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POLLUTION AU LARGE...

Les faits :

      Le 25/02/01 un avion des douanes françaises remarque et photographie le sillage suspect du M/S STONEGATE, vraquier Panaméen en route du Brésil à Rotterdam, alors en Z.E.E. française. Le navire est contrôlé par les Affaires Maritimes lors de son passage dans le Pas de Calais. Les équipements antipollution (incinérateur, séparateur) sont réglementaires et en bon état. Le commandant bulgare refuse de signer le procès verbal établi en français.
      L'affaire passe à l'audience du T.C. de Paris le 07/01/02. Un an de prison, éventuellement avec sursis et 307.000 € d'amende sont requis. La défense, fournie par le P&I du navire plaide la relaxe et fait remarquer que de toute façon une peine de prison ne peut être prononcée contre un prévenu étranger qui n'avait pas commis de délit sur le territoire français. Autre argument de la défense : il n'y a pas eu de prélèvement et les photos n'ont pas été prises selon les recommandations de l'I.M.O.
      Jugement rendu fin janvier 2002. Se fiant uniquement sur la conviction de l'équipage de l'avion (encore que, d'après les renseignements que nous avons le commandant de l'aéronef n'ait pas été très affirmatif lors de l'audience) le Tribunal condamne le manning operator à 30.000 € d'amende, l'armateur à la même peine et le Commandant à 15.000 €. L'armateur ne fera vraisemblablement pas appel, jugeant que le jeu n'en vaut pas la chandelle, les demandes du procureur ayant été divisées par 5.
Vous trouverez ci dessous deux extraits :
  • TELEGRAMME DE BREST du 29/01/02,
  • Traduction d'une lettre de L'ITOPF au P&I club.

Extrait du "Télégramme" du 29-01-02 :

Le Capitaine d'un vraquier et les armateurs condamnés à 75 000 € d'amende.

PARIS:
Le capitaine bulgare d'un vraquier battant pavillon panaméen, surpris en février 2001 rejetant des hydrocarbures au large du Finistère Sud, a été condamné hier à 75 000 € d'amende par le tribunal correctionnel de Paris.

Le tribunal a prononcé cette amende à l'égard du capitaine Kasimir Kutsarov mais a indiqué qu'elle devrait être payée à concurrence de 30.000 € par la SA Monégasque d'Administration Maritime (Samama) et pour la même somme par la Zodiac Maritime Agencies Ltd, armateurs du navire.
A l'audience du 7 janvier dernier, à laquelle n'assistait pas le capitaine, une peine d'un an d'emprisonnement, éventuellement assortie du sursis, et 307.000 € d'amende avaient été requis.

Le 25 février 2001, un avion de la gendarmerie maritime avait constaté une traînée d'hydrocarbures à l'arrière du Stonegate, un vraquier qui pouvait transporter jusqu'à 100.000 tonnes de marchandises, qui allait du Brésil à Rotterdam.
Selon les enquêteurs, cette traînée d'hydrocarbures pouvait correspondre au lavage du moteur. Ces eaux sales provenant du lavage du moteur et des cales doivent être stockées dans des ballasts avant d'être déchargées dans les ports.
L'avocat du capitaine a plaidé qu'une peine de prison ne pouvait pas être prononcée pour un prévenu non français qui n'a pas commis de délit sur le territoire national. L'infraction a en effet été commise en zone économique française, c'est-à-dire entre 12 et 200 milles au large des côtes françaises. L'avocat avait ajouté que les 307.000 € requis étaient supérieurs au maximum de 150.000 € prévu à l'époque par la loi. Depuis mai 2001, la loi contre la pollution maritime a été durcie et prévoit jusqu'à 600.000 € d'amende.

A propos de ce navire, à plus de 12 milles des côtes, poursuivi pour pollution, les preuves étant des photos aériennes, voici la traduction d'un document intéressant qui donne des informations utiles mais ne lève pas le doute sur la nature de la pollution et la culpabilité du navire.

Traduction d'une lettre de L'ITOPF au P&I club.

… Les règlements en vigueur sont tirés de la Convention Internationale pour la prévention de la pollution par les navires, de 1973, comme modifiée par le Protocole de 1978, MARPOL 73/78 Annexe 1 (Huile) et Annexe 4 (eaux usées).
... Bien qu'en règle générale, un pétrolier soit autorisé à rejeter de l'huile à plus de 50 milles des côtes les plus proches, à un débit ne dépassant pas 30 litres au mille, cela ne s'applique pas à un vraquier. Le rejet opérationnel d'huile (pour les non pétroliers) d'un navire de 400 T de jauge brute ou plus, est autorisé seulement lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :
  • D'abord le navire ne doit pas être dans une zone spéciale.
  • Deuxièmement, le navire doit être en route.
  • Troisièmement, la teneur en huile de l'effluent, sans dilution, ne doit pas dépasser 15 ppm (part par million).
A cet égard il faut noter que, normalement, de telles concentrations sont invisibles, que ce soit une trace brillante ou un panache. Sur la photo fournie on peut voir un rejet.
En outre les navires de 10 000 tonnes de jauge brute et plus, doivent être équipés d'un système de séparateur d'huile avec alarme et arrêt automatique des rejets si la teneur en huile est supérieure à 15 ppm. Donc si le navire avait été en train de rejeter un mélange huileux aussi visible, l'alarme serait sortie. Cependant le rejet d'eaux usées à la mer n'est pas interdit pourvu que le navire soit à 12 milles ou plus de la côte.
Dans le cas qui nous intéresse, des photographies ont été prises dont plusieurs montrent une nappe qui va s'élargissant derrière le navire. De telles vues aériennes tendent à montrer que la nappe émane de ce navire plutôt que d'être traversée par le navire.
Cependant, selon la Résolution A 542 (13) adoptée par l'OMI (procédures pour le contrôle des navires et des rejets selon l'Annexe 1 de MARPOL 73n8), la photographie doit fournir des informations suffisamment claires pour déterminer si ce qui se trouve à la surface de l'eau est bien de l'huile et pour estimer la quantité d'huile rejetée. Pour pouvoir identifier de tels détails, au moins une photo doit être prise à la verticale du navire à une altitude de moins de 300 m, le soleil se trouvant dans le dos du photographe. Cette recommandation ne semble pas avoir été remplie par l'avion. Cependant d'autres preuves possibles auraient pu être réunies telles que description de la nappe, échantillon, ou des données de détecteurs à distance.
Pour conclure, il ne faut pas oublier que, se trouvant à plus de 12 milles de la côte la plus proche, le navire avait le droit de rejeter des eaux usées et il est possible qu'un tel rejet ait pu donner lieu à une telle nappe. Malgré tout, les autorités peuvent être en possession d'autres informations, telles que taille de la nappe, qui permettrait de ne pas tenir compte de cette possibilité.
En s'en tenant uniquement aux photos fournies, il n'est pas possible d'identifier la nature qualitative du rejet, et plus particulièrement faire la différence entre rejet huileux et eaux usées.


Le commentaire de L'Afcan :

La bonne nouvelle c'est que la responsabilité de l'armateur et du marchand d'hommes a été retenue et considérée comme double de celle du capitaine. La mauvaise, c'est qu'il y aura jurisprudence avec une condamnation se basant uniquement sur une photo aérienne et "l'impression" d'agents assermentés sur la nature du produit rejeté.
Pour une bonne application de la justice et notre image internationale il ne faudrait pas que les tribunaux français se basent uniquement sur les rapports d'agents assermentés aussi "expérimentés" soient-ils.

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