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CHANGEMENT DE STYLE AU BEA MER



       Pour ceux qui ont lu sur le site du BEA Mer le rapport d'activité second semestre 2003 et de l'année 2004 ainsi que le récapitulatif des synthèses d'évènements de mer il est facile de constater qu'en effet, le style a changé.

A cela deux raisons :
  1. les conséquences de la loi 2002.3 du 03.01.02 portant sur la sécurité des transports dont le décret d'application est paru fin janvier 2004. Cette loi précise les conditions dans lesquelles le BEA Mer enquête sur les évènements, ses prérogatives et ses rapports avec le procureur ou le juge d'instruction en cas d'enquête judiciaire. En particulier, les articles 22 et 23 titre III de cette loi précisent les conditions de diffusion au public d'information à caractère technique.

    Article 22

    1. Les personnes chargées de l'enquête et les experts auxquels ils font éventuellement appel sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l'article 226-13 du code pénal.


    2. Par dérogation aux dispositions du I, le responsable de l'organisme permanent est habilité à transmettre des informations résultant de l'enquête technique, s'il estime qu'elles sont de nature à prévenir un événement de mer, un accident ou un incident de transport terrestre, aux autorités administratives chargées de la sécurité, aux dirigeants des entreprises de construction ou d'entretien des infrastructures, des matériels de transports ou de leurs équipements, aux personnes physiques et morales chargées de l'exploitation des infrastructures ou des matériels de transports, ou chargées de la formation des personnels.

      A cette même fin, le responsable de l'organisme permanent et, le cas échéant, les présidents des commissions d'enquête sont habilités, dans le cadre de leur mission, à rendre publiques des informations à caractère technique sur les constatations faites par les enquêteurs, le déroulement de l'enquête technique et, éventuellement, ses conclusions provisoires.

    Article 23

    En cours d'enquête, l'organisme permanent peut émettre des recommandations de sécurité s'il estime que leur mise en œuvre immédiate est de nature à prévenir un événement de mer, un accident ou un incident de transport terrestre.
    Il rend public, au terme de l'enquête technique, un rapport sous une forme appropriée au type et à la gravité de l'événement. Ce rapport n'indique pas le nom des personnes. Il ne fait état que des informations résultant de l'enquête nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l'accident ou de l'incident, et à la compréhension des recommandations de sécurité.

    Avant la remise du rapport, les enquêteurs techniques peuvent recueillir les observations des autorités, entreprises et personnels intéressés qui sont tenus au secret professionnel en ce qui concerne les éléments de cette consultation.
  2. Le 1er décembre 2003 le BEA Mer a changé de directeur, l'Administrateur Général Georges Touret ayant passé le relais à l'Administrateur en chef Jean Marc Schindler. Comme tout nouveau patron, une fois rendu hommage à son prédécesseur il a voulu imprimer sa marque.

    • création d'une identité visuelle et d'une charte graphique,
    • redéfinition de la présentation des rapports d'enquêtes,
    • création de fiches de synthèse d'événements de mer au titre du retour d'expérience,
    • rapprochement avec les autorités judiciaires dans les conditions prévues par la loi de 2002,
    • rapprochement avec le très ancien Bureau d'Enquête et d'Analyse pour l'aviation civile (BEA) et le tout nouveau Bureau d'enquêtes après accidents et d'incidents de transports terrestres (BEA-TT) créé début 2004,
    • renforcement de la présence du BEA mer français sur la scène internationale.

       Dans ces impulsions une nous semble particulièrement prometteuse, c'est le rapprochement avec le BEA Air, quand on connaît le sérieux de cet organisme.

       La création des fiches de synthèse pour retour d'expérience nous semble aussi de bon augure, cependant, la lecture des 17 premières nous a laissé sur notre faim (14 concernent la pêche, une la plaisance et deux des abordages caboteur /pêcheur).Pour celles qui concernent des navires de commerce et que nous reproduisons plus loin le défaut de veille est évident, encore faudrait-il en connaître les raisons et les circonstances (manque de personnel ou de qualification, surcharge de travail, fatigue) en tout cas cela nous étonnerait que cela proviennent du fait que certains membres d'équipage n'étaient pas à jour de leur visite annuelle. S'il est vrai que ces fiches se rapportent à des évènements simples, même si quelquefois il y a eu mort d'homme, il ne faut quand même pas enfoncer des portes ouvertes. Peut être que des accidents ayant des causes plus complexes techniquement ou humainement donneront lieu à des fiches jouant vraiment leur rôle de retour d'expérience.

       En ce qui concerne les rapports d'enquête celui sur la perte du TAHITI NUI IV montre que même sous les tropiques les règles demandant un bon état de navigabilité sont à respecter. Celui sur l'explosion du CHASSIRON pose le problème des navires citernes de moins de 20000 T dépourvu d'installations de gaz inerte. Les rapports postérieurs à janvier 2004 sont en réécriture pour se conformer à la loi du 03/01/02 et devraient paraître à la fin de l'année.

       Nous espérons que le BEA Mer continuera à œuvrer pour la réalisation des recommandations affichées en fin de son rapport d'activité : L'AFCAN est prête, dans la mesure de ses moyens, à apporter son concours pour que l'on avance sur ces différents problème.

Cdt Ch.LOUDES


                                   


SYNTHÈSE D'ÉVÉNEMENT DE MER   N° 5/2004

ABORDAGE ENTRE UN FILEYEUR ET UN CHIMIQUIER

Rappel des faits :

  Le catamaran fileyeur (construction plastique, longueur 12,0 m) sort à 10h35 de l'écluse de SAINT MALO pour faire route à 8 nds vers ses lieux de pêche. Quelques minutes plus tard le chimiquier (longueur 90,0 m) appareille du même port. Après avoir débarqué son pilote il met en route libre à 11 h15 aux abords N de la bouée d'atterrissage ; la machine est réglée à 12 nds. Le fileyeur en route au 320 est rattrapé sur son Td AR par le navire de commerce lui-même gouvernant au 300. A 11 h28 les deux navires entrent en collision après que chacun d'eux ait entrepris une manoeuvre de dernière minute. Le navire de pêche est abordé violemment à Td à hauteur de son vire filet et rague des formes AV à l'AR Bd du chimiquier. Le navire de pêche escorté par le canot SNSM, malgré d'importantes avaries, rentre par lui-même au port. Le chimiquier est retenu sur rade quelque temps en vue de procéder aux débuts de l'enquête mais les conditions météorologiques s'étant dégradées il devient dangereux d'y embarquer. Une inspection MOU est alors prévue à son port de destination et il est libre de mettre en route à 16h15.

Paramètres océano-météorologigues :

Pleine mer à 12h07 (C = 57), courant portant à l'E. Vent frais de SW levant une mer agitée.
Bonne visibilité et ciel couvert.

Causes :

Mauvaise interprétation du RIPAM et inefficacité de la veille

Remarques:

  1. De nombreuses contradictions ont été relevées dans les rapports des deux navires.
  2. La position de l'abordage se trouvant hors du chenal dans lequel doivent se trouver les navires transportant des matières dangereuses l'abattée à gauche du chimiquier était sans doute destinée à y revenir. Par contre le fileyeur se trouve parfaitement sur sa route vers ses lieux de pêche.
  3. On se trouve dans le cas du navire qui en rattrape un autre ; aux termes du RIPAM (règle 13) le chimiquier n'était donc pas privilégié vis à vis du pêcheur : il lui appartenait de prendre les premières mesures pour éviter l'abordage.
  4. Selon les bases de données relatives aux inspections des autorités dans les ports, le chimiquier était un navire n'inspirant pas d'inquiétudes particulières.
  5. A bord du navire de pêche construit en 1993 les titres de navigation sont valides. Son équipage de cinq personnes est supérieur aux trois hommes réglementairement requis. Le patron expérimenté est Capacitaire, deux de ses hommes sont sans qualification. Quatre visites médicales ne sont pas à jour dont celle du patron.

Conséquences:
  1. Aucune pour le chimiquier à l'exception du temps perdu sur sa rotation.
  2. Manque à gagner pendant la durée des réparations du navire de pêche.
  3. Importantes avaries pour le fileyeur et sous réserve d'un examen plus approfondi à sec et en chantier en particulier pour l'installation machine :
    • Pont couvert : superstructures en aluminium déformées.
    • Projecteurs de pont arrachés sur Td
    • Cheminée d'échappement Td déformée
    • Vire filet endommagé
    • Fissures au dessus du pont de franc bord et autour de la timonerie
Leçons à tirer :
  1. Le RIPAM doit être particulièrement bien connu et interprété. La règle 8a qui prévoit que la manoeuvre pour éviter un abordage soit si les circonstances le permettent, exécutée franchement, largement et conformément aux bons usages maritimes était facile à respecter du fait que les navires se trouvaient en eau libre
  2. Quand les navires sont très proches les uns des autres l'efficacité de la veille ne tolère pas un instant de relâchement.


                                   


SYNTHÈSE D' ÉVÈNEMENT DE MER N° 7/2004

ABORDAGE ENTRE UN COQUILLER ET UN CABOTEUR
AUX ABORDS IMMEDIATS DE LA VOIE NE DU D.S.T. DU PAS DE CALAIS


Rappel des faits :

  Le navire de pêche est un catamaran plastique de 16,45 m, c'est un chalutier-coquillier en pêche à la coquille par mauvais temps dans la voie NE du DST du Pas de Calais. Après avoir viré ses dragues cap au 280 et suite à un problème sur celle de Bd il fait plus d'un demi tour par la droite. II aborde alors de son étrave Bd un caboteur fluvio-maritime de 90 m (à hauteur de la hanche Bd). Ce dernier est en route au 70 en bordure extrême de la zone de séparation du DST. En route retour, les premières avaries constatées à bord du navire de pêche paraissent mineures mais par la suite il se déroutera vers un port proche et une moto-pompe devra être hélitreuillée pour étaler une voie d'eau.

Paramètres océano-météorologiques :

Marée de coefficient 59, fin du courant de jusant portant au SW. Vent soufflant grand frais de secteur NNW sur mer forte, bonne visibilité et ciel couvert. Causes :

Défaut de veille et distances de sécurité trop faibles (RIPAM 2 + 5 + 6).

Remarques :
  1. L'abordage se situe en marge du DST mais le navire de pêche s'y trouvait peu avant à une route inverse. II est vraisemblable qu'il n'y gênait pas alors les navires qui y transitaient (RI PAM 10i ).
  2. Au moment de l'abordage le caboteur était sorti de la voie NE et se trouvait dans la zone de séparation du trafic.
  3. Mauvaise ergonomie visuelle depuis la timonerie du navire de pêche.
  4. L'unique essuie glace de la timonerie du pêcheur n'était pas opérationnel alors que les conditions de mer généraient certainement pas mal d'embruns limitant la visibilité et cela au moins avant que le navire ne manoeuvre pour résoudre son problème de drague.
  5. Le coquillier construit en 1981 était armé en pêche côtière, il était à jour de ses titres de navigation pour une navigation en 3ème catégorie (< 20 milles de la côte la plus proche).
  6. L'ensemble de l'équipage du navire de pêche était expérimenté et administrativement en règle du point de vue titres de formation et visites médicales.
Conséquences :

Navire de pêche immobilisé pour réparation de ses avaries.

Leçons à tirer :

  1. Maintenir une veille efficace conformément au RIPAM
  2. S'assurer au moment d'entreprendre une manoeuvre technique de pêche qu'elle ne risque pas de surprendre un autre navire à proximité.
  3. La visibilité étant un facteur essentiel de sécurité, l'ergonomie de la timonerie doit être étudiée en conséquence.
  4. L'équipement nécessaire à la veille (essuies glaces, hublots tournants, jumelles...) doit être maintenu en bon état.
  5. Les conséquences d'un accident donné peuvent être aggravées par la distance qui sépare le navire d'un abri. II est donc très important de respecter les catégories de navigation dont le but est la sécurité de la vie humaine en mer.
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