Retour au menu
Retour au menu
Visite au BEAmer


En janvier 2014, suite à une commission rogatoire du TGI de Marseille, la section de recherche de la Gendarmerie Maritime de Toulon a souhaité connaitre l'avis de l'AFCAN sur les précautions prises après la chute d'une embarcation de sauvetage du CMA CGM Christophe Colomb en avril 2011. C'était l'objet d'une visite à cette section de recherche, et de constater que ses enquêtes portent exclusivement sur la recherche d'éventuelles culpabilités, et restent donc dans le champ du pénal, alors que les enquêtes du BEAmer sont uniquement factuelles, et ne peuvent donner matière à poursuites. Cette différence fondamentale donne un intérêt particulier aux informations données en décembre 2013 par le directeur du BEAmer à une délégation de l'AFCAN, et que nous publions ici.





HISTORIQUE

Situation antérieure à 1997 :
SITUATION ACTUELLE

Le BEAmer a été créé en décembre 1997, afin de systématiser et de centraliser les enquêtes techniques après événements de mer. Jusqu'à 2002, sa dénomination était «commission permanente d'enquête». MISSION ACTUELLE

EXERCICE DE LA MISSION

Pour l'exercice de sa mission, le BEAmer peut faire appel à l'ensemble des services de l'État, compétents dans leurs domaines respectifs. Les services de l'État et les collectivités territoriales sont tenus de lui signaler sans délai tout accident.
L'entrave à l'action des enquêteurs est réprimée par la loi.

L'ACTION

Elle s'inscrit dans un cadre juridique très large qui comprend plusieurs niveaux:
Le Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents et incidents de mer adopté par l'Organisation Maritime Internationale, [Résolution A.849(20) du 27 novembre 1997 & Résolution A.884(21) Amendements sur les facteurs humains adoptés le 25 novembre 1999],
La résolution MSC.255(84) adoptée le 16 mai 2008, entrée en vigueur le 01.01.2010 relative à l'adoption de normes internationales et pratiques recommandées applicables à une enquête de sécurité sur un accident de mer ou un incident de mer (Code pour les enquêtes sur les accidents) publiée par le décret n°2010-1577 du 16.12.2010).

Codification des événements de mer :
  • Les "accidents très graves" sont des accidents survenus à des navires qui entraînent la perte totale du navire, des pertes en vies humaines ou une pollution grave dont la définition est la suivante, (telle qu'arrêtée par le Comité de la protection du milieu marin à sa trente-septième session (MEPC 37/22, paragraphe 5.8)) :
    "Une «pollution grave» est un cas de pollution qui, tel qu'évalué par l'État ou les États côtiers touchés ou par l'État du pavillon, selon qu'il convient, a, pour le milieu marin, des conséquences néfastes très importantes, ou qui aurait eu de telles conséquences si des mesures de prévention n'avaient pas été prises".
  • Les "accidents graves" sont des accidents survenus à des navires qui ne répondent pas aux critères d'un «accident très grave» et qui sont dus à un incendie, une explosion, un abordage, un échouement, une avarie par contact, une avarie due au gros temps, une avarie causée par les glaces, une fissuration de la coque ou une défectuosité présumée de la coque entraînant :
    • une immobilisation des machines principales, des dommages importants dans les locaux d'habitation, des dommages de structure graves, tels qu'une brèche dans la coque sous la flottaison, etc., rendant le navire inapte à prendre la mer (le navire est dans un état qui ne correspond pas pour l'essentiel aux dispositions des conventions applicables et qui présente un danger pour le navire lui-même et pour les personnes à bord, ou encore un danger excessif pour le milieu marin),
    • ou une pollution (quelle qu'en soit l'ampleur),
    • et/ou une panne nécessitant un remorquage ou le secours de services côtiers.
  • Les "accidents moins graves" sont des accidents qui ne répondent pas aux critères d'un "accident très grave" ou d'un "accident grave" et qui englobent également, aux fins de l'enregistrement, des renseignements utiles.
  • Les "incidents de mer", ceux-ci comprennent quant à eux les "événements potentiellement dangereux" et les "quasi-abordages".
Le Code de l'OMI classe la famille d'accidents corporels, selon leur gravité, en quatre catégories :
  • l'accident professionnel très grave lorsqu'il y a décès de la personne dans une période inférieure à un mois par rapport à la date de l'accident.
  • l'accident professionnel grave lorsqu'un arrêt de travail de plus de 72 heures est prononcé dans un délai inférieur à 7 jours par rapport à la date de l'accident ou dans le cas d'une hospitalisation de plus de 24 heures.
  • L'accident professionnel moins grave qui résulte d'un arrêt de travail de moins de 72 heures prononcé dans un délai inférieur à 7 jours par rapport à la date de l'accident.
  • L'incident professionnel dans les autres situations.

Action au plan international
  • La participation au Marine Accident Investigator's International Forum
  • Le MAIIF est une organisation à but non lucratif, dédiée à l'amélioration de la sécurité maritime et la prévention de la pollution maritime au moyen de l'échange d'idées, d'expérience et d'informations obtenues dans les enquêtes menées sur les accidents maritimes.
    Exemple: ordre du jour de la 22ème réunion MAIIF :
    - VDR problems in safety investigations
    - Effective Recommendations for Safety Action
    - MAIIF Investigators Manual
    - Master/Pilot relationship
  • Les relations bilatérales avec les homologues : MAIB (UK); Norvège; Bahamas; Chypre; etc.

Action au plan européen :
L'Agence Européenne de Sécurité Maritime EMSA coordonne la méthodologie, favorise la coopération et veille au respect des obligations des États-membres
La Directive 2009/18/CE du 23 avril 2009 établit les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes, échéance transposition 17 juin 2011.
La transposition a été effectuée par le décret n°2012-668 du 04.05.2012 modifiant le décret n°2004-85 du 26.01.2004 relatifs aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre.
Eléments centraux de la Directive 2009/18/CE :
  • Article 5 : Obligation d'enquêter si « accident de mer très grave » et évaluation préalable avant décision d'enquêter ou non si « accident grave » avec notification des motifs si non enquête
  • Règlement (CE) 1286/11 du 09.11.2011 portant adoption d'une méthodologie commune pour enquêter
  • Article 10 : Cadre de coopération permanente : le PCF (permanent cooperation framework) plateforme opérationnelle
  • Article 17 : EMCIP (European Marine Casualty Information Platform) base de données européenne sur les accidents de mer
Action au plan national
  • Loi 2002-3 du 3 janvier 2002 relative à l'exploitation des infrastructures et systèmes de transport, aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre ou aérien (Code des transports / ordonnance 2010-1307 du 28 octobre 2010 partie législative).
  • Décret n°2004-85 du 26 janvier 2004 modifié par décret n° 2012-668 du 4 mai 2012 relatif aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, en cours de codification Code des transports partie réglementaire.
  • L'arrêté du 1er juillet 2004 du ministre chargé de la Mer portant organisation du Bureau d'Enquêtes sur les Événements de Mer (BEAmer).
  • L'arrêté du 3 mai 2004 du ministre de la Justice établissant la liste des autorités ou organismes chargés de réaliser des recherches ou enquêtes techniques.
Les moyens du BEA mer
Le BEAmer comprend :
  • une équipe centrale permanente basée à Paris,
  • un réseau local d'enquêteurs non permanents (correspondants locaux) répartis sur le littoral,
  • un réseau d'experts, retenus en raison de leurs compétences particulières, y compris des experts étrangers utilisés en fonction des événements.
Il dispose :
  • des moyens informatiques nécessaires pour la lecture des enregistreurs de données de voyage VDR ou « boîtes noires »,
  • de crédits permettant la réalisation d'études, d'analyses, d'expertises ou de calcul ou les renflouements d'épaves.
  • d'enquêteurs commissionnés par le ministre chargé de la Mer :
    • qui agissent en toute indépendance
    • qui sont tenus au secret professionnel
    • qui peuvent faire appel à tout service de l'État
    L'entrave à leur action est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.
Les enquêtes techniques
L'objectif de ces enquêtes est l'établissement des circonstances et la recherche des causes des événements de mer en vue d’en tirer des recommandations de sécurité. Cela exclut toute attribution de responsabilité civile ou pénale. Ces enquêtes sont effectuées dans le respect du droit maritime international.
Champ d’application :
  • Navires civils battant pavillon français où qu’ils se trouvent.
  • Navires étrangers lorsque l’événement de mer s’est produit dans les eaux intérieures ou dans la mer territoriale française.
  • Événement de mer, où qu’il se soit produit, si blessures graves à des ressortissants français, ou causé un grave préjudice au territoire français, à l’environnement, aux installations ou ouvrages sur lesquels la France exerce sa juridiction.
Déroulement de l'enquête technique
  • Ouverture par le directeur du BEAmer, à son initiative ou sur demande du ministre chargé de la Mer (MEDDE) dans les conditions fixées par les normes internationales (OMI)
  • Méthodologie :
    • Établissement des faits.
    • Audition des personnes en rapport avec l’événement, étude des documents, procédures, dossiers.
    • Réalisation d’études ou d’expertises si nécessaire.
    • Analyse des faits et des informations et détermination de la séquence des événements, des circonstances et des causes certaines ou possibles de l’événement.
    • Établissement de recommandations de sécurité.
Les principes de base de l’enquête technique
  • Premières décisions à prendre :
    • Recueil des premiers éléments pour éviter leur altération ou disparition.
    • Établissement d’une liste des témoins à auditionner sans attendre.
    • Sauvegardes VDR, ECDIS, AIS.
    • Récupération de tous documents de bord (cartes, certificats, brevets, journaux de bord).
    • Mise en place d’une éventuelle investigation sous-marine ou relevage d'épave.
  • Conduite des entretiens
    • Lieu adapté.
    • Interprète, psychologue (si besoin).
    • Sans personne tierce : avocat, capitaine d'armement….
    • Deux enquêteurs au moins, pas plus de trois.
    • Présentation et rappel de la finalité de l'enquête.
    • Pas de PV, des notes (protection des témoins).
  • Reconstitution de la chaîne des événements
    • Classement des faits.
    • Examens ou calculs complémentaires.
    • Elimination des faits qui n’aideront pas à la compréhension de l’événement et ne conduiront pas à des recommandations.
    • Si des faits ne peuvent être prouvés, on le précise.
    • Pour chaque fait répertorié, il faut répondre aux questions afin d'établir très précisément la séquence des événements : Quoi? - Qui? - Où? - Quand? - Comment? - Combien? - Pourquoi?
  • Recherche des facteurs - méthodes d'analyse pour rechercher les facteurs
    • l'analyse des défenses :
    • Le principe est qu'une défense est posée pour éviter la survenance d'un fait accidentel
      Si le fait survient, c'est que la défense n'est pas adéquate, ou présente une défaillance
      Un système est constitué d'une succession de défenses
      Elles peuvent être physiques, ou immatérielles (procédures, méthodes de gestion etc…)
    • l’analyse des écarts
    • Le principe est d'analyser la différence entre la situation « normale » et la situation au moment de l'accident
      Cette méthode permet de déceler les écarts survenus dans le système, donc de déceler les facteurs sous-jacents.
    • l’arbre des causes
    • Le but est de différencier les faits accidentels des conditions dans lesquelles ils se sont produits
      En cherchant comment une condition est apparue et comment le système l'a laissée exister
      On en déduit le facteur à l'origine du fait.
  • l'analyse du facteur humain
  • Le rôle de l'élément humain est une question complexe et multidimensionnelle qui a des incidences à la fois sur la sécurité maritime et sur la protection du milieu marin. Cette question comprend toute la gamme d'activités exercées par l'homme, que ce soit les membres de l'équipage du navire, la direction à terre, les organismes de réglementation, les sociétés de classification, les chantiers navals, les législateurs ou les autres parties intéressées.
    • éclairage différent et complémentaire des méthodes d'analyse précédentes
    • détecter les erreurs dans les prises de décision de l'opérateur d'un système
    • l'erreur humaine, longtemps considérée comme source d'accident, est maintenant intégrée aux systèmes.
  • Méthodes d'analyse du facteur humain
    • le modèle SHEL (Software, Hardware, Environment, Liveware)
    • le modèle hybride SHEL-REASON (fondé sur la causalité des accidents : pourquoi, comment)
    • le modèle GEMS (déterminer le processus de décision, involontaire, délibérée, étourderie, oubli, erreur ou infraction)
    • le modèle S.R.K. de RASMUSSEN (Skiff, Rule, Knowledge, savoir-faire, procédures, connaissances) : l'opérateur s'adapte aux contraintes de son environnement et donc aux situations.

 

Le rapport d’enquête
généralités
  • Le rapport doit refléter une suite logique : constatations et chaîne des faits, détermination des facteurs déterminants et sous-jacents, recommandations
  • Le rapport ne doit comporter aucun nom propre de personne, acteur ou témoin de l'accident
  • Il ne doit comporter aucun élément ne reposant pas sur des faits établis. Une hypothèse doit être présentée comme telle
  • Tout jugement de valeur doit être proscrit.
contenu
  • Avant-propos : objet de l'enquête
  • Résumé de l'événement de mer et de ses conséquences
  • Informations factuelles : exploitation, navire, équipage
  • Chronologie des faits ayant conduit à l'accident
  • Analyse
  • Conclusions
  • Recommandations.
recommandations
  • Elles sont le but de l'enquête
  • Une recommandation doit découler d'un facteur causal clairement identifié
  • Le destinataire de la recommandation doit être identifié
  • La recommandation doit être réalisable.
Les suites données aux recommandations
Les CATS: S'agissant des suites à donner, par l’administration, aux recommandations émises dans les rapports définitifs d'enquête technique, une évaluation est opérée tous les six mois par un Comité d'Analyse Technique et de Suivi, placé sous la présidence du directeur des affaires maritimes.
Les études
En plus des enquêtes après accident, le BEAmer conduit également des études, à partir des conclusions des enquêtes :
  • Études en cours de publication : Synthèse des études SIREHNA et DGA Techniques hydrodynamiques sur la stabilité / naufrage du chalutier l'EPAULARD le 20 janvier 2010
  • Études en cours : la stabilité des chalutiers lors de croches, l'assèchement et l'incendie à bord des navires de pêche,

Bilan d'activité 2012 du BEA Mer

25 investigations préliminaires
14 enquêtes techniques après accident


Cdt François-Xavier Pizon


Retour au menu
Retour au menu