Soyons clair d'entrée. La réponse nous paraît devoir être :
"ÉVIDEMMENT OUI"
(1). Quand on a trop souvent du pétrole plein les pieds et sur les côtes, il faut
aussi avoir des idées plein la tête quant aux conséquences à en tirer.
Mais d'abord, sans doute, faut-il relativiser en mettant en
parallèle l'énorme déferlement médiatique que provoque une marée noire (certes détestable, il ne s'agit
pas de le nier) avec le silence assourdissant qui préside à des catastrophes autrement épouvantables :
combien de pages pour le Joola
(2) ? Combien d'entrefilets, même en bas de page, pour annoncer les
naufrages de dizaines et dizaines de vraquiers entraînant à la mort des centaines ou milliers d'êtres
humains
(3).
Qu'on nous pardonne, dès lors, de trouver un peu dérisoire, en
comparaison, la mayonnaise médiatique autour des émulsions noires du Prestige et de l'émotion
surmédiatisée de ses victimes qui conduisent à s'indigner de la mort d'un cormoran mazouté (photos
pleine page) tout en ignorant les corps mourants d'innombrables marins dans des naufrages parfois
proches. Un être humain qui se décompose dans les océans
(4) ne provoque ni pollution, ni
indignation : bien au contraire, il engraisse les homards et les langoustes
(5) !
Revenons à nos moutons sur la mer ! Répondre à la question posée
suppose de soumettre à la critique de la raison pure les principes qui sous-tendent le système actuel de
l'OMI
(6) (2
ème partie).
En préalable, il convient donc de procéder à un rappel simplifié du
droit positif en matière d'indemnisation des dommages de pollution par les hydrocarbures (1
ère
partie).
Encore faudra-t-il, au bout du compte, s'interroger sur de nouvelles
pistes pour d'éventuelles solutions de remplacement du système existant (3
ème partie).
1ère partie: Les grands traits du système OMI 1992
Rappelons d'abord que les conventions 1969 et 1971, telles que
modifiées par les protocoles de novembre 1992, expriment la volonté des Etats, tant au moment de
l'élaboration de ces conventions, qu'aux moments de leur ratification, puis de leur application ; tant
que les Hautes Parties Contractantes ne dénoncent pas ces instruments diplomatiques, c'est qu'elles
estiment le système satisfaisant
(7) . Si les États-Unis ne sont pas Haute Partie
Contractante, c'est qu'ils considèrent le schéma "OMIsien" comme inacceptable, notamment en terme
d'indemnisation. Si la France, l'Espagne et la plupart des pays européens sont parties à ces
conventions, c'est que le système leur paraît convenable.
SUR LE PAPIER, les conventions organisent un système d'indemnisation à deux étages, dont la
caractéristique globale est qu'il s'agit, en cas de catastrophe de pollution majeure, d'une indemnisation
limitée, partielle. Le premier étage est celui de la "responsabilité" du propriétaire du navire pollueur ;
le second étage est celui de l'indemnisation complémentaire du FIPOL. Tout le monde, ici, sait cela.
- Premier étage d'indemnisation :
la responsabilité du propriétaire enregistré du navire pollueur (Conventions 1969/1992).
Cette responsabilité présente les caractéristiques suivantes : elle est canalisée, objective, limitée et
obligatoirement assurée.
Canalisée, elle désigne le "propriétaire enregistré" du navire
pollueur comme responsable exclusif de la catastrophe de marée noire. Les protocoles de 1992 prennent
même soin de renforcer la canalisation en excluant, en principe, toute poursuite contre l'un ou l'autre
des " acteurs maritimes " de l'opération de transport d'hydrocarbures ayant donné lieu à l'atteinte
environnementale. Cette canalisation ne souffre d'exception qu'en cas de faute inexcusable (ou
intentionnelle, évidemment) des personnes expressément placées sous son parapluie (8).
Objective, cette responsabilité est engagée par le seul fait de la
survenance de la catastrophe, sans qu'il soit besoin de prouver la faute de ce propriétaire enregistré.
Et les causes d'exonération sont rares. Il en existe d'ailleurs deux catégories :
- les causes d'exonération "générales",donc opposables "erga omnes" (naufrage résultant d'un
événement de guerre ou d'un phénomène naturel d'une gravité tout à fait exceptionnelle, faute
volontaire et totalement causale d'un tiers, erreur ou faute des autorités de l'État dans
l'entretien des feux ou aides à la navigation) ;
- et une cause d'exonération "individuelle", totale ou partielle, opposable à la victime dont
la faute intentionnelle ou la simple négligence a été à la source du dommage (article 3, par. 2
et 3) (9).
Limitée, cette responsabilité est calculée à l'ancienne mode en
fonction du tonnage du navire, à hauteur de 420 DTS par tonneaux, après une première mise forfaitaire de
3 millions de DTS pour les 5000 premiers tonneaux de jauge du navire pollueur (soit, pour Erika, 82
millions de francs environ, ± 12.500.000 € ; pour le Prestige, ± 24 millions €). Cette limitation cède
cependant en cas de faute intentionnelle ou de faute inexcusable du propriétaire responsable.
Cette responsabilité est obligatoirement assurée ou couverte par une
autre garantie financière (article 7 de la convention) ; le navire doit être porteur d'un certificat en
cours de validité attestant l'existence de cette couverture à hauteur de la responsabilité encourue (en
cas de faute inexcusable rendant la responsabilité illimitée, les clubs de protection - ce qui sera
la garantie la plus ordinaire - ne couvrent pas au-delà du plafond garanti).
- Deuxième étage d'indemnisation :
l'indemnisation complémentaire fournie par le FIPOL (Conventions 1971/1992).
On sait que le FIPOL intervient, à titre complémentaire, jusqu'à
hauteur maximale (pour l'instant) de 135 millions de DTS (10) , somme qui englobe, au demeurant, la partie
de l'indemnisation déjà fournie par le propriétaire du navire. C'est donc un maximum. Ramené à
l'événement Erika, cela donne une indemnisation d'approximativement 184 millions d'euros, à mettre en
contemplation avec les diverses estimations des dommages (estimation basse 460 millions d'€- estimation
haute : 920 millions d'€). On sait également que le FIPOL n'indemnise pas, hors restauration des sites
pollués, les atteintes à l'environnement, c'est-à-dire les dommages causés à la faune et à la flore
sauvages. Dans ce système, le préjudice écologique pur n'est pas réparé.
On remarque que, comme dans la convention sur la responsabilité, la
faute intentionnelle ou la négligence de la victime à l'origine du dommage peut lui faire perdre tout
ou partie de ses droits à indemnisation contre le FIPOL.
2ème partie : Critique du système
"Le premier [précepte] était de ne recevoir jamais aucune chose pour
vraie que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire d'éviter soigneusement la précipitation
et la prévention, et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si
clairement et si distinctement à mon esprit que je n 'eusse aucune occasion de le mettre en doute"
(11).
- Une responsabilité canalisée ?
Ne vaudrait-il pas mieux parler d'irresponsabilité organisée des
propriétaires de navire-citerne ?
-
Canalisation percée (12) (piercing the veil) lorsque l'on a affaire à un propriétaire
enregistré de "papier", du style "single ship company ", société écran à la personnalité morale
souvent fantomatique. Les véritables propriétaires sont intouchables, seraient-ils même
identifiables.
-
Canalisation détournée lorsque l'on a affaire à un propriétaire enregistré "réel", mais,
DE FAIT, "irresponsable".
Puisque l'assurance est obligatoire, le véritable poids
financier de la responsabilité est ainsi reporté sur le P. and I. ou l'institution financière qui a
accordé sa garantie.
Pour le propriétaire enregistré, la seule obligation (et le seul
coût apparent de sa responsabilité automatique) est donc le prix de la "prime" ou, plus exactement,
le prix de la cotisation à posteriori (si le propriétaire enregistré exploite lui-même le navire).
Peanuts, diraient nos amis anglais, d'autant plus que ce coût sera répercuté, en cas d'affrètement
(fréquent) du navire, soit dans le loyer de l'affrètement coque nue ou à temps du navire, soit dans
le fret de l'affrètement au voyage. Le coût réel de la responsabilité, pour la personne ciblée comme
responsable, est égal à zéro.
-
Canalisation bouchée lorsque le véritable responsable est un véritable insolvable.
On trouve sous cette rubrique le beau cas de figure de la faute
inexcusable du "responsable", propriétaire enregistre ou intervenant dans le transport du produit.
En effet cette faute inexcusable a :
- la vertu de faire sauter le plafond de limitation : la responsabilité devient
théoriquement illimitée ;
- mais le vice de faire perdre la garantie d'assurance, pour tout ce qui va au-delà de la
couverture souscrite.
Il est vrai, alors, que, en vertu de l'article 4 (1) (b) de la
Convention FIPOL, le fonds international prend le relais en cas de défaillance de l'indemnisation due
par le propriétaire du navire pollueur (qui, de toutes les façons, "intègre" le montant de
l'indemnisation "responsabilité" dans l'indemnisation totale 135 millions de DTS).
Au bout du compte, si ce sombre tableau est exact (on peut bien
sûr en discuter), le propriétaire enregistré ne paie pratiquement rien des dommages causés par la
pollution. Le pollueur n'est pas un épais payeur.
- Une réparation limitée ?
C'est là que le bât blesse, surtout. La migration de l'antique
limitation de responsabilité des "propriétaires" de navire dans le droit de la réparation des dommages de
pollution par hydrocarbures conduit à des résultats inacceptables.
- La limitation de la responsabilité du propriétaire enregistré. Perte de ses fondements
traditionnels.
Cette limitation est déjà, en elle-même, contestable, car aucune de
ses justifications traditionnelles, ou modernes, ne résiste complètement à l'examen.
- Limitation et patrimoine de mer.
Historiquement, en effet, la limitation s'est d'abord
expliquée par l'idée de patrimoine d'affectation créé par l'armateur et exposé au risque de
l'expédition maritime. Cette adéquation de la limite de responsabilité à la valeur de la fortune
mise en risque ne peut plus servir d'argumentaire sérieux depuis que la limitation s'exprime au
travers de la constitution d'un fonds de limitation, dont le montant est déconnecté de la valeur
du patrimoine de me".
- Limitation et réversibilité de son bénéfice.
La limitation est également justifiée, traditionnellement,
par l'idée de réciprocité, de réversibilité : tel qui profite aujourd'hui de la limitation
pourra demain se la voir opposée. Cette réversibilité ne peut fonctionner qu'entre "gens de mer".
Elle est totalement absente du mécanisme des marées noires ; la limitation ne fonctionne plus
qu'à sens unique : de la mer vers la terre, jamais l'inverse.
En outre, même si la limitation a vocation à s'appliquer à
tous les événements de mer où qu'ils se produisent, force est de constater le localisme de son
application en cas d'accident de marée noire : ce sont toujours les mêmes populations, les
populations riveraines des grandes "routes de navigation", qui souffrent de la limitation mise
en place par le système, sans espoir de jamais pouvoir retourner le compliment.
- Limitation et assurabilité.
Le grand mot est lâché. L'assurabilité est le serpent de mer,
le monstre du Loch Ness, l'hydre (au carbure) de la limitation. L'indemnisation doit être limitée,
car une réparation illimitée conduirait à la disparition du transport maritime des hydrocarbures,
pas un seul assureur n'acceptant de couvrir un risque devenu illimité. Quelle imposture ! Si ce
postulat était exact, il ne devrait plus se transporter un seul centilitre de pétrole vers les
Etats-Unis d'Amérique, puisque l'indemnisation y est, là-bas, illimitée.
A supposer même que l'assurabilité soit l'ultime rempart de
la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires, encore faudrait-il que l'on
s'interroge sur la capacité réelle des P. and I. ou des compagnies d'assurance et sur les seuils
auxquels il serait possible de faire "monter" la garantie de cette responsabilité, sans que cela
compromette l'avenir de ces estimables protagonistes du monde maritime. Il semble, pour l'heure,
que l'on soit très loin des seuils critiques en la matière.
Au demeurant, l'idée d'assurabilité ne vaut que pour la
limitation de la "responsabilité" du propriétaire enregistré, non pour le complément, également
limité, d'indemnisation fourni par le FIPOL dont la prise en charge n'est pas "assurée", mais
taxée. Qui paie la taxe, sinon le consommateur final de pétrole ?
Alors, un peu plus, un peu moins !
- La limitation de l'indemnisation par le FIPOL.
Il y a peu à dire, nous semble-t-il, sur le mode actuel de
fonctionnement du FIPOL, dans la mesure où son intervention s'inscrit dans le cadre de la mission
qui lui est déléguée par l'ensemble des États parties aux conventions OMI, en fonction d'une
procédure qui lui est imposée par la nature même des choses. Il fait son métier correctement, tant
dans la réception que dans le traitement des demandes d'indemnisation et il paraît difficile de lui
reprocher des atermoiements ou des délais qui découlent de la nature même des procédures
d'indemnisation, indispensables pour la recevabilité des demandes, leur chiffrage, leur paiement
en tenant compte des créances à venir (prescription 3-6 ans).
Simplement, un élément nouveau est clairement apparu à l'occasion
des deux dernières catastrophes de l'Erika et du Prestige : l'impact incongru des fluctuations
internationales de la monnaie de compte choisie pour fixer le plafond de l'indemnisation.
On passe de 184 millions d'euros pour l'Erika en 1999 à 171,5
millions d'euros pour le Prestige en 2002, alors que, inflation européenne aidant, et nature de
l'accident y conduisant, les coûts de traitement de la pollution Prestige, en "euros constants",
seront très vraisemblablement très supérieurs à ceux induits par le naufrage d'Erika.
Cependant, si, de lege lata, il y a donc peu à dire,
de lege ferenda, que de questions se posent. A commencer par l'idée même de la limitation
de réparation qui constitue le socle du couple conventionnel 1992.
Déjà discutable, ainsi qu'on vient de le voir, lorsqu'il s'agit
de la limitation de la "responsabilité" du propriétaire enregistré du navire (mais du moins cette
limitation puise-t-elle ses racines dans le plus profond de la tradition du droit maritime), on
ne voit pas très bien en vertu de quelle idée cette limitation a pu s'immiscer dans le traitement de
l'indemnisation fournie par le FIPOL, ou plus exactement le FLIPO (fonds limité d'indemnisation des
dommages de pollution par hydrocarbures).
- Limitation et débiteurs du FIPOL.
Si l'on se souvient que le FIPOL est financé par des taxes
perçues sur les quantités d'hydrocarbures transportées par voie maritime, ce sont en première
ligne les grands opérateurs, c'est-à-dire les grandes compagnies pétrolières, qui sont
assujetties à cette taxe.
Au nom de quoi, en vertu de quoi cette limitation a-t-elle
été considérée comme un dû à une industrie dont les profits énormes ne seront jamais qu'à peine
égratignés par l'obligation d'une réparation illimitée des dommages causés par son activité ? De
toutes les façons, comme son financement est assuré au moyen de taxes perçues sur chaque tonne
de pétrole transportée par voie maritime, et sachant que près de deux milliards de tonnes de
pétrole, bon an mal an, circulent sur les mers, les taxes en question, ramenées au prix du litre,
deviennent parfaitement supportables (et sont en fin de compte payées, en bout de chaîne, par les
consommateurs). Surtout que l'on peut espérer que les mesures techniques déjà prises ou en voie
d'être prises pour améliorer la sécurité du transport maritime des hydrocarbures devraient
conduire à une raréfaction, sinon à une éradication, des catastrophes de marées noires.
- Limitation et créanciers de l'indemnisation.
Bien plus encore, on s'interroge sans trouver l'ombre d'un
début de justification sur le fait que la limitation est opposée aux victimes de marée noire,
sans que l'on puisse discerner en vertu de quel principe, en vertu de quel cynisme, cette
limitation leur est opposée.
Cette espèce de ponction périodique sur les biens et sur les
revenus des populations riveraines, toujours les mêmes, est absolument injustifiable quelle que
soit la façon de considérer les choses.
Le trafic pétrolier par voie maritime étant un trafic
profitable à la communauté internationale tout entière, le coût des accidents et incidents qui
se produisent à son occasion doit être répercuté sur la communauté internationale tout entière,
et non pas seulement sur une fraction de celle-ci, les populations riveraines.
3e partie : Réflexions sur des évolutions nécessaires
Ces réflexions me sont personnelles : elles n'engagent donc que moi
et ne sont pas issues d'une "commission AFDM" au nom de laquelle je m'exprimerais. L'auditeur peut donc
en faire ce que bon lui semble.
C'est Jean Carbonnier, je crois, qui s'interrogeait sur le test de
toute bonne législation. Pour lui, le droit positif serait parfait si un nouveau Solon ou une commission
de Grands Sages, totalement ignorants de ce droit positif, totalement vierges de connaissances en la
matière, était en mesure, par la seule force de l'intelligence, de le "redécouvrir" tel quel. Quelle
chance, en ce qui nous concerne, y aurait-il pour un législateur parfaitement "vierge" de toute
information sur le système OMIsien d'indemnisation des dommages de marée noire, de redécouvrir et
de valider ce système ?
Ce système, pour nous, repose sur une erreur d'optique fondamentale,
consistant à vouloir traiter comme un problème classique du droit maritime (ce que confirme la compétence
reconnue en la matière à l'OMI), une question qui relève, dès la première goutte de pétrole échappée des
flancs du navire transporteur, du droit de l'environnement. Et de vouloir alors appliquer au traitement
de la difficulté un droit dont la colonne vertébrale, la limitation de responsabilité, est aux antipodes
de celle du droit de l'environnement, la "restitutio in integrum" de toutes les valeurs atteintes par
l'accident de pollution.
Nos réflexions, de lege ferenda, reposent sur deux idées : la
première est que l'on dispose d'un précédent utile, l'OIL POLLUTION ACT, dont l'OMI (et, à défaut,
l'Europe) pourrait provisoirement s'inspirer ; la seconde est que, le plus tôt possible, ce modèle
américain, dans certains de ses aspects, peut et doit être dépassé.
- Une solution transitoire : OPE sur l'OPA.
On a dit que les USA ont toujours refusé le système d'indemnisation
proposé par l'OMCI (devenue OMI en 1982) au lendemain du naufrage du Torrey Canyon. Et on sait qu'ils se
sont dotés d'une législation sévère pour les pollueurs, quelques mois après la marée noire provoquée par
l'Exxon Valdez (12). C'est l'OIL POLLUTION ACT du 18 août 1990.
Rappelons simplement et brièvement que, au-delà de mesures purement
techniques destinées à renforcer la sécurité de la navigation des navires-citernes, l'indemnisation des
dommages de marée noire, selon l'OPA, se situe à deux niveaux politiques différents :
- Au niveau de l'État fédéral, l'OPA "de base" met en place le double système de
l'indemnisation par l'opérateur du navire pollueur à hauteur de 1200 dollars par tonneaux de
jauge du navire (limitation qui saute en cas de violation de l'un ou l'autre des règlements
fédéraux sur la protection de l'environnement) et la mise en place d'un fonds d'indemnisation
complémentaire de 1 milliard de dollars ;
- Au niveau de chaque État fédéré, chacun étant libre d'adopter des mesures encore plus
"réparatrices" ; la plupart des Etats côtiers ont, de fait, adopté la solution "pollueur-payeur
illimité" des dommages économiques et écologiques de pollution.
Il nous semble que l'OMI pourrait lancer une espèce d'offre
publique d'échange de son système actuel avec l'OPA américain, à l'image de ce que fit le CMI, il
y a maintenant presque cent ans, à propos du Harter Act de 1893 dans le domaine du transport de
marchandises par mer. En effet, l'existence de l'OPA, depuis près de quinze ans maintenant,
démontre la faisabilité, le réalisme et la "gérabilité" économique des solutions qu'il met en
place. Et sa sévérité relative à l'égard de la filière pétrolière ne semble pas avoir ralenti un
seul instant les importations de pétrole vers les USA. C'est dire que les critiques adressées à
son endroit comme autant de menaces d'un effondrement cataclysmique du système des échanges
mondiaux de pétroles ne résistent pas à l'épreuve de ce fait brut et majeur : l'OPA, ça marche !
Cela aurait, en outre, le mérite d'entraîner une uniformité
internationale, et donc une uniformité des pratiques, qui, pour l'heure, fait défaut, tant en
matière de sécurité de la navigation, qu'en matière d'indemnisation des dommages de pollution.
- L'OPA, un modèle à dépasser ?
Il nous semble qu'il faudrait même aller plus loin encore, du moins
sur certains points, que ne le fait l'OPA.
Celui-ci, en effet, du moins dans son principe, repose encore sur
l'idée d'une réparation limitée, même si les plafonds retenus sont infiniment supérieurs à ceux du
système OMIsien (14). Ce n'est que si les législations des États fédérés sont plus sévères,
que l'idée même de limitation peut disparaître.
Or, il nous semble que le maintien de l'idée même de limitation de
l'indemnisation des dommages de pollution soufferts par les victimes (et. au-delà, par les contribuables
des États atteints par la pollution) ne trouve plus aucune justification convaincante. Nous l'avons
vu plus haut. En outre, l'opinion publique n'est plus du tout prête à la voir opposée aux victimes d'une
catastrophe.
A partir de là, il faut découvrir un système qui, tout à la fois,
assure aux victimes la réparation intégrale de leur dommage, et, d'autre part, ne permette pas aux
"fauteurs d'eaux troubles" d'échapper à leur responsabilité civile ou pénale.
Cela nous paraît possible si l'on veut bien inverser, en quelque
sorte, les étapes actuelles de la réparation.
Dans un premier temps, un fonds international d'indemnisation
interviendrait pour assurer cette réparation intégrale des dommages de pollution. Nous en verrons dans
un instant les caractéristiques souhaitables.
Dans un deuxième temps, ce fonds international d'indemnisation aurait
la faculté d'intenter contre les "fauteurs d'eaux troubles" toutes actions en responsabilité civile ou
pénale qu'il jugerait appropriées.
- Le premier étage de la réparation : l'intervention du FIIIPOL.
Nous préconisons donc la création d'un FIIIPOL qui viendrait
remplacer le FLIPO actuel, et serait chargé de fournir aux victimes du dommage de pollution la
réparation intégrale et quasi-automatique de leur préjudice économique.
Nous partons du principe que la limitation de l'indemnisation
à fournir par ce fonds international n'a aucune espèce de justification ni théorique, ni pratique.
Dès lors, le FIPOL actuel (en réalité le FLIPO : fonds limité d'indemnisation des dommages de
pollution) deviendrait, si l'on veut bien mettre les points sur les i, le FIIIPOL, c'est-à-dire
le "Fonds international d'indemnisation illimitée des dommages de pollution".
Le mode de financement est simple et le serpent des mers de
l'assurabilité n'a que faire ici, pas plus d'ailleurs qu'il ne peut servir à expliquer la
limitation retenue dans le cadre du FIPOL actuel. On sait, en effet, que ces fonds internationaux
sont alimentés par des taxes perçues sur les produits pétroliers transportés par voie maritime ;
pour passer d'un stade de réparation limitée à un stade de réparation illimitée, il suffit
d'augmenter de quelques centimes les taxes perçues à cette fin sur les deux milliards de tonnes
de pétrole transportées chaque année sur nos océans. Cela reviendrait, en réalité, à faire payer
par le consommateur final le prix d'une pollution dont il est au demeurant le principal agent
(c'est la demande "terrienne" de pétrole qui est à l'origine du trafic maritime polluant ; et ce
sont les activités humaines à terre, dont notamment les voitures automobiles et les centrales
thermiques, qui sont les principaux agents de la pollution maritime. Rien d'impossible, rien
d'immoral).
Cette réparation intégrale suffirait alors à supprimer les
défauts reprochés au FIPOL : lenteur des procédures, pourcentages aléatoires des indemnisations.
La seule question restant alors à résoudre concernant l'admissibilité et la vérification de la
demande présentée. L'indemnisation pourrait intervenir en quelque sorte "à première demande".
Sur ce point, nous préconisons d'ailleurs (à l'encontre de
ce que prévoit l'OPA) de négliger l'indemnisation des dommages purement écologiques (c'est-à-dire,
l'atteinte à la biomasse en tant que telle). Les études scientifiques les plus récentes prouvent
en effet que, quelle que soit la gravité des atteintes portées à l'environnement sauvage par un
déversement d'hydrocarbures quels qu'ils soient, la nature reprend ses droits en moins d'une
dizaine d'années. Certaines études prétendent même que certaines espèces en tirent profit. Cela
aurait le mérite d'éviter les discussions surréalistes sur la question de l'évaluation de la tête
de macareux ou de cormoran ; et éviterait d'avoir à indemniser un dommage qui, de toutes les
façons, se répare tout seul (en l'état actuel des choses, du moins), au travers d'une structure
ubuesque de "tuteur à la nature".
- Le deuxième étage du système préconisé : la mise en cause des acteurs directs de la pollution
par le FIIIPOL.
Le FIIIPOL, financé par ces taxes et ayant indemnisé les
victimes à première demande, disposerait d'un droit de recours contre les "coauteurs" de la
pollution. Ces recours pourraient se situer soit sur le terrain de la responsabilité civile,
soit sur le terrain de l'action civile aux fins de faire condamner pénalement ceux de ces
coauteurs dont la conduite serait particulièrement répréhensibles.
Dans ce cadre, plusieurs questions attendent des réponses :
Quelle serait la liste des "pollueurs-payeurs" susceptibles d'être ainsi mis en cause ? Leur
responsabilité civile devrait-elle être illimitée ou continuerait-on de les faire bénéficier
d'une limitation (de plus en plus illusoire si l'on veut bien se souvenir que leur faute
inexcusable, avant comme à fortiori après notre réforme, conduirait à la déchéance de son
bénéfice) ? Ne pourrait-on pas attraire, selon une procédure "révolutionnaire" restant à imaginer
le véritable responsable d'un naufrage d'un navire "sous-norme" : l'État du pavillon" ? Et, soit
dit sans vouloir particulièrement offenser notre ami Philippe BOISSON, les sociétés de
classification qui, en l'état actuel des choses, sont les seules à pouvoir connaître l'état réel
du navire ?
- Les recours du FIIIPOL dans le cadre de la responsabilité civile : la responsabilité
des "fauteurs d'eaux troubles".
Le FIIIPOL devrait pouvoir exercer un recours contre ceux
qui, à un titre ou à un autre, ont contribué à l'accident de pollution.
- L'opérateur du navire (et son assureur, ou sa mutuelle).
Au premier rang, bien entendu, il y a, non pas tellement le propriétaire enregistré
du navire, mais, s'il s'agit d'une autre personne, le véritable "opérateur" du navire,
celui qui est en charge de son entretien et qui décide de son utilisation. Sa mise en
cause est indispensable, mais avec le risque de son insolvabilité compte tenu de
l'organisation actuelle de la filière maritime.
La question est alors de savoir si cet opérateur
peut et doit bénéficier d'une limitation de responsabilité et, si oui, à quelle
hauteur situer cette limitation, et dans quels cas il est déchu de cet avantage. Si
l'on décide de maintenir la limitation, un rehaussement sensible des plafonds, à
l'image américaine, doit être prévu, en tenant compte de la capacité réelle
d'assurance offerte par le marché des assurances maritimes ou par les clubs de
protection et d'indemnité.
- L'État du pavillon
Immédiatement derrière l'opérateur-pollueur, et
lorsque la marée noire est due au mauvais état démontré du navire et, donc, à
autre chose qu'une pure erreur humaine ou au déchaînement des forces de la nature, il
y a l'État du pavillon. C'est lui qui délivre les certificats nécessaires à
l'exploitation commerciale d'un navire et qui est le seul à véritablement pouvoir
contrôler l'état réel du navire, tout au long de son existence, au travers des
sociétés de classification qu'il se substitue pour procéder aux visites.
Il y a toutefois une difficulté liée à l'immunité
des États. C'est en cela que la possibilité de s'adresser à l'Etat du pavillon
constituerait une espèce de révolution juridique en droit international public. On
peut toutefois observer que les Etats, pouvant se présenter au FIIIPOL comme victimes
de la pollution, devraient pouvoir, en contrepartie, être poursuivis comme auteurs ;
et observer encore que le FIIIPOL, espèce d'émanation d'une organisation spécialisée
des Nations-Unies, pourrait peut-être être autorisé à contourner, dans des conditions
à préciser, le principe de l'immunité. Ce domaine ne nous étant pas familier, nous
l'évoquons comme une simple hypothèse.
- L'État riverain.
C'est la même hypothèse et la même difficulté, par voie de conséquence, que l'on
rencontrera quant à la responsabilité de l'État riverain lorsque, comme dans le cas
avéré du Prestige, (et, à un moindre titre, dans le cas de l'Erika), le naufrage du
navire et la marée noire consécutive sont, à l'évidence, liés au refus de cet État
de recevoir le navire en difficulté dans un port ou un abri côtier de refuge (16)
, et les décisions ineptes qui s'en sont suivies d'un remorquage jusqu'à ce que
mort s'ensuive.
- Les sociétés de classification.
Quittant le domaine de l'hypothèse, et toujours
dans le cas où le naufrage est dû à un défaut avéré de la structure ou de l'entretien
du navire, on identifiera également comme "fauteur d'eaux troubles" la société de
classification qui,sur délégation de l'État du pavillon, est le seul organisme à
pouvoir vérifier réellement et officiellement la structure des navires auxquels
elle fait délivrer les certificats officiels de navigabilité.
- Les utilisateurs du navire ?
Faut-il inclure dans la liste des responsables
les utilisateurs du navire pollueur, ayants droit à la cargaison des hydrocarbures
déversés à la mer ? Leur responsabilité civile ne paraît pouvoir être engagée que
sous trois angles différents : soit la faute consistant à utiliser un navire
"sous-norme", soit le risque créé en envoyant sur la mer une cargaison
potentiellement polluante, soit la recherche aveugle, bête et méchante, de la "deep
pocket".
Du point de vue de la faute, d'une part, on ne
peut leur imputer à faute le fait d'avoir fait confiance aux certificats trouvés
dans les papiers du bord ; d'autre part, on doit convenir que ni les chargeurs, ni
les affréteurs ne disposent de moyens efficaces pour contrôler la structure du navire
et, partant, sa dangerosité. Quels que soient les systèmes "prudentiels" développés
(vetting, equasis, M.O.U., etc.), aucun contrôle d'un navire à flot (et en cours
d'opération commerciale le plus souvent) ne pourra permettre de déceler les
insuffisances (autres que superficielles) de sa structure, qu'elles soient liées à
un vieillissement naturel des matériaux, ou à un défaut plus ou moins apparent
d'entretien. Sauf à poser peut-être comme constitutif d'une faute présumée le fait
d'avoir recours à des navires d'un âge tellement élevé, et d'un coût d'affrètement
tellement bas, que l'on doit supposer leur dégénérescence et leur dangerosité. La
voie de la faute civile est donc étroite (a fortiori, la voie de la faute pénale).
La piste d'une responsabilité objective du
chargeur ou de l'affréteur, fondée sur le risque créé, peut-elle suppléer la
difficulté de la preuve de la faute ? On peut parfaitement le décider, mais en
forçant un peu les cadres de la responsabilité objective, sachant que le comportement
de la cargaison, en cours de transport, passe sous la garde du transporteur.
Reste la possibilité, pour ne pas forcer la
réalité juridique, de décider que le propriétaire de la cargaison doit être le payeur
de la pollution, parce qu'il est, hormis les Etats, le mieux à même de supporter les
coûts de l'indemnisation. C'est le principe de la "deep pocket" qui a parfaitement
fonctionné dans le cas de l'Exxon Valdez ; assez bien fonctionné dans le cas de
l'Erika ; mais qui ne donnera aucun recours utile dans le cas du Prestige. D'ailleurs,
dans le système que nous préconisons d'un FIIIPOL alimenté par les grandes compagnies
pétrolières au moyen d'une taxe, ces utilisateurs de navire, par ce biais, sont déjà
mis à contribution. Ce n'est donc que dans le cas d'une faute avérée et causale de
leur part que l'on devrait pouvoir les mettre en cause pour leur imposer une couche
supplémentaire de responsabilité civile.
- Les actions pénales.
Apparemment, il n'y a aucune raison de laisser les
pollueurs à l'abri de leur responsabilité pénale, lorsque des infractions ont été commises
au regard de tel ou tel droit national. Mais, outre la difficulté consistant à rechercher la
responsabilité pénale des personnes morales en la dissociant de celle de ses organes
personnes physiques, outre le risque de devoir forcer un petit peu les règles
d'interprétation en vigueur en droit pénal pour pouvoir atteindre celui que l'on veut
atteindre, il nous semble qu'il y a un retour de bâton prévisible à la condamnation pénale si
elle est obtenue : c'est qu'elle établira presque automatiquement la faute "inexcusable" du
"délinquant", rendant sa responsabilité illimitée, certes, mais n'ajoutant pratiquement rien
à l'indemnisation des victimes.
CONCLUSION
Si le droit maritime peut se satisfaire encore de la limitation de
responsabilité pour les dommages de type traditionnel et n'impliquant que des "intérêts maritimes", le
droit de l'environnement et, derrière lui, les opinions publiques des pays développés sont imperméables
à cette idée d'indemnisation limitée d'un dommage imposé aux seuls riverains, dans un commerce qui
concerne la communauté internationale tout entière. Pourquoi serait-ce toujours les Bretons, les
Galiciens qui devraient supporter le poids des pertes induites par une indemnisation limitée ? Rien ne
justifie ces ponctions périodiques sur les ressources des riverains les plus exposés, non plus que sur
les deniers des contribuables des États concernés.
La communauté internationale a mis trente et un an pour transposer
en convention internationale les idées américaines du HarterAct de 1893. Combien de temps lui faudra-t-il
pour transposer dans une convention internationale les idées de l'Oil Pollution Act de 1990, dont les
solutions sont beaucoup plus proches des exigences sociales et environnementales modernes que celles du
système de l'OMI ? Compte tenu de l'accélération de l'histoire, on peut poser à 20 ans le délai
raisonnable d'une pareille transposition. D'ailleurs, il semble bien que les efforts menés tant au
niveau de la Commission de Bruxelles que du côté de l'OMI soient déjà orientés dans le sens d'un
alignement au moins approximatif (rehaussement des seuils, superposition des fonds, mesures techniques,
etc).
Mais sans doute faut-il aller plus loin encore. C'est d'ailleurs dans
la nature du droit que d'évoluer sans cesse. La limitation de l'indemnisation des catastrophes de marée
noire opposée à des victimes d'un trafic profitable au monde entier est devenue inacceptable. Le statu
quo serait le plus sûr chemin vers la condamnation sans phrase du droit maritime tout entier. Il faut
donc imaginer un nouveau système d'indemnisation de ces victimes que les opinions publiques et les
victimes privées considéreraient comme acceptable. Nos propositions pourraient être une première pierre
apportée à un édifice restant à construire.
- La réponse à la question étant ainsi apportée, la conférence pourrait s'arrêter là ! On va
toutefois, au risque d'ennuyer, tenter de montrer les raisons qui la justifient.
- Dans un dernier décompte macabre, les autorités sénégalaises font état, fin janvier 2003, de
1863 victimes de ce naufrage (Source : Journal le Marin). Qui s'en soucie ? Leonardo di Caprio
tournera-t-il un remake tropical du Titanic ?
- La dernière revue de l'AFCAN (janvier 2003, p. 33) signale, pour ces dix dernières années, 618
morts dans les 116 naufrages de vraquiers (dont 64 noyés au cours du naufrage de quatre vraquiers de
plus de 10.000 tonnes de port en lourd, pour la seule année 2002). Qui le sait dans le grand
public ?
- "...Où, flottaison blême et ravie, un noyé pensif, parfois, descend...", A. Rimbaud, le Bateau
ivre.
- Certains scientifiques ont montré, au demeurant, que les protéines de pétrole pouvaient tout à
fait convenir à l'engraissement des crustacés. C'est ainsi que l'on aurait enregistré un
accroissement de la taille des crabes tourteaux sur la côte septentrionale de Bretagne dans les
années qui ont suivi le naufrage de l'Amoco Cadiz.
- OMI quoi ? Omis d'indemniser, surtout.
- Les coups de pied du Premier Ministre, Jean-Pierre RAFFARIN, dans les boulettes de fioul
Prestige parvenues sur les plages d'Aquitaine après l'énorme boulette des autorités espagnoles ayant
conduit au naufrage de ce navire, n'équivalent pas, à notre connaissance, à une dénonciation par la
France de sa ratification des conventions en question.
- Sur les limites de ce parapluie, voir P. Bonassies, "Après l'Erika : les quatre niveaux de
réparation des dommages résultant d'une pollution maritime par hydrocarbures", Rev. Dr. commercial,
maritime, aérien et des transports, 4e trimestre 2000, p. 140.
- L'assassinat du Prestige par les autorités maritimes espagnoles constitue, à notre avis, cette
faute, à tout le moins cette négligence. Elle devrait pouvoir être opposée à l'Espagne pour lui
faire perdre tout droit à indemnisation des dépenses exposées (ce qui n'inclut pas les dommages
soufferts directement par les populations galiciennes, victimes de la stupidité de l'Etat central et
du pouvoir régional.
- Dont la fluctuation peut réserver de mauvaises surprises : pour Erika, et à l'époque de la mise
en place du fonds, ce maximum représentait 184 millions d'euros ; trois ans plus tard, pour le
Prestige, ce ne sont plus que 172 millions d'euros (pour tenir compte de l'appréciation de l'euro
face au dollar américain, et de l'effet mécanique de cette appréciation sur le cours international
du DTS). Le problème est que le FIPOL fonctionne dans les deux cas pour la réparation de dommages
"européens", et que le montant du fonds ne devrait pas varier en fonction d'une conjoncture monétaire
extra-européenne, mondiale.
- Descartes, Discours de la méthode.
- D'où la tentation de percer le voile.
- 24 mars 1989
- On sait que la catastrophe de l'Exxon Valdez a coûté plus de dix milliards de dollars à la
compagnie Exxon (qui ne paraît d'ailleurs pas en avoir été outre mesure affectée).
- Question que se pose, dans les pages du Monde économique (25 mars 2003) notre émérite collègue,
Jean-Pierre Quéneudec.
- Dans l'affaire de l'Erika, le port de Dunkerque, port de chargement, a-t-il fait la fine bouche
pour recevoir le navire s'il était en si mauvais état que cela ? Il y avait un profit à réaliser, au
même titre que le profit recherché par Total dans l'affrètement d'un navire peut-être à bout de
souffle mais que tous les contrôles étatiques signalés comme étant en bon état. Dès lors que le
navire a été en avarie, plus personne ne voulait en connaître, et surtout pas le port de Nantes.
Même chose pour le Prestige, à cela près que dans ce dernier cas, à la différence de l'ERIKA, nous
sommes assurés que le Prestige aurait eu largement le temps de regagner le port de la Corogne, ou
une ria galicienne avant de se casser en deux morceaux.