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Navires de croisière et pollution atmosphérique :
les capitaines en seraient-ils responsables ?

par Philippe Delebecque, Académie de Marine.

Le Professeur Philippe Delebecque nous aimablement autorisé à publier dans la revue AFCAN Informations ses notes sur la cassation le 24 novembre 2020 de la relaxe prononcée en appel à Aix-en-Provence sur la pollution atmosphérique du paquebot Azura.
Ces notes seront publiées prochainement dans les recueils Dalloz.



Sommaire de la décision

Le capitaine d'un navire de croisière, garant de la sécurité du navire et de son équipage, de la protection de l'environnement et de la sûreté et tenu personnellement à ce titre de connaître et de faire respecter les règles relatives à la pollution par les rejets des navires, doit s'assurer de la conformité à la législation du combustible utilisé. Encourt par conséquent la cassation l'arrêt qui relève que le bon de soutage découvert à bord indiquait une teneur en soufre supérieure à celle autorisée, mais qui relaxe le capitaine au motif qu'il suivait les instructions de sa compagnie dont il pouvait légitimement penser qu'elles étaient conformes à la législation qu'il devait respecter.

Cour de cassation, crim., 24 nov. 2020

LA COUR : - Faits et procédure
  1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
  2. Le 29 mars 2018, le centre de sécurité des navires de Marseille a effectué un contrôle du combustible utilisé par un navire de croisière appartenant à la société britannique Carnival PLC et placé sous le commandement de M. H.
  3. Ce contrôle avait notamment pour objet de vérifier le respect des prescriptions de l'article L. 218-2 du code de l'environnement relatif aux limitations de la teneur en soufre des combustibles. Il s'est avéré que le bon de soutage du combustible utilisé indiquait une teneur en soufre de 1,75 % et l'analyse d'un échantillon a révélé une teneur de 1,68 %, alors qu'elle aurait dû être inférieure ou égale à 1,50 %. Un procès-verbal de constatation d'infraction a été établi.
  4. M. H. a été cité devant le tribunal correctionnel pour pollution de l'air en raison de l'utilisation, par un navire en mer territoriale, de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes autorisées.
  5. La société Carnival PLC a été citée, en sa qualité de propriétaire et exploitante du navire, sur le fondement de l'article L. 218-23 du code de l'environnement.
  6. Le tribunal a déclaré M. H. coupable, l'a condamné à une amende de 100 000 € mise à la charge de la société Carnival PLC à hauteur de 80 000 €, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils.
  7. M. H., la société Carnival PLC et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens
Sur le premier moyen

Énoncé du moyen
  1. Le moyen est pris de la violation des articles L. 5412-2 du code des transports, L. 218-2, L. 218-15, L. 218-16, L. 218-18, L. 218-23 et L. 173-7 du code de l'environnement et 591 du code de procédure pénale.
  2. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé le prévenu du chef d'utilisation par un navire en mer territoriale de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes utilisées – pollution de l'air commis sur la ligne Barcelone-Marseille entre le 28 et le 29 mars 2018 alors :
    « 1°/ que la cour qui rappelle les dispositions de l'article L. 5412-2, alinéa 2, du code des transports, aux termes duquel le capitaine “répond de toute faute commise dans l'exercice de ses fonctions”, se contente d'analyser l'élément intentionnel de la faute pénale reprochée au capitaine de l'Azura alors qu'il lui appartenait de rechercher si les éléments constitutifs de la négligence fautive évoquée par l'arrêt sont réunis ; qu'aux termes de l'article 121-3 du code pénal, repris au paragraphe IV de l'article L. 218-19 du code de l'environnement, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée qui exposait l'environnement à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; qu'en ne s'assurant pas que le carburant qu'il utilisait était conforme à la réglementation en vigueur dans les eaux françaises alors qu'interrogé par les enquêteurs, M. H. répondait à la question “avez-vous connaissance de l'obligation de brûler un combustible dont le taux de soufre est inférieur à 1,5 %” par “j'étais au courant de ces obligations et de contrôler ces obligations…”, ce capitaine doit être regardé comme auteur de la négligence fautive évoquée par l'arrêt attaqué,
    2°/ qu'il se déduit des pièces de la procédure qu'en faisant souter un combustible présentant un taux de soufre irrégulier en parfaite connaissance de cause, ce taux de soufre apparaissant sur le bon de livraison et enregistré comme tel dans la base de données du navire, le capitaine du navire Azura, seul chef de l'expédition maritime selon l'ensemble des normes en la matière, engageait sa responsabilité pénale, ce que la cour a omis de rechercher, qu'en conséquence l'arrêt encourt la censure ».
    ...
Réponse de la Cour, Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
  1. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
  2. Pour relaxer le prévenu, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte de ses déclarations qu'il n'a jamais admis avoir eu connaissance de l'obligation d'utiliser un combustible dont la teneur en soufre ne devait pas dépasser 1,5 % et qu'il a expliqué ne disposer d'aucune maîtrise sur l'approvisionnement en combustible qui était décidé par un service de la compagnie basé à Hambourg.
  3. Les juges ajoutent que les décisions d'approvisionnement en combustible sont prises par ce service spécialisé qui détermine quel navire va s'approvisionner dans tel port avec tel type et telle quantité de fioul, en fonction, notamment, soit des disponibilités dans les futures escales et des prix variables pratiqués d'un port à l'autre, soit des besoins du bateau qui dépendent non seulement du nombre de "miles nautiques" à parcourir mais également des législations environnementales applicables dans les ports concernés.
  4. Ils précisent que, dans ce processus, l'intervention du bord est limitée à la communication à la compagnie par le chef mécanicien ou ses subordonnés des quantités de fioul de différentes qualités restant dans les cuves du bateau et que ce système est basé notamment sur des nécessités juridiques résultant de la diversité des législations, fluctuantes et complexes, applicables dans les eaux traversées.
  5. La cour d'appel retient encore M. H. a suivi les instructions de sa compagnie, en pouvant vérifier qu'elles étaient conformes au système International Safety Management (ISM) dont les données, établies par cette compagnie, mentionnaient bien la possibilité d'utiliser sur le trajet Barcelone Marseille un combustible présentant un taux maximum en soufre de 3,5 % contre un taux de 1,50 % pour rejoindre le port italien de La Spezia.
  6. Elle en conclut que, M. H., qui suivait les instructions de sa compagnie, pouvait légitimement penser qu'elles étaient conformes à la législation qu'il devait respecter.
  7. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a relevé que le bon de soutage découvert à bord indiquait une teneur en soufre supérieure à celle autorisée, n'a pas justifié sa décision.
  8. En effet, le capitaine, garant de la sécurité du navire et de son équipage, de la protection de l'environnement et de la sûreté, et tenu personnellement à ce titre de connaître et de faire respecter les règles relatives à la pollution par les rejets des navires, devait s'assurer de la conformité à la législation du combustible utilisé.
  9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
    Par ces motifs, [...], casse [...], renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, [...]
19-87.651 (n° 2259 FS-P+B+I+L) - Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence (ch. 5-2), 12 nov. 2019 (Cassation)

Note
  1. L'affaire Azura, dont le monde maritime s'est un temps ému, a-t-elle connu son épilogue avec l'arrêt commenté ? Osons ne pas l'espérer. Rappelons que l'Azura, exploité par la compagnie Carnival, avait, à l'occasion d'une croisière dans la Méditerranée, fait escale à Marseille. Les services du centre de sécurité des navires avaient alors constaté une pollution provenant des fumées du navire, établi que cette pollution résultait de la teneur en soufre des combustibles utilisés et que cette teneur en soufre dépassait celle qui est tolérée par les normes applicables (1,68 % au lieu de 1,50 %) (1). D'où des poursuites contre la compagnie et son capitaine sur le fondement de l'article L. 218-2 du code de l'environnement. Une première en matière de pollution atmosphérique et en même temps une aubaine, du moins pour certains écologistes !
  2. Le ministère public avait cité la compagnie elle-même, mais, pour diverses raisons de procédure, cette citation n'avait pu aboutir. Le capitaine s'était donc retrouvé seul devant le tribunal (2). Condamné en première instance, notre capitaine bénéficia d'une relaxe très heureuse devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence (3), les juges n'ayant pas manqué de relever que si l'élément matériel de l'infraction de pollution (art. L. 218-2 et L. 218-15) était caractérisé, il n'en allait pas de même de l'élément moral : il importe, était-il dit, que l'on puisse imputer au capitaine une intention coupable ou, à tout le moins, une négligence fautive. La communauté maritime s'était réjouie de cette décision très équilibrée et attendait sereinement la décision de la Cour de cassation.
  3. Quelle ne fut donc pas sa surprise en prenant connaissance de l'arrêt du 24 novembre 2020 (4) remettant en cause, entre autres arguments, (5) la relaxe du capitaine et censurant, au visa de l'article 593 du code de procédure pénale, l'arrêt aixois pour insuffisance ou contradiction de motifs. Après avoir rappelé les conditions d'approvisionnement en combustible décidées par un service de la compagnie à Hambourg et l'intervention limitée du bord, et noté que le capitaine avait suivi les instructions de la compagnie, la Cour de cassation juge que ledit capitaine, en tant que garant de la sécurité du navire et de son équipage et de la protection de l'environnement, était tenu personnellement de connaître et de faire respecter les règles relatives à la pollution par les rejets des navires et devait s'assurer de la conformité à la législation du combustible autorisé. La motivation retenue laisse entendre que ne pas s'assurer de la conformité du combustible, utilisé dans les eaux françaises, à la réglementation en vigueur pourrait être une négligence fautive et qu'ainsi le capitaine qui a fait « souter » un combustible présentant un taux de soufre irrégulier ne pourrait échapper à sa responsabilité pénale.
  4. Dire que le capitaine est garant de la sécurité du navire et de son équipage et qu'il a une responsabilité en matière environnementale n'est pas discutable. Le capitaine est investi de l'autorité à bord (C. transp., art. L. 5531-1) et du commandement du navire (art. L. 5511-4). On peut même admettre qu'il est le représentant de l'État à bord (6). Pour autant, le considérer comme le premier responsable à bord du navire n'est pas en adéquation avec les réalités de l'exploitation commerciale contemporaine. Le capitaine respecte les instructions qui lui sont données et doit le faire. Même si l'expression est un brin péjorative, le capitaine est « un préposé de l'armateur » (7). L'exploitation des navires n'a, aujourd'hui, plus grand chose à voir avec ce qu'elle était jadis. En l'état des moyens de communication modernes, le capitaine est désormais en relation constante avec son armateur : l'administration du navire se décide dans les bureaux de la compagnie et tous les contrats d'avitaillement sont pris en charge par l'armement dans une perspective d'optimisation des achats pour l'ensemble de la flotte. Au demeurant, cette évolution a été parfaitement décrite dans le récent rapport du Conseil supérieur de la marine marchande (mars 2018), précisément sur la responsabilité du capitaine, rapport dont les recommandations ont été retenues, le législateur ayant abrogé, dans la loi du 24 décembre 2019, l'article L. 5114-2, alinéa 2, du code des transports qui prévoyait que le capitaine devait répondre de toute faute commise dans l'exercice de ses fonctions.
  5. En l'espèce, le capitaine, de nationalité nord-américaine, ne parlait que l'anglais. Faisant escale dans plus de vingt pays par an, pouvait-on lui reprocher de ne pas connaître toutes les réglementations et spécialement celle, nouvelle et fluctuante, au périmètre incertain, sur la pollution atmosphérique (8) ? Pouvait-on exiger du capitaine d'avoir une meilleure maîtrise du droit français que son armateur et lui imposer de découvrir que les instructions qui lui avaient été données étaient erronées ? Devait-il ainsi prendre l'initiative d'ignorer les instructions reçues de son employeur alors que la loi (le code ISM) lui fait obligation de les appliquer (9) ?
  6. Si tel est le sens de la décision de la Cour de cassation, les plus grandes réserves s'imposent. En effet, on ne voit pas comment on pourrait exiger des capitaines (en particulier étrangers) de tout savoir sur les réglementations applicables. De surcroît, si les pollutions sont plus graves que dans la présente affaire, si elles s'accompagnent d'accidents majeurs et de pertes de vies humaines, faudra-t-il rechercher de la même façon leur responsabilité ? Il ne faudrait pas renverser les rôles. La règle, en droit commun comme en droit maritime, est que l'employeur est responsable des fautes de ses préposés (C. civ., art. 1242, al. 5 ; C. transp., art. L. 5412-1) ; la seule limite est la faute pénale intentionnelle du préposé (V. jurisprudence Costedoat), préposé qui aura alors personnellement à en répondre envers la victime. L'affaire Azura n'en prend-elle pas le contre-pied ? Admettre ici la responsabilité du capitaine ne revient-il pas à le tenir pour responsable des fautes que son employeur aurait commises (ici en rédigeant des instructions aux navires que le ministère public considère comme erronées) ?
  7. Il reste que la Cour de cassation n'a peut-être pas remis en cause la conclusion de l'arrêt d'appel quant au défaut d'intention du capitaine (10). L'intention, comme on l'enseigne depuis toujours, requiert la volonté de commettre un acte que l'on sait défendu par la loi pénale. Était-elle caractérisée dans la mesure où le capitaine avait fait confiance aux instructions données par la compagnie qui disposait, elle, de toutes les informations ? Il est permis d'en douter et donc de penser que la Cour de cassation s'est plutôt placée sur le terrain de l'imprudence. En censurant l'arrêt aixois, la haute juridiction lui reproche en réalité de n'avoir pas établi l'absence de faute du capitaine.
  8. Sans doute pourrait-on soutenir que les infractions de pollution atmosphérique sont nécessairement intentionnelles contrairement aux rejets d'hydrocarbures en mer où la pollution est soit volontaire soit accidentelle (11). Le rejet de soufre résulte du fonctionnement du navire par le simple usage du carburant, conforme ou non. La pollution est inhérente à la navigation, si bien que toute infraction ne peut être constituée que si son auteur est dûment identifié et a agi avec une intention coupable. Dans les pollutions marines, la situation est différente et l'on peut plus facilement considérer que l'infraction existe alors même qu'elle n'est pas intentionnelle.
  9. Cette distinction cependant, même si l'on peut le regretter, n'est pas au cœur de la décision commentée qui semble admettre, ne serait-ce qu'implicitement, que l'infraction de pollution atmosphérique peut être non intentionnelle. Dans ces conditions, le capitaine pourrait être reconnu coupable d'une imprudence fautive. Encore faudrait-il, naturellement, que celle-ci corresponde à la définition qu'en donne le code pénal dans son article L. 121-3. Le capitaine pourrait être déclaré coupable pour ne pas avoir pris les mesures permettant d'éviter le dommage (la pollution). Mais, alors, il faudrait établir soit qu'il a violé d'une façon manifestement délibérée une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi, soit qu'il a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer. Or il est probable que l'une et l'autre de ces hypothèses puissent être écartées. On ne peut sans doute pas, en l'occurrence, parler de violation « délibérée » par le capitaine d'une obligation de prudence ou de sécurité. De même, comment pourrait-on lui reprocher d'avoir commis une faute caractérisée qui implique d'exposer autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ? L'utilisation d'un fuel ayant un taux de soufre excédant seulement de 0,18 % le taux maximum de 1,5 % ne saurait exposer autrui à un risque d'une particulière gravité (12).
  10. Pareille lecture de l'arrêt n'est toutefois pas acquise. Souhaitons donc, en attendant l'arrêt de renvoi, que la réflexion se focalise sur le rapport précité du CSMM. La recommandation n° 6 préconise de limiter la responsabilité du capitaine, sauf infractions expressément prévues par la loi. La recommandation n° 7 suggère d'aligner la responsabilité du capitaine sur ce que prévoit le droit commun. Or cette recommandation a bien été entendue par les pouvoirs publics (supra, n° 4). Dès lors, s'il est vrai que l'abrogation n'a porté que sur le texte visant la responsabilité civile des capitaines, il serait pour le moins très paradoxal de laisser de côté la responsabilité pénale et de concevoir celle-ci dans des termes toujours plus lourds et même de l'étendre à des situations dans lesquelles le capitaine n'a plus de marge de manœuvre.

  1. Le 1er mars 2020, est entré en vigueur le Carriage Ban de l'OMI, ou interdiction pour tous les navires de transporter à des fins d'utilisation du fuel dont la teneur en soufre dépasse 0,5 % en masse. Cette nouvelle réglementation (issue de la Convention Marpol et de la directive 2016/802) vient en soutien au Global Cap, entré en vigueur au 1er janv. 2020, interdisant l'utilisation d'un tel fuel pour les navires exploités en dehors des zones de contrôles des émissions (ECA). L'art. L. 218-2 C. envir. transpose en droit français ces limitations et interdit l'utilisation de combustibles non conformes. L'art. L. 218-15 prévoit les sanctions encourues en cas d'infraction à ces obligations.
  2. En effet l'art. L. 218-18 C. envir. prévoit la possibilité de citer également l'armateur en qualité de prévenu, ce qui fut initialement le cas dans cette affaire. La citation de Carnival était cependant potentiellement nulle, car elle ne désignait pas précisément qui, au sein de la compagnie, était suspecté d'avoir commis l'infraction, si bien que les premiers juges avaient été contraints de ne pas la considérer comme prévenue, mais seulement comme personne civilement responsable, conformément à l'art. L. 218-23. Mais alors, il fallait condamner le capitaine si l'on voulait éviter la relaxe générale, quitte à faire supporter à la compagnie une partie de l'amende (80 000 € sur les 100 000 prononcés).
  3. Aix-en-Provence, 12 nov. 2019, DMF 2020. 230, obs. G. Brajeux ; EEI oct. 2020, n° 34 et les obs.
  4. Égal. DMF 2021. 39, obs. B. Bouloc.
  5. Une autre question était posée, celle de savoir si un navire de croisière peut être regardé comme un navire à « passagers assurant un service régulier » au regard de la réglementation sur les émissions de soufre. Il nous paraît difficile de l'exclure, même si les navires de croisière exécutent des boucles et non des trajets de A à B.
  6. MM. Bonassies et Scapel, Traité de droit maritime, LGDJ, 3e éd., 2016, n° 286.
  7. V. déjà, Civ. 18 juin 1951, D. 1951. 717, note Ripert ; Civ. 2 e, 23 janv. 1959, DMF 1959. 577, obs. Rodière.
  8. La question devient encore plus complexe lorsque le ministre de l'environnement s'exprime (par une lettre du 12 mai 2016) pour suspendre l'application de ce taux réduit aux paquebots de croisière. Peut-on en conclure que cette suspension est effective, dès lors que ce ministère de l'environnement est celui qui a édicté (par ordonnance) l'art. L 218-2 C. transp. ? Ou faut-il en douter dans la mesure où le formalisme qu'impose l'abrogation ou la suspension d'une disposition n'aurait peut-être pas été respectée ? Carnival, qui dispose d'un service de veille juridique de bon niveau, a édité ses instructions au navire en y intégrant,
  9. pour la France, la non-application du taux réduit aux paquebots de croisière.
  10. « Nul n'est censé ignorer la loi », c'est ce que semble rappeler au capitaine l'arrêt rapporté. En réalité, la loi c'est ici avant tout le code International Safety Management (ISM, que l'on doit à l'OMI et qui est intégré dans la Convention Solas 1994, chap. IX). Ce code cherche à établir une norme internationale de gestion pour la sécurité et l'exploitation des navires et pour la prévention de la pollution. Chaque compagnie doit établir, mettre en œuvre et maintenir un système de gestion de sécurité. La compagnie doit faire appliquer ses directives et définir les responsabilités du capitaine pour mettre en œuvre la politique de la compagnie sur la sécurité et la protection de l'environnement. Les armateurs, dont Carnival, doivent ainsi synthétiser les règles environnementales, ce qui les conduit à connaître les législations nationales et les expose à une responsabilité personnelle lorsque leurs instructions ne sont pas conformes.
  11. V. B. Bouloc, obs. DMF préc., n° 12.
  12. L'intérêt de cette distinction serait d'écarter alors toute transposition de la jurisprudence particulièrement sévère sur les rejets en mer, V. Crim. 10 janv. 2006, n° 05-80.587 ; 18 mars 2008, n° 07-14.180.
  13. V. B. Bouloc, ibid.
Philippe Delebecque
Professeur à l'Université de Paris 1
Panthéon - Sorbonne
Membre de l'académie de Marine


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