci des moyens terrestres d'appui.


       La publication de l'arrêté 2011-92 en novembre 2011, autorisant les navires de transport de passagers de moins de 220 mètres, sous certaines conditions, à circuler près des côtes, alors qu'ils étaient autorisés à emprunter la voie à double sens, réduira la circulation dans la voie à double sens.

       Les navires de dimension modeste connaissent de sérieuses difficultés à progresser pendant les coups de vent régnant au large d'Ouessant – vagues de 2,40 m à 12,5 m sur la période 2006-2010 – et demandent à emprunter la double-voie pour des raisons de sécurité, évoquant la règle 10-7 du chapitre V de la SOLAS alors qu'ils n'en remplissent pas les conditions réglementaires.

       Actuellement le trafic est de 2 navires par jour dans la double-voie de circulation. Avec l'amendement proposé, les projections donnent une estimation du trafic dans cette voie de 16 navires par jour. Compte tenu des fluctuations du trafic, on estime que le trafic dans cette voie devrait être de 10 à 20 navires par jour.

Examen de la proposition de la France en session du Sous-comité NAV 58

  1. Présentation en séance plénière
  2.        Mme Odile Roussel, ambassadeur, représentante permanente de la France auprès de l'OMI, a présenté la proposition de la France en séance plénière du 2 juillet 2012. Seule la délégation bahamienne, appuyée par la CLIA (Cruise Lines International Association), a manifesté son opposition à la demande de modification du DST d'Ouessant, indiquant que la route à double-voie proposée augmenterait le risque d'abordages, et qu'elle donnerait lieu à un accroissement du volume du trafic ainsi qu'à la circulation de navires de types incompatibles. Elle craignait aussi que les navires empruntant cette route ne soient pas en mesure de respecter la règle 10 (d) du règlement COLREG. La Suède et l'Espagne ont demandé que leur soit fourni un examen plus détaillé. Le président de la séance a renvoyé l'examen de la proposition de la France au Groupe de travail chargé d'examiner les questions relatives aux voies maritimes empruntées par les navires.

  3. Rapport du Groupe de travail
  4.        J.-J. Morvant, chef de bureau aux affaires maritimes, a présenté la proposition de la France aux 38 délégués de gouvernements membres présents et aux 5 observateurs d'organisations non gouvernementales participant au Groupe de travail. Dans son argumentation, il a commencé par insister sur le contrôle opéré par le Service de Trafic Maritime (STM) « Ouessant Trafic », offrant un service d'information et d'assistance à la navigation à tous les navires dans un rayon de 40 milles autour d'Ouessant. Il a mentionné le maintien d'un puissant remorqueur de sauvetage 24 heures sur 24, basé devant Ouessant par mauvais temps.

           Reprenant les arguments du document de la France, il a montré l'intérêt que présentait l'utilisation de la voie à double sens en limitant les risques de collision dans la partie Sud du DST pour les navires à destination de Brest, Lorient, Nantes, Bordeaux ou Bayonne. Cette zone est de plus fréquentée par de nombreux navires de pêche qui les contraint à manœuvrer fréquemment.

           Concernant les navires à passagers, il a rappelé l'avantage que présentait la navigation dans une voie située à moins de 12 milles de la terre, permettant ainsi aux moyens de sauvetage de réagir rapidement en cas de sinistre majeur. De plus, par gros temps d'Ouest générant une forte houle de travers, ces navires bénéficient d'une navigation plus clémente en empruntant la double-voie.

           La délégation bahamienne, suivie par celle du Nigéria, a réitéré son opposition à la proposition de la France, exprimant sa crainte s'agissant en particulier de l'obligation, pour les navires faisant route vers le Sud autorisés à emprunter la voie à double sens, de croiser le trafic montant ou descendant, d'une possible interférence avec des engins de plus petite dimension et d'un afflux du trafic dans la voie à double sens.

           En réponse à cette objection, la majorité du groupe, à l'instigation des arguments de la France, a estimé que les navires naviguant vers le Sud avaient davantage de place pour changer de route entre le DST des Casquets et le DST d'Ouessant, qu'à la sortie de ce dernier. Cette mesure pourrait réduire le risque de situations rapprochées dans les voies d'accès au Sud du DST d'Ouessant. De toute façon, le président de séance a fait remarquer que les amendements proposés avaient valeur de recommandation, et que les navires ne pourraient en faire usage que si le capitaine le souhaitait. Le Groupe a également examiné la possibilité d'accroître la largeur de la route à double sens : la majorité du Groupe a considéré suffisante la largeur actuelle en fonction de la densité du trafic dans la zone, les Bahamas, le Liberia et le Nigeria en demandant l'élargissement.

           Le Groupe a modifié l'intitulé du texte proposé par la France: « Access to the two-way route would be authorized for », par le texte suivant: « The two-way route may be used by », et a approuvé les propositions d'amendements à apporter au DST d'Ouessant.

  5. Projet de rapport au Comité de la Sécurité Maritime
  6.        Réuni en séance plénière le 6 juillet, le Sous-comité a approuvé les amendements à apporter au DST existant d'Ouessant, et a invité le Comité à les adopter.

           Devant l'inquiétude du Panama rappelant les observations des Bahamas, le président du Sous-comité a insisté sur le fait que cette modification n'avait qu'une valeur de recommandation, et que son usage était laissé à la décision du capitaine. De son côté, le président du groupe de travail a affirmé que le capitaine n'était pas obligé d'emprunter la voie à double sens.

           La modification est libellée comme suit :
    The two-way route may be used by:
    • passengers ships
    • ships of less than 6000 gross tonnage, travelling from or towards a port situated between Cape Finisterre and Cap de la Hague

    Cette autorisation ne s'applique pas aux navires transportant des hydrocarbures, des matières dangereuses, du gaz et des matières nucléaires.
       La proposition approuvée par le Sous-comité NAV sera transmise au Comité de la Sécurité Maritime (MSC) pour adoption définitive. La modification de la réglementation du DST d'Ouessant ainsi adoptée par l'OMI entrera en vigueur au plus tôt six mois après son adoption. La prochaine session du MSC (MSC 91) aura lieu du 26 au 30 novembre 2012.

R.TYL, membre de l'AFCAN
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