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Nouvelles, lettres et extraits, avril - juin 2019
Recueillies par le Cdt B. Apperry

Etats d'âme de la rédactrice en chef de Safety at Sea et résultats d'un récent sondage auprès des marins avec des commentaires.


       Comme chaque début d'année nous avons beaucoup de nouveaux projets et de bonnes résolutions mais comme toujours, inévitablement les mauvaises habitudes reviennent. C'est humain à ce qu'il parait . Mais c'est surtout l'occasion de définir peut-être à nouveau les éléments les plus importants parmi ces résolutions.
Selon un dernier sondage, les préoccupations principales de notre industrie en général et des marins en particulier sont : les incertitudes sur la «deadline» de 2020 pour les carburants à basse teneur en oxyde de soufre d'un côté et la fatigue des équipages de l'autre.

NB : on parle de pollution de l'air des zones fréquentées par les navires de commerce consommant du HFO, mais on parle peu de l'air respiré par les marins eux-mêmes et par les passagers lorsqu'il y en a.

Autres sujets à l'ordre du jour : le retour de la piraterie, dans le golfe de Guinée cette fois, ainsi que des marins à coût réduit abandonnés sur des poubelles flottantes ou les migrants qui continuent de se noyer en Méditerranée mais dont on ne parle plus beaucoup.
 
Les marins sont également préoccupés par les incendies de conteneurs et la constatation que, une fois pour encore pour des raisons de coût, les contrôles du contenu des conteneurs avant embarquement et les moyens embarqués de combat contre le feu sont nettement insuffisants.

Les mesures à prendre selon le retour d'expérience sont et seront certainement prises mais les marins espèrent qu'elles ne seront pas seulement un artifice.

                                      

Rôle de leader des Britanniques dans le navire autonome.


       Les Britanniques en sont à la seconde version du «code of practice for MASS» (Maritime Autonomous Surface Ships) en vue de rester les leaders dans ce domaine. C'est la suite de la première version de 2017 qui tend toujours à standardiser le design, la construction et la mise sur le marché des navires autonomes ou semi-autonomes. Elément important, ce «code of practice» ne concerne en principe que les navires autonomes de moins de 24 mètres (qui existent déjà) mais comporte aussi et c'est nouveau, des principes et directives pour des navires plus grands. On y pense donc déjà, même si aucun n'est encore en essai et encore moins en service.
Ce code est mis à jour pour la partie technique mais aussi pour la partie management c'est à dire les opérations et les compétences nécessaires des opérateurs, comme les formations requises pour les équipages ou encore tout simplement l'immatriculation.

C'est l'occasion de parler du seul porte-conteneurs MASS en construction, le YARA BIRKELAND, qui devrait sortir cette année pour une mise en service l'année prochaine au plus tôt, pour un transport entre une usine d'engrais et le port d'expédition remplaçant ainsi une centaine de camions par jour.

NB : Cette comparaison est une fausse nouvelle, car on aurait pu depuis longtemps passer au petit feeder économe ou hybride sans pour autant le rendre autonome.
Il est vrai que tout va vite et que, même si un «code of practice» n'est pas une référence légale, les règles ne suivaient pas forcément. En ce qui concerne les compétences requises pour cette industrie, ce code va aussi servir à aider l'OMI à définir les différents codes nécessaires pour ce nouveau genre de transport maritime, un gros travail en perspective.


                                      

Anti-corruption maritime.


       Après l'industrie offshore, le pavillon libérien est le premier pavillon à rejoindre le réseau Marine Anti-corruption (MACN). En effet notre industrie a du mal à reconnaître cet aspect du business, vieux comme le monde. Ce pavillon est fort de 4 400 navires soit 8,5% de la flotte océanique mondiale.
L'engagement consiste en un ensemble de procédure pour éliminer la corruption mais aussi en un système de «reporting» des «tentatives» faites par des officiels pour leur enrichissement personnel sur le dos des armateurs.
L'espoir est que d'autres pavillons prennent également cet engagement.
Nos amis Africains restent quand même sceptiques, mais c'est un progrès car il n'y a pas longtemps encore, ils éclataient de rire lorsqu'on parlait de cela : rappelez-vous le «bribery act» des années 2010.

                                      

Augmentation des salaires à l'international.


       Des efforts sont faits en ce moment (réunion semestrielle syndicats/armateurs chez ILO en novembre 2018) pour une augmentation des salaires à l'international, car leur valeur dans les différents pays fournisseurs de main d'œuvre a perdu environ 15% depuis 2010.
On table donc aujourd'hui sur 614 US $ par mois pour une moyenne de 48 h par semaine, sachant que les heures supplémentaires peuvent faire monter le temps de travail jusque 90 heures par semaines soit 13 heures par jour. Par ailleurs, le temps d'embarquement moyen est de 9 mois et peut être étendu de 2 mois maximum...
On peut apprécier que notre industrie, après la formation STCW universelle, est la seule à avoir cet avantage de salaire mondial minimum (ITF).

                                      

Saisissage des conteneurs.




       Source : déclarations d'ITF suite à un accident mortel d'un membre d'équipage en novembre 2018 sur le PC FRANCOP (pavillon Antigua/Barbuda) à Dublin. En effet Dennis Regana et ses collègues saisissaient des conteneurs en pontée pendant le chargement. Pour ITF, le saisissage n'est pas le travail des marins. Au port, entretien ordinaire et le repos pour les marins, la manutention et le saisissage pour les dockers spécialisés et formés pour le faire. Cette réclamation n'est pas nouvelle. Mais le saisissage par l'équipage doit être moins cher.
Les conclusions de la commission d'enquête irlandaise sont attendues, surtout sur des propositions dans le sens espéré par ITF.

                                      

Cyber-attaques.


       Les Australiens ont trouvé des hackers Iraniens derrière une cyber-attaque du chantier Austal (les catamarans HSS CAT y compris ceux pour l'US Navy), accompagnée d'une demande de rançon.
Les conséquences semblent négligeables mais malgré tout, des éléments classifiés ont été ensuite proposés sur le web. Cependant, on assure qu'aucune information sensible n'a été piratée.

Hyundai Marine a réagi aux cyber-attaques qu'elle a subi récemment (hacking d'emails, intrusion dans des données techniques et commerciales) en assurant des formations pour tous les employés y compris des formations en ligne. Après Maersk et Cosco, près de 7 000 entreprises ont été attaquées par le virus NotPetya qui a exploité une faille dans l'univers Microsoft. On estime que Mearsk a perdu globalement 300 millions de $ pour une interruption des opérations de ses terminaux pendant deux semaines. Cosco a aussi souffert de la même attaque sur ses lignes US en juillet 2018. Une sensibilisation des employés leur a semblé nécessaire en insistant sur les contremesures à prendre et sur une vigilance permanente.

                                      

Piraterie en mer Rouge.


       Stena a confirmé l'approche d'un de ses chimiquiers de 50 000 tonnes par un navire suspect en mer Rouge le 3 novembre 2018, alors qu'un autre navire marchand a été approché par trois embarcations du côté de Bab-el-Mandeb selon UKMTO.
Le Stena Imperial a été approché sur bâbord par deux embarcations suspectes. L'équipe sûreté alertée s'est réunie à la passerelle. Les embarcations se sont écartées à la suite de l'avertissement lancé par le Stena (feux d'alerte à mains). La troisième embarcation sur l'arrière tenta une seconde approche et les feux à mains ont été à nouveau utilisés comme avertissement. Finalement les embarcations ont renoncé.
Globalement, dans le golfe d'Aden, la piraterie s'est calmée et il n'y a pas eu de piratage depuis longtemps. Le CEO de Stena Bulk indique «Il faut dire qu'en choisissant de naviguer dans les eaux côtières du Yémen, nous utilisons des gardes armés étant donné le manque de contrôle de la région et tout se passe comme en Somalie il y a quelques années. Il y a donc trois ou quatre anciens militaires sur chaque navire qui traverse les zones à risques du Yémen ou du Nigeria de l'autre côté de l'Afrique. Ces incidents surviennent deux semaines après que le vraquier KSL Sydney ait été attaqué en Somalie en octobre 2018. A cette occasion, les gardes armés à bord de ce «capesize» ont échangé des coups de feu avec les pirates qui étaient équipés de grappins. Les pirates ont renoncé et ont rejoint le navire-mère. Mais la force EUNAVFOR à l'aide d'un avion les ont retrouvés et les ont détruits le 27 octobre.
Les consignes de prudence sont donc toujours en vigueur même si ce sont les incidents les plus sérieux de 2018 après les 6 autres incidents signalés par les forces US, comprenant 2 hi-jacking, dans cette région de la corne de l'Afrique en 2017.

                                      

La tension monte en mer d'Azov.


       Les menaces des Russes de couler les navires marchands pourraient être réelles car les tensions montent depuis la fin 2018.
Il s'agit de la guerre interne entre la République populaire autoproclamée du Donetzk et les autorités légales ukrainiennes qui ont comme projet de couler des navires quel que soit le pavillon afin d'attiser la tension.
La situation est que les Russes ont concentré des forces navales et se préparent à bloquer les ports ukrainiens de la région (Berdyansk et Mariupol et un peu plus loin Yushny).
En conséquence le trafic local a baissé de 37% en 2017 et sa chute continue.
Les interventions russes sont entre autre l'interception et la fouille de plus de 100 navires marchands ukrainiens provoquant des pertes financières conséquentes aux armateurs et aux ports fréquentés. Pour les Ukrainiens, les Russes ont pris le contrôle total de la mer d'Azov en 2018 en violation du traité de 2003. Les Ukrainiens menacent de rendre caduc ce traité, ce qui pourrait avoir de très graves conséquences pour eux ont répondu les Russes.

                                      

Les armateurs réclament une révision de la convention STCW.


       Le patron de l'ICS réclame une révision complète de la convention qui concerne aujourd'hui près de deux millions de marins.
La révision de 2010, bien qu'importante, est néanmoins considérée comme une révision intérimaire qui a apporté quelques nouveautés suivant l'évolution du transport maritime, sans pour autant s'adapter aux grands changements structuraux aptes à créer des nouvelles compétences pour opérer les navires du futur.
En ce qui concerne les officiers, il est courant de fournir des formations complémentaires dans le cadre de la certification, mais dans le cadre de la situation du XXIe siècle seulement.
L'ICS réclame donc une révision complète pour accompagner les évolutions rapides de la technologie y compris sur l'automatisation en pleine explosion. La structure de STCW devrait être une structure flexible pour atteindre l'objectif de changement de la flotte mondiale et pourrait peut-être se présenter sous une forme plus modulaire pour l'accumulation des compétences et leur certification. «Les nouvelles technologies sont déjà en train de changer les fonctions à bord et les compétences requises pour ce faire». Même si STCW est déjà sous forme de modules, il faudrait une plus grande flexibilité entre les notions anciennes du XXe siècle et avant les compétences différentes «pont et machine».
D'autre part, on constate que les officiers ont une piètre connaissance de COLREG ce qui est un comble, et qu'il a fallu fournir des formations complémentaires en ligne. C'est aussi pour cela qu'il faut accroître le contrôle des instituts nationaux de formation. Une révision de STCW devrait aussi améliorer le contrôle de son application. En effet la «White list» ne veut plus dire grand-chose aujourd'hui car elle comprend, sans surprise, tout le monde : on est dans le politiquement correct.
L'ICS estime qu'aujourd'hui il devrait y avoir un système plus adapté et plus transparent de l'application nationale de la convention afin d'avoir des marins compétents et de qualité.
L'idéal serait d'avoir ce travail effectué pour les premières années suivant 2020, mais ceci est entre les mains des membres de l'OMI.

Commentaires : On ne manque pas d'air à l'ICS !
Tant que la technologie reste de base si on peut dire, les armateurs n'avaient pas d'états d'âme à embaucher des marins à coût réduit, à la formation parfois douteuse. Aujourd'hui déjà, la compétence ne peut plus être aléatoire et la technicité des navires du futur ne le permettra plus du tout. Pour avoir des équipages compétents sur les navires du futur, il va falloir les payer en sachant que le doublement des salaires ne sera même pas suffisant.


                                      

Formations "feu" à Rotterdam.


       Certainement incités par les récents incendies sur les porte-conteneurs et autres ferries, les centres de formation évoluent. En effet, ce sérieux problème a poussé le port de Rotterdam à améliorer ses formations "feu" qui concernent le port mais aussi les résidents, les compagnies et les autres usagers du port. Le retour d'expérience fort de 33 ans de formation a amené à créer des environnements aussi réalistes que possible en ce qui concerne les navires. La qualité de la formation y est à un tel niveau qu'on peut réduire les temps de formation donc le coût final. L'hygiène et la santé au travail, la prévention de la pollution, la protection de l'environnement comme les formations sécurité standard figurent dans leurs propositions.

                                      

Formation : module "SANTE MENTALE" du marin


       Le module appelé «Santé mentale et bien être» est disponible gratuitement (dû certainement à l'importance et à l'urgence du sujet).
Le programme a été produit en association avec l'ISWAN et un important groupe de compagnies ou organisations y compris l'OMI. Il est disponible sur videotel.com/seafarerwellbeing
Il s'agit d'une vidéo et de brochures comprenant des retours d'expérience et surtout des recommandations pour tirer le meilleur parti des possibilités existantes à bord et notamment le repos, la diététique, les activités de groupe (jeux, concours) etc.

Un souvenir : Notre collègue Mariange JEGU a effectué son dernier voyage récemment. A l'occasion de la prise en compte de cet intérêt pour le «bien être du marin», une pensée pour lui par ceux qui l'ont connu toujours préoccupé des loisirs à bord pour notamment une meilleure ambiance certainement plus propice à un travail de qualité.

                                      

Les préoccupations du transport maritime pour 2019.




       Sondage : Pour les marins, quelles sont les 3 principales questions de sécurité pour 2019 ?

En 2018, les incendies de conteneurs étaient sûrement leur principale préoccupation (rappel Maersk Honan, Maersk Kensington où 5 marins perdirent la vie).
La réponse des experts a été : cela ne fera qu'empirer si on ne fait rien. C'est une lapalissade bien sûr mais Nick Sloane, spécialiste bien connu du sauvetage en mer, demande une révision des équipements sécurité à bord et les assureurs IMUI précisant que la protection incendie des PC de 2 000 teu construits il y a 45 ans était meilleure que celle d'aujourd'hui et tout cela pour construire toujours plus grands et toujours moins cher. (ref : article de Afcan Info «génération maritime low-cost»). Pour ces conteneurs, les causes originelles sont principalement les fausses déclarations de leur contenu avec des marchandises qui ne devraient pas être transportées ainsi et qui ne seront pas disposés sur le navire là où il faut.
D'autre part, le cap 2020 des combustibles est aussi une forte préoccupation tandis que les fuels embarqués récemment dans le golfe du Mexique ou en Asie du Sud Est ont provoqués de sérieux problèmes techniques.
La pression monte pour améliorer le EEDI (Energy Efficiency Design Index) des nouveaux navires (phase 3). La méthode préconisée serait de diminuer la puissance de la propulsion avec le risque de descendre au-dessous du minimum fixé par le constructeur en oubliant que le navire doit conserver la puissance nécessaire pour le mauvais temps et les manœuvres de port.
Pendant ce temps-là les syndicats se préoccupent du problème toujours important de la fatigue qui s'est trouvé amplifié depuis l'échouement de l'Exxon Valdez. Récemment une enquête AMSA (Australian Maritime Safety Authority) a trouvé des marins travaillant une moyenne de près de 62 heures par semaine dont plus de 20% avec une pathologie de fatigue chronique. Tout cela ne va pas s'améliorer avec les occupations supplémentaires de la gestion des eaux de ballast et les mouvements de combustible à l'horizon 2020.
Avec le Brexit qui va reduire l'emprise des directives européennes concernant les marins, et l'accroissement des attaques de navires en 2018 par rapport à 2017 surtout dans le golfe de Guinée, une grande industrie qui emploie près de 1,5 millions de personnes devra se remettre en question au sujet de la protection des équipages.
Enfin la santé mentale des marins sera aussi à l'ordre du jour avec ses éléments classiques : ennui, solitude et isolement. L'accès à internet fait des progrès y compris dans les zones réputées difficiles.
Enfin il subsiste encore des cas d'abandon par leur armateur des équipages qui pour espérer être payés un jour, doivent rester à bord, complètement livrés à eux-mêmes, sans moyens de subsistance et donc sans pouvoir faire vivre leur famille restée au pays.

                                      



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