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École Nationale de la Magistrature :
Développement durable - Pollutions marines.

Commentaire d'un capitaine de navire.



Notre collègue Philippe SUSSAC a présenté et expliqué, les procédures, les difficultés ainsi que les responsabilités du capitaine en matière de protection de l'environnement et de lutte contre la pollution.



       Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, je remercie l'école de la magistrature de donner l'occasion à un capitaine de navire de s'exprimer sur l'environnement, le développement durable et également sur la responsabilité du capitaine. Comme demandé, je pense vous donner quelques explications concrètes sur la gestion des résidus - surtout machine - (tous les intervenants ont des obligations), puis une opinion sur la répression des pollutions (en particulier que les lois Françaises ont eu, longtemps, un résultat inverse à celui recherché); quelques mots sur le développement durable; puis quelques mots sur la responsabilité du capitaine qui est assumée, mais il accepte mal des évolutions matérielles ou juridiques qui l'amènent à être responsable de choses sur lesquelles il n'a pas d'action possible ou qui lui sont garanties par ailleurs, ou bien quand des règles censées le protéger sont ignorées, et pour finir être considéré comme un grand délinquant.

       Avant des considérations pratiques, quelques unes plus générales. Ne jamais perdre de vue que la pollution de l'environnement marin vient essentiellement de terre; celle venant des transports maritimes par accident et rejet licite ou illicite est faible (<10%).

       Le navire est un moyen de transport sur lequel on vit, élément autonome qui doit donc gérer ses résidus - d'exploitation ou de marchandises. Des pollutions involontaires ou accidentelles peuvent survenir, d'autres fautives peuvent venir de plusieurs causes ou responsabilités. Les accidents peuvent bien sûr amener des conséquences très graves. Compte tenu du fait que 90% du transport mondial se fait par mer, ce transport est largement le moins consommateur d'énergie, le moins polluant et très largement le moins cher.

       Depuis 50 ans, le contexte a amené des armateurs à inscrire leurs navires dans des registres ouverts par de nombreux pays de "libre immatriculation" (plus économiques), quelquefois peu soucieux de leurs obligations (définies en particulier par la convention dite de Montego Bay) (respect des règlementations, conditions de travail).

Pour la gestion, en exploitation, des substances polluantes ou des résidus, il y a évidemment des textes très nombreux.
  • Les textes de base viennent de l'OMI (Organisation Maritime Internationale) émanation directe de l'ONU. Le principal est la convention MARPOL détaillant les catégories de rejet, les obligations des différents intervenants, les certificats et journaux obligatoires, les zones spéciales et les cas d'exonération; les textes du MEPC (Marine environment protection committee); code IMDG (marchandises dangereuses); ISM, ….etc
  • Des textes internationaux, dans ce cas, principalement la convention sur les compétences de l'état estimant être menacé par un danger, la création d'une zone écologique spéciale en Méditerranée (à la place de la ZEE)…
  • Différents textes nationaux quelquefois très stricts.
  • Des textes Européens: accord de Bonn, des textes en projet.
  • Des textes Français: Code de l'environnement, et aussi des directives ministérielles dont spécialement une dans le cas qui nous occupe.
  • En rapport avec le transport pétrolier, la convention Fipol.

  1. EXPLOITATION DE NAVIRES "NORMAUX"


  2. Eaux usées domestiques :

           Les navires ont les équipements ad-hoc, il n'est pas gênant de s'en servir. Contrôle facile. Certaines zones supposent un équipement beaucoup plus sophistiqué (Alaska).
    Ordures:

           Tri sélectif selon la distance des côtes, broyeur et éventuellement compacteur ou incinération. Zéro rejet de plastique. En escale, service très différent selon les ports: depuis le meilleur jusqu'à un manque de service ou bien refus de toute substance non organique (!). Journal à tenir (avec reçus éventuels des ports), le contrôle est assez facile.
    Gestion du ballast :



           C'est devenu, avec celle des hydrocarbures, un problème très important de la conduite du navire. Disparités entre les pays. Cependant, on peut dégager une tendance générale qui est : garantie d'absence de rejet pendant le séjour ou garantie d'absence d'organismes vivants étrangers, ou alors obligation d'avoir échangé l'eau en haute mer. Journal à tenir, bien sûr. Le problème est très différent suivant les navires. - nouveaux articles du code de l'environnement, allusion dans le livre vert de la CE: je développe un peu - Un transporteur de vrac (pétrolier, minéralier), n'ayant en général que deux ports par voyage, va ballaster ou déballaster d'un coup. Par exemple, un minéralier de 200.000t prend 85.000t de ballast avec un pompage à 7.000 t/h (max théorique). Pour l'élimination du "vivant", aucun équipement, pour le moment, n'est vraiment satisfaisant, et un traitement chimique n'est pas souhaitable (rejet futur). Si on a le temps, loin des côtes, la méthode de débordement et de pompage de trois fois la capacité est préférable à l'échange (par vidange et remplissage) qui engage la navigabilité du navire et aussi la structure (on doit bien sûr surveiller la stabilité, mais un navire n'est pas rigide et a des contraintes maximum de flexion ou d'efforts tranchants). Le problème est différent avec un porte container qui ballaste continuellement en opérations avec des débits importants, navigue avec de grosses quantités de ballast (un 4000 boites pourra avoir plus de 20000 t) destinées à la stabilité, mais aussi (surtout) à corriger les contraintes auxquelles s'ajoute la torsion, ballastage calculé en fonction du chargement qui peut être très irrégulier et qu'il est donc délicat de faire varier ; on arrive à de vraies impossibilités. Des pays publient des règles en parlant d'équipements agréés qui n'existent pas encore. Il y a également le problème des sédiments, pris en rivière, dont il faut essayer de se débarrasser. Les contrôles sont différents selon les états (parfois approfondis).
    Pollution de l'air :

           L'annexe Six (de MARPOL) a été longue à avoir la ratification (beaucoup reculent devant les conditions). Mais sans attendre une entrée en vigueur, il y a eu des zones SECA (Sulfur emission control area) où il faut utiliser un combustible particulier (low sulfur) et bien sûr arrêter l'incinérateur. (la 1ère a été Baltique… cas de la Californie.. Branchement à terre en escale: illusoire).

           Cela amène à parler un peu plus du combustible fourni. Le prix du produit a amené (sauf cas spécial) à avoir de gros moteurs économes pouvant brûler du fuel lourd, de qualité variable, mais de toute façon "fin de raffinage" dans lequel reste en fait tout ce qu'on a extrait des produits plus légers: eau, soufre, impuretés. Pour fixer les idées les normes maximum admises pour le 380 cst (courant mais, maintenant, on voit parfois encore plus lourd) sont: densité 0,991, soufre max 4,5%, eau 1%, et ?? résidus divers, point d'écoulement max 30°. Il faut, donc, poursuivre l'épuration à bord, chauffer pour tout mouvement et à 135° environ pour injection (vapeur de chaudière sur les échappements). Consommation: Il faut compter 150/160 g/ch/h. (25000cv: 90 t/jour, 70000cv: 270 t/j). (130 g/ch/h moteurs très économiques).
    Gestion des résidus machine :

           Il y en a deux principales: Combustible/huiles et eaux huileuses. La gestion de ces résidus est une occupation constante dans la conduite du navire.

    • Combustible :

    •        Un fuel donne après épuration (décantation, centrifugeuse) une moyenne de 1% du poids en "boues" stockées dans une citerne : "caisse à boues".

    • Huile :

    •        Il faut prendre un exemple : moteur 30.000 cv, huile mouvements charge de 30 t passe continuellement à l'épuration, huile cylindre consommation 800 l / jour. Cela donne des résidus: 100 l (caisse à boues), et déchets solides ("chapelles" du collecteur de balayage) 200 l mensuels (fûts).

             Les seules sorties de la caisse à boues sont le circuit pour mise à terre et le circuit vers l'incinérateur. Le produit brûle très mal, retour des imbrûlés à la caisse à boues ; la marche de cet appareil est dangereuse sans surveillance et même si tout va bien, on ne peut traiter en totalité, de toute façon usage interdit en escale.

    • Mise à terre:

    •        Ces boues, dont, au fond, les raffineries se sont débarrassées à bord des navires, ne sont pas bienvenues dans les ports de la plupart des pays. De très rares pays les valorisent et les prennent volontiers (et même, faits exceptionnels, les payaient). MARPOL rend la disponibilité des installations de réception obligatoire sur simple demande à un prix raisonnable ; on en est loin. Dans les ports qui le font, on peut avoir un camion (le plus commode, un semi prendra une trentaine de tonnes) ou une barge; mais souvent tous les prétextes sont bons pour ne pas fournir le service : préavis soi-disant insuffisant, nuit, week-end, la barge ne veut pas accoster dans les formes arrière, la manutention ne voudra pas travailler alors qu'on transfère des déchêts, doute sur la garantie du paiement… Par ailleurs, les textes obligent un port à refuser le départ d'un navire qui n'a pas les disponibilités suffisantes pour les résidus prévus du voyage à venir: A ma connaissance, cela n'est JAMAIS arrivé.

             La mise à terre des résidus solides "chapelle" est un apprentissage de différentes procédures nationales.

    • Eaux huileuses :

    •        Il y a l'eau de lavages divers mélangée aux produits utilisés (y compris à l'atelier), petites fuites recueillies dans des gattes diverses ou au puisard. Ensuite l'eau des lessivages périodiques (mensuels) : Échangeurs des réfrigérants d'air (colorée par le produit utilisé) ; chaudière de récupération (suies), décantée mais reste sombre sans être spécialement grasse ; puis les condensations, en particulier réfrigérant d'air (sortie des turbo-compresseurs) qui peuvent être importantes en région chaude. Tout cela va dans la caisse à eau de cale, dont la vidange doit se faire avec le fameux séparateur d'eaux mazouteuses à 15 ppm. taux de rejet autorisé, spécial aux navires en marche, assez loin de la côte et, bien sûr, hors zone spéciale. (15 parties par million, cela représente 1 lit. pour 70 m3 en mélange homogène - 2 citernes semi-remorques).

             Cette caisse n'est pas un fourre tout, on essaie de ne jamais la vider complètement afin de ne pas ramasser l'huile en surface et surtout de ne pas y introduire du lourd (les fuites de lourd accidentelles ou par démontage sont ramassées pour la caisse à boue et essuyées - les ports refusent les chiffons gras dans les ordures, (au feu sur le pont).

             Ce séparateur est basé sur des filtres, une ou des cellules (divers modèles) détectent la concentration et pilotent une vanne à trois voies qui ouvre ou ferme la sortie à la mer, l'autre voie étant le retour à la caisse. Les restes de lavage des filtres iront à la caisse à boues.

             Ces appareils sont certifiés et visités souvent par les inspecteurs (certificat avec visas). Mais l'essai de certification, même s'il est fait avec des échantillons calibrés, est fait à terre, au calme, sans vibrations qui peuvent être très importantes sur un navire en marche (seule condition autorisée de marche de l'appareil), de même que les visites ou expertises. L'entretien est fait selon des instructions détaillées du constructeur. L'appareil est limité à la séparation d'huiles légères et la pratique montre que le fonctionnement n'est pas satisfaisant, en particulier l'appareil réagit mal aux mélanges dus aux produits de lavage ou à aux émulsions provoquées par les vibrations. (pollution volontaire du capitaine !?).

             Certains armateurs installent deux appareils utilisés en série. Pour éviter absolument la marche inopportune, certains sont équipés de clef, on peut également verrouiller la vanne sortie à la mer.

             Normalement une alarme est enregistrée au journal machine si on pompe la caisse par le circuit d'assèchement. Un éventuel trucage des circuits est détectable au contrôle.

             Le texte MEPC 107(49) donne de nouvelles prescriptions : design difficile à trafiquer, alarme à l'ouverture de l'eau de nettoyage de cellule, fonctionnement correct avec une émulsion, enregistrement très détaillé (avec même position du navire) conservé pendant 3 ans. Applicable seulement aux appareils neufs, les constructeurs affirment qu'ils fonctionnent.

             Pour tout cela il y a de l'administratif : registres et journaux à tenir, déclarations à chaque escale des quantités à bord et capacités disponibles, enregistrements ou échantillons à conserver.

      (Remarque: Il est regrettable que toute cette gestion, comme un certain nombre de choses, ne soit pas vraiment prise en compte dans les décisions d'effectif par les administrations, les États, armateurs, contrôleurs. Sur les bateaux, la charge de travail est très lourde pour tout le monde)

  3. NAVIRES PETROLIERS :


  4.        Sur ces navires on peut "inerter" les espaces vides avec du gaz inerte produit à bord. L'absence d'obstacles dans les citernes des double coques et le lavage "au crude" ont presque annulé les restes de cargaison.

           Cependant, cas particulier, il peut arriver qu'on ait à faire un lavage à l'eau (pour réparation par ex.), il faut ensuite décanter dans une citerne, et rejeter l'eau, toujours à 15 ppm, zone autorisée, loin de la côte, avec un débit huileux max de 30 l par mille (1852m) (enregistrement automatique à conserver 5 ans); Le reste (slops) est à décharger, parce que un effet pervers de la double coque est que des affréteurs (faisant semblant de croire que tout est parfait) exigent quelquefois une arrivée au port avec "full capacity" disponible (en cas d'ordres de chargement tardifs, il faut rechercher une possibilité de vider dans une barge à un mouillage - dans certains ports de chargement, une (petite) installation de réception est là uniquement pour la bonne règle mais pas pour utilisation).

  5. LES POLLUTIONS ACCIDENTELLES


  6.        Elles peuvent avoir plusieurs causes : accident nautique (abordage, échouement, naufrage, incendie et même attaque terroriste ou piraterie), perte à la mer d'une marchandise polluante ou même toxique, mais aussi avarie entraînant un rejet inattendu. L'installation de regards sur les refoulements est illusoire (on ne verra pas 1 lit. parfaitement mélangé à 70 m3). Une fuite d'huile à la garniture d'étambot ne sera détectée qu'en faisant l'appoint, si elle est déjà assez importante; une avarie à un ballast ou aux circuits avec une légère communication avec du combustible est indétectable (on a vu que les règles sur le ballastage aggravaient la chose en faisant aller souvent au maximum des contraintes du navire), de même sur un circuit de réfrigérant d'huile (on mettra longtemps avant de détecter une petite fuite sur une quantité de 30 t ou plus), cela pourra donner des concentrations visibles d'avion.

           Les rejets colorés ne sont pas forcément des pollutions : chasse des suies, lavage des restes de cargaison charbon ou minerai (pertes des bennes sur le pont)…, mouvement de ballast pour essayer de rejeter les sédiments pris en rivière, ballastage après avoir pris de l'eau sale ou vaseuse qui peut être un peu grasse et, ayant commencé à décanter, pourra donner, par intervalles, des concentrations pouvant être visibles (on connaît les problèmes pour rejeter des vases lors des dragages des ports).

           Il est évident que tout rejet volontaire, donc fautif doit être sanctionné. Mais, on peut dire que ce taux de 15 ppm est spécial aux navires; par ex. une installation d'exploitation offshore peut rejeter, il y a eu un progrès le 1er janvier, 20 ppm en étant immobile et sans vraie limitation de débit: En fait, ce n'est pas une limitation (et certaines sont en zone spéciale).

           En France, pour la détection, on peut trouver anormal, je trouve anormal, que, selon la directive ministérielle applicable, une pollution détectée soit automatiquement qualifiée "volontaire" par un agent assermenté s'il n'y a pas d'accident nautique visible d'avion (abordage ou naufrage) ; un arrêt du rejet au signalement est même considéré comme confirmation de la faute! (si au cours d'un ballastage courant, un avion dit que vous polluez, le premier réflexe responsable est bien de tout arrêter pour essayer de voir ce qui se passe).

           Des photos sont admises comme preuve du rejet volontaire. Pour fixer les idées, le premier stade du code couleur de l'accord de Bonn est épaisseur 0,04 à 0,30 micromètres soit 40 à 300 litres au Km2. Une traînée de 10 km par 10 m fait 1/10 km2. Certains disent que la photo ne montre que des concentrations dépassant 100 ppm, c'est fallacieux: On ne prend pas la photo d'un mélange, mais bien d'un produit en surface qui a décanté rapidement (si on pouvait prendre des échantillons avec un chiffon, on aurait bien sûr une forte concentration, cela ne donne pas d'indication sur le taux du mélange rejeté).

           Le cas d'exonération pour rejet volontaire n'existe pas en général, sans échantillon la preuve de l'origine étrangère du produit est impossible, et même si le capitaine a donné des instructions et pris toutes les précautions possibles (y compris verrouillage du séparateur ou des vannes - que faire d'autre ?), ce n'est pas admis en général. Depuis le début : le rejet est volontaire et le capitaine coupable.

           L'amende pénale est énorme, extravagante, même si elle est transférée à 90% vers le propriétaire. Le capitaine est le seul poursuivi et, de plus, on l'a mis à la merci de malveillance ou sabotage, et même, malgré les consignes, de la simple incompétence d'un personnel.

           Je pense qu'il y a eu des injustices, en effet, à mon avis, pour parvenir à renverser un mauvais comportement de certains, qui datait d'une quinzaine d'années: Il a malheureusement fallu frapper exagérément (y compris, parfois, avec indemnités à certaines parties civiles peu sérieuses qui essayaient de justifier un préjudice à plusieurs milliers d'euros pour des litres à 150 milles de la côte) et, d'autre part, déployer des moyens importants de détection. En effet, en application des lois de 83, on poursuivait le capitaine seul (amende déjà énorme) et jamais l'armateur ; à l'époque, la mise à terre des boues était encore plus difficile que maintenant; j'ai de bonnes raisons de penser que quelques armateurs "malfaisants" ont rapidement vu que la France était le seul pays à ne pas les poursuivre, on ne pouvait saisir leur navire même par la suite, le capitaine étranger ne payait pas l'amende (un Français aurait été ruiné définitivement) et, surtout à l'époque, ils avaient peu de chance de se faire prendre ; je pense que c'était l'occasion de donner très discrètement des instructions précises au personnel mécanicien, si le bateau tournait en Europe. Il n'y avait pas effectivité de la sanction et pas de résultat ; les capitaines, et d'autres, criaient leur désapprobation dans le désert (j'ai été insulté par certains) ; on entendait dire n'importe quoi : que l'amende était moins chère que le traitement des déchets. Les amendes ont été augmentées, on a parlé de prison, c'était toujours sans viser l'armateur, celui qui avait à payer le traitement. Les pollutions augmentaient, ce qui ne s'est pas produit dans les pays voisins. En une quinzaine d'années, des malfaisants ont le temps de prendre des habitudes. C'est seulement ces dernières années, qu'on a frappé l'armateur surtout avec le détournement du navire, le résultat a été net... Mais est-il vraiment normal de parler d'amende jusqu'à 4 fois la valeur de la cargaison ? (et aussi de conserver une énorme amende à un capitaine le plus souvent sérieux et soucieux de l'environnement - dans lequel il vit et travaille).

           De plus, le législateur a malheureusement pris l'habitude d'amende extravagante, le texte Français récent sur le ballastage prévoit jusqu'à 300.000 Euros d'amende pour un rejet d'eau de mer: C'est un cauchemar !

           Par ailleurs (pourquoi ne pas le dire ?) les capitaines constatent avec "tristesse" la différence de traitement pénal entre le leur et celui de cas de pollution hydrocarbure à terre (!?!) même quand une enquête montre que des procédures n'ont pas été respectées.

  7. PERTE DE MARCHANDISE




  8.        Un container à la mer est un danger pour la navigation et, en cas de polluant, pour l'environnement. (j'ouvre une parenthèse, la classification IMDG des marchandises dangereuses est très large; par ex : un extincteur est classé : 2.2 - Le CEDRE a indiqué que la liste IMDG du MSC Napoli faisait 106 pages avec 7 entrées par page, ce n'est pas étonnant et on le sait bien puisque l'on fait récapitulatif et déclaration à chaque escale - tout cela d'après déclaration du chargeur). Le système de saisissage est calculé et approuvé (Classification et Administration certifient la fiabilité d'un système) - bien que certaines choses soient peut-être à repenser : hauteur et poids autorisés des piles en pontée -, la mise en place est effectuée au rythme très rapide du chargement, la surveillance est plus ou moins facile et dans des conditions différentes selon les ports. Mais la structure (et les "coins") des containers sont une composante majeure de la tenue. Dans des contentieux, il suffit de voir des photos de groupes entiers écroulés pour comprendre que la faiblesse d'un ou quelques containers a entraîné l'écroulement de tout un groupe, dans ce cas on a vu des navires arriver avec des piles de 3 ou 4 penchées à l'extérieur : cela montre bien un saisissage performant si le container est en état. Ces pertes sont un dommage commercial et un danger pour le navire (brusque déplacement de poids dans le mauvais temps) et ne sont donc pas "négligeables" comme cela a été dit parfois. Mais je crois savoir qu'une association fait du lobbying pour qu'une loi définisse une telle perte comme rejet volontaire et fautif de ce "méchant capitaine". (Les pertes importantes survenues sur des navires récents début 2006 sont sans doute un cas particulier)

           Dans les pollutions, on peut ajouter la dispersion des produits des peintures anti-fouling (coque), question non encore vraiment réglée malgré l'abandon des peintures Tributylétain ; et (cas particuliers) les vapeurs de cargaison (navires pétroliers ou gaziers), et diverses nuisances de navires spéciaux. Les gaz de type CFC sont maintenant interdits.

  9. QUELQUES MOTS SUR LE DEVELOPPEMENT DURABLE.


  10.        Le container a révolutionné le transport par mer et a été un facteur certain d'augmentation du tonnage transporté; le transport maritime ne coûte pas cher.

           Il y certainement beaucoup à dire sur certains transports et la tendance est encore à l'augmentation des vitesses commerciales, on peut parfois se demander pourquoi. De plus le porte-container transporte beaucoup de poids mort : ballast important et tare des containers. Ce transport a aussi augmenté et "éparpillé" la machinerie frigo. Cela entraîne aussi des transports de fuel lourd (Singapour a fourni en 2006 une moyenne quotidienne de 68000 -soixante huit mille- tonnes de combustible aux navires). Pour la profession, évidemment, la demande de transport est acquise (on ne refuse pas un transport parce qu'il est inutile ou bizarre d'un point de vue développement durable). Avec la lutte contre la pollution d'exploitation (incinérateur et séparateur performants, nouvelles peintures de coque…), il ne reste que l'amélioration des rendements et la lutte contre le gaspillage. (des moteurs économiques ont une consommation de 130 g/ch/h).

           Par exemple : L'eau douce est produite par distillation avec la chaleur du moteur. J'ai parlé plusieurs fois de la chaudière chauffée par les échappements, pour les puissances moyennes ou fortes, en route à la mer, on a là une source d'énergie importante > générateur électrique. On arrive à stopper les générateurs auxiliaires et même à faire un appoint significatif à la propulsion (par ex. Emma Maersk). Avec le même procédé, un autre progrès, réservé à certains navires, est le "pod", nacelle en dehors de la coque avec un moteur électrique et une hélice en "traction" (on étudie des "pompes hélices"), au total, on arrive (miracle!) à dépasser le rendement de Carnot du moteur diesel qui est au début. Le progrès à attendre dans le futur est l'amélioration de la qualité des combustibles fournis aux navires (pollution de l'air), espérons !

           Un mot sur les double coques: C'est, bien sûr, une diminution des risques de pollution dans les petits chocs ou la plupart des échouements, on a vu que cela avait amélioré le nettoyage des citernes des pétroliers. Mais cela a beaucoup augmenté les servitudes d'entretien et de visite, et les risques en cas de fissure ; ces navires vieilliront probablement assez vite. A mon avis, cela a aussi aggravé les conséquences en cas d'abordage à la mer à grande vitesse avec le navire chargé : naufrage quasi certain (ex. Ece).

  11. QUELQUES MOTS SUR LE CAPITAINE.


  12.        C'est un salarié particulier, préposé et représentant de l'armateur. Il est responsable de tout, cela est très facile à dire mais n'est pas facile à exercer. On pense de suite à la conduite du navire, la navigation et la sécurité, l'entretien (demande et suivi si c'est trop lourd pour le bord), mais il y en a beaucoup d'autres auxquelles on pense moins; quelques ex.: embarquement du combustible (pollution grave possible), le médical, la paye du personnel, maintenant le contrôle de l'identité et de la véracité des brevets de l'équipage (cela sera sans doute aidé par une carte internationale en projet), l'application du code ISPS pour la sûreté du navire, tout problème de marchandise, documentation (exploitant, ports, "veilleurs" divers (!)..)….etc..et éventuellement clandestins (last but not the least). Tout cela très rapidement et simultanément; avec les moyens modernes, le moindre problème génère un volume phénoménal de communication, cela ne facilite pas la sérénité. Par ailleurs la résolution OMI 443 reste lettre morte (protection de la décision).

           Salarié particulier : Tout litige avec son employeur devra passer au Tribunal de Commerce. Pour ses fautes nautiques, il peut passer au TMC (tribunal maritime commercial) qui juge sans appel, en application du code disciplinaire et pénal de la marine marchande.

           Ce professionnel est, dans la très grande majorité, très soucieux de l'environnement, dans son comportement de direction, d'action et de contrôle.

           Une tendance actuelle à la "criminalisation" est néfaste (et même dangereuse); transformer des accidents (sur des navires munis de tous les certificats possibles) en délits ou crimes alors qu'ils ont été gérés aussi bien que possible, que personne ne prouve qu'il aurait fait mieux, ou encore que la gestion après avarie ou accident a été imposée de l'extérieur, surtout quand c'est accompagné d'emprisonnement parfois très long: Tout cela n'est pas "bien".

           La dernière attaque contre l'autorité du capitaine (navire RIF ou Français) semble être un projet d'interdiction de séquestration à bord sauf avis d'un procureur. Si l'on obéit, des problèmes déjà difficiles vont devenir ingérables (crises mentales, clandestins).

           En conclusion, je vous demande de croire que le capitaine n'est pas le voyou trop souvent décrit et poursuivi, qu'il est soucieux de l'environnement marin, dont 90% de la pollution vient de terre.
Cdt Ph. SUSSAC


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