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La nationalité des capitaines de navire et la C.J.C.E.
Par le professeur Pierre Bonassies


      La règle que le capitaine d'un navire français doit être français remonte à 1681 - non pas d'ailleurs à l'Ordonnance de la Marine, mais à un autre texte édicté à la même date, le Règlement de Strasbourg.
      C'est cette règle qui est, non pas abolie, mais fortement menacée par les deux arrêts rendus par la Cour de Justice des Communautés le 30 septembre 2003, les arrêts Colegio de Oficiales de la Marina Mercante Espanola et Anker(1).

      Ce n'est pas la première fois que la question de la nationalité des capitaines de navire est posée à la Cour de Justice des Communautés. Mais, dans les espèces antérieures où elle avait rencontré cette question, sa décision n'était pas significative. Dans la première de ces espèces, n'étaient concernés que les emplois autres que celui de capitaine et de second capitaine, et la Cour, strictement tenue par les termes du renvoi à elle soumis, n'avait pu statuer sur le régime applicable à ces derniers (1er décembre 1993, Commission c. Belgique, Recueil des arrêts 1993.6299). Dans la seconde espèce, elle s'était bornée à constater, dans les limites à elle imposées par les termes même de l'action en manquement de la Commission, que la Grèce avait méconnu ses obligations communautaires en ne limitant pas l'exigence de la nationalité hellénique aux seuls emplois comportant une participation, directe ou indirecte, à l'exercice de la puissance publique, ce dans divers secteurs dont, entre autres, ceux de la navigation maritime et aérienne (2 juillet 1996, Commission c./ Grèce, Recueil des arrêts 1996.3285). Dans les deux arrêts du 30 septembre 2002, la Cour de Justice s'est, au contraire, prononcée nettement sur la question de la nationalité des capitaines, à l'occasion de litiges aux données, en quelque sorte, inversées.
  1.        Dans la première affaire soumise à la Cour, c'est un syndicat d'officiers espagnol qui contestait la décision de l'administration espagnole ayant ouvert l'accès à la fonction de capitaine aux ressortissants européens, en tout cas pour les navires inscrits sur le "registre spécial des navires et des armateurs" concernant les armateurs des Canaries ou y ayant un établissement permanent. Dans la seconde espèce, des ressortissants néerlandais contestaient le refus à eux opposé par l'administration allemande d'accéder aux fonctions de capitaine sur les navires affectés à la "petite navigation maritime" (Kleine Seeschiffahrt). Dans l'une et l'autre espèce, le juge national avait saisi la Cour de Justice d'un renvoi préjudiciel de l'article 234 du Traité de Communauté (ancien article 177).
          Ces renvois ont donné lieu à un débat approfondi. Comme les règles de la procédure communautaire les y autorisent, les gouvernements allemand, danois et français sont intervenus pour donner leur opinion. Tous ont défendu la thèse, assez classique, que les emplois de capitaine et de second pouvaient être réservés aux ressortissants de l'État du pavillon, en raison des fonctions relevant de "l'administration publique" confiées à ces officiers par cet État, notamment en matière d'exercice du pouvoir de police ou d'établissement d'actes d'État civil. En effet, si l'article 39 du Traité de Communauté (ancien article 48) pose le principe de la libre circulation des travailleurs, impliquant le libre accès de tout ressortissant d'un État membre à tout emploi salarié dans un autre État, dans son paragraphe 4, il réserve le cas des "emplois dans l'administration publique", emplois auxquels, selon l'analyse de la Cour de Justice elle-même, il y a lieu d'assimiler tout emploi comportant une participation directe ou indirecte à l'exercice de la puissance publique (en ce sens, entre autres, Commission c. Grèce, cité ci-dessus). - La Commission, qui est, elle aussi, intervenue aux débats, a défendu la même thèse.
          C'est toutefois la thèse opposée qui a été défendue par la Norvège. On peut s'étonner de la présence aux débats de la Norvège, laquelle a refusé d'entrer dans la Communauté, surtout lorsque l'on voit que cet État a défendu une opinion contraire à celle des "vrais membres" de la Communauté. En droit strict toutefois, il n'y a rien à redire à cette participation, la Norvège étant habilitée à intervenir en raison de sa qualité de membre de l'Espace Économique Européen, ensemble dont tous les ressortissants bénéficient de la liberté communautaire de circulation des salariés. Sur le fond, la Norvège a développé la thèse que les attributions publiques conférées aux capitaines sont trop limitées pour justifier la dérogation prévue au paragraphe 4 de l'article 39. Par ailleurs, pour elle, en raison des possibilités techniques actuelles, la nécessité de faire usage de telles attributions était plus faible qu'autrefois.
          C'est à peu près la même thèse qui a été reprise par l'avocat général, Madame Stix-Hackl. Sans contester que les prérogatives attribuées aux capitaines telles qu'évoquées ci-dessus ne constituent des prérogatives de puissance publique, elle observe que ce seul fait ne justifie pas que l'activité des capitaines soit qualifiée "d'administrative". Car, selon elle, ces prérogatives ne jouent aucun rôle en pratique, ou n'ont plus aucune importance pratique. L'emploi de capitaine, observe-t-elle constitue un emploi dans lequel "l'exercice de fonction de représentation de l'État joue en pratique un rôle très faible, voire nul". Et l'avocat général a conclu qu'il y avait lieu de répondre à la question posée que l'article 39 devait être interprété comme ne conférant pas à un État membre le droit de réserver à ses propres ressortissants les emplois de capitaine et de second de navires marchands.
          Entre les deux thèses opposées ainsi développées devant elle, la Cour de Justice a choisi une voie moyenne. Elle rappelle d'abord que les dispositions de l'article 39-4 (ancien article 48-4), qui excluent du principe de libre circulation des salariés les "emplois dans l'administration publiques", doivent recevoir, en tant que dispositions dérogatoires à une règle de principe - celle de la libre circulation des salariés -, une interprétation qui limite leur portée à ce qui est strictement nécessaire. Elle concède ensuite que le droit espagnol dans un cas, le droit allemand dans l'autre, confèrent aux capitaines de navire des prérogatives liées au maintien de la sécurité et à l'exercice de pouvoirs de police, comme des attributions en matière notariale ou d'état civil. Mais, pour que jouent les dispositions de l'article 39-4, encore faut-il que ces prérogatives soient effectivement exercées de façon habituelle, et ne représentent pas une part très réduite de l'activité des capitaines. Car l'exercice sporadique des dites prérogatives par un ressortissant d'un autre État membre ne saurait mettre en péril les intérêts de l'État membre concerné. Elle conclut donc que, compte tenu de ce qui précède, l'article 39, paragraphe 4, CE doit être interprété en ce sens qu'il n'autorise un État membre à réserver à ses ressortissants les emplois de capitaine et de second des navires marchands battant son pavillon qu'à la condition que les prérogatives de puissance publique attribuées aux capitaines et aux seconds de ces navires soient effectivement exercées de façon habituelle, et ne représentent pas une part très réduite de leurs activités (2).


  2.        Il faut certainement retenir comme positif le fait que la Cour de Justice admette que, dans certains cas, un État communautaire pourra limiter à ses nationaux l'accès aux fonctions de capitaine d'un navire arborant son pavillon. Mais, pour le surplus l'arrêt nous paraît appeler les plus grandes réserves. D'une part, le critère de distinction adopté par la Cour apparaît comme très malaisé à mettre en oeuvre, sinon même impraticable, tandis que, d'autre part et d'une manière générale, l'analyse de la Cour de Justice méconnaît gravement le caractère spécifique des missions du capitaine.
          Pour la Cour de Justice, c'est seulement si les prérogatives de puissance publique des capitaines sont exercées de façon habituelle et suffisante que le lien pavillon - nationalité du capitaine serait licite. Mais une telle analyse encourt plusieurs critiques.


          Tout d'abord, la Cour confond action ponctuelle de puissance publique et prérogative de puissance publique. Si l'on prend, par exemple, le cas du pouvoir disciplinaire du capitaine, il est sûr que les sanctions effectivement prononcées par lui peuvent être rares, et ne représenter qu'une part très réduite de ses activités. Il n'en demeure pas moins que son pouvoir disciplinaire - prérogative de puissance publique - est parfaitement "habituel", puisqu'il est permanent. Par ailleurs, le critère proposé par la Cour est frappé d'un vice fondamental : c'est un critère rétroactif, non susceptible d'être utilisé tel quel par un législateur ou une administration nationale. Ce n'est, en effet, qu'à la fin du voyage que l'on saura si un capitaine a exercé avec une intensité suffisante ses prérogatives de puissance publique, et si cet exercice a représenté une part adéquate de ses activités. Mais alors, comment, pour le législateur, faire à l'avance - ce qui est cependant sa tâche - le départ entre les situations où il pourra restreindre à ses nationaux l'accès aux fonctions de capitaine et les autres, où cet accès devra être ouvert ?

          Ensuite, et surtout, on doit se demander où tracer la ligne de partage. Le capitaine d'un navire de croisière qui a enregistré un décès, et qui a pris cinq mesures disciplinaires répond-il au critère posé par la Cour ? Ou faut-il qu'il ait enregistré dix décès, et pris trente mesures disciplinaires pour que l'on puisse considérer qu'il a exercé ses prérogatives de puissance publique "de façon habituelle", et que cet exercice représente une part non (très) réduite de ses activités ? Poser la question démontre l'absurdité de l'approche(3).
          Aussi bien, doit-on noter que la Cour elle-même a reculé devant la difficulté d'appliquer le critère défini par elle. Dans l'affaire Anker, c'est une question précise et concrète qui lui avait été posée : le droit communautaire (l'article 39 du Traité) doit-il être interprété comme autorisant ou non la réglementation allemande qui exige la nationalité allemande pour exercer l'activité de capitaine d'un navire engagé dans la "petite navigation maritime ?" (4). Et la Cour savait, par les indications mêmes de la juridiction de renvoi, que les emplois de capitaine de navire pratiquant la petite pêche "constituent des emplois dans lesquels la fonction de représentation de l'État du pavillon occupe, en pratique, une place insignifiante" (arrêt, paragraphe 64). Elle aurait donc pu apporter immédiatement une réponse négative à la question à elle posée (par exemple, dire : "non, l'article 39 n'autorise pas …"). Mais elle a préféré renvoyer au juge du fond la difficile tâche d'appliquer le critère établi par elle.
          Bien plus grave apparaît cependant le fait que le raisonnement de la Cour témoigne de sa part d'une méconnaissance totale de la spécificité des missions du capitaine de navire. Car le capitaine - contrairement à ce que paraît penser la Cour - ce n'est pas celui qui, occasionnellement, prend une mesure disciplinaire ou, une fois dans sa vie, remplace l'officier d'état civil. C'est d'abord celui qui, en haute mer, représente la norme juridique, et, en tous lieux, est garant de la sécurité du navire tant à l'égard de l'équipage qu'à l'égard des tiers. Et il y à là des missions permanentes qui sont bien au delà des critères évoqués par la Cour de Justice.
          Il est regrettable que la Cour, en particulier, n'ait pas fait référence à la mission du capitaine en haute mer comme représentant à bord du navire la norme juridique de l'État du pavillon (5). Car c'est là une mission fondamentale. Tous les spécialistes du droit de la mer l'ont relevé : sauf à laisser régner l'anarchie, il faut que le navire quand il est en haute mer soit rattaché à un ordre juridique. Certes, il est alors sous la protection du pavillon. Mais le pavillon n'est qu'une institution théorique, presque virtuelle (en situation de crise, on n'a jamais vu un "pavillon" réagir). Il marque un rattachement abstrait, au niveau des normes. Pour rattacher concrètement le navire et son équipage à un ordre juridique, il faut un médiateur humain. Ce médiateur, c'est le capitaine.
          Sans doute, un État peut accepter - comme le font certains - qu'un non-national représente son ordre juridique à bord de ses navires, et son choix devra être respecté. Mais beaucoup plus cohérent apparaît le choix des États qui limitent à leurs seuls nationaux l'exercice des responsabilités de capitaine à bord de leurs navires. L'harmonie qui s'établira entre le pavillon du navire, l'État du pavillon et la nationalité du capitaine sera la plus propre à assurer le respect du droit et la sécurité de tous. Aussi bien, la Convention sur le droit de la mer exige-t-elle dans son article 91 qu'il existe un lien substantiel entre l'État du pavillon et le navire. Comment mieux marquer ce lien qu'en posant notamment la règle que le capitaine devra être un national. Dans le même sens, la Convention des Nations Unies de 1988 sur les conditions de l'immatriculation des navires - texte auquel il faut reconnaître au moins une autorité morale - énonce-t-elle que l'État d'immatriculation devra respecter le principe qu'une partie satisfaisante de l'effectif des officiers et équipages soit constituée par des nationaux. Mais, là aussi, comment, pour un État, mieux respecter les exigences du législateur international, qu'en décidant de ne confier les navires portant son pavillon qu'à un capitaine "national".
          Et la mission du capitaine ici évoquée, celle de représenter l'ordre juridique de l'État du pavillon à bord du navire, et à travers cet ordre juridique ce que Kelsen appelle la "norme juridique fondamentale", est une mission qui, pour se référer aux expressions utilisées par la Cour de Justice, est exercée de façon non pas "habituelle" mais permanente, et par là ne peut certainement pas être considérée comme représentant une part très réduite de ses activités.

          Le capitaine assume une seconde mission, ici aussi de manière permanente, c'est d'être le garant de la sécurité du navire. Garant de la sécurité interne par le contrôle qu'il exerce sur l'équipage - contrôle fondé sur son pouvoir permanent de discipline. Garant de la sécurité "externe", sécurité de la navigation ou protection de l'environnement. Mais sur ce point aussi, le capitaine apparaît comme le représentant de l'État du pavillon. Car, assurer la sécurité du navire c'est aujourd'hui une obligation internationale impérieuse pour l'État du pavillon. Aux termes de l'article 94-3 de la Convention de 1982 sur le droit de la mer, cet État a en effet l'obligation de prendre à l'égard de ses navires "toutes mesures pour assurer la sécurité en mer", en tant que cette sécurité est liée à l'exploitation de ces mêmes navires, certaines des modalités de cette obligation étant précisées par les conventions de l'O.M.I. (Convention SOLAS, Convention Marpol, Code ISM). Mais l'obligation d'assurer la sécurité en mer à travers le contrôle exercé par lui sur ses navires, l'État du pavillon ne peut l'exercer "personnellement" qu'avant le départ du navire. Une fois que le navire a pris la mer, il doit nécessairement la déléguer au capitaine.

          Et demain, quand le Code ISPS entrera en vigueur, cette obligation d'assurer la sécurité se doublera d'une obligation d'assurer la sûreté du navire, obligation au caractère hautement de puissance publique, et qui devra, elle aussi, être, en mer, déléguée au capitaine.
          Enfin, en situation de crise, le capitaine apparaît comme un véritable acteur de la défense nationale. Durant la période de "guerre froide", tout navire français avait ainsi à bord des instructions secrètes, dont le commandant ne devait prendre connaissance que sur envoi d'un message codé, et qui lui indiquaient les mesures à prendre. Aujourd'hui, cette période semble dépassée. Mais, en cas de crise, et comme cela a été lors des guerres du golfe ou d'Irak, le commandant d'un navire de commerce français doit communiquer immédiatement sa situation à la marine nationale, étant alors tenu de respecter les instructions qui lui seront adressées. Et, dans le monde contemporain, nul ne sait quand la prochaine crise surviendra, qui fera des navires français - et de leurs capitaines - des auxiliaires de la marine nationale.
          Les observations proposées ci-dessus ont toute leur valeur pour les navires appelés à effectuer une navigation en haute mer (6). Mais, pour nous, elles gardent leur pertinence même pour les navires affectés à une navigation côtière. On doit d'abord envisager la possibilité pour ces navires de se dérouter dans les eaux internationales (hypothèse évoquée par le Gouvernement allemand dans l'affaire Anker, où ce qui était en cause c'était le régime des capitaines de "petite navigation maritime"), Par ailleurs, des incidents graves peuvent survenir même dans les eaux côtières, à cinq ou dix milles des côtes. Un capitaine, national de l'État du pavillon, apparaît plus apte qu'un non-national pour engager le dialogue avec les autorités maritimes concernées, et exécuter leurs instructions. En tout état de cause, même dans les eaux nationales le capitaine demeure garant de la sécurité du navire, et, demain, de la sûreté de celui-ci, ce qui justifie sans doute, même pour les navires côtiers, le maintien du principe de la nationalité française des capitaines ou patrons.
          En définitive, ce que le lecteur des arrêts peut regretter, c'est que la Cour de Justice des Communautés ait abordé le problème de la nationalité du capitaine par le biais d'une analyse réductrice, centrée sur telle ou telle activité mineure, et en tout état de cause partielle, du capitaine. Si elle avait envisagé le problème non pas "d'en bas" (pour utiliser une expression à la mode), en se fixant ainsi sur tel ou tel détail, mais "d'en haut", en le prenant dans son ensemble, elle aurait perçu la spécificité de la mission du capitaine, laquelle mission fait de lui une personne véritablement incomparable à toute autre. Peut-être alors sa décision eût-elle été différente.

  3.        En conclusion, on peut s'interroger sur les incidences concrètes que sont susceptibles d'avoir les arrêts Colegio de Oficiales et Anker, tant sur l'administration maritime française que sur les tribunaux français.

          S'agissant de l'administration, il lui appartiendra, si elle le juge opportun, de modifier la réglementation existante - par exemple en ouvrant aux ressortissants communautaires(7) les emplois de capitaine pour les bâtiments de navigation côtière ne sortant pas des eaux territoriales. Une telle réforme supposera toutefois l'intervention du législateur, la règle de la nationalité française du capitaine et de l'officier chargé de sa suppléance étant inscrite dans l'article 3 du Code du travail maritime, texte à valeur législative.
          Pour les tribunaux, ils sont strictement tenus de respecter la jurisprudence de la Cour de Justice, sous peine de censure par la Cour de cassation. Mais, cette règle posée, il semble que deux voies sont ouvertes à un juge qui, demain, serait expressément saisi du problème de la légalité communautaire de la réglementation française. Il peut d'abord considérer que les décisions du 30 septembre sont suffisamment claires pour pouvoir être appliquées. Il lui appartiendra alors, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, de dire, cas par cas et prenant en particulier en considération le type de navigation du navire en cause, si les prérogatives de puissance publique du capitaine de ce navire sont effectuées de façon habituelle, et représentent une part non réduite de ses activités.

    Rien toutefois ne lui interdira d'introduire dans son appréciation les éléments omis par la Cour de Justice (et notamment, pour les navires effectuant la plus grande part de leur navigation en haute mer, le pouvoir général du capitaine de représenter l'État français).
          Mais ce juge pourra aussi considérer que la Cour de Justice n'a pas donné une réponse suffisamment claire au problème, que - aussi - elle a omis de prendre en considération tel ou tel élément important (et notamment les missions spécifiques du capitaine). Dans une telle situation, alors même que la Cour de Justice a déjà statué sur l'interprétation de tel ou tel texte du doit communautaire, il est possible au juge national de lui poser à nouveau une question préjudicielle sur ce même texte, notamment si de nouveaux éléments de réflexion sont soumis à la Cour. C'est sans doute cette voie qui est souhaitable : que le juge saisi se refuse à une application immédiate des arrêts du 30 septembre, et saisisse à nouveau la Cour de Justice, - ce en faisant valoir devant elle, mieux que ne l'ont fait, dans les présentes espèces, le Tribunal Supremo ou le Schleswig-Holsteinisches Oberverwaltungsgericht, voire les représentants de la France, les aspects spécifiques - incomparables qu'ils sont, avons-nous relevé - du statut du capitaine.


  1. Voir le texte de ces arrêts.
  2. L'arrêt Colegio de Oficiales, emporte une seconde leçon, à savoir qu'un État ne peut subordonner à une condition de réciprocité l'accès d'un ressortissant d'un autre État membre aux emplois de capitaine. Mais la solution, affirmée dès les premières années de la Communauté, est si évidente qu'elle ne nous retiendra pas.
  3. En poussant la logique de l'analyse à l'extrême, on pourrait dire que l'approche utilisée est propre à inciter les capitaines à multiplier les incidents à bord de leur navire, pour mieux affirmer leur autorité juridique.
  4. Formellement, la question posée par la juridiction allemande était un peu différente. Mais, comme le fait quotidiennement la Cour de Justice - et comme elle l'a fait implicitement dans l'affaire Anker - nous "reformulons" la demande pour la rendre conforme aux dispositions de l'article 234 du Traité (ancien article 177).
  5. La même remarque peut être faite à propos des opinions manifestées par les États qui sont intervenus au débat. Si l'on se fie à la recension de ces opinions par l'Avocat général ou par la Cour, il ne semble pas qu'à aucun moment ils aient évoqué cet aspect, pourtant fondamental, du problème.
  6. Elles valent pareillement pour les navires qui se trouvent dans une zone économique exclusive, zone assimilée, du point de vue de la navigation, à la haute mer, ou pour ceux qui se trouvent dans les eaux d'un État étranger (mer territoriale ou eaux intérieures), les pouvoirs du capitaine en tant que représentant l'ordre juridique du pavillon devant toutefois ici s'harmoniser avec ceux de l'État côtier.
  7. Comme aux ressortissants d'un État membre de l'Espace Économique Européen (Norvège, Suisse, Islande et Liechtenstein).

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