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ECHOUEMENT DU MELBRIDGE BILBAO
 
  • Porte conteneur 1015 TEU
  • 4 cales - 2 grues de 40T
  • construit en Pologne en 1994
  • Longueur 150 m
  • 1 propulseur d'étrave, 18 nds
  • Équipage: 14 hommes - russes et philippins.
  • Pavillon Antigua qui est plus ou moins le pavillon bis allemand.
  • Le Commandant, le Second-Capitaine et le Lieutenant, assurent chacun 8 heures de quart.
  • Venant de La Havane (Cuba) pour Rotterdam, ligne régulière.
  • Chargé de 215 containers pratiquement tous vides.
  • S'est échoué sur l'île Molène le 12 Nov. 200l à marée basse par beau temps et bonne visibilité.

       Le navire avait quitté La Havane le ler Novembre et a traversé à 17,0 nds. Il a évité 2 cyclones, le Commandant avait choisi de rentrer en Manche par le D.S.T. de Ouessant, voie intérieure.

       Le Second Capitaine prend le quart à 04h00 le 12 Novembre, après le Lieutenant. Il s'était mis à travailler sur son ordinateur la veille au soir sur un programme d'opérations commerciales pour Rotterdam et s'était laissé entraîné par ses travaux jusqu'à 01h30. Il faut dire que la traversée avait été mouvementée et que ce jour là la mer était belle. Au réveil à 4h00, il se sentait en forme malgré tout.

Passerelle moderne :
  • 2 radars (avec fauteuil en face)
  • 2 GPS etc.....
  • Une alarme "homme mort" réglable 1, 3, 12 minutes et 7 boutons pour acquitter, répartis tout autour de la passerelle.
       Le Second Capitaine a shunté l'alarme pour préparer le message POSREP à lire à Ouessant trafic. Il a rectifié la route vers 05h00. Il s'est assis, attendant l'heure de tourner au waypoint S.E.- OUESSANT prévu vers 06h00 et s'est endormi.
       Ouessant Trafic a appelé par VHF ce navire fantôme qui suivi sa route au 068° en ignorant tout appel du Cross. Il s'est finalement échoué sur l'île de Molène à marée basse, endommageant considérablement ses bordés de fonds. En particulier il a éventré ses double fonds caisses à FO 380 cst. situées au milieu ainsi que ses ballasts adjacents en forme de L.

       L'AFCAN a toujours été opposée au quart du capitaine et dans ce cas précis, cela se justifie.

       Légère pollution, les caisses n'étaient pas pleines et le fuel s'est retrouvé sur le plafond de ballast et dans les ballasts à eau.
       La Préfecture Maritime a envoyé une équipe d'investigation par hélicoptère et demandé à l'Abeille Flandre de faire route sur les lieux de l'accident. La vedette SNSM était à proximité et des marins de cette vedette sont montés à bord du Melbridge Bilbao et de l'Abeille Flandre à son arrivée. Nous nous étonnons d'apprendre qu'aucun pilote civil, avec cartes de détails, n'ait pas été déposé à bord par l'hélicoptère.

       Le navire s'est déséchoué tout seul à la marée montante et l'Abeille Flandre l'a remorqué jusqu'au mouillage de Bertheaume à l'entrée du goulet où la Marine Nationale a installé un barrage antipollution et a demandé à ses plongeurs d'investiguer et de décrire les avaries à la coque.

       Après versement d'une caution de 600 000 F l'autorisation d'entrer au port à été obtenue d'autant que le navire ne polluait pas.

       En pleine période vigipirate et après Erika/levoli Sun la presse s'est déchaînée 2 jours contre les pavillons de complaisance, les équipages incapables, l'inefficacité des moyens de protection de nos côtes (utilité du nouveau dispositif initié par l'AFCAN et plus éloigné des côtes) etc... Les associations "keep it blue" et "défense des victimes de marée noire" ont porté plainte contre le capitaine qui n'avait pas choisi son point d'atterrissage au milieu de la Manche, etc...


Les enquêtes :
  1. Dès l'accostage enquête par l' inspecteur du BEA

  2. Enquête judiciaire
    Le lendemain matin et pour 24 heures, le Commandant. et le Second sont en garde à vue, interrogatoire par les gendarmes maritimes, assistés d'interprètes russes. (A remarquer que pendant quelques heures alors que le Lieutenant était à son tour interrogé, il n'y avait plus d'officier pont à bord ! )
    Les gendarmes maritimes (qui, nous le savons, ont une grande expérience de la navigation au commerce, des règlements internationaux etc..) avaient mis hors de cause le Capitaine qui après son quart dormait.
    En fin de compte seul le Second-Capitaine a été mis en examen. Il est curieux de voir la variabilité des attitudes des juges d'instruction ou des procureurs devant les accidents maritimes (dans le cas de l'Ocean Transporter, abordage avec le chalutier "Noble Art", c'est le Commandant qui s'était retrouvé en détention provisoire alors que l'on confiait le navire au Second pourtant de quart au moment de l'accident).

  3. Enquête par l'Administrateur des Affaires Maritimes

  4. Enquête par un expert commis par Antigua


Les opérations :
 
Les autorités ont exigé une dépollution des soutes à fuel et des ballasts pollués. Ceci a eu lieu en cale sèche pendant 2 semaines.

L'armateur aurait semble-t-il souhaité que le navire rejoigne un port de réparation dans le nord par ses propres moyens, avec un remorqueur d'escorte.

Finalement, le centre de sécurité a exigé pour ce voyage un remorquage, navire vidé de sa marchandise, de ses soutes et sans équipage.

L'armateur ayant trouvé les délais et tarifs brestois supérieurs aux propositions allemandes, le navire est parti à la remorque.


  Le procès

  Le 8 janvier 2002.

       Le second (43 ans) s'est présenté, défendu par un avocat du P & I armateur. Deux chefs d'accusation : " mise en danger de la vie d'autrui due au non respect du Colreg 72" et "pollution".

       Rien qu'au titre de la pollution involontaire le second risquait la moitié de la peine prévue pour pollution volontaire (4 ans d'emprisonnement et 610 000 E d'amende !) Il lui a été reproché d'avoir pris le quart fatigué, d'avoir shunté l'alarme. Il a bien sûr beaucoup été question de l'alarme homme mort... pas toujours bien comprise.
Pourquoi n'avoir pas entendu l'alarme du GPS au waypoint (nous savons par expérience que si on n'a pas le nez dessus on ne l'entend pas ... l'alarme du sondeur ? - la VHF. Le second dormait et n'avait pas réveillé le matelot de veille !
Le procureur a requis 6 mois avec sursis et 15000 € d'amende! pour faute professionnelle.

       Pour la détermination des peines, le procureur s'est référé au Code Disciplinaire et Pénal de la Marine Marchande, tout en précisant qu'il appartenait au Tribunal Maritime Commercial seul de juger au titre de ce Code.

Le jugement a été rendu le 5 février :
  • 6 mois avec sursis,
  • 3000 € d'amende,
  • 2000 € de dommages et intérêts à l'île de Molène,
  • 1000 € au Syndicat Mixte de Protection du Littoral Breton (Vigipol)
  • 750 € pour le remboursement des frais d'avocats.
       Ce n'est peut-être pas fini car le Syndicat de la Confédération Maritime (Mallardé qui conduisit le bulldozer dans la vitrine du Fipol) et l'association "Keep it blue" de Jo Leguen ont porté plainte avec constitution de partie civile.


  Un cas d'école :

         Il faut savoir que le P&I et l'assureur coque assurent l'armateur et ont leur propre agent. Le manning operator prend en charge l'équipage, a son propre assureur (qui avance la caution) et a sur place son propre agent. Pour ce qui concerne la marchandise et son rapatriement, l'affréteur a son propre agent ... Ainsi, pas de mélange.

       La Présidente, dès le début de l'audience a précisé que ce procès était celui du Second Capitaine et de lui seul, ce qui occultait "de facto" toute question éventuelle concernant le Capitaine et l'Armateur dans le cadre de l'organisation du quart passerelle.
Il apparaît donc une lacune dans la recherche de toutes les responsabilités.

       En outre, le Second Capitaine étant défendu par l'avocat du P&I armateur, ce n'est pas de celui-ci qu'il fallait attendre, pour la défense de l'accusé, la recherche d'une éventuelle responsabilité partagée avec le Capitaine et l'Armateur dans l'organisation du travail qui a pu amener à l'accident.
       Ceci confirme que pour un officier, et encore plus un commandant, faire assurer sa défense par un avocat fourni par l'armateur demande réflexion. Tant que les intérêts convergent, tout va bien, mais dans le cas contraire il ne faut pas oublier que l'on peut récuser à tout moment le défenseur fourni pour en prendre un autre. (d'où l'intérêt d'une association comme l'AFCAN).

Il y a là matière à réflexion pour tous les capitaines.

 

       C'est en peu de temps le 3° navire Antigua qui s'échoue parce que l'officier de quart s'est endormi. Comme nous le savons, il est malheureusement trop courant d'avoir des navires qui pratiquent le quart de nuit avec l'officier de quart seul.

       La note sera évidemment très lourde: Marine Nationale, rémunération de remorquage, dépollution du navire et de la cale sèche, réparation (# 130 T de tôles à changer), transit des conteneurs, voyage de l'équipage, manque à gagner, une armée d'experts et d'avocats, peut être une indemnité pour l'île de Molène pour traumatisme de population ! etc...
Très chère l'heure de sommeil !

       Peut être un jour les assureurs réagiront-ils en regardant de plus près la décision d'effectif, le temps de travail !
Peut être un jour l'OMI aura-t-elle le courage d'être plus précise et plus claire sur l'interdiction absolue du quart "seul" de nuit , et sur les modalités des dispositifs d'aide au quart éventuel "seul de jour" !

       Peut être un jour, dans la boite noire qui s'annonce, le veilleur de nuit sera-t-il enregistré, de même que la mise en fonction des dispositifs éventuels type homme mort" ! Quoique dans ce cas particulier cela n'eut servi à rien, il serait bon que la France imite le pragmatisme anglais en interdisant le quart seul de nuit dans ses eaux territoriales. Cela donnerait toujours un motif évident d'inculpation au procureur terrien français.

       Durant ces dernières années on a supprimé ou on a réduit le champ d'application des tribunaux particuliers. Revers de la médaille, les marins sont souvent jugés par des magistrats peu au courant des conventions internationales et des lois maritimes françaises. Il serait bon que dans un premier temps ils s'entourent de "sachants" en attendant de confier à la future garde-côte européenne des pouvoirs d'enquête.

La rédaction d'AFCAN Infos
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